Créée en 1988 à l’initiative des trois Eglises officielles du canton de Genève, catholique romaine, catholique chrétienne et protestante, l’Aumônerie Genevoise Œcuménique auprès des requérants d’asile (AGORA) se bat, hier comme aujourd’hui, pour contrer les idées reçues et remettre au centre de toute discussion la dignité humaine.
PAR MYRIAM BETTENS
PHOTOS : OLIVIER CHANSON, ECR
Depuis 1993, on dénombre plus de 48’000 personnes décédées en essayant de fuir vers l’Europe. La plupart noyées dans la mer Méditerranée. D’autres abattues aux frontières. Des hommes, des femmes, des jeunes, des enfants, des bébés. Ceux qui survivent aux barricades de la forteresse Europe ne s’attendent pas à trouver un sol inhospitalier qui leur réserve bien souvent un parcours digne des Douze travaux d’Astérix avant l’obtention du droit d’asile.
« La migration et l’asile sont perçus comme un poids. Or, ils font partie de l’histoire et de l’ADN de Genève. D’ailleurs, le développement de l’industrie horlogère aurait été différent sans eux », pointe Virginie Hours. Mais les préjugés sont tenaces. « Trop souvent j’entends la formule : ils viennent en Europe, car ils s’imaginent que la vie y est plus facile. On oublie que la grande majorité d’entre eux aurait préféré rester chez eux au lieu d’être contraints à l’exil ». Virginie Hours fait partie de l’équipe d’aumôniers et bénévoles à pied d’œuvre dans différents lieux du canton : tels que la zone de transit de l’aéroport de Cointrin, dans les établissements de détention administrative, dans les différents logements où les requérants résident sur le territoire.
« De nombreuses situations trouveraient des issues simples et humaines si le droit était appliqué, car les dispositions législatives existent et prévoient les conditions d’accueil ou de régularisation des personnes ». L’Eglise a un vrai rôle de garde-fou à jouer afin de « rappeler sans cesse qu’il s’agit d’hommes et de femmes tous uniques et qui méritent le respect ».
Au service, mais comment ?
Une chose que l’AGORA accomplit et dont on ne se rend peut-être pas compte ?
Virginie Hours : Nous faisons partis d’un « réseau », celui des aumôniers suisses qui travaillent dans le domaine de l’asile. Nous nous rencontrons à Berne deux fois par an afin d’échanger sur la situation existante dans les Centres fédéraux d’asile (CFA), un partage d’expérience et d’information. Ces contacts nous permettent ainsi de suivre des personnes que certains collègues accompagnent déjà au sein d’un CFA lorsqu’elles sont affectées au canton de Genève. Aussi, il n’y a pas de rupture. Ces instances sont importantes également pour mener certaines réflexions ou négociations avec Berne. Actuellement par exemple, un accord-cadre avec le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) est en cours de renégociation et un travail de réflexion est mené sur la présence d’aumôniers musulmans, présence que nous appelons de nos vœux.
Quel « service » apportez-vous aux Genevois de manière générale ?
VH : Nous intervenons régulièrement dans les écoles, à la demande des enseignants, pour présenter l’AGORA et rendre plus tangible la question de la migration et de l’accueil. Nous essayons ainsi de contribuer à casser certains préjugés ou certaines peurs. Nous intervenons aussi en appui du travail de la coordination asile lors de temps forts ou en sollicitant que l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) applique simplement les règles en transmettant des dossiers à Berne. Nous ne sommes pas dans une logique de confrontation, mais de compréhension et de reconnaissance. Il s’agit aussi de permettre la construction de pont entre les Genevois et les personnes de l’asile et de susciter la réflexion. C’est pourquoi, par exemple, nous avons répondu positivement à la demande de l’Espace Madeleine. Celui-ci proposait de nous y impliquer le mois dernier en animant deux soirées dans le cadre de l’exposition Les Pèlerins afin de susciter la réflexion sur les liens entre pèlerinage, asile et migration.