Ne vivons que la joie !

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), novembre 2019

Par Jean-Marie Monnerat

Chaque année, la première semaine de novembre accueille la Semaine des religions. A travers toute la Suisse, une centaine de manifestations invitent au dialogue entre religions et cultures de notre pays. Le dialogue? Il s’agit d’une discussion, donc surtout orale, et d’une négociation menée avec la volonté commune d’aboutir à une solution acceptable pour les deux parties. Le dialogue implique dès lors une volonté de comprendre et d’accepter l’autre, avec ses différences, sous peine d’entamer un «dialogue de sourds».

La paix et l’unité de l’Église requièrent une volonté de connaître l’autre et de s’ouvrir à lui. Cette réflexion est d’autant plus importante que nombre de chrétiens aujourd’hui manifestent, face à cette ouverture, quelques craintes. De bonne foi, ces chrétiens soulignent les risques ou même les dangers du dialogue interreligieux. Est-ce que ce dialogue n’entretient pas l’idée que toutes les religions se valent et sème ainsi la confusion?

Il convient de relever que ce ne sont pas les religions qui dialoguent, mais les croyants. Et comprendre et accepter l’autre ne signifie pas toujours être d’accord avec lui, mais permet à chacun d’affirmer ce qu’il croit, dans le respect d’autrui. Enfin, le dialogue ne dispense pas pour autant d’annoncer l’Évangile. Dans notre diocèse, la majorité des catholiques pratiquants est d’origine étrangère: c’est d’abord un motif de joie; parfois, c’est un motif de tension. Ne vivons que la joie!

Le rôle de L’Essentiel est de participer à ce débat et de mieux faire connaître notre vie de catholiques. Pour bien remplir notre mission, nous comptons aussi sur votre opinion. N’hésitez pas à nous en faire part. Bonne lecture!

La chapelle Saint-Barthélemy

Par Emmanuel Rey
Photos: DR

Près du double rond-point du Schoenberg s’élève la chapelle Saint-Barthélemy. À mi-chemin entre la porte de Berne et le hameau de Villars-les-Joncs se trouvaient au Moyen Âge une léproserie ainsi qu’une chapelle. Dans son état actuel, la chapelle a été édifiée en 1472-1473 ; l’autel extérieur date de cette époque. La chapelle a subi plusieurs réfections au XVIIe (la cloche de 1658 l’atteste) puis au XVIIIe siècles (installation du retable avec la représentation du martyre de saint Barthélemy). Certaines œuvres autrefois visibles dans la chapelle se trouvent aujourd’hui à la cure de Saint-Nicolas : les statues de sainte Catherine et de saint Éloi ainsi que deux peintures représentant les saintes Ursule et Vérène. La chapelle a dépendu de la paroisse de Guin jusqu’en 1872. Le mauvais état de l’intérieur a incité la paroisse de Saint-Nicolas/Saint-Paul à entreprendre des travaux urgents ; près de Fr. 55’000.– y ont été consacrés. Les travaux se poursuivent et une porte vitrée sera placée devant la vénérable porte en épicéa du XVIIe siècle, de sorte que la chapelle pourra rester accessible. Depuis quelques années, une messe y est célébrée le 24 août, jour où l’Église fait mémoire de l’apôtre Barthélemy. Les pèlerins qui marchent sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle y font une halte bien méritée.

Marc-Olivier Girard est séminariste dans notre diocèse. Durant cette année pastorale, il est en stage dans notre unité pastorale. Voici son témoignage en guise de présentation :

« Enfant, j’ai eu la joie de recevoir la foi par l’intermédiaire de ma mère. Comme jeune adulte, si mon cœur était ouvert, je ne peux pas dire que j’étais un convaincu de la spiritualité ou un pilier d’église. J’ai cependant expérimenté, tout particulièrement lors d’un pèlerinage, que la beauté des paysages, le silence de la montagne, l’effort physique et l’entraide fraternelle accompagnés de moments de prière, de célébrations liturgiques et d’enseignements catéchétiques sont des ingrédients qui permettent à Dieu de parler à notre cœur et de le visiter en le comblant de richesses que je ne soupçonnais pas. Depuis, j’ai pu aussi mettre mon énergie au service de l’Église, notamment de ce pèlerinage qui m’a tant apporté. En outre, j’ai aussi compris que le témoignage de ma foi dans le concret de ma vie quotidienne est source de bonheur. Si je peux exprimer un souhait : que beaucoup de personnes puissent bénéficier de la même expérience et trouver Dieu en le cherchant de tout leur cœur. »

J’ai lu pour vous: Jérôme Lejeune, la liberté du savant

Par l’abbé Dominique RimazCe livre biographique du généticien, découvreur de la trisomie 21, ne se lit pas comme un vrai roman, mais comme un roman vrai. Ce chercheur a été reconnu très tôt par la communauté internationale. Il fut nommé expert des radiations atomiques auprès de l’ONU à l’âge de 31 ans. 

Le Professeur Lejeune a marqué l’histoire en prenant la défense des tout-petits, des malades, des personnes avec un handicap ou des sans-voix. Il eut un véritable coup de cœur pour les enfants trisomiques, à qui il décida de consacrer sa vie. Suivant toujours sa conscience, fidèle au serment d’Hippocrate, il a montré avec brio comment la science et la foi sont faites pour grandir ensemble. Son histoire est celle d’un homme qui est resté profondément libre malgré les honneurs reçus dans le monde entier puis les attaques violentes dont il a été l’objet. Il aurait pu recevoir le prix Nobel de médecine. 

L’auteur du livre, Aude Dugast, est postulatrice de sa cause de canonisation. La phase diocésaine est terminée et la « positio » est à la congrégation pour la cause des saints. Ne reste que la reconnaissance de l’héroïcité des vertus et le miracle pour authentifier notre perception de sa vie sainte. 

Alors que la personne humaine est incomprise par les politiques, édictant des lois qui ne prennent plus en compte l’écologie humaine, cette lecture permet d’entrevoir la sagesse d’un médecin guidé moralement par un grec préchrétien, Hippocrate, du IVe siècle avant Jésus-Christ.

Aude Dugast, Jérôme Lejeune, la liberté du savant, Editions Artège 2019.

Au service à la suite du Christ serviteur

Propos recueillis par Danièle Moulin
Photo: R. Nzobihindemyi

Agent pastoral laïc pour l’UP Saint-Joseph, Robert Nzobihindemyi sera ordonné diacre permanent le 8 décembre prochain à l’église Saints-Pierre-et-Paul de Villars-sur-Glâne. Robert nous parle de ce ministère particulier et multiforme consistant à servir l’Église et le monde à la suite du Christ serviteur.

« Je donnerai tout à Dieu »
Robert le reconnaît : son nom est difficilement prononçable sous nos latitudes, mais il est pourtant très riche de sens. Au Burundi, pays où il a vu le jour en 1967, chaque enfant se voit donner un nom véhiculant un message propre, correspondant au rôle qu’il aura dans sa propre famille ou encore au contexte dans lequel il est né. Son nom à lui signifie « Je donnerai tout à Dieu ». 

La foi de Robert a trouvé sa source au sein d’une famille profondément croyante et pratiquante. Depuis tout petit, cette foi est pour lui un don de Dieu. Elle le soutient et le fortifie, notamment lorsqu’il est confronté à l’âge de cinq ans au décès de son papa, mort assassiné. Persécuté et menacé de mort lui-même, il quitte seul, sans sa famille, son pays natal en 1988 pour se réfugier dans un pays voisin. Quelques années plus tard, en 1993, un ami évêque l’envoie à Fribourg pour y poursuivre ses études, mais aussi pour discerner sa vocation. Il faut dire qu’au Burundi, la question de la vocation est omniprésente et la grande majorité des enfants et des jeunes se la pose !

Un appel
Il s’envole donc pour Fribourg, où il étudie à l’École de la Foi. C’est à cette même époque qu’il rencontre celle qui deviendra son épouse, elle aussi burundaise, arrivée en Suisse une année après lui. À partir de ce moment, Robert se dit : « Ça y est, j’ai trouvé ma vocation, Dieu va me laisser tranquille ! » Il poursuit ses études en théologie à l’Université de Fribourg. Tout se déroule normalement, mais pourtant, reconnaît-il « quelque chose m’habitait sans que je sache très bien le définir ». Petit à petit, des personnes de son entourage l’interpellent : « Tu sais ce que c’est le diaconat permanent ? » Robert ne le sait pas vraiment, étant donné qu’au Burundi ce ministère n’existe pas encore. Il se renseigne et se pose énormément de questions à ce sujet : « J’ai surtout beaucoup prié et j’ai également pris le temps d’en parler longuement avec mon épouse et mes trois enfants. » Sa famille lui assure son soutien dans ses démarches.

Robert prend contact avec les personnes chargées de la formation. Malgré tout, il tente d’éloigner le plus loin possible de lui cette idée. Toutes les excuses sont bonnes : « Ce n’est pas raisonnable, j’attends que mes trois enfants soient majeurs » ou encore « Cette idée me passera ! ». Mais l’idée du diaconat permanent l’habite toujours davantage. Il entame alors une année de discernement suivie de la formation qui dure normalement trois ans : « Tout est allé très vite et se passe bien ; je ne peux que rendre grâce pour le soutien reçu de la part de ma famille, de ma communauté paroissiale et de mes collègues de travail. » Robert se reconnaît chanceux de pouvoir travailler au sein de l’UP Saint-Joseph et de servir dans la diaconie, notamment pour la Conférence Saint-Vincent de Paul ainsi que pour le Mouvement chrétien des retraités (MCR).

« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis »
Si Robert est déjà assistant pastoral, son ordination implique tout de même un grand changement : « Je vais recevoir la grâce sacramentelle de servir davantage l’Église. » Pourtant, il ne considère pas cela comme une promotion. Pour lui, il s’agit avant tout d’une réponse à un appel, afin de continuer à vivre son baptême, mais aussi à être configuré au Christ qui est le diacre par excellence, c’est-à-dire le serviteur. Robert se réjouit de vivre pleinement les trois dimensions de la mission du diacre : le service de la liturgie, de la parole et de la charité. En même temps, il sait que sa famille restera le premier terrain de son ministère : « On ne peut pas prétendre servir les autres si on ne commence pas là où l’on vit. » 

« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure. » (Jean 15, 16) C’est ce verset que Robert a choisi pour son ordination. Pour lui, c’est Dieu qui appelle à une mission spécifique et attend notre réponse. Robert sait maintenant que Dieu l’envoie vers les autres, en particulier les pauvres, pour être un témoignage vivant et joyeux, pour être le signe visible effectif du Christ Serviteur.Dimanche 24 novembre, fête du Christ Roi, nous vous convions à la célébration des vêpres à 17h à l’église paroissiale de Villars-sur-Glâne. À la veille de sa semaine de retraite diaconale, ce sera l’occasion de prier avec et pour Robert et d’expliquer ce qu’est le diaconat permanent.

Dimanche 8 décembre, en la solen-nité de l’Immaculée Conception, nous sommes tous conviés aux ordinations diaconales de Robert Nzobihindemyi, Josef Guentensperger, Giuseppe Foletti et Vincent Lathion, par l’imposition des mains de notre évêque, Charles Morerod, à 10h, à l’église paroissiale de Villars-sur-Glâne. Ce même matin, pas d’autre messe dans les paroisses de l’UP Saint-Joseph.

Christus Vivit: l’éclairage

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorale du Grand-Fribourg, novembre-décembre 2019

Par Paul Salles
Photo: Cef.frNous poursuivons notre série annuelle sur l’exhortation Christus Vivit du pape François qui fait suite au Synode sur la foi, les jeunes et le discernement vocationnel. Pour ce numéro, intéressons-nous plus profondément au chapitre 4. 

Vous pourriez être tenté de vous demander pourquoi, après avoir traité les deux premiers chapitres en introduction, s’intéresser au quatrième chapitre sans traiter le troisième. Non qu’il soit dénué d’intérêt (nous nous y pencherons dans le prochain numéro), mais c’est parce que ce quatrième chapitre est le cœur, le centre névralgique de l’exhortation. 

Ces vérités qu’il ne faut jamais taire
François introduit ainsi ce chapitre : « Je souhaite maintenant annoncer à tous les jeunes le plus important, ce qui est primordial, ce qu’il ne faut jamais taire. Une annonce qui comprend trois grandes vérités que nous avons tous besoin d’entendre sans cesse, encore et encore. » (CV 111) Lorsque l’on a l’habitude de lire le pape François, on se rend bien compte, à travers cette formule, qu’il y a là un point sur lequel il veut vraiment insister. Autant dire d’avance que si on passe à côté de ce chapitre, du message central qu’il porte, ça ne sert à rien, en tant que chrétien, de s’intéresser aux jeunes, à leurs problèmes, ou de chercher à leur proposer quoi que ce soit. Sans cela, l’Église court le risque de n’être qu’une ONG humanitaire, ainsi que le pape François le dénonçait dans sa première homélie au lendemain de son élection. 

Voici la première de ces vérités : « Dieu t’aim. » Au-delà de l’aspect si simple de ces quelques mots, c’est bien le cœur même de Dieu qui se révèle : « Si tu l’as déjà entendu, peu importe. Je veux te le rappeler : Dieu t’aime. N’en doute jamais, quoiqu’il arrive dans ta vie. Tu es aimé infiniment, en toutes circonstances. » (CV 112) François veut ici faire tomber toutes les idoles, ces fausses représentations d’un Dieu vengeur, vieillard barbu sur son nuage, ou autres caricatures tellement éloignées du cœur de l’Évangile : Dieu t’aime, il est Père, éternellement fidèle, tendre et miséricordieux.

« Il te sauve. » François poursuit avec cette deuxième vérité à ne jamais taire. Elle révèle la mission du Fils qui, « par amour, s’est livré jusqu’au bout pour te sauver. » (CV 118) « Ce Christ, qui nous a sauvés de nos péchés sur la croix, continue de nous sauver et de nous racheter aujourd’hui, avec le même pouvoir de son don total. Regarde le Christ, accroche-toi à lui, laisse-toi sauver […]. Regarde les bras ouverts du Christ crucifié, laisse-toi sauver encore et encore. » (CV 119.123)

« Il vit » : le Christ est ressuscité, il est toujours vivant, et citant saint Paul « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi » (1 Co 15, 17). Sans cette troisième vérité à annoncer à tous, « nous courons le risque de prendre Jésus-Christ seulement comme un bon exemple du passé, comme un souvenir, comme quelqu’un qui nous a sauvés il y a deux mille ans. Cela ne nous servirait à rien, cela nous laisserait identiques, cela ne nous libérerait pas. Celui qui nous remplit de sa grâce, qui nous libère, qui nous transforme, qui nous guérit et nous console est quelqu’un qui vit ».
Si le Christ est vivant, « alors il pourra être présent dans ta vie, à chaque moment, pour la remplir de lumière. Il n’y aura ainsi plus jamais de solitude ni d’abandon. […] Si tu parviens à apprécier, avec le cœur, la beauté de cette nouvelle, et que tu te laisses rencontrer par le Seigneur, si tu te laisses aimer et sauver par lui, si tu entres en amitié avec lui et commences à parler avec le Christ vivant des choses concrètes de ta vie, tu feras la grande expérience, l’expérience fondamentale qui soutiendra ta vie chrétienne ». (CV 125.129)

Le pape François n’invente rien, il s’agit bien du cœur de l’Évangile, l’annonce de l’Amour livré qui pourra seul sauver le monde.

Semaine des religions

Les mains, instruments du cœur et de l’esprit

Par Reto Dörig
Photo: DR

Lors de la Semaine des religions, en novembre prochain, le Groupe interreligieux de Fribourg vous invite à deux événements en lien avec le thème « Les mains, instruments du cœur et de l’esprit ». Par ces rencontres, nous partirons découvrir la riche symbolique et l’importance de la main dans nos traditions religieuses et nos pratiques quotidiennes. 

Mardi 5 novembre 2019 à l’accueil pour migrants Point d’Ancrage, rue de la Fonderie 7 à Fribourg : discussions du type « world café » sur le thème de la main et sa symbolique dans nos cultures et croyances respectives. 

Accueil à partir de 18h30 avec un thé afghan. Une méditation et des rencontres thématiques commenceront à 19h et se termineront vers 21h. Un buffet interculturel permettra ensuite de poursuivre les échanges.

Dimanche 10 novembre 2019, au Centre spirituel Sainte-Ursule, rue des Alpes 2 à Fribourg : à partir de 14h30 auront lieu des ateliers de créativité et de partage pour tous les âges (atelier d’écriture, méditation, langage des signes, mudras hindous, création d’un bâton de pèlerin, ateliers pour enfants). Puis, à 17h15 une célébration interreligieuse clôturera la Semaine des religions.

Informations et renseignements :
Reto Dörig, reto.dorig@cath-fr.ch, 078 848 96 27
www.interreligieuxfribourg.wordpress.com

La Semaine des religions est une semaine au début novembre, utilisée dans toute la Suisse pour permettre aux communautés et traditions religieuses d’interagir, d’ouvrir portes et fenêtres, réelles et intérieures. Plus de 150 événements se déroulent sous l’inspiration d’Iras Cotis (www.iras-cotis.ch), pour en savoir plus : www.semaine-des-religions.ch

Le groupe interreligieux de Fribourg (GIF) :
Depuis 2011, le GIF, un groupe informel d’une douzaine de personnes issues de différentes traditions religieuses (bouddhistes, hindous, chrétiens et musulmans de différentes confessions) se rencontrent régulièrement pour échanger et se découvrir au-delà des clichés et stéréotypes. Il a pour but de promouvoir l’interconnaissance culturelle et religieuse et organise, depuis sa création, des événements publics.

Jubilé de la pastorale de rue

Par Jean-Marc Buchs
Photo: DR
La pastorale de rue fêtera au début octobre  ses 25 ans de présence en gare de Fribourg. Fort bien, mais qu’en est-il plus précisément de cette « pastorale de rue » ? Si l’on remonte aux origines, il faut évoquer une rencontre entre une jeune, Sonia, et une religieuse, Sœur Danièle Perrier. La jeune avait besoin de partager un peu de sa réalité et elle a pu déposer une partie de son fardeau aux oreilles de Sœur Danièle. C’était le début d’une histoire qui dure. Une histoire faite d’écoute, à l’image du premier commandement rappelé par Jésus lui-même dans l’évangile selon saint Marc (12, 29). L’écoute découle du besoin relationnel de tout être humain. Que ce soit Alexandre, Jeanne, Kevin ou Chadia (prénoms d’emprunt), tous sont unanimes : s’ils aiment venir à la gare, c’est tout d’abord pour y rencontrer d’autres personnes. Pour certains, la gare constitue même leur unique lieu de socialisation. Se dire, se raconter, se rencontrer… autant de verbes et de réalités qui se croisent et s’animent mutuellement.

Concrètement, notre petite équipe assure des temps de présence en semaine durant la période scolaire pour être là, à l’écoute, seul ou à deux parfois. Il s’agit alors, dans beaucoup de cas, d’aller vers les personnes et d’initier un échange, une conversation. Avec le temps, certains usagers de la gare viennent spontanément vers nous. Les échanges peuvent porter sur des sujets très divers, parfois un peu futiles et parfois beaucoup plus profonds et graves. Pour fêter son jubilé, la pastorale de rue vous propose une exposition et une table ronde sur les regards que l’on pose les uns sur les autres. Un regard qui fait la place belle à l’art (musique, poésie, peinture ou autre) avec des réalisations des personnes rencontrées dans le cadre de la pastorale de rue. Pour rendre grâce de l’émerveillement de ces 25 ans de rencontres, une messe sera également célébrée dans un bistrot attenant à la gare. Bienvenue à chacun !

Pierre et Adeline Wermelinger

Se marier à l’église, un pari de foi

Propos recueillis par Véronique Benz
Photo: DR
Pierre et Adeline aiment recevoir leurs amis chez eux, leur offrir un bon verre de vin, parler autour d’un repas… Dans leur accueil, on perçoit la vocation de sommelier de Pierre, son sens du contact humain et toute l’ouverture de cœur d’Adeline qui est à l’écoute de ses hôtes comme Marie l’était aux pieds du Christ à Béthanie.

Pierre et Adeline se sont rencontrés en 2013 sur le parvis de la cathédrale Saint-Nicolas à Fribourg. « Au départ, ce ne fut qu’une belle amitié », reconnaît Adeline. « Nous n’étions pas au même point dans notre cheminement de foi. Je ne voulais pas que Pierre vienne à la messe pour me voir. Je n’avais pas envie que sa relation à Dieu se construise sur du paraître. Il devait suivre sa propre voie. »

Le couple a fait route ensemble dans la foi. Ils ont décidé de se marier à l’église, sous le regard de Dieu. « Pour nous c’était clair, nous nous engagions pour construire quelque chose de durable. Nous savions que face au monde actuel c’était un pari de fou, un pari de foi, un choix à contre-courant. Nous avons été accompagnés par un prêtre qui a pris le temps de nous écouter et de nous aiguiller. Nous voulions marcher avec Dieu et lui confier notre couple, car nous étions conscients que pour que notre mariage dure, nous avions besoin de la grâce du sacrement du mariage. » La vie sacramentelle est essentielle pour Pierre et Adeline. « Nous allons y puiser des ressources pour avancer, notamment lorsqu’il y a des difficultés. » 

Prier ensemble
« Lors de la préparation au mariage, nous avons appris à prier ensemble. » Ils avouent que c’est parfois compliqué avec leurs horaires de trouver du temps pour être ensemble et prier. Pierre et Adeline en ont fait l’expérience : les semaines et les mois où les engagements sont très nombreux, trop nombreux, des tensions naissent entre eux. « Nous avons moins d’attention l’un pour l’autre, nous ne prenons plus assez de temps pour communiquer, nous sentons alors que nous avons besoin d’une respiration. » Ils aiment accueillir leurs amis, mais gardent néanmoins une soirée par semaine pour eux. 

« Lorsque nous ne pouvons pas participer à la messe dominicale en couple, cela nous manque, même si nous savons que nous prions l’un pour l’autre. » Le sacrement du pardon est également essentiel dans la vie du couple. « Pouvoir vivre ce sacrement, savoir nous demander pardon nous aide à grandir dans notre couple et dans notre foi. » Pour Pierre et Adeline, il est nécessaire que chacun puisse se ressourcer personnellement. « Notre relation au Christ est d’abord intime. »

Ils avouent avoir la chance de ne pas être seuls pour vivre leur foi. « Nous la vivons chacun individuellement, puis en couple, mais aussi avec de nombreux amis croyants et prêtres. C’est un soutien énorme de pouvoir se confier à cette communion de prière que nous avons autour de nous. Il y a toujours des coups durs dans la vie. La foi n’est pas un acquis, nous devons sans cesse l’approfondir et l’enrichir. C’est un acte de foi de dire oui à Dieu tous les jours, comme c’est un acte de foi et d’amour de dire oui à son époux et à son épouse tous les jours », insiste Adeline.

Biographie

Pierre et Adeline Wermelinger sont mariés depuis deux ans. Adeline, 28 ans, a grandi en Valais ; elle est venue à Fribourg après sa maturité pour étudier une année à l’institut Philanthropos à Bourguillon, puis la théologie à l’Université de Fribourg.
Son master en poche, la Valaisane a décidé de rester à Fribourg, car elle « s’y sent bien tant au niveau de sa vie personnelle que de la vie ecclésiale ». Pour une part de son temps, elle travaille au Service de Formation de l’Église catholique dans le canton. Pour l’autre partie, elle enseigne la religion et est responsable de l’aumônerie au Cycle d’orientation de La Tour-de-Trême. 

Pierre, 34 ans, est né et a grandi dans le canton du Jura. Il a fait une formation de sommelier. Après son service militaire, il a passé deux ans à la Garde suisse au Vatican, dont il garde de lumineux souvenirs. Il travaille actuellement dans un restaurant fribourgeois comme chef de service. Également engagé au niveau de sa foi, Pierre s’est investi dans divers projets de l’Église comme les camps vocations de Pâques, ou Crossfire. Il a été animateur dans le parcours de confirmation de l’UP Saint-Joseph, et enseignera la catéchèse en 7H à Givisiez. Cet automne, il va commencer le parcours de formation Galilée.

Une nouvelle année, de nouvelles découvertes

Par Véronique BenzUne nouvelle année pastorale commence. Au mois de juin, en faisant le bilan de l’année écoulée, vos équipes pastorales, dont vous découvrirez la présentation dans ce numéro, ont réfléchi et préparé l’année à venir. Comme chaque année elle sera marquée par des constantes, notamment la préparation aux sacrements, la catéchèse, la préparation aux temps forts de l’année liturgique…, mais comme chaque nouvelle année elle sera également marquée par des changements, des imprévus, des découvertes… à l’image de notre cheminement de foi, qui n’est ni une autoroute, ni un long fleuve tranquille !

Avec chaque nouvelle année, nous sommes appelés à découvrir davantage l’amour de Dieu pour nous, à ouvrir notre cœur au Christ et aux autres, à avancer en communauté sur les sentiers parfois escarpés et caillouteux de la sainteté.

Tout comme vos équipes pastorales, l’équipe de rédaction de L’Essentiel a fait son bilan et réfléchi à l’avenir de votre magazine paroissial. Cette année nous vous proposons plusieurs changements. Tout d’abord dans le rythme des parutions : L’Essentiel Grand-Fribourg paraîtra désormais 6 fois par an, c’est-à-dire tous les deux mois. Ensuite, nous vous proposons des rubriques innovantes qui, nous le souhaitons, vous permettront d’approfondir votre foi et de faire de belles découvertes. Par exemple, Christus Vivit l’exhortation du pape François aux jeunes, sera présentée tout au long de l’année. Vous trouverez aussi dans le prochain numéro la rubrique « Art et foi ». L’équipe de rédaction met toutes ses compétences et tout son cœur afin de rendre, à travers ces différentes rubriques, votre magazine toujours plus intéressant.

En espérant humblement que ce magazine pourra vous accompagner sur votre chemin de foi, au nom de toute l’équipe de rédaction, je vous souhaite une bonne lecture et une belle année pastorale.

Un mois missionnaire extraordinaire

Par le chanoine Paul Frochaux, doyen
Photo: DR
Si les papes précédents nous informaient assez à l’avance de leurs initiatives pastorales à dimension universelle (année mariale, année de la foi…), notre pape François a pris l’habitude de nous surprendre avec des initiatives annoncées peu de temps avant leur réalisation. Ainsi, il y a quelques mois, il décrétait le mois d’octobre 2019 comme MOIS MISSIONNAIRE EXTRAORDINAIRE avec le slogan :

Dans son message, le Saint-Père nous dit que cette initiative a pour but de « susciter une plus grande prise de conscience de la missio ad gentes (la mission auprès des nations) et de reprendre avec un nouvel élan la transformation missionnaire de la vie et de la pastorale ». Il souhaite que ce mois soit une occasion de grâce intense et féconde pour promouvoir des initiatives et intensifier de manière particulière la prière (âme de toute mission), l’annonce de l’Évangile, la réflexion biblique et théologique sur la mission, les œuvres de charité concrètes de coopération et de solidarité entre les Églises. Des organismes tels que Missio (mission intérieure), en lien avec la Conférence des évêques suisses, se sont activés pour nous présenter ce que sera ce mois extraordinaire.

Sur le plan de notre décanat de Fribourg, une réflexion a été faite et des événements se vivront dans plusieurs paroisses. Ainsi, le samedi 28 septembre, la pastorale des tentes sera présente dans la rue. Un flyer et un lumignon seront offerts aux passants avec l’invitation à un moment de prière le vendredi 4 octobre dans une église du centre-ville. Cette veillée sera animée par des membres de la communauté de l’Emmanuel et les frères carmes. Des actions concrètes seront aussi proposées en faveur de l’œuvre missionnaire des carmes au Sénégal ainsi que pour d’autres œuvres. 

Pour la mission « chez nous », nous espérons que des paroissiens ouvriront leur salon pour y accueillir des voisins et partager avec eux, avec un prêtre ou un autre membre de l’équipe pastorale ou du Conseil pastoral, un temps de réflexion et d’amitié. Les enfants ne seront pas en reste puisqu’ils pourront aussi offrir à un(e) ami(e) qui ne connaît pas Jésus une bougie avec un message. Sur proposition de Missio, un parcours et un signe sur les baptistères de nos églises rappelleront l’importance de la vocation de tout baptisé qui, par la grâce de ce sacrement, est un envoyé. Les messes en famille du mois d’octobre reprendront largement cette thématique et les messes du dimanche 20 octobre verront culminer ce mois de la Mission universelle.

Rappelons-nous toutefois que de telles démarches n’ont pas pour unique but de vivre un temps fort momentané, mais de donner un élan missionnaire pour la suite de nos engagements en tant que chrétiens. Puisse sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, patronne des missions, veiller sur tout ce qui se vivra en octobre prochain chez nous et dans le monde. Après les moments difficiles que notre Église a vécus au printemps, il est temps de revenir aux fondamentaux de notre foi : vivre du Christ et de l’Évangile et le transmettre chez nous et partout quoi qu’il en soit !

Dans les jardins des communautés religieuses

Photos: communautés religieuses

Abbaye de la Maigrauge

La nature est pour nous une source de vie, l’endroit où plonger nos racines, contempler, louer, prier le Seigneur et reprendre des forces comme et à la suite de nos sœurs qui nous ont précédées ici depuis 1255.

Travailler au jardin nous fait participer à l’œuvre créatrice de Dieu en communion avec tous ceux qui cultivent la terre. C’est aussi sentir de tout près les changements climatiques et, à notre mesure, contribuer à la sauvegarde de la création.

Pour toutes les sœurs, c’est une joie, un bonheur de se nourrir des produits qui viennent directement de notre jardin. De plus, le travail manuel en plein air crée un précieux équilibre dans notre vie et nous met en harmonie avec le réel.

Les bancs du cloître comme ceux de notre jardin à la placette et au pré nous donnent de méditer, de prier, de contempler les merveilles de la création de Dieu en compagnie du chant des oiseaux et de l’évolution de la nature selon les saisons.

Merci, Seigneur !

Monastère de la Visitation

Un jardin
Une rose ourlée d’or,
Une perle de rosée,
Nimbée de lumière,
Vert tendre d’une poire,
Framboise attirante,
Notre jardin au cœur de l’été.

Quelques gouttes de sueur,
Des muscles à l’effort,
Et l’esprit libre,
Le cœur léger,
Il fait bon y travailler
Dans notre jardin.

Arc-en-ciel de couleurs,
Palette de subtils parfums,
Concert d’oiseaux
Et danse des papillons,
Course furtive des écureuils,
Parcelle de création, notre jardin.

Ô humanité,
Sauras-tu sauvegarder
Cet écrin de beauté
Où Dieu t’a déposée,
Libre, à son image,
Chef-d’œuvre de Son Amour…

Sœur Colette

Abbaye d’Hauterive

L’environnement naturel est essentiel pour nous qui passons toute notre vie dans l’espace restreint de la clôture. Il s’organise en trois cercles concentriques.

Au centre du monastère, le préau du cloître avec ses deux fontaines, les lignes de buis, les arbres et les rosiers, rappelle la luxuriance et l’harmonie du jardin d’Eden. Nous y passons plusieurs fois par jour pour nous rendre à l’église. C’est aussi un lieu de méditation et de prière silencieuse. 

Autour des bâtiments se trouvent le jardin potager ainsi que les vergers : en plus de nous procurer les fruits et les légumes, ils nous offrent un espace où se balader tranquillement, en compagnie des poules, oies et canards qui y habitent !

Un peu plus loin s’étendent les prairies broutées par les génisses et les chèvres, bordées par les forêts ou les falaises. Cet environnement nourrit un constant émerveillement et il donne à notre prière une dimension cosmique : par notre bouche, c’est toute la création qui fait monter vers Dieu un chant de louange et d’action de grâce.

Tout est lié…

Tout est lié… À propos d’un « refrain » dans l’encyclique Laudato si’. Frère Benoît-Dominique de La Soujeole, dominicain, nous propose une réflexion sur l’encyclique du pape François.

Par Frère Benoît-Dominique de La Soujeole, op, Université de Fribourg
Photos: V. Benz, DR
L’encyclique Laudato si’ sur l’écologie a comme un refrain qui revient neuf fois littéralement, et encore plus souvent d’une façon ou d’une autre : tout est lié1. À partir des constats objectifs des divers dérèglements de l’environnement naturel, économique et social, le pape François entend montrer que ces phénomènes procèdent d’une cause majeure : une fausse conception de l’être humain. C’est l’objet du chapitre central du document, le chapitre 3, qui expose la racine humaine de la crise écologique. C’est cette cause fondamentale qui permet de voir que toutes les nuisances écologiques ne sont pas indépendantes les unes des autres, mais que tout est lié.

Si l’on peut voir assez bien le lien de cause à effet qui met en relation, dans le domaine naturel, l’utilisation excessive des énergies fossiles (comme le pétrole) avec le réchauffement climatique, si l’on peut saisir le lien qu’il y a entre des dysfonctionnements naturels et un type d’économie de consommation hyper productiviste, en quoi cela provient-il de la conception que nous avons de l’être humain ? Le pape François s’y emploie dans le chapitre 4 qui expose les points majeurs d’une écologie intégrale. Reste à savoir quelle est la nature de ce lien qui rend solidaires l’environnement naturel, l’économie, la finance, la vie sociale et la vie morale des personnes. Plus précisément, il s’agit de savoir – puisque tout est en relation – qu’est-ce qui réellement lie tous les éléments – des plus naturels aux plus culturels et spirituels – pour former un tout qui n’est rien moins que les conditions indispensables d’une vie humaine belle et bonne sur terre.

1 Laudato si’, n° 16, 70, 91, 92, 117, 120, 138, 142, 240.

L’équilibre ou l’harmonie

Il y a deux grandes façons de concevoir ces relations entre des éléments aussi divers que la pratique de l’agriculture, la fraternité entre les hommes, la vie sociale dans la justice et la paix… Ces deux modèles sont celui dit de l’équilibre et celui dit de l’harmonie. Présentons-les.

Le modèle de l’équilibre est le plus récent dans l’histoire de la pensée. Selon les historiens de la philosophie, il apparaît au XIVe siècle occidental. À l’origine de cette pensée, se trouve une donnée d’abord physique : un équilibre est le résultat du jeu égal de deux forces contraires. Le symbole de cela est la balance (équilibre se dit balance en anglais) : celle-ci est équilibrée quand un même poids est mis dans les deux plateaux. De là, le mot a été utilisé pour pratiquement tout. On parle d’une nourriture équilibrée, d’une personne équilibrée, d’un bilan en équilibre… Un des domaines majeurs en politique est la doctrine de l’équilibre des pouvoirs entre le parlement, le gouvernement et la justice. En Suisse, on est attentif à l’équilibre entre le niveau fédéral et le niveau cantonal. L’idée d’équilibre signifie ici qu’il faut que chaque pouvoir fasse « contrepoids » à l’autre. Dans le domaine des relations humaines, on dira assez spontanément que l’amitié permet une réelle intimité entre deux personnes, mais il ne faut pas que cela devienne intrusif ; il faut donc équilibrer intimité et respect de l’autre. Ou encore, une mère doit être très proche de son enfant mais non possessive. Pour cela, il faut équilibrer l’affectivité maternelle avec le respect de la personnalité de l’enfant. Enfin, dans le monde du travail, les syndicats doivent être puissants pour équilibrer ou contrebalancer l’autorité patronale. Et ainsi de suite : l’équilibre est la relation fondamentale entre des réalités distinctes.

Ce modèle présuppose l’opposition, la tendance à la domination, la prépondérance d’un élément sur les autres, de sorte qu’il faille sans cesse corriger les déséquilibres en favorisant le côté opposé. L’équilibre est par nature instable, observe-t-on. Il est évident pour beaucoup de nos contemporains que les relations sont fondamentalement des relations d’opposition entraînant des « tensions », et qu’il nous faut sans cesse jouer les équilibristes. Pour l’écologie environnementale, par exemple, un dérèglement montre un excès d’un aspect qu’il faut compenser en favorisant l’aspect opposé. Si les pesticides tuent les sols, il faudra rééquilibrer en mettant des engrais chimiques. De là peut naître un déséquilibre en sens inverse (trop de mauvaises herbes) qui sera compensé par l’apport de produits herbicides ; mais les produits herbicides tuent les abeilles, il faudra donc modifier génétiquement les abeilles, et ainsi de suite.

A l’exemple de l’orchestre

Le modèle de l’harmonie est tout différent. Il est le modèle le plus ancien observé par les Grecs et également présent chez l’homme de la Bible. Selon cette vision fondamentale, tout ce qui fait la réalité existante – le cosmos, le climat avec les saisons, la vie de la nature, la vie sociale, la vie morale personnelle – est fait de bien des éléments en interaction (le cycle des saisons fait pousser les végétaux en leur apportant l’eau, la chaleur, la lumière…). La vie sera bonne si chacun des éléments existe dans le meilleur état possible car la vie qui en résulte sera ainsi, non pas équilibrée, mais harmonieuse. L’image de cela est celle de l’orchestre : il faut que chaque instrument soit parfaitement lui-même et joue la même partition pour que la symphonie (littéralement : tous les sons ensemble) soit harmonieuse. Il ne s’agit pas pour le violon de compenser la tendance à l’excès du piano, il s’agit bien plutôt que le violon s’accorde avec le piano dans le respect de ce que sont le violon et le piano. C’est le rôle du chef d’orchestre que d’unifier les instruments dans le respect de ce qu’est chacun et par une lecture unique de la partition. Là où certains parlent de l’équilibre des pouvoirs dans la société civile, d’autres préfèrent soutenir l’harmonie des pouvoirs : si le législatif est vraiment ce qu’il doit être (il délibère et vote les lois), et si l’exécutif gouvernemental est vraiment ce qu’il doit être (il exécute les lois), il y aura une concorde des pouvoirs et non un équilibre.

Ce modèle de l’harmonie est clairement celui que le pape François – avec toute la tradition chrétienne – met en avant. La crise écologique que nous vivons actuellement vient de ce que tout ce qui concourt à la vie humaine sur terre (de l’activité de production à l’économie et à la finance, avec la vie politique et morale) n’est plus en harmonie. Car : « Tout est lié. Si l’être humain se déclare autonome par rapport à la réalité et qu’il se pose en dominateur absolu, la base même de son existence s’écroule, parce qu’au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l’œuvre de la création, l’homme se substitue à Dieu et ainsi finit par provoquer la révolte de la nature. » (LS n° 117) Autrement dit, si dans un orchestre chaque instrument joue comme il l’entend sa propre partition, il n’y aura pas harmonie mais dissonance profonde. Si en ce monde nous ne jouons pas notre partition sous l’unification du chef d’orchestre qui est le Créateur, la dissonance qui en résulte est la crise écologique profonde que nous constatons. L’homme n’est pas actuellement à sa juste place, son action détruit les conditions mêmes de sa vie. Ce n’est pas en équilibrant une société de consommation effrénée – qui épuise les ressources naturelles par la recherche de nouvelles techniques de production qui permettront de produire tant et plus avec de nouvelles ressources technologiques (par exemple les modifications génétiques des végétaux) – que l’on résoudra le problème ; c’est en revenant à une juste et bonne consommation.

Une loi de solidarité

Ce débat entre les deux modèles pour concevoir comment tout est lié est important ; il n’est pas réservé aux intellectuels en chambre ! Le message du pape François nous invite à repenser comment nous sommes en interaction avec tout ce qui compose notre vie afin de remettre dans notre vie l’harmonie qui la fera belle et bonne. Et nous sommes appelés à commencer par ce qui est à notre portée immédiate : nous-mêmes ! Ne pas gaspiller l’eau du robinet, ne pas vouloir manger des fraises à Noël, savoir éteindre une lampe inutile… tout cela se fonde sur une vraie connaissance de qui nous sommes et de nos relations avec tout le reste. Si tout est lié, cette « loi » de solidarité entre tout ce qui existe appartient à notre être profond. En christianisme, c’est dans la révélation de la charité que tout cela est fondé : aimer droitement Dieu, soi-même, le prochain, l’environnement, la justice, la paix… : tout est lié dans et par l’amour vrai.

Vers une Église plus verte

Bonne nouvelle! Les communautés chrétiennes de France qui veulent s’engager «pour le soin de la création», autrement dit pour l’environnement, ont la possibilité de se faire conseiller et même d’obtenir un label! Depuis septembre 2017, catholiques, protestants et orthodoxes peuvent en effet compter sur la plateforme Église verte pour «prendre le chemin de la conversion écologique». Ce label qui a fait parler de lui sur diverses plateformes médiatiques francophones est parrainé par l’Association suisse œco Église et environnement qui s’investit depuis plus de 30 ans dans le conseil aux paroisses sur les questions environnementales.

Par Fanny Sulmoni
Photo: DR
En 2015, la publication de l’encyclique Laudato si’ ainsi que la Conférence internationale sur le climat à Paris ont dynamisé la mobilisation des chrétiens de France, sensibles aux questions environnementales, et initié une démarche œcuménique qui s’est exprimée par diverses actions citoyennes et paroissiales. Le label œcuménique Église verte a été lancé dans ce contexte et propose une pédagogie de mise en œuvre des initiatives écologiques et citoyennes. En France, déjà 295 communautés chrétiennes se sont engagées dans la démarche.

Le commencement est souvent l’étape la plus difficile, tant les enjeux sont immenses et les solutions semblent complexes. C’est grâce à une méthode pas à pas que ce label aide les paroisses ou communautés religieuses à démarrer ou à renforcer leurs démarches, en les accompagnant dans leur progression et en valorisant leur engagement. 

Vers une « Éco-Responsabilité »
Pour débuter, Église verte propose à chaque paroisse de faire son « éco-diagnostic » via un formulaire détaillé comprenant près de 100 questions, allant des choix liturgiques au suivi énergétique des bâtiments ecclésiaux.

On demande par exemple aux candidats à quelle fréquence « les cantiques de célébrations évoquent la création » et si « ce thème est abordé dans la catéchèse des enfants ». Des questions plus pragmatiques sont ensuite posées sur le type de chaudière ou d’ampoules, l’isolation, la consommation d’eau et la récupération de pluie. On demande également aux paroisses si le courant utilisé provient d’énergies renouvelables. Pour être plus précis, elles sont aussi interrogées sur le type de papier utilisé – recyclé ou non – ou encore sur la vaisselle utilisée – réutilisable, biodégradable ou jetable. Existe-t-il un parc à vélo ? Un compost ? Un jardin potager ?… 

Ensuite, en fonction de leurs réponses, les paroisses ou unités pastorales candidates se voient attribuer un nombre de points par domaine afin de mieux cibler les actions concrètes à mener. Le score obtenu et les engagements pris correspondent à un des cinq niveaux du label.

Le questionnaire est également complété d’une liste de suggestions ouvertes et utiles à toutes les organisations.

Nous ne pouvons que conseiller à nos lecteurs d’y jeter un œil, même sans être impliqués dans une démarche d’obtention du label, histoire de s’inspirer de toutes ces bonnes – et parfois surprenantes – idées !

Plus d’informations sur https://www.egliseverte.org/ 

Que pouvons-nous faire?

La mise en place de labels qui encouragent les paroisses à améliorer leurs performances environnementales et à entreprendre de nouvelles démarches est réjouissante. Mais dès aujourd’hui, chaque paroissien peut s’engager pour la protection de la création. Voici quelques premières idées, à compléter :

Mobilité douce : Au lieu de se rendre à la messe en voiture, pourquoi ne pas essayer de prendre les transports publics ? Ou si ce n’est pas possible, pourquoi ne pas proposer du covoiturage autour de soi ? et, pour les plus jeunes et les plus sportifs, pourquoi ne pas combiner messe dominicale et exercice en s’y rendant à pied ou à vélo ?

Réduire ses déchets : Afin d’éviter de remplir les poubelles de plastique et de papier lors d’apéritifs ou de repas canadiens, pourquoi ne pas privilégier la vaisselle et les contenants réutilisables et lavables ?

Achats et approvisionnement : Pour les apéritifs ou les repas lors des fêtes ou des célébrations, pourquoi ne pas privilégier le « fait maison » avec des produits locaux et de saison ?

Entraide et échange : Pourquoi ne pas profiter du grand réseau des paroissiens auquel nous appartenons pour se prêter des objets à utilisation rare comme une perceuse ou une tondeuse ? ou pourquoi ne pas redonner une deuxième vie à des objets inutilisés en les donnant à d’autres ?

Et enfin, pour poursuivre la réflexion et développer de nouvelles initiatives, pourquoi ne pas créer des groupes de réflexion paroissiaux autour de la lecture de Laudato si’ ?

L’Association suisse «œco Église et environnement»

En Suisse, c’est l’Association œcuménique œco Église et environnement créée en 1986 (!) qui s’investit activement auprès des Églises pour la protection de la création. Forte de 600 membres (individuels ou collectifs), elle a pour but d’encourager les paroisses et les communautés religieuses à manifester leur responsabilité envers la création dans les célébrations liturgiques et dans la vie de tous les jours. œco bénéficie du soutien des Églises au niveau fédéral, cantonal et local. Elle conseille les paroisses sur les questions environnementales, propose des formations dans le domaine de l’environnement ou de l’énergie, coordonne des programmes de soutien comme ÉgliseProWatt (qui aident les paroisses à économiser de l’électricité) et publie de la documentation sur l’utilisation de l’énergie et le respect de l’environnement dans les Églises. L’association est également l’agence de certification pour le label écologique Coq Vert qui est encore peu connu en Suisse romande. Mais peut-être que l’engouement actuel pour le label Église verte de nos voisins français réveillera le coq (vert) qui dort en nous ?

Plus d’informations : https://oeku.ch/fr/ et www.coq-vert.ch

Quel modèle de société souhaitons-nous?

Par Claire Décamp Dörig
Photo: DR
En 2015, le pape François nous interpellait déjà dans Laudato si’ : « L’humanité est appelée à prendre conscience de la nécessité de réaliser des changements de style de vie, de production et de consommation, pour combattre ce réchauffement (climatique) » (n° 23). Comment agir efficacement et collectivement pour enrayer le changement climatique ?

Nous sommes tellement pris dans notre quotidien que nous nous arrêtons rarement pour observer notre mode de vie et nous demander quel modèle de société nous souhaitons. La transition commence par une transformation intérieure et une remise en question de nos valeurs et de nos actions. Le pape parle même de conversion : « La crise écologique est un appel à une profonde conversion intérieure » (n° 217). Pourrions-nous choisir la bienveillance et le partage plutôt que la performance et la compétitivité ?

L’engagement personnel est alors un premier pas. Lors du dernier « clean-up » de la ville de Fribourg, nous avons sorti, avec mes voisins, 500 kg de déchets cachés dans la forêt derrière notre immeuble. Comment demander à des pays du tiers monde de réduire leurs déchets et d’adopter des politiques environnementales si nous-mêmes, qui avons tous les systèmes de tri et recyclage à disposition, ne le faisons pas ?

L’engagement citoyen est un deuxième pas. En 2015, la Suisse a ratifié l’Accord de Paris sur le climat (zéro émission de CO2 d’ici 2050). Une initiative (gletscher-initiative.ch/fr) vient d’être lancée afin d’inscrire ces objectifs dans la Constitution fédérale. En tant que chrétiens, notre engagement pour la transition écologique devient très puissant lorsqu’il est soutenu par l’Église. Prendre soin de la maison commune est à la portée de tous et chaque petit pas compte.

Outils pour une pastorale écologique

Changement climatique, transition écologique… Ces mots sont d’actualité et nous interpellent. Cette formation propose des outils pour une pastorale écologique afin de mettre en place des projets concrets (événements, animations) dans nos paroisses, nos unités pastorales et notre quotidien à la lumière de Laudato si’ et d’Un Temps pour la Création.

Lundi 23 septembre 2019 au Boulevard de Pérolles 38 à Fribourg, dès 18h30, apéro zéro déchet ; à 19h, formation et atelier.

Animation : Claire Décamp Dörig

Délai d’inscription : 9 septembre 2019 auprès de Claire Décamp Dörig,
claire.decamp@cath-fr.ch

Une heure avec Louisa Schouwey

Louisa Schouwey, 19 ans, est étudiante au collège Sainte-Croix. Paroissienne du Christ-Roi, elle dirige le petit chœur des enfants. Elle a réalisé son travail de maturité sur l’encyclique Laudato si’ du pape François.

Propos recueillis par Paul Salles
Photos: L. Schouwey
Pourquoi avoir choisi ce thème ?
Dans le cadre de mes études, j’ai dû réaliser un travail de maturité et j’ai choisi de me pencher sur deux thèmes que j’avais envie d’approfondir : la religion et l’écologie. C’est assez naturellement que je me suis concentrée sur l’encyclique Laudato si’ que le pape François a écrite en 2015. Je l’ai lue et présentée comme idée de travail à mes professeurs qui m’ont aidée à préciser la problématique : cette encyclique apporte-t-elle du nouveau à l’écologie ? C’est ainsi que je me suis principalement concentrée sur le concept d’écologie intégrale. 

Qu’est-ce que l’écologie intégrale ?
C’est le fait de lier l’écologie environnementale, l’écologie sociale et l’écologie politique. C’est d’ailleurs le titre de mon travail : « Tout est don, tout est fragile, tout est lié. » Faire le lien entre tous les aspects des différents courants écologiques est à mon sens le point fondamental et l’apport nouveau de cette encyclique. 

« Tout est don », expliquez-moi ?
Cette phrase renvoie au thème de la création : la terre, la nature, mais aussi l’humanité dans toutes ses dimensions sont un don, un cadeau que Dieu nous fait. Le pape nous invite à considérer un véritable Évangile de la création. D’une part l’Ancien et le Nouveau Testament nous révèlent que Dieu a tout créé pour nous le confier, comme le cadeau originel dans lequel il est donné à chacun de vivre. 

D’autre part cette création, la nature qui nous fait vivre, la société qui nous environne, est aussi un livre de révélation du mystère de Dieu. En créant et en nous confiant son œuvre, Dieu nous dit quelque chose de lui-même. Par ailleurs, affirmer que tout est donné à toute l’humanité permet de poser l’idée de la destination universelle des biens : l’ensemble de la création est donné à l’ensemble de l’humanité. 

Sans remettre en cause le principe de la propriété individuelle, il apparaît injuste qu’une minorité de personnes s’approprie la majorité des biens et des richesses sans tenir compte du bien de ceux dont on a l’impression que la voix ne compte pas, alors qu’ils sont pourtant si nombreux.

Que signifie « Tout est fragile » ?
Nous savons que si Dieu prend soin de nous confier la création, c’est pour veiller sur quelque chose de fragile et dont il faut prendre grand soin pour ne pas qu’elle s’abîme. C’est peut-être la facette la plus connue de l’écologie : la nature souffre, des espèces végétales et animales disparaissent, les glaces fondent, des écosystèmes sont bousculés et modifiés, on parle de réchauffement climatique… Mais il ne faut pas oublier que nos sociétés elles-mêmes sont fragiles, l’humanité aussi est fragile et marquée par le péché. La fragilité de l’homme, c’est de céder à ses mauvais penchants, de ne pas respecter la création et sa place de créature. Il n’est pas tout-puissant : une logique du progrès et de la croissance sans fin est inhumaine, sans compter toutes les erreurs et le mal que l’humanité peut faire vis-à-vis d’elle-même et de la nature.

Et enfin pourquoi « Tout est lié » ?
Lorsque le Pape affirme que tout est lié, il signifie qu’on ne peut pas traiter seulement un aspect de la question de l’écologie. La sauvegarde de la création, la lutte contre le réchauffement climatique et le soin au vivant sont indissociables des problématiques liées à la migration, à la lutte contre la pauvreté et à la mondialisation. Le pape rappelle que nous sommes appelés à « entendre tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (Laudato si’, 49). Le fonctionnement d’une société a des répercussions à court, à moyen et à long terme sur notre environnement et sur le bien des personnes qui la composent. Il y a par conséquent une vraie question sociétale et politique. Par ailleurs, le pape s’attache à donner le sens de la sauvegarde de la création. En mettant l’accent sur la sauvegarde de la maison commune, et en faisant référence au Cantique des Créatures de saint François d’Assise, il affirme que si l’on porte atteinte à la création, c’est en quelque sorte aussi au créateur que l’on porte atteinte.

Que retenez-vous de ce travail ?
C’est un pas en avant dans l’Église, car auparavant, nous avions l’impression que ce thème n’était pas pris au sérieux dans les milieux ecclésiaux. J’ai eu l’occasion de lire plusieurs réactions de chrétiens, et pour certains, la lecture de l’encyclique, fut une véritable révélation, un électrochoc. De plus, s’engager dans cette question permet de rejoindre nos contemporains, particulièrement les jeunes, pour qui c’est un enjeu majeur. On le voit bien avec les marches et les grèves pour le climat qui sont portées par des étudiants. Il ne s’agit pas d’une mode ou d’un mouvement pour des athées militants, mais d’une authentique part de la vie et de l’engagement chrétien. C’est également un renfort de poids pour le mouvement écologique : désormais nous ne devrions plus pouvoir nous dire catholiques et nous désintéresser ou dédaigner cette question. 

Dans ce sens, faire ce travail de maturité m’a permis de mettre des mots sur mes convictions écologiques et chrétiennes. Cette encyclique m’a permis d’unifier ces deux dimensions en moi. 

À travers vos observations, avez-vous eu l’impression que des choses ont bougé dans l’Église locale, à Fribourg ?
Oui, il y a des petites choses qui ont germé : le jardin des capucins avec Lionel Avanthay, des conférences ou des groupes de gens qui en parlent et qui cherchent des solutions. Mais je n’ai pas non plus pu beaucoup chercher. Je me suis surtout concentrée sur le texte et j’ai beaucoup aimé l’approfondir et le travailler. 

Comment ont réagi vos amis et votre famille quand vous avez choisi ce thème ?
Il est vrai que la première réaction de plusieurs personnes était de dire : « Quoi, il y a un lien entre la religion et l’écologie ? » Effectivement, ce travail m’a permis de parler d’écologie à des catholiques et de parler de la foi à mes amis écologistes.

Rencontre avec une catéchumène de notre unité pastorale

Agée de 32 ans, Natalie Hervieux habite le quartier de Pérolles. Elle est enseignante de français à l’Ecole de culture générale de Fribourg et apprécie particulièrement le contact vif et authentique avec les adolescents et les questions existentielles qu’ils se posent. Elle a été baptisée dans la nuit de Pâques.

Propos recueillis par le chanoine Paul Frochaux
Photo: DR
Comment avez-vous rencontré le Christ ?
Je suis née dans une famille profondément chrétienne et pratiquante de l’Église réformée. Quand j’étais enfant, Jésus a, en quelque sorte, toujours fait partie du quotidien. Mais avec l’adolescence, des questions plus existentielles et complexes ont jailli et, avec elles, la volonté de trouver ma propre voie. J’ai exploré pendant plus d’une dizaine d’années différentes voies philosophiques, psychanalytiques et mystiques. 

Chemin faisant, j’ai vécu des expériences merveilleuses et rencontré des personnes magnifiques… mais pour une raison que je ne m’expliquais pas, je ne parvenais pas à m’établir à quelque part. 

Cette « bougeotte » (dictée en fait par une exigence très grande et une forme d’insatiabilité) m’entraînait dans une attitude de ma génération que je déplore par ailleurs : le zapping. Or, j’étais alors déjà convaincue que s’engager dans la spiritualité, ce n’est pas comme faire ses courses. C’est bien plus subtil que cela : c’est un processus qui, s’il se fixe sur le plan horizontal, ne peut que gagner en verticalité. 

Ce cheminement fut long, mais je ne le regrette pas : le désir de l’âme en quête de Dieu ne doit tolérer aucun compromis et demeurer toujours dans une radicale recherche d’authenticité. Alors que je désespérais presque de trouver « ma maison d’âme », j’ai un jour demandé à faire une retraite chez les sœurs ursulines de Fribourg. Comme nombre de mes contemporains, j’avais exploré beaucoup de voies spirituelles… sauf celles proposées par la tradition chrétienne dont je m’étais éloignée (ce discrédit m’interroge d’ailleurs car je pense que la raison en est bien plus complexe qu’une lassitude d’un certain moralisme blessant et simpliste). 

Finalement, c’est donc chez ces sœurs de la famille ignacienne que les conditions ont été réunies pour me permettre des retrouvailles en vérité avec le Christ.

Quelles sont les étapes qui vous ont conduite au baptême ?

J’ai vécu plusieurs retraites, puis une année entière au sein de la communauté ursuline de Sainte-Agnès dans le but d’approfondir mon expérience avec Dieu – les sœurs proposent en effet cette possibilité aux jeunes femmes qui le désirent. 

C’est là que, sans m’en rendre tout de suite compte, je me suis peu à peu enracinée dans une relation dynamique et personnelle (j’ai envie de dire « sur-mesure ») avec le Christ, dont le visage s’avérait sans cesse surprenant. J’y ai appris les rudiments du discernement selon saint Ignace, un outil extraordinaire pour se prononcer sur une question ou prendre des décisions… et qui offre une aide très ajustée à la perte de repères d’aujourd’hui. 

Parallèlement, j’allais aussi de temps à autre à la messe avec une amie d’étude où je contemplais avec fascination la liturgie et son summum qu’est la consécration eucharistique. A ces démarches s’ajoutent de nombreuses lectures : pour moi, il était nécessaire que je trouve, en écho à mon expérience intérieure, un « répondant » à la hauteur de mon vécu. Or, en m’intéressant à la tradition de l’Église, j’ai découvert des discours d’une richesse, d’une subtilité, d’une beauté et d’une cohérence absolument inouïes. 

Au terme de l’année passée chez les Ursulines, ma décision était prise et confirmée par une mûre réflexion : je désirais entrer dans l’Église catholique. 

Comment aimez-vous prier, vous ressourcer ?

Je me sens très à l’aise dans la tradition jésuite. Elle constitue pour moi une lucidité au service d’une incarnation toujours plus simple et plus vraie. 

J’ai aussi appris à connaître récemment la spiritualité du Carmel grâce aux conférences du monastère du Pâquier et à l’école d’oraison animée par le Père Huguenin. J’ai un grand besoin de contemplation que l’agitation folle du monde ambiant ne fait qu’accentuer. 

L’oraison répond à ce besoin de silence et de communion qui m’habite au même titre, mais différemment, que la peinture d’icône que je pratique au Centre spirituel Sainte-Ursule. 

Enfin, je donne du temps, idéalement une fois par semaine, pour l’adoration du Saint-Sacrement aux Cordeliers. N’est-ce pas inouï de pouvoir contempler un tel mystère ? Je suis persuadée que l’être humain est fait pour adorer. 

Pour finir, je chéris tout particulièrement le sacrement de l’Eucharistie, qui est, depuis ma première communion, rapidement devenu un pilier de mon quotidien.

Comment réagissez-vous aux scandales qui affectent l’Église ?

Comme tout le monde, je suis profondément affectée par la mise au jour de toutes ces terribles blessures et des tentatives de certains membres de l’Église pour les garder dans l’ombre. 

Ma position à ce sujet est la même radicalité que celle prônée par notre Pape : la vérité à tout prix. Il n’appartient pas aux hommes de se soucier de la réputation et de l’image de l’Église : Dieu se souciera lui-même de sa maison. 

Notre rôle est de mettre au jour tout ce qui nécessite d’être mis à la lumière de Dieu. Notre responsabilité consiste également à donner une place plus importante au discernement (cela aussi, François l’a souligné) et à la formation et l’accompagnement psychologique des prêtres. Il s’agit d’une nécessité à mon sens vitale dans toute association humaine, mais plus encore pour l’institution ecclésiale qui répond à une exigence infiniment plus grande. 

Les limites et les erreurs de l’Église sont aujourd’hui plus que jamais visibles. Malgré tout, dans le « fond du fond », je ne peux m’empêcher d’avoir confiance en elle – non pas pour ce qu’elle semble être (humaine, trop humaine), mais pour ce qu’elle est : le Corps du Christ.

Pèlerinage des confirmés en Ombrie et en Toscane

Dessin Emma MaederDurant la semaine après Pâques, une trentaine de jeunes confirmés et d’accompagnants du décanat de Fribourg se sont rendus en Italie sur les pas de François et Claire d’Assise, de Catherine de Sienne et de Dominique. Assise, Sienne et Florence nous ont marqués par la richesse de leurs trésors artistiques mais aussi spirituels. Nous avons bénéficié de la présence de deux prêtres : le Père Silvestru Tifan, cordelier à Fribourg, et l’abbé Jacques Papaux, prêtre de l’Unité pastorale Saint-Joseph et membre d’une fraternité sacerdotale dominicaine.

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