Sainte diplomatie

Sainte diplomatie

Les accords du Latran de 1929 ont entériné la souveraineté du Vatican, conférant à l’Eglise catholique une influence incontournable sur la scène internationale. Entretien avec Monseigneur Ettore Balestrero, Observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies.

Par Myriam Bettens | Photo: Jean-Claude Gadmer

Quelle est la mission de l’Observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies ?
L’Eglise catholique est la seule institution religieuse au monde à avoir accès aux relations diplomatiques, comme cela est reconnu par le droit international. Les raisons de cette reconnaissance se trouvent dans l’universalité et la transnationalité de l’Eglise catholique et dans le fait que le Pape, contrairement à tout autre chef religieux, a une juridiction effective sur toute l’Eglise catholique. Le Saint-Siège est partie prenante de divers instruments internationaux [ndlr, conventions], il est membre ou observateur permanent dans les institutions spécialisées des Nations Unies ainsi que des organisations intergouvernementales internationales et participe donc activement à l’élaboration et aux travaux de l’Organisation des Nations Unies et des autres organisations.

Quel est l’avantage du statut d’observateur par rapport à celui de membre votant ?
L’ONU est une organisation avec une dimension politique dont les membres doivent prendre des positions politiques qui reflètent certains intérêts, parfois légitimes, mais toujours partisans. Ce positionnement est contraire à la dimension universelle et à la nature essentiellement spirituelle et morale du Saint-Siège. Il ne poursuit pas d’objectifs politiques ou économiques, mais uniquement religieux ou moraux, qui transcendent les limites géographiques des pays et des continents. De plus, en devenant membre, il ferait l’objet de nombreuses et pressantes demandes d’adhésion à des traités internationaux qui vont à l’encontre des positions de l’Eglise catholique et de la loi naturelle comme l’avortement ou l’euthanasie.

Quelle valeur ajoutée l’implication de la religion dans les affaires d’Etat offre-t-elle aux gouvernements ?
La religion a un effet sur les affaires des Etats, soit parce qu’elle est porteuse de valeurs auxquelles de nombreux citoyens s’identifient, soit parce qu’elle est un facteur de paix. En ce qui concerne l’Eglise catholique, le consensus est qu’il s’agit d’un acteur crédible, significatif et faisant autorité. Le Saint-Siège est, en ce sens, une autorité reconnue explicitement ou implicitement. De plus, bien souvent, les hommes et les femmes d’Eglise connaissent la réalité du terrain dans certains pays mieux que les institutions elles-mêmes, c’est donc un interlocuteur utile et fiable.

Comment contribuer à une interaction adaptée et efficace des religions, avec les objectifs et les activités des Nations Unies ?
La collaboration exige un respect partagé de la nature de l’homme, car c’est le seul dénominateur commun qui permette une rencontre efficace et profonde. Il faut en tout cas éviter de faire de l’ONU et de ses programmes une sorte de religion ou d’autorité morale incontestable. Quant à l’ONU, celle-ci ne devrait pas imposer aux religions de collaboration contraire à leurs propres principes et à ceux de millions de personnes qui y adhèrent. Par conséquent, la liberté religieuse devrait être considérée comme un droit, au même titre que les autres.

A l’échelle individuelle, nos sociétés sont aujourd’hui très polarisées. Quel rôle peut jouer la religion dans la paix, voire la paix sociale ?
La religion ne devrait pas faire de politique ni administrer la société, mais guider les gens vers Dieu. Elle change les cœurs et ce sont les cœurs des gens qui changent la situation. C’est cela qui les pousse à adopter de nouveaux comportements et à emprunter la voie de l’amour et du respect des autres hommes. Si la religion ne peut changer la vie d’une personne, alors elle ne sera jamais facteur de paix.

Bio express

Né à Gênes (Italie) en 1966, Mgr Ettore Balestrero a été ordonné prêtre en 1993. 
Il est entré dans le service diplomatique du Saint-Siège en 1996, puis a été nommé Nonce apostolique en Colombie en 2013, et ordonné évêque la même année au rang d’archevêque. En 2018, le pape François l’a nommé Nonce en République démocratique du Congo. 
Il a pris le poste d’Observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies en juin 2023.

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