En 2022, Noël Pedreira s’est donné l’objectif un peu fou d’accomplir un triathlon IronMan… alors qu’il ne savait pas nager le crawl ! Outre l’aspect physique et mental, il voit dans sa démarche une composante profondément spirituelle.
Par Myriam Bettens | Photos : DR
Qu’est-ce qui vous a décidé à vous entraîner pour un triathlon IronMan ?
J’avançais dans la quarantaine et souhaitais, pour mon équilibre personnel, une activité physique un peu plus soutenue. Le déclencheur a été de voir les coureurs de l’IronMan de Thoune passer sous mes fenêtres lorsque j’y habitais durant la semaine pour raisons professionnelles. Je me suis dit : « Voilà bien un endroit où personne ne m’attendrait. » (sourires)
Un endroit où on ne vous attendrait pas… c’est-à-dire ?
C’était l’été 2022 et je m’étais fixé l’objectif de terminer un IronMan en 2026. J’avais une activité physique régulière, mais je ne savais pas nager le crawl, je n’avais pas de vélo, ni de chaussures adaptées à la course à pied. Autant dire que je partais de rien. Il y avait un nouveau club jurassien de triathlon qui se formait. Je suis allé à la séance d’information et il se trouve que le président de ce club était un ancien camarade de lycée. Lorsqu’il m’a vu arriver, il a dit : « Tu es bien la dernière personne que je pensais voir ici. » (rires) Finalement, je me suis adressé à un ancien triathlète professionnel qui proposait un accompagnement personnalisé. En octobre 2022, le coach me pousse à m’inscrire à un demi IronMan en juin 2023. Puis, en début d’année, il a considéré que j’étais prêt pour un complet en juillet 2023… alors que c’est seulement en février que j’ai vraiment compris comment on nage le crawl !
Y a-t-il une composante spirituelle dans votre démarche ?
Pas seulement. Il y a la dimension de défi personnel, mais aussi conjugal et familial. Si les personnes qui partagent ta vie ne te soutiennent pas, l’idée même d’un IronMan devient irréalisable. Ensuite, entouré de centaines d’autres coureurs, qui s’encouragent et se soutiennent mutuellement : l’aspect communautaire et de communion est indéniable. Par ailleurs, il est vrai que cette démarche a rejoint ma propre pratique spirituelle. Celle-ci ne se limite pas à un lieu précis, à des sacrements, des pratiques ou des rituels particuliers. On ne peut qu’être en état d’admiration lorsqu’on nage dans le lac de Thoune face à la Jungfrau, le Mönch et l’Eiger. On se sent porté par quelque chose qui nous dépasse. Et puis, il y a vraiment cet émerveillement de voir jusqu’où le corps, temple de l’Esprit Saint, peut aller.
Peut-on parler d’autotranscendance ?
En tant que chrétien, c’est le lieu par excellence où tu vis l’incarnation. Tu « sens » ce lien unique entre corps, âme et esprit. Lors d’une de mes courses, j’ai aussi tracé un parallèle entre les mystères du Rosaire et le triathlon IronMan en essayant d’y repérer les mystères douloureux, lumineux ou encore joyeux.
Un exemple de ces mystères du triathlonien ?
Lors du dernier IronMan à Thoune, l’eau était extrêmement froide. Au bout d’une heure de nage, je ne sentais plus mes membres. J’ai presque souhaité qu’un Léviathan sorte du fond de ce lac et me tire vers le bas… me sorte de là. J’étais en plein dans mon mystère douloureux, mais il y a peu d’autres expériences humaines qui me font me sentir aussi vivant, si j’ose être aussi radical.
Un homme de fer pas pour les pieds nickelés…
Créé en 1978, l’IronMan est dans le langage commun du triathlon le nom donné à l’un des plus longs formats de la discipline. D’une distance totale de 226 kilomètres (140,6 miles), cette compétition multidisciplinaire consiste à enchaîner 3,8 km de natation, 180,2 km de cyclisme puis un marathon de 42,195 km. Les championnats du monde de cette discipline se déroulent chaque année, en alternance, à Nice et Hawaï. Depuis 2005, il existe aussi des half IronMan [ndlr. demi IronMan], de 113 km, soit la moitié de la distance d’une course complète.
Bio express
Noël Pedreira et son épouse Céline, tous deux nés en 1976, sont les heureux parents de trois garçons âgés de 14 à 20 ans. Suite à des études de théologie à Fribourg et Paris, il est engagé comme assistant pastoral pour l’Eglise catholique, dans le canton du Jura. Après quelques années en pastorale paroissiale, il change d’orientation professionnelle pour rejoindre l’aumônerie de l’armée suisse, où il est en charge du recrutement, de la formation et de la recherche.