Le dynamisme de Crossfire

A tour de rôle, des jeunes de divers cantons romands profitent de cet espace de liberté pour évoquer un sujet qui les intéresse. Au tour du Fribourgeois Matteo Antunno de prendre la plume.

PAR MATTEO ANTUNNO | PHOTO : DR

Je m’appelle Matteo Autunno et j’ai 21 ans. J’étudie les mathématiques à l’EPFL et j’habite à Grolley, dans le canton de Fribourg. J’ai été servant de messe et sacristain dans la paroisse de mon village et désormais je suis animateur pour le parcours de confirmation dans l’unité pastorale Sainte-Trinité. Aujourd’hui, je souhaite vous parler d’un projet qui me tient tout particulièrement à cœur : le festival Crossfire de Belfaux.

Il s’agit d’un mini-festival lancé par des jeunes confirmés de l’unité pastorale Sainte-Trinité qui a eu lieu pour la première fois en juin 2018. Une deuxième édition était initialement prévue en 2020, mais elle a été reportée deux fois à cause du Covid ; elle aura finalement lieu le samedi 11 juin 2022. Je fais partie du comité d’organisation depuis 2019 et je suis aujourd’hui le coordinateur adjoint de cet évènement. A quelques mois de cette nouvelle édition, une tournée de messes Crossfire a débuté dans différentes unités pastorales du canton de Fribourg, l’occasion de donner un léger avant-goût du festival.

Ces messes Crossfire sont des rencontres vécues dans l’esprit du festival : une messe dynamique et animée musicalement, des moments de convivialité à la sortie de l’église, voire une partie dansante avec le DJ du festival pour une soirée festive. Rejoignez-nous à ces différentes messes pour découvrir une partie de l’ambiance du festival !

Bien entendu, le principal est le festival Crossfire lui-même. Un festival ouvert à toutes et tous, organisé par les jeunes et pour les jeunes. L’esprit festif et convivial régnera durant toute la journée, dès l’après-midi et jusqu’à tard dans la nuit. Une journée qui fera écho avec ce qui est vécu en partie lors des messes Crossfire. Diverses animations ludiques, un témoignage et la messe célébrée par Mgr Alain de Raemy, l’évêque des jeunes, marqueront la première partie du festival. Ensuite, il y aura la possibilité de se restaurer à des food-trucks, puis des animations par des artistes locaux tant en danse qu’en chant et en musique. Enfin, en soirée, il y aura le concert du groupe français de pop-louange Hopen, suivi par DJ The Docteur. Un programme idéal pour se rassembler autour des valeurs humaines et spirituelles, pour vivre la joie chrétienne !

Il ne me reste plus qu’à vous dire : rendez-vous à Belfaux le samedi 11 juin prochain !

La compétitivité : un broyeur pour la jeunesse actuelle ?

Dès l’école primaire, les enfants comprennent qu’être performant n’est pas facultatif. Il semble qu’exiger des enfants et des jeunes le meilleur d’eux-mêmes soit insuffisant! A l’image de notre société et du monde économique et professionnel actuels dont les milieux éducatifs sont l’antichambre, la formation serait-elle devenue un lieu de torture? Et au service de qui, de quoi? Les souffrances semblent être énormes autant que méconnues. Certains étudiants décident parfois de mettre fin à leurs études et à changer complètement de voie.

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Lorsque Dieu parle au féminin

PAR DANIÈLE CRETTON-FAVAL | PHOTO : DR

Lorsque Dieu parle au féminin, c’est le retour à l’émerveillement de cette relation géniale, cette force oubliée, qui est en chaque femme. Oui, la femme est la préférée de Dieu, c’est là qu’il se dévoile le mieux. Il l’a nommée «femme» et appelée toutes les fois que Sa Création en avait un urgent besoin, au risque d’être anéantie.

Une vraie rencontre avec Dieu permet de creuser en nous des possibilités dans la complémentarité. N’est-elle pas la « femme » celle qui donne vie, celle en qui Dieu a confié le devenir de sa Création, sa co-créatrice.

Première rencontre : Eve, à qui il a confié un rôle magistral de mère de tous les humains. C’est énorme comme responsabilité. Et tout au long de la vie, déjà dans l’Ancien Testament où Dieu fait appel à la « femme » lorsque son peuple en a besoin. Pensons, ici, à Sarah, qui malgré son grand âge, donne naissance à Isaac étayant la descendance d’Abraham. Voyons, ici, la mère de Moïse, qui, en sauvant son fils Moïse de la mort, sauve le peuple hébreu voué à l’extermination.

Et n’oublions pas Esther et Judith et tant d’autres survenues, là où il fallait pour éloigner la catastrophe, la destruction de son peuple juif, lorsque tout était perdu. Et tout au long de l’histoire biblique, que ce soit dans l’A.T. et le N.T., on comprend la valeur de la rencontre de la « femme » envoyée par Dieu pour assainir une situation désespérée, en insufflant à sa co-créatrice des chemins inattendus, audacieux et salvateurs.

D’ailleurs, les Evangiles nous exposent la relation respectueuse qu’avait Jésus avec les femmes. Il les considérait comme des partenaires d’égal à égal, capables de croire et de suivre sa Parole et d’exécuter avec amour leur mission. Chaque fois que Dieu entend la misère et les cris angoissés de son peuple, il confie le sauvetage à la « femme ».

Dans les Evangiles, nous pouvons suivre pas à pas des femmes aux moments clés de la vie de Jésus, et faire des découvertes qui nous permettent de creuser en nous des possibilités oubliées. Regardons Marie, la première en chemin, la mère du Fils de Dieu, Jésus, qui par son oui, a été à ses côtés tous les jours, et plus tard, avec Marie-Madeleine, fidèles et confiantes au pied de la croix. Elles ont cru subito à sa Résurrection, tandis que les apôtres étaient anéantis devant l’ampleur de la Croix.

Poursuivons avec la Samaritaine, on comprend la valeur de cette rencontre, qui créa des chemins d’évangélisation chez les siens. Avec la Cananéenne, nous apprenons qu’il faut persévérer dans la prière, et ne pas avoir peur de casser les oreilles du Seigneur pour lui confier ceux que l’on aime. Et avec le message de la pauvre veuve qui glisse dans le tronc, ses deux sous. Pour Jésus, le cœur de cette femme est plus précieux que tout.

Avec Marthe et Marie de Béthanie, les amies de Jésus, qui l’ont accompagné dans sa marche vers sa passion à venir.

Dans la Bible, il y a un nombre impressionnant de femmes qui ont œuvré pour Dieu. Il faudrait des pages pour développer ces chemins au féminin. Mais le plus surprenant, c’est Marie mère de Jésus, qui est venue des milliers de fois, par ses apparitions, nous annoncer L’INOUï de l’amour de son Fils pour nous son peuple. Oui, la « femme » est bien la préférée de Dieu. Ne n’oublions pas qu’IL créa l’homme et la femme complémentaires pour le bien de l’Univers. Dieu ne serait-il pas le premier féministe ?

Les carmélites

De nombreuses communautés composées de religieux ou de laïcs sont présentes en Suisse romande, comme autant de témoins de la vitalité et de la diversité de l’Eglise. Ce mois-ci, cap sur les carmélites de Develier.

PAR PASCAL ORTELLI | PHOTO : DR

Nom officiel : Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel.

Sigle : O.C.D. pour ordre des Carmes déchaux.

Date de fondation : 1562 pour la réforme de l’ordre menée par sainte Thérèse d’Avila (1515-1582) et saint Jean de la Croix (1542-1591). Pour marquer leur différence avec les carmes de l’antique observance (O. Carm), ils allaient pieds nus dans leurs sandales, d’où leur nom de déchaux.

Origine : Vers la fin du XIIe siècle, en Palestine, des ermites se regroupent sur le Mont Carmel à l’instar du prophète Elie. Au retour des croisades, le carmel se répand en Occident avec une branche féminine attestée dès le XVe siècle.

Devise : « Je suis rempli d’un zèle jaloux pour le Seigneur Sabaot ! Il est vivant le Seigneur devant qui je me tiens. » (selon les mots d’Elie tirés du Premier livre des Rois).

Habit : Une tunique et un scapulaire de couleur marron avec un voile noir.

Mission : Etre prophète de feu à la suite d’Elie, c’est-à-dire mettre Dieu au centre de sa vie en accordant une grande place à l’oraison, prière silencieuse où on lui parle comme à un ami.

Présence en Suisse romande : 
Le carmel de Develier est le plus jeune couvent de Suisse. Après une histoire mouvementée allant de Marseille à Middes (FR), les moniales se sont établies dans le Jura en 1980. 
Il existe une autre communauté de carmélites au Pâquier.

Une particularité : A Develier, un couvent à l’architecture résolument moderne dédié
à Notre-Dame de l’Unité, tout un symbole pour le Jura !

Pour aller plus loin : visitez leur site web mocad.ch

« Un carmel, c’est… »

par une carmélite de Develier

« Un espace de liberté où l’Esprit Saint façonne une communauté de sœurs appelées à s’aimer dans la joie, en grandissant dans l’amitié du Christ, sous le manteau de la Vierge Marie. Filles de l’Eglise, désireuses de voir le Seigneur connu et aimé de tous, leur vie de prière qui se déploie dans une existence des plus ordinaires (travail, solitude, rencontres fraternelles, détente…), rejoint par sa nature même, le cheminement de tous les hommes en quête de vie et de bonheur. »

La difficile gestion des abus en Eglise

PAR JEAN-PASCAL GENOUD | PHOTO : DR

On croyait ce genre d’épreuves réservées aux autres. On a vu récemment l’Eglise de France, ou encore le diocèse de Fribourg, en être profondément ébranlés. Et nous voici tout à coup touchés de près. L’affaire concerne notre Congrégation de chanoines et nos paroisses, impliquant des personnes que nous avons pu connaître et même hautement apprécier. J’ai entendu beaucoup de réactions critiques : « Pourquoi faire remonter ces affaires au grand jour ? N’y a-t-il pas un travail de sape d’une presse qui serait intéressée à ternir l’image de l’Eglise ? »

Je trouve pour ma part beaucoup plus intéressant le point de vue contraire de notre prévôt Jean-Michel Girard, déclarant, non sans une étonnante audace : « Malgré les profondes blessures causées par ces révélations, je suis content que la lumière puisse être faite. » Il fallait oser le dire !

En fait, on n’y comprend rien dans cette affaire si l’on ne prend pas ce virage pris en Eglise, sous l’impulsion du Pape lui-même, qui consiste à partir des victimes de ces cas tragiques d’abus spirituels ou sexuels. C’est en accueillant le long et exigeant travail intérieur, souvent sur plusieurs décennies, d’accès à la parole que notre point de vue peut changer du tout au tout. « La vérité vous rendra libres. » (Jn 8, 32)

A partir de là, reste ouverte la question de savoir comment réagir. Entre un premier temps de refus de ce qui nous paraît impossible ou invraisemblable et un deuxième temps de sidération devant ce qui s’impose comme un mal inconcevable, il nous faut pourtant faire face au réel avec toutes les ressources de la foi et de l’humanité. La foi, avec ce qu’elle nous donne comme certitude de la victoire du Christ sur le mal. L’humanité, avec la conscience humble de notre compréhension partielle de choses qui nous dépassent et avec la confiance qu’à force de paroles vraies, cette épreuve nous purifiera et nous simplifiera. Que toute l’Eglise en sera transformée pour être mieux à l’image de son Sauveur et Seigneur.

Notre P∙M-ère qui es au C.iel…

PAR L’ABBÉ DAVID RODUIT
PHOTO: GETTYIMAGES VINCENZO PINTO

En ce temps où certains veulent combattre le patriarcat jusque dans le langage et l’écriture, convient-il encore d’appeler Dieu notre Père, comme nous l’a enseigné Jésus ? Le christianisme ne se montre-t-il pas affreusement sexiste, machiste?

Il faut affirmer d’emblée que Dieu n’est bien sûr pas sexué… Il n’est ni homme ni femme. Ajoutons également que les mots n’arriveront jamais à contenir entièrement le mystère du Dieu vivant qui déborde ce que nous pouvons penser et dire de Lui.

En s’adressant à son Père, Jésus a repris un des attributs que le peuple de la Première Alliance conférait à son Dieu, même s’il est utilisé chez lui de manière très intime, absolument inhabituelle : « Abba, papa ! » Relevons également que le Christ qui s’est fait notre frère se reçoit quant à son origine d’une mère humaine, la Vierge Marie, ainsi que d’un Père des Cieux.

Mais, dans la Première Alliance, Dieu se révèle aussi comme mère. Ainsi peut-on lire par exemple chez le prophète Isaïe : « La femme oublie-t-elle son nourrisson, oublie-t-elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ? Même si celles-là oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas ! »
(Is 49, 15)

Sans parler du fameux terme « rahamim » qui évoque le sein maternel, l’utérus, et qui est employé en lien avec Dieu, notamment chez le prophète Jérémie : « Ephraïm est-il donc pour moi un fils si cher, …, que mes entrailles s’émeuvent pour lui, que pour lui déborde ma tendresse ? » (Jr 31, 20)

Cet amour de Dieu qui le touche là où il a porté son enfant et qui désire lui redonner vie se retrouve aussi dans le Nouveau Testament, par exemple dans la parabole du fils prodigue où se dévoile la Miséricorde du Père. Rembrandt l’a très bien compris, peignant le visage du Fils appuyé sur le sein du Père, et attribuant à ce dernier une main masculine et une main féminine.

Pas besoin de vous peindre un autre tableau : Dieu est un Père qui nous aime comme une mère !

Jeux, jeunes et humour – mai 2022

Par Marie-Claude Follonier

Question d’enfant

Pourquoi fête-t-on l’Ascension un jeudi ?
Tout simplement parce qu’elle est célébrée 40 jours après Pâques qui tombe sur un dimanche. Je vous laisse faire le calcul ; on arrive forcément sur un jeudi. Derrière cela, il y a toute la symbolique du nombre 40, temps d’attente et de rencontre avec Dieu au désert – pensons au Carême ou à Moïse – revivifié ici par la Résurrection de Jésus qui apporte du neuf dans notre relation à Dieu.

par Pascal Ortelli

Humour

Un handicapé sur chaise roulante conversait avec ses amis d’infortune au sujet d’une innovation dernier cri rajoutée sur sa chaise roulante électrique. Elle était en effet équipée d’un GPS. 
– Vous voyez, dit-il, si je me trompe de rue, automatiquement, comme pour les voitures, j’entends une voix qui me dit : « Faites demi-tour, dès que possible. »
– Génial ! répartit l’un d’eux.
Quelque temps plus tard, un ami rencontre l’heureux propriétaire de cette chaise révolutionnaire et lui lance : 
– Alors, ton GPS, toujours au point ?
– Non, je l’ai enlevé !
– Ah bon, pourquoi ?
– Chaque fois que je passais devant le cimetière, j’entendais : « Vous êtes arrivé, vous êtes arrivé… »

par Calixte Dubosson

En librairie – mai 2022

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

Je me suis laissé aimer…
Brigitte Bédard

« Nous n’incarnons en rien l’image du bon chrétien, si cela signifie être parfait, sans faille et marcher droit. Hugues et moi, nous nous savons profondément pécheurs – la lecture de ce livre vous en convaincra – incapables d’aimer et de se laisser aimer, comme Dieu nous y invite. Ce que nous savons cependant, et qui fait que, finalement, nous sommes de bons chrétiens, dans le vrai sens du terme, c’est l’expérience d’être au quotidien démesurément et infiniment aimés de Dieu. En voici les preuves… » Avec une joie de vivre et un humour débordants, Brigitte Bédard nous entraîne dans le ménage à trois que forme son couple avec le Seigneur. 

Editions Artège

Acheter pour 27.80 CHF

Pourquoi Padre ?
Les prêtres de Padreblog

Qu’arrivera-t-il aux non-croyants après leur mort ? Pourquoi les prêtres ne sont-ils pas mariés ? Comment parler de la Providence de Dieu avec tout le mal qui arrive en ce monde ? Toutes ces questions et bien d’autres, les prêtres de Padreblog (des prêtres actifs sur les réseaux sociaux) y répondent de façon claire et précise chaque semaine sur KTO, avec un succès d’audience qui ne se dément pas. Nombreux sont ceux qui souhaitaient voir ces questions-réponses mises à l’écrit. C’est chose faite : voici un formidable outil de formation personnelle et d’évangélisation !

Editions Artège

Acheter pour 26.20 CHF

Zita, courage et foi d’une impératrice
Gaëtan Evrard

Le destin de la dernière impératrice d’Autriche, qui, à la suite de son mari, pourrait être béatifiée est conté avec bonheur dans cette BD. Traversant tout le XXe siècle avec un courage édifiant, Zita seconda d’abord son époux l’empereur Charles d’Autriche dans son combat pour sortir l’Europe du premier conflit mondial. Veuve à 30 ans, pauvre et exilée, elle se voua à l’éducation de ses huit enfants et soutint la résistance antinazie lors du second conflit mondial. Après un très long exil, le retour de Zita en Autriche, en 1982, fut un triomphe. Une figure de femme à la foi exemplaire qui peut susciter des actions héroïques en ces temps troublés par la guerre.

Editions du Triomphe

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Je ne les ai pas laissés seuls
Nicole Gillouard

Dans ce lieu de soins tendu vers l’efficacité qu’est l’institution hospitalière, Nicole Gillouard tente de faire entendre sa note discrète. Elle n’est ni soignante ni prêtre. Sa mission est d’être là, sans objectif, disponible pour celles et ceux qui le souhaitent, à l’écoute de leur demande et de leurs capacités. Avec pudeur et tact, elle dévoile les visages de celles et ceux qu’elle a accompagnés pendant ses dix années de mission au sein du CHU de Rennes. Une expérience humaine intense au contact de la fragilité et de la souffrance, mais aussi teintée d’instants d’une beauté lumineuse.

Editions Nouvelle Cité

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Chrétien dans un monde qui ne l’est plus ?

La société de consommation, les nouvelles technologies, mais surtout le relativisme font qu’il est de plus en plus difficile de diffuser la vérité chrétienne. Dans un monde gouverné par l’émotion, le chrétien peut-il proposer une sagesse qui demande du recul par rapport au vécu?

PAR CALIXTE DUBOSSON | PHOTOS : PIXABAY, PXHERE, FLICKR, DR

«Etre dans le vent: une ambition de feuille morte!» Cette métaphore de Gustave Thibon, écrivain et philosophe français, signifie qu’être informé de la dernière mode et la suivre est une recherche, un désir de quelqu’un vide et sec intérieurement. Autre citation, celle de Sören Kierkegaard, écrivain, poète et théologien danois: «Qui épouse l’esprit du temps sera vite veuf!» Enfin: «A force d’être dans le vent, on finit par attraper des rhumes», ajoute l’écrivain français Jean Dutourd.

Ces auteurs me sont venus à l’esprit en voyant l’évolution des phénomènes sociétaux dans le monde et en Suisse. Lors des votations qui concernent les mœurs (solution des délais, fécondation in vitro, mariage pour tous), il apparaît que l’Eglise ou ses représentants sont systématiquement désavoués. Ce qui donne l’impression que le chrétien qui suit les orientations et les recommandations des autorités de son Eglise vit dans un monde étranger à la société actuelle. Il se sent désorienté et tombe souvent dans un profond désarroi. Est-il en phase avec les réalités du moment? Est-il dans l’erreur quand il affirme ses convictions qu’une étude attentive de la Bible et de la tradition lui ont léguées? Malgré les désillusions et les déconvenues, aurait-il raison contre tous?

Toutes ces questions taraudent l’esprit de celles et ceux qui vont à l’encontre des idées reçues, ce qui fait dire à un paroissien: «L’opinion publique majoritaire regarde les choses de façon superficielle. Prenez l’exemple du mariage pour tous. Il est évident que les gens ne se sont posé qu’une seule question: doit-on permettre aux couples homosexuels de se marier civilement? Bien sûr que oui. Comment répondre non dans un monde qui veut l’égalité à tous les niveaux? Par contre le droit de l’enfant, la PMA et bientôt la GPA demandaient une vraie réflexion que peu ont entreprise.»

«Un abîme plutôt qu’un fossé»

Commentaire de calixte dubosson

Souvent dans mes allées et venues au village, je rencontrais une jeune fille fraîchement majeure. Un jour, nous avons bu un café ensemble au bistrot du coin. La conversation nous amena à parler de la gestation pour autrui.

Je lui parlai de l’animateur français Marc-Olivier Fogiel qui s’est marié avec son compagnon et qui a «commandé» deux enfants nés aux Etats-Unis, d’une mère porteuse, pratique illégale en France. Avant que je puisse dire ma totale réprobation de la GPA, elle m’adressa cette parole qui me laisse sans voix encore aujourd’hui: «C’est inadmissible que la France interdise cette pratique!» J’ai immédiatement compris que nous n’étions plus du même monde et que le fossé qui me séparait d’elle était plutôt un abîme.

Le courage d’être chrétien

«Défendre les principes fondamentaux demande aujourd’hui du courage.»

Mgr Jean-Marie Lovey

«Défendre les principes fondamentaux demande aujourd’hui du courage. Ce n’est pas parce que le vent souffle dans telle direction que toute la barque doit suivre le mouvement»: ainsi s’exprimait Mgr Jean-Marie Lovey lors d’un entretien au Nouvelliste1. Le chrétien serait-il donc un être courageux? Si l’on prend pour modèle le Christ, la réponse ne fait pas de doute. L’épisode de la femme adultère, par exemple, où il fait front contre toute l’intelligentsia de l’époque. Plus encore quand le Seigneur met les pieds dans le plat : « Au temps du prophète Elie, il y avait beaucoup de veuves en Israël. Pourtant, Elie n’a été envoyé vers aucune d’entre elles mais bien à une veuve étrangère de la ville de Sarepta, dans le pays de Sidon. A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, alla son chemin.»
(Lc 4, 25-28)

A la suite de son maître, le chrétien est amené à défendre des valeurs. Mais il faut d’abord dire qu’il y a une distinction essentielle à faire avant d’aller plus loin. Le chrétien d’aujourd’hui est très divers. Il y a celui qui se rend à l’église pour baptiser ses enfants ou pour se marier, mais qu’on ne revoit plus dans les autres évènements de la vie ecclésiale. Il y a celui qui s’informe sur les valeurs du christianisme en développant une conscience chrétienne éprouvée. Il y a celui qui s’engage sur le plan social ou sur le plan politique et qui vit sa foi dans un rapport direct avec Dieu sans médiation ecclésiale. Il y aurait encore tant d’autres catégories que l’on ne peut évoquer dans un si bref article. Il semble toutefois que d’après les statistiques, les opinions minorisées par les résultats des votations se trouvent dans le camp des pratiquants réguliers compris ici en tant que fidèles à la messe du dimanche et aux sacrements. Nous ne sommes plus à l’époque où le curé dictait les intentions de vote aux fidèles et c’est tant mieux. Ce n’est donc pas de lui que viendrait l’inspiration principale. D’ailleurs, une de mes connaissances m’a reproché mon silence en vue de la votation du mariage pour tous. Je lui ai répondu que dans mes conversations, j’ai clairement affirmé mon opinion, mais que le faire du haut d’une chaire serait pour moi une sorte de violation des consciences en profitant d’une audience qui n’est pas faite pour ça. Ce serait d’ailleurs plus contre-productif qu’autre chose.

1 NF 08.09 2021.

Le monde actuel

Maintenant que nous avons mieux défini l’adjectif de chrétien, il convient de le situer dans la perspective qu’il vit dans un monde qui ne l’est plus. La philosophe française Chantal Delsol n’y va pas par quatre chemins. Pour elle, nous assistons à la fin de la chrétienté. Le constat est sans appel. Et pourtant, il est teinté d’espoir ou d’espérance pour les chrétiens. Je ne parle pas du christianisme, qui n’est pas une religion perdue et qui continue à se déployer. La chrétienté, c’est la civilisation dans laquelle le christianisme apporte ses lois et ses mœurs. Et c’est ça qui est effacé depuis les années 50… D’après elle, au fil des ans, la chrétienté aurait été remplacée par le cosmothéisme: «Il s’agit d’une nouvelle croyance. Lorsque la chrétienté s’efface, elle n’est pas remplacée par rien. Il reste un pourcentage non négligeable de chrétiens. Mais les autres ne tombent pas dans le néant, ils se mettent à croire en d’autres choses. C’est une adoration du monde. C’est ce qui se développe avec l’écologie, qui est en train de devenir une religion. Cela fait partie des nombreuses tendances qui tendent à remplir le vide.»2

Ce constat semble se vérifier dans les conversations du «Café du commerce». J’entendais mes voisins de table disserter sur l’écologie. Aujourd’hui, ce n’est plus les dix commandements qui nous aident à faire un examen de conscience. Il faudra s’examiner sur le nouveau dogme qui a lui aussi ses règles: tu ne voyageras plus en avion, tu ne laisseras plus couler l’eau quand tu te laves les dents, tu n’imprimeras plus tes documents numériques, etc. Voilà les nouveaux péchés et pour ceux-là il n’y aura aucune absolution. Par contre, tricher, mentir, tromper son conjoint deviennent des péchés secondaires!

2 Chantal Delsol, La fin de la Chrétienté, octobre 2021.

«La chrétienté est finie en tant que civilisation. Je ne parle pas du christianisme, qui n’est pas une religion perdue et qui continue à se déployer. La chrétienté, c’est la civilisation dans laquelle le christianisme apporte ses lois et ses moeurs.»

Chantal Delsol

Relativisme et émotion

Selon le philosophe Zygmunt Bauman, il n’y plus de bien commun, ce qui gouverne la politique est désormais l’émotion.

Un autre constat est posé par Rod Dreher, journaliste et écrivain américain dans son livre Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus?3 L’auteur affirme que le monde n’est plus chrétien à cause de l’avènement de la société de consommation, des nouvelles technologies et du relativisme. «Tout cela fait qu’il est de plus en plus difficile de vivre avec la vérité chrétienne dans le monde. Dans une société de plus en plus individualiste coupée de la tradition, la seule autorité qui apparaisse comme justifiée est le moi. C’est ce que le philosophe Zygmunt Bauman appelle la société liquide. Il n’y a plus de bien commun, ce qui gouverne la politique est désormais l’émotion.»

Combien de fois n’entendons-nous pas dans les interviews, le mot relativement? «Le taux de probabilité est relativement faible. La tendance est relativement en hausse. » Et la réponse aux questions est souvent: «Oui et non.» Difficile dans ces conditions de faire émerger une vérité! Pourtant, si l’on prend la question de l’existence de Dieu, il faudra dire oui ou non. L’un aura tort, l’autre raison. Il n’y aura pas de juste milieu.

Rod Dreher affirme que le monde n’est plus chrétien à cause de l’avènement de la société de consommation.

Rod Dreher ajoute: «Je crois que les chrétiens doivent aller dans le monde. Mais dans un monde postchrétien, hostile au christianisme, je crois qu’il faut avoir une foi solide, appuyée sur une formation intellectuelle. On ne peut pas aller au combat désarmé!»

«Soit on est dans le vent, soit on crée le courant», disait souvent le regretté Mgr Joseph Roduit. N’y a-t-il pas ici un
vent d’optimisme que tout baptisé conscient de sa responsabilité dans l’avènement d’un monde plus juste et fraternel est invité à faire souffler? Comme le dit le psaume 36, 3-4: «Fais confiance au Seigneur, agis bien, habite la terre et reste fidèle; mets ta joie dans le Seigneur : il comblera les désirs de ton cœur.»


3 Artège.

Jeux, jeunes et humour – avril 2022

Par Marie-Claude Follonier

Question d’enfant

Le lapin de Pâques, un symbole chrétien ?
Les mythologies de nombreux peuples ont une déesse du printemps et de la fertilité associée parfois au lapin dont la femelle peut avoir deux portées en même temps. Dans les pays germaniques, ce ne sont pas les cloches qui ramènent les œufs de Pâques, mais bien les lapins. Les enfants leur construisent un nid. Lapin, cloche ou colombe, tout se mélange et se confond pour rendre compte de l’abondance de Vie offerte par la Résurrection.

par Pascal Ortelli

Humour

Un évêque vient trouver un prêtre en mission au Cameroun. Il est très impressionné de ce que le prêtre a réalisé sur place : un immense hôpital, deux grandes écoles. Il lui demande où il a trouvé l’argent pour le financement. 
Le prêtre est gêné et préfère ne pas répondre. L’évêque, au nom de l’obéissance, lui somme de dire la vérité :
– Vous voyez ce château. Il est habité par un milliardaire qui m’a promis de payer les écoles et l’hôpital si je baptisais son chien.
– Et vous l’avez fait ? C’est inadmissible. La fin ne justifie pas les moyens !
Très en colère, l’évêque va se coucher. La nuit portant conseil, au déjeuner, Monseigneur, qui a aussi besoin d’argent pour son diocèse, s’adresse au prêtre :
– Pourriez-vous demander au milliardaire s’il envisage de confirmer son chien ?

par Calixte Dubosson

« Ni les premiers, ni les plus écoutés »

PAR THIERRY SCHELLING | PHOTO : PXHERE

Changement d’époque

Le pape François l’a répété: «Nous (L’Eglise catholique, ndlr) ne sommes plus en chrétienté, nous ne le sommes plus! Nous ne sommes plus les seuls aujourd’hui à produire la culture, ni les premiers, ni les plus écoutés.» Et cela requiert un changement de mentalité qui prend du temps et qui n’est jamais un acquis mais un devenir, un chemin. Seulement en connaissant et en aimant ce monde dans lequel nous vivons, alors nous pouvons évangéliser plus adéquatement sans faire ni les perroquets ni les bulldozers! Dans la sobriété. On est loin des ovins de Panurge!

Multiculturalité

Une deuxième caractéristique de ce monde : sa pluriculturalité, inéluctable et inhérente notamment à la vie urbaine, premier biotope où l’on constate la « déchristianisation » selon l’ancien modèle de lecture. Et François prône le dialogue avec cette diversité sous nos fenêtres, pour toucher les cœurs avant tout dans le témoignage sincère et modeste de notre foi. On est loin des processions tape-à-l’œil !

Religiosité du peuple

Enfin, François recommande une attention toute particulière à la religiosité populaire, à la façon qu’ont les gens d’exprimer spontanément leurs croyances, leur spiritualité, leur foi. Même si pas toujours correspondantes « aux normes », elles sont expressions premières et profondes dans leur cœur. C’est en les accueillant comme telles qu’on peut ensuite partir d’elles pour se (re)connecter à l’Evangile, ferment infini de conversion, même pour le plus grand mystique !

Cela rappelle un Jésus qui rencontra une Samaritaine…

La foi qui se met à l’œuvre

PAR SERGE LILLO
PHOTO : LDD

En voyant l’évolution de notre société, nous pourrions être inquiets face à l’ampleur de la mission d’être chrétien dans le monde actuel. Et pourtant, si nous nous replongeons dans le passé, nous voyons que la tâche des chrétiens a souvent été difficile; mais Dieu s’est toujours occupé de faire évoluer son peuple sous le souffle de son Esprit Saint; et comme il l’avait dit à saint Pierre: «Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.» (Mt 16, 18)

Etre chrétien, c’est donc mettre son espérance dans le Seigneur, et avoir la foi que c’est bien Dieu qui dirige son Eglise et la fait évoluer contre vents et marées à chaque étape de l’histoire.

Mais être chrétien, c’est également agir et vivre dans ce monde en perpétuelle évolution, en imitant le Christ ; car comme le dit saint Jacques dans sa lettre : « Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? »
(Jc 2, 14)

Et imiter le Christ, c’est mettre en œuvre la loi qu’il nous a transmise : celle de l’amour ! L’amour pour Dieu et l’amour pour notre prochain. Suivre Jésus, c’est accueillir l’autre comme il est, en dépassant les divisions, les croyances ou les origines.

Le pape François nous envoie d’ailleurs ce message depuis le début de son pontificat : « Etre Peuple de Dieu, selon le grand dessein d’amour du Père, cela signifie être le ferment de Dieu dans notre humanité, cela signifie annoncer et apporter le salut de Dieu dans notre monde, qui est souvent égaré, qui a besoin d’avoir des réponses qui encouragent, qui donnent de l’espérance, qui donnent une nouvelle vigueur sur le chemin. » (Audience générale du 12/06/2013)

Bonne lecture !

En librairie – avril 2022

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

L’esprit inversif du Christ
Marc Cholin

Et si on relisait les Evangiles en observant comment Jésus introduit une inversion radicale en percevant Dieu d’abord, puis les êtres humains ? Telle est la proposition de Marc Cholin. L’auteur revisite ainsi la bonne nouvelle du christianisme avec de nombreuses formules fortes sur des passages que l’on croit pourtant connaître par cœur. Le Notre Père, l’image et la ressemblance avec Dieu, la Genèse et l’histoire de la pomme, notre rapport au temps. Le chapitre sur le pardon propose de nouvelles façons d’envisager le sacrement de la confession, plus en adéquation avec notre époque. Ce livre est un vrai régal. A conseiller à tous ceux qui ronronnent dans leur foi.

Editions Salvator

Acheter pour 27.40 CHF

Résister au mensonge
Rod Dreher

Un beau programme de lutte contre ceux que Rod Dreher nomme les « saboteurs du royaume de Dieu », qui met le lecteur en haleine du début à la fin. Un bon antidote au marasme ambiant, capable de réveiller l’ardeur et la fougue des baptisés endormis, car, prévient l’auteur, « les dissidents chrétiens ne pourront organiser la résistance que si leurs yeux se dessillent et voient enfin la véritable nature et les méthodes de l’idéologie totalitaire ». Un ouvrage pour les soirées au coin du feu.

Editions Artège

Acheter pour 27.90 CHF

Devota
Allali – Bertorello – Stoffel

A la fin du IIIe siècle, sous le règne de Dioclétien, la persécution contre les chrétiens redouble d’intensité. Tandis qu’à Rome, les chrétiens ont peur, en Corse, dans son village de Mariana, vit une jeune fille sous la protection d’Euticus, un notable converti à la religion du Christ. Mais l’arrivée du préfet Barbarus marque la fin de cette existence tranquille : notre héroïne va être arrêtée, torturée et assassinée avant que miraculeusement, son corps n’arrive sur une barque jusqu’aux rivages de l’actuelle Principauté de Monaco. Cette BD retrace la vie de cette vierge et martyre qui est à la fois patronne de la Corse et de la Principauté de Monaco.

Editions Plein vent

Acheter pour 24.70 CHF

La vie profonde 
Jean-Guilhem Xerri

Psychanalyste et coach, ancien interne des Hôpitaux de Paris, Jean-Guilhem Xerri propose depuis plusieurs années de s’intéresser non seulement à la santé physique et psychique, mais aussi à la santé spirituelle. A l’occasion de la publication de son nouveau livre, il évoque comment vivre plus intensément, plus profondément et surtout plus librement, dans le quotidien parfois morose que nous traversons.

Editions Le Cerf

Acheter pour 30.60 CHF

Pour commander

Rendre compte avec douceur (1 Pierre 3, 15-16)

PAR FRANÇOIS-XAVIER AMHERDT
PHOTO : PIXABAY

A bien des égards, en ce début du 3e millénaire, nous nous retrouvons dans la situation des premières communautés chrétiennes immergées et perdues dans une société qui allie indifférence et hostilité face à la foi et qui donne l’impression de vouloir – et pouvoir – se passer de Dieu. La petite voix de l’Evangile paraît complètement noyée et le christianisme, totalement ex-culturé (exclu de la culture).

L’invitation de la première lettre de Pierre aux chrétiens de la Rome impériale du Ier siècle, puisque tel est le contexte de l’épître pétrinienne, résonne donc avec une particulière acuité à nos oreilles postmodernes du XXIe siècle: « Soyons toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui nous habite, devant quiconque nous en demande raison. » Mais, ajoute le texte, et cela vaut également pour notre situation contemporaine, «que ce soit avec douceur et respect, en toute bonne conscience, afin que, sur le point même où l’on vous interpelle – voire calomnie – soient confondus ceux qui décrient votre bonne conduite dans le Christ» (1 Pierre 3, 15-16).

Le cadre de l’époque est entièrement marqué par les persécutions dont les communautés ecclésiales étaient l’objet de la part des autorités de l’empire et des tenants des religions païennes, car les baptisés constituaient une menace pour eux. Ces velléités d’extermination n’ont hélas pas disparu de nos jours et dans bien des endroits sur la planète, revendiquer son appartenance au Christ équivaut encore à risquer sa vie.

Reste que dans nos contrées occidentales, «l’apologétique» – c’est-à-dire l’art de proposer la foi (apo logos) à ceux qui s’en détournent ou l’ignorent totalement – prend une particulière actualité. Le terme a mauvaise presse, car il est considéré comme un plaidoyer défensif et identitaire. En réalité, il correspond au témoignage positif de celles et ceux qui ont expérimenté que vivre avec Jésus n’est pas la même chose que vivre sans lui, ainsi que le proclame l’exhortation La joie de l’Evangile du pape François (n. 266) et donc qu’il s’agit d’offrir au monde, avec délicatesse et sans prosélytisme «la diaconie de la vérité», en faisant connaître l’espérance portée par la Bonne Nouvelle.

Les gros cailloux

 

TEXTE ET PHOTOS : FAMILLE DELÈTRE SYLVIANE ET GRÉGORY

Dimanche 10h55. Les accords tonitruants de l’orgue retentissent dans l’église. La messe est finie. Le petit dernier, endormi dans mes bras, ne bronche pas. Sous un soleil radieux, le prêtre nous accueille sur le parvis avec sa bonne humeur et sa bienveillance habituelles. Il bénit le petit dormeur et m’interpelle : « Serais-tu d’accord d’écrire un article pour L’Essentiel : comment vivez-vous votre foi au quotidien ? » Et là, un temps d’arrêt.

Je me repasse le fil de la matinée. Dès le réveil, cette urgence : arriver à caser en une seule journée tout ce qui est à faire aujourd’hui, la dispute avec le cadet pour négocier un pantalon non troué, le chaos dans la maison au moment de partir
pour la messe, l’arrivée en retard, la frustration de vivre la célébration sur le parvis en raison du chahut des enfants, la liturgie qu’on peine à suivre, trop occupée à surveiller le benjamin qui tente ses premiers pas dans l’allée, mon cœur lourd des disputes du matin et des soucis professionnels. Et au milieu de tout cela, quand même, quelques mots de l’Evangile qui percent : « Heureux les doux… heureux les artisans de paix. »

En ce dimanche mouvementé, c’est Jésus qui m’interpelle sur ce parvis : toi qui cours sans arrêt après le temps, comment vis-tu ta foi, en famille et en communauté ? Où sont tes priorités ?

Dans le tourbillon de notre quotidien, nous avons quand même quelques bonnes intentions : transmettre à nos enfants une colonne vertébrale pour affronter un monde qui perd ses repères ; rendre grâce pour les merveilles en nos vies ; placer d’abord les gros cailloux dans le bocal de notre existence : l’eucharistie, la prière, la relation à Dieu, la relation à l’autre. Les graviers et le sable se glisseront dans les trous. Si nous commençons par le sable et les graviers, nous n’aurons jamais la place pour les gros cailloux. Enfin et surtout, face à nos faiblesses et nos difficultés : aller toujours puiser à l’unique source qui ne tarit jamais, l’Amour du Christ.

 

Abbaye de Saint-Maurice : ça mousse !

C’est au cœur du vignoble de Bex, dans une très ancienne cave dont les premiers documents qui la mentionne remontent à l’an 1244, que l’Abbaye de Saint-Maurice a choisi d’installer sa brasserie et commencé à produire de la bière, juste avant la pandémie. L’idée vient d’un des chanoines, bavarois d’origine. Passé les imposantes portes en bois, une dizaine de cuves de fermentation et de brassage nous font face. Trois bières y sont élevées et chacune d’elles reflète un concept, une histoire, tirée de l’Abbaye et de ses valeurs.

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Soif de sacré

A tour de rôle, des jeunes de divers cantons romands profitent de cet espace de liberté pour évoquer un sujet qui les intéresse. Au tour du Fribourgeois Antoine Bernhard de prendre la plume.

PAR ANTOINE BERNHARD | PHOTOS : DR

Vendredi saint, l’an dernier. J’entre dans une église valaisanne pour l’office. Je prends au passage le petit livret proposé aux fidèles pour accompagner la liturgie. Quelle n’est pas ma surprise? L’illustration qui accompagne les textes liturgiques n’est pas une icône, une croix ou quelque autre symbole religieux, mais le dessin mignon d’un enfant tenant un ballon en forme de cœur.

Ainsi, alors que l’Eglise s’apprête à vivre la solennité la plus importante du calendrier liturgique, que nous lisons les textes de la Passion du Christ, mort pour racheter nos fautes, alors que les catholiques du monde se préparent pour Pâques, nous n’avons rien d’autre à proposer qu’un symbole frelaté. Ce petit enfant avec son ballon, ce n’est pas l’Amour du Christ. C’est une image, produite par notre société consumériste, qui ne représente qu’un amour pauvre et mièvre, à la mode bisounours. Non, l’Amour du Christ s’est d’abord manifesté pour nous sur la croix, là où un Dieu fait homme a accepté de souffrir pour nous.

Nous nous posons la question : comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus? La question devrait plutôt être : sommes-nous encore chrétiens ? Que dire de notre foi, si un ballon en forme de cœur pour tout symbole de l’Amour du Christ nous suffit ? Avant d’être déchristianisé, notre monde a perdu tout sens du sacré, de la verticalité. Mais notre Eglise semble parfois être la première à tout désacraliser, et à tous les niveaux. Il faut désormais être cool, en phase avec le monde. Il faut tout aplatir, arrondir les angles, communier au progressisme obligatoire. Malheureusement, quand l’Eglise donne l’impression d’avoir pour seul projet que celui d’être le reflet flétri d’un monde sans repères, je ne m’y reconnais plus et avec moi de nombreux jeunes que je côtoie.

Nos contemporains – les jeunes en particulier – ont soif de sacré, Si l’Eglise n’en est plus le pourvoyeur, où le trouveront-ils ? De plus en plus nombreux sont ceux d’entre nous qui retrouvent l’expression du sacré dans la célébration du rite tridentin. Loin d’une crispation passéiste – comme certains voudraient le faire accroire – il y a là une soif authentique de vérité qui devrait enseigner toute l’Eglise.

Populaire ou élitaire ?

PAR PIERRE MOSER

Vatican II a ouvert une brèche dans une foi, disons, obligée… Une foi de désir a désormais pu s’exprimer. Mais elle n’a pas forcément gagné l’adhésion de tout.e.s. Il n’y a qu’à constater les réactions que provoque François à chacune de ses apparitions. Oui, il est très populaire auprès du commun des mortels, mais beaucoup moins auprès d’une partie non négligeable de sa communauté. On lui reproche notamment un manque flagrant de cérémonial, de respect envers des traditions jugées inaliénables.

Une Eglise qu’il a voulue, disons, « dépouillée », alors que d’aucuns auraient été plus à l’aise dans une institution mieux « habillée ». Un paradoxe pour une religion qui base son message sur un certain niveau de détachement. De plus, lesdites traditions remontent péniblement, pour les plus anciennes, à cinq siècles sur les vingt d’histoire du christianisme. Cela signifie-t-il que la religion catholique se doit d’être élitaire ? Qu’une attitude « simple » n’est pas assez méritante ? Qu’il y a des efforts à fournir pour recevoir le don de Dieu ?

Autant de questions qui agitent le microcosme catho. Et qui, pour certaines, sont à l’origine d’une désaffection croissante de nos églises. Cette religion qui demande de mériter Dieu n’est pas si caricaturale que cela. Là où Il n’intervient pas, c’est malgré tout à moi de faire l’effort. Donc oui, quand il s’agit de la peine infligée à mon frère, de l’incompréhension imposée à ma sœur, je me dois de faire cet effort. De mériter leur don d’être comme ils sont. Mais c’est fou ce que ce discours peut être bateau… Entendu 1000 fois, et prononcé par des personnes qui clament haut et fort : faites ce que je dis et non ce que je fais.

Faut-il pour autant forcer le trait vers une Eglise qui n’acceptera pas n’importe qui, et surtout pas n’importe comment ? Pour nous apporter un début de réponse, les références à la gratuité du don peuplent les évangiles : le fils prodigue (Lc 15 11-32) et le serviteur impitoyable (Mt 18 23-35). Mais quel rapport entre élitisme et gratuité ? Ils sont à l’opposé l’un de l’autre : être élitaire consiste à mettre un certain nombre de barrières sur mon chemin pour en éprouver la difficulté, alors que le don ne produit pas ces mêmes obstacles, au contraire, il amène la sérénité et la paix. Reste à savoir ce que nous cherchons…

Alexandre Frezzato: un Martignerain chez les Dominicains !

Né en 1992 d’un père d’origine italienne et d’une mère valaisanne, Alexandre Frezzato a grandi à Martigny. Il est passé par le Collège de Saint-Maurice et le Collège des Creusets à Sion. Après une année de service civil comme éducateur au Foyer Don Bosco à Sion, il commence l’Université à Fribourg en 2013 en philosophie et histoire, puis l’année suivante en philosophie et théologie, au moment où il opère «un retour à la foi». Alexandre Frezzato, frère dominicain, a prononcé ses vœux définitifs le 12 février dernier: «Un don total à Dieu pour la vie», résume-t-il… Il est aussi, depuis peu, adjoint de la représentante de l’évêque pour la région diocésaine de Fribourg francophone.

PAR GRÉGORY ROTH, CATH.CH (TEXTE ADAPTÉ) | PHOTO : CATH.CH

A la veille de prononcer vos vœux définitifs, dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Je suis totalement serein. Car, dans le concret de ma vie au quotidien, je sais à quoi je m’engage. J’ai eu six ans pour vivre, expérimenter et éprouver ce qu’est une vocation dominicaine. Ce sont six ans de fiançailles, en quelque sorte. J’ai attendu que le fruit soit mûr et que je sois en eaux calmes pour prendre ma décision. La pandémie a également fait retarder le processus. En fait, la pandémie m’a permis de me poser plus sérieusement la question. Et de conclure que je ne donne pas ma vie à l’Ordre dominicain parce que ma vocation sera utile, mais plutôt, parce que c’est ce que Dieu veut pour moi.

Qu’est-ce qui vous fait tenir dans la foi, sur ce chemin de vie consacrée ?

C’est lié à mon caractère et à ma personnalité. Dans tout ce que j’ai fait, peu importe le domaine, j’ai toujours cherché une sorte d’absolu, à aller au bout des choses, sans témérité, mais de manière un peu jusqu’au-boutiste. Si Dieu est la plus grande réalité vers laquelle on peut tendre, quels moyens puis-je me donner pour être le plus disponible à son service ? Pour moi, la réponse a clairement été la vie consacrée : donner tous les aspects de mon existence pour l’amour de Dieu, au service du prochain.

Quel sens donnez-vous à votre profession solennelle : un mariage, un contrat… ?

C’est une promesse et une réponse à la promesse que Dieu fait à l’Homme. Dans toutes les pages de la Bible, Dieu promet sa fidélité à son peuple et à ceux qui Le suivent. J’essaye, à mon niveau, de répondre à cette promesse le plus fidèlement possible.

La promesse d’obéissance est primordiale dans l’Ordre dominicain…

Nous faisons les trois vœux religieux : l’obéissance, la pauvreté et la chasteté. Mais au moment de prononcer la formule de profession, on ne verbalise que celui d’obéissance. Une promesse que l’on fait à Dieu, à la Vierge et au Maître de l’Ordre, représenté par le Provincial.

Depuis quelques mois, vous devez aussi « obéissance » à Mme Céline Ruffieux, la représentante de l’évêque à Fribourg. En quoi consiste cette fonction ?

L’adjoint est là pour soutenir les actions et les décisions prises par la représentante. Comme elle n’est pas théologienne de formation, elle a souhaité pouvoir compter sur un adjoint qui possède quelques compétences dans ce domaine. C’est, à mon sens, une belle manière d’intégrer un regard théologique dans les décisions pastorales. Nous essayons de trouver la manière la plus ajustée et appropriée de répondre aux situations concrètes.

Comment cela se passe concrètement ?

Céline va sur le terrain pour rencontrer des prêtres et des équipes pastorales. Généralement, à son retour, nous en débriefons. Il s’agit ensuite de réfléchir ensemble aux différentes solutions à apporter, afin qu’elle retourne sur le terrain avec du solide. Il me semble que notre binôme fonctionne bien ainsi, toujours enrichi par cet échange. Nous essayons de trouver la manière la plus ajustée, appropriée et « catholique » si je puis dire, de répondre aux situations concrètes.

Comment conjuguez-vous la vie religieuse avec cet engagement pastoral ?

Du point de vue de la vie dominicaine, je ne suis pas prêtre. Je suis encore frère étudiant et en formation. A ce stade, on confie habituellement un apostolat pour « faire ses armes », comme donner le caté à des jeunes.

Paradoxalement, ce que je fais à la Maison diocésaine implique de sérieuses responsabilités : tout simplement car j’ai accès à de nombreuses informations, y compris des dossiers sensibles. Il y a donc de vraies attentes qui supposent une vive conscience professionnelle. En revanche, ce qui est pratique, c’est que les horaires sont réguliers, ce qui me permet de composer facilement avec la licence canonique à l’Université et les différents apostolats liés au couvent.

Vitraux du Père Kim En Joong…

… chapelle Notre-Dame-de-Compassion (Martigny)

PAR AMANDINE BEFFA | PHOTO : JEAN-CLAUDE GADMER

La chapelle de La Bâtiaz à Martigny est depuis longtemps un lieu de prière et de pèlerinage pour la région. Les nombreux exvoto datant des XVIIIe et XIXe siècles qui ornent les murs de l’édifice consacré à Notre Dame de Compassion en sont un témoignage. Lors de la restauration de 2012, Léonard Gianadda1 est sollicité. Il offre alors des vitraux du Père Kim En Joong.

Né en Corée en 1940, l’artiste est élevé dans la tradition taoïste. Il étudie les beaux-arts à Séoul et enseigne le dessin au séminaire de la ville. C’est là qu’il découvre la religion catholique, notamment grâce à ses élèves. Il est baptisé en 1967 et devient dominicain quelques années plus tard. Il est connu comme le peintre blanc de la lumière.

L’œuvre de Kim En Joong est pensée comme l’irruption de la lumière dans les ténèbres. Il affirmait ainsi dans une émission sur KTO, en mai 2016: «Mon travail est d’être chasseur de ténèbres.» L’artiste fait le choix de ne pas nécessairement donner de légende ou d’explications pour laisser chacun libre de son interprétation. Il perçoit néanmoins son œuvre comme une invitation à découvrir Dieu. Il utilise son art pour prêcher, dans la lignée de ses prédécesseurs de l’Ordre des Prêcheurs qui utilisaient leurs mots. Il fait sienne une phrase de Stendhal selon qui la beauté est comme une promesse du bonheur.

Kim En Joong explique: «Les parties blanches sont importantes dans ma peinture et elles sont un héritage de ma culture coréenne. Peut-être sont-elles l’essentiel de mes créations. Ce qui compte dans une œuvre d’art, en musique, au théâtre, en littérature ou en poésie, c’est la résonance. C’est le rôle des grandes parties blanches. Cela renvoie au mystère, à l’écho en nous. […] L’espace libre n’est pas vide, mais plénitude.»2

1 Ecouter Léonard Gianadda présenter les vitraux: www.gianadda.ch/a_decouvrir_aussi/vitraux_de_martigny/kim/

2 Les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p. 63.

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