Sans Dieu, la raison me perd

Sans Dieu, la raison me perd

TEXTE ET PHOTO PAR ELSA WACK

Mon père Marc était un scientifique athée et membre de l’Union rationaliste.

Déjà quand j’étais assez jeune, nous nous heurtions à chaque fois que nous conversions sur la religion. C’était un dialogue de sourds. D’ailleurs, il est devenu sourd et ce sera peut-être aussi mon cas.

L’Union rationaliste publia «Légendes juives et chrétiennes », que mes parents achetèrent avec enthousiasme. Mais il n’y avait pas moyen de les lire: elles étaient bardées de commentaires historiques, de remises en contexte partisanes, d’une érudition ou pseudoérudition qui sapait toute possibilité de se plonger dans les récits.

Une légende a toujours un caractère sacré. Si on y réfléchit, c’est peut-être même le cas des textes de fiction en général. Seules les personnes un peu influençables («hypnotisables», diront certains), réussissent à s’identifier à leurs personnages sortis d’on ne sait quelle réalité de l’âme.

Mon père lisait peu de littérature. Pas le temps, sans doute. Il était chimiste, musicien et devait nourrir ses quatre enfants.

A propos de la méthode expérimentale, il nous parlait parfois de l’invention qu’il avait faite un peu par hasard, après s’être rendu compte que les hypothèses que lui dictait son imagination ne se confirmaient pas.

Son opinion des religions et des ésotérismes de tout poil se résumait probablement au refrain de Georges Brassens:

« Je ne crois pas un mot
de toutes ces histoires. »

Pourtant, il aimait visiter les églises. Pour moi, c’était une sorte de sacrilège : je m’y sentais mal à l’aise. Il a fallu que je me convertisse pour ne plus me sentir comme une intruse dans une église.

Son propre père Théophile était beaucoup plus mystique que lui. A l’enterrement de Théo, Marc a dit : « Nous n’avions pas les mêmes idées, mais il m’a toujours témoigné de l’affection. »

Si seulement science et religion pouvaient toujours se comprendre ainsi par le cœur !

Croire n’est pas savoir. Le scientifique expérimente, le croyant témoigne.

Nous sommes des témoins de petits bouts de choses : le grand tout divin nous échappera toujours et il est aussi vain de vouloir prouver l’existence de Dieu que son inexistence. Dialogue de sourds. Pourquoi chercher à expliquer ? C’est impossible.

Mon père m’a donné tant d’amour que la confiance que j’ai envers Dieu le Père souffre un peu de la comparaison ; la rançon du bonheur – sauf quand je considère que l’amour de mon père était peut-être une émanation de l’amour de Dieu.

***

La traduction de chansons est mon dada. Pour dire adieu à
L’Essentiel, dans lequel je n’écrirai plus, permettez-moi de publier ici une adaptation maison d’un chant choral de nos amis luthériens (Psaume 37, 5) :

Inspiré de « Befiehl du deine Wege »

(Paul Gerhardt, J.-S. Bach)

Quand tout te désenchante,
Confie ton cœur enfin
Au Dieu bon qui oriente
Là-haut le ciel sans fin
Les astres au bord du vide
Les nuages et les vents
Sur leur voie il les guide
Il te conduira en avant

Et en écho aux scandales de pédophilie, j’ai envie de détourner la Chanson de Gavroche:

Suis tombé dans le vide,
La faute à André Gide,
Au fond du caniveau,
La faute à Jean Cocteau

(Original de Victor Hugo : Je suis tombé par terre / C’est la faute à
Voltaire / Le nez dans le ruisseau / C’est la faute à Rousseau
)

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