Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Clins Dieu sur les Contrées (VS), mars 2021
Qui peut imaginer le chemin de souffrance et les traumatismes que vivent les migrants ? Chacun d’eux vit une histoire unique et peu d’entre eux osent s’exprimer sur ce qu’ils ont dû vivre pour échapper à l’horreur de leur quotidien. Efrem livre avec émotion son récit poignant.
Par Efrem Ghirmay
Photos: DR, Unicef
Le chemin de souffrance pour être sauvé, ici, dans ce témoignage est un chemin pour la liberté…
Voici l’histoire d’Efrem, jeune érythréen, qui a dû déserter son armée car accusé d’avoir critiqué son gouvernement. Pour lui, alors, plus d’autres choix que de s’enfuir…
« Je suis né en 1996 à Asmara, capitale de l’Erythrée. J’ai eu la chance d’aller à l’école. Comme tous les jeunes de mon pays, j’ai dû aller à l’armée en continuant les études car le gouvernement l’exige.
Un soir, j’étais avec des amis et nous discutions. Soudain un responsable vint vers nous et nous accusa de comploter contre l’armée. Nous nous sommes défendus mais il n’a rien voulu en savoir et nous avons été battus. J’étais très en colère de voir que notre parole n’avait pas d’importance. Après quelques jours, un chef nous a dit qu’on allait nous interroger. J’ai eu très peur, je savais qu’on allait nous mettre en prison. Ma situation était désespérée : une seule chose : s’enfuir…
Nous étions 5 jeunes à partir de nuit de Sawa vers le Soudan. Les soldats, qui ont remarqué notre fuite, ont commencé à tirer vers nous et des balles tombaient dans le sable devant moi. J’avais très peur et j’ai couru…
On a marché pendant 5 jours par grande chaleur tout en se cachant dans les forêts et les rochers avec pour toute nourriture quelques dattes. On avait très soif. Heureusement, nous avons trouvé un endroit humide où des dromadaires avaient dû boire. Nous avons creusé et trouvé de l’eau très épaisse car mélangée avec du sable… Nous nous sommes presque battus pour boire ce liquide blanchâtre qui nous a sauvé la vie… La sensation de soif est une souffrance terrible.
Arrivés enfin à Kassala au Soudan, on s’est fait rattraper par les policiers qui nous ont demandé de réciter les prières des musulmans mais comme je suis chrétien, j’ai été vendu à la mafia du pays.
J’ai passé plusieurs jours en prison attaché avec un autre chrétien. Les gardiens de cette prison nous battaient. Plus tard, j’ai pu rejoindre Kartoum, capitale du Soudan. J’y ai vécu quelque temps mais jamais en sécurité. Avec d’autres réfugiés, j’ai trouvé des passeurs qui nous ont emmenés en voiture jusqu’en Lybie. Ils nous ont bandé les yeux pour que l’on ne connaisse ni le chemin ni les passeurs…Le voyage a duré 5 jours très difficiles, peu de nourriture et d’eau.
Nous sommes enfin arrivés en Lybie et là, les passeurs nous ont mis directement dans une prison pour qu’on leur paie le voyage. Ils téléphonaient à nos parents en nous battant et leur faisaient peur… Je suis resté plusieurs semaines dans cette prison dans des conditions difficiles.
Enfin, j’ai pu partir dans un camion qui, pour tromper la police, transportait des cailloux. Nous étions cachés sous une séparation de fer, accroupis les uns contre les autres, avalant énormément de poussière et cela durant des heures…Ce terrible voyage a duré 6 jours.
Durant ce trajet, des gens armés nous ont arrêtés et nous ont demandé notre religion et notre pays. J’avais très peur et je croyais que c’était mon dernier jour car on égorgeait beaucoup de chrétiens en Lybie.
Arrivés à Tripoli au bord de la mer Méditerranée, ils nous ont mis à nouveau dans une prison pour payer le passage de Libye jusqu’en Italie. Dans cette terrible prison, il y avait des gens qui souffraient beaucoup, qui étaient malades et même qui mouraient…
J’avais très peur et j’avais tout le temps faim, j’avais la peau qui me grattait, je me suis dit plusieurs fois « pourquoi suis-je venu jusqu’ici… » Après plusieurs mois, mes parents ont payé le voyage… Enfin ! Un soir, ils nous ont pris et nous ont mis dans un bateau. Nous étions plus de 300, très serrés, adultes, jeunes et enfants.
Les passeurs ont expliqué à un passager comment conduire le bateau et ils nous ont envoyés vers l’inconnu.
Une maman m’a donné un de ses petits enfants sur mes genoux. Nous avons voyagé toute la nuit sans lumière, nous n’avions ni nourriture ni eau, il faisait froid et j’ai pensé « C’est peut-être ma dernière nuit ».
Le lendemain, un grand bateau est venu nous sauver juste à temps…Il y avait de l’eau qui rentrait dans la coque du bateau. Ils nous ont embarqués jusqu’en Sicile… et quelques jours plus tard, je suis arrivé à Rome puis en train jusqu’à Milan. Ensuite je suis arrivé en Suisse où j’ai vécu dans plusieurs foyers pour réfugiés pendant 2 ans. Depuis mars 2017, j’habite dans une famille d’accueil où j’ai appris le français et je fais un apprentissage d’assistant en soins… je fais même partie d’une fanfare où j’ai trouvé des amis… »
Prier avec saint Joseph
Joseph, frère des réfugiés
L’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends l’Enfant et sa mère et fuis en Egypte, car Hérode va rechercher l’Enfant pour le faire périr » (Mt 2,13)
Joseph, tu pars vers l’inconnu pour sauver le fils de Marie. Saint Joseph, apprends-nous ce que veut dire être réfugié, persécuté, exilé. Donne-nous d’être proches de ceux qui ont dû tout quitter : familles, amis, situation, pays… Ouvre notre coeur à l’accueil de ceux qui souffrent dans leur âme et dans leur corps, de la misère ou de la famine, de la torture et de toute violence.
Joseph, frère des réfugiés, apprends-nous à accueillir la volonté de Dieu.