Une journée à… la Maison des Séminaires

Une journée à… la Maison des Séminaires

En septembre dernier, une nouvelle inattendue tombait : la « Maison des Séminaires », à Fribourg, affiche complet ! De quoi faire croire à un boom des vocations ! Nuance… Mais une bonne raison pour aller passer une journée en ce lieu unique en Romandie qui forme les prêtres de demain.

Par Claude Jenny
Photos : Jean-Claude Gadmer« Avec vingt-deux séminaristes et quatre arrivants en année de discernement, notre maison est quasi pleine. Mais n’en tirons pas de conclusions hâtives ! Nous n’avons pas de véritable explication sur le pourquoi de cette belle fréquentation » commente l’abbé Nicolas Glasson, responsable de la formation des futurs prêtres avec son collègue l’abbé Joël Pralong. Depuis 2012, les deux diocèses romands ont en effet « fusionné » leur séminaire.

Pour l’abbé Joël, il ne fait aucun doute qu’un déclic est survenu et que « la foi reprend chez les jeunes. Ils sont attirés par une ferveur, une attirance vers Dieu, une dimension mystique. Leur démarche vient du cœur. Cet élan intérieur traduit la recherche d’une Eglise structurée, forte, dans un monde fragile. Les arrivants ici recherchent la sécurité d’une institution vraie, qui nourrit l’esprit et l’âme ». « Les jeunes osent aujourd’hui s’engager » se réjouit l’abbé Nicolas. Il explique que parmi ceux qui demandent « à entrer au séminaire » – ce qui commence par l’année de discernement – sont parfois de nouveaux convertis, ne viennent pas forcément de familles bien pensantes. Certains viennent aussi de familles éclatées. Il en découle un autre esprit, une autre quête. « Les futurs séminaristes ont souvent vécu leur foi à travers des mouvements de jeunes, dont les JMJ. On assiste aujourd’hui à une évangélisation des jeunes par les jeunes. A l’Eglise d’offrir les moyens d’enrichir ce trésor » lance l’abbé Joël.

« Une grande soif de Dieu »

« On sent chez les discernants une grande soif de Dieu, mais ils sont habités aussi de beaucoup d’incohérence. Il nous appartient de consolider l’humain » explique le coresponsable valaisan. D’où l’importance de cette première année dite de discernement. Pendant ou au terme de ce temps préparatoire, il y a souvent des défections, spontanées ou provoquées.

L’humain ! Façonner l’humain ! Voilà ce qui est au cœur de ce que l’abbé Pralong cherche à faire avec les discernants au travers de divers cours et échanges. Tout y est abordé, y compris les thèmes délicats comme la sexualité. « Bien sûr qu’il faut en parler ! Nous devons apprendre aux futurs prêtres à gérer leur affectivité » lance-t-il.

A la « Maison des séminaires », les temps de prière sont nombreux. « Nous étudiants sont demandeurs de temps de prière » commente l’abbé Nicolas. Matin et après-midi, les séminaristes se rendent à l’Université pour suivre leur formation théologique. Mais à ce bagage académique viennent s’ajouter de nombreux rendez-vous « at home » avec des conférenciers invités – le philosophe Fabrice Hadjadj y est très présent – et des week-ends hors les murs. En plus, le séminariste se voit confier une tâche pastorale au sein de l’UP Saint-Joseph en ville de Fribourg. Vincent, par exemple, enseigne la catéchèse dans une école. Alexandre fait de l’accompagnement dans un EMS.

Apprendre la vie en communauté

Dans la bâtisse de Givisiez, la discipline est bien présente. « De mon temps, la vie au séminaire était très permissive. Ce n’est plus le cas » assure l’abbé Joël. « Cheminer ici, c’est apprendre la vie en communauté, qui doit être éducative et formatrice, dit-il. Ce retrait est nécessaire pour que les séminaristes touchent le fond d’eux-mêmes pour avoir ensuite quelque chose à transmettre à leurs paroissiens. Même si la vie en paroisse sera fort différente ».

« Nous touchons aux quatre piliers, commente Alexandre : l’humain, en vivant en communauté, l’intellectuel, en fréquentant l’université, le pastoral, en ayant une activité paroissiale, et évidemment le spirituel. Nous devons arriver à saisir que les quatre sont importants. Ça nous apprend l’humilité » dit-il. « La vocation n’est pas un vêtement. Il faut en avoir les capacités humaines. Etre capable de dépasser ses propres blessures pour être capable d’accompagner les autres blessés que le prêtre rencontrera » dit l’abbé Joël.

Les séminaristes semblent partager la « marche à suivre » de leurs deux supérieurs et goûter  à cette vie en communauté durant six ans, très sereins aussi par rapport à ce qui les attend demain en paroisse.

Mgr Jean-Marie Lovey : « C’est le choix de Dieu »

Dans la présente volée, cinq séminaristes sont membres de la Congrégation du Grand-Saint-Bernard. Comment Mgr Jean-Marie Lovey voit-il ce souffle nouveau pour sa congrégation ?

« Bien sûr que c’est appréciable de savoir que des jeunes s’intéressent à telle ou telle forme de vie religieuse, celle des chanoines du GSB en l’occurrence. J’ai toujours été profondément convaincu que de vouloir rendre compte des raisons de cet attrait restait très aléatoire. Ce faisant, on rejoint davantage la (saine) curiosité qui nous habite que la réalité profonde du phénomène. Lorsque saint Paul veut parler de l’élection d’Israël, du choix de Dieu qui se porte sur Jacob plutôt que sur son jumeau Esaü, il fera dire à Dieu : ″Je fais miséricorde à qui je veux.″ Le choix de Dieu ne dépend pas des œuvres de celui qui est choisi ou de la communauté choisie, mais de la liberté de celui qui appelle. Pourquoi un jeune entre-t-il au GSB aujourd’hui ? Parce que c’est le choix de Dieu, point.
Et si cette raison première fait défaut, les autres (l’attrait de la montagne, la dimension familiale, le dynamisme d’autres jeunes déjà présents, une longue tradition, etc.) auraient beau être multiples et soigneusement cultivées, cela ne ferait pas rester le jeune en communauté. Face au choix de Dieu qui est un don, je me sens, avec mes confrères,  redevable d’un immense merci. Le don m’oblige, il m’appelle à l’action de grâce. La nouveauté du souffle doit, me semble-t-il, se situer à cet endroit. C’est là la seule raison que je vois devant l’entrée d’une nouvelle personne en communauté ou au Séminaire. »

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