« Ni les premiers, ni les plus écoutés »

PAR THIERRY SCHELLING | PHOTO : PXHERE

Changement d’époque

Le pape François l’a répété: «Nous (L’Eglise catholique, ndlr) ne sommes plus en chrétienté, nous ne le sommes plus! Nous ne sommes plus les seuls aujourd’hui à produire la culture, ni les premiers, ni les plus écoutés.» Et cela requiert un changement de mentalité qui prend du temps et qui n’est jamais un acquis mais un devenir, un chemin. Seulement en connaissant et en aimant ce monde dans lequel nous vivons, alors nous pouvons évangéliser plus adéquatement sans faire ni les perroquets ni les bulldozers! Dans la sobriété. On est loin des ovins de Panurge!

Multiculturalité

Une deuxième caractéristique de ce monde : sa pluriculturalité, inéluctable et inhérente notamment à la vie urbaine, premier biotope où l’on constate la « déchristianisation » selon l’ancien modèle de lecture. Et François prône le dialogue avec cette diversité sous nos fenêtres, pour toucher les cœurs avant tout dans le témoignage sincère et modeste de notre foi. On est loin des processions tape-à-l’œil !

Religiosité du peuple

Enfin, François recommande une attention toute particulière à la religiosité populaire, à la façon qu’ont les gens d’exprimer spontanément leurs croyances, leur spiritualité, leur foi. Même si pas toujours correspondantes « aux normes », elles sont expressions premières et profondes dans leur cœur. C’est en les accueillant comme telles qu’on peut ensuite partir d’elles pour se (re)connecter à l’Evangile, ferment infini de conversion, même pour le plus grand mystique !

Cela rappelle un Jésus qui rencontra une Samaritaine…

Vivre en vérité

POUR L’ÉQUIPE PASTORALE: SOPHIE DUVILLARD
PHOTO : PIXABAY

Il y a encore quelques semaines, alors que nous étions au plein cœur de la vague, au beau milieu d’une crise sanitaire interminable, nous nous demandions si nous allions finalement être submergés. Emportés dans un tourbillon vertigineux, nous avons dû chercher au plus profond de nous les forces pour ne pas sombrer. Cette crise a eu cela de bon qu’elle nous a obligés à nous questionner au sujet de ce qui était essentiel pour nous, à propos de nos modes de vie, de consommation, nos responsabilités dans les enjeux climatiques, la qualité de nos relations humaines, le sens de nos pratiques religieuses, nos désirs pour le monde de demain, nos rêves. Nous avons pris conscience de ce que nous voulions, et aussi et surtout, de ce que nous ne voulions plus. Tout en espérant que cette prise de conscience soit durable…

Notre Eglise aussi a été bouleversée. Alors que nous ne pouvions plus nous rassembler comme avant autour de la Parole et pour l’Eucharistie, nous avons dû inventer d’autres moyens pour nourrir notre foi. Beaucoup ont pris l’habitude des messes télévisées notamment et y ont trouvé de quoi répondre à certaines de leurs attentes. Aujourd’hui, les églises ont rouvert leurs portes.
Y trouvons-nous toujours ce dont nous avons besoin ? Alors que nous commençons à sortir la tête de l’eau, nous réalisons que nous avons soif. Soif de vérité.

Pour nous, chrétiens, notre vérité c’est celle du Christ ressuscité, Dieu devenu humain, mort sur la croix et revenu à la vie. Mais si c’est juste une croyance, alors cet événement ne sert à rien. Pour nous chrétiens, il ne suffit pas d’y croire, il s’agit d’en vivre.

Vivre en vérité, c’est penser, agir, être en conformité avec ce que l’on croit. Vivre dans la vérité de la résurrection, de ce qui fait de nous des chrétiens, c’est donc choisir la vie. Dans nos pensées et dans nos actes quotidiens, c’est s’éloigner du mensonge et de l’hypocrisie, c’est opter pour ce qui nous élève plutôt que ce qui nous rabaisse. C’est aussi dans notre Eglise, à l’heure du prochain synode, la remise en question de notre fonctionnement, l’examen de nos pratiques à rajeunir, la redéfinition de notre mission dans ce monde. Rêvons d’une Eglise en marche, en mouvement parmi les hommes. Une Eglise proche de leurs besoins, porteuse d’espérance. Une Eglise vraie !

Rendre compte avec douceur (1 Pierre 3, 15-16)

PAR FRANÇOIS-XAVIER AMHERDT
PHOTO : PIXABAY

A bien des égards, en ce début du 3e millénaire, nous nous retrouvons dans la situation des premières communautés chrétiennes immergées et perdues dans une société qui allie indifférence et hostilité face à la foi et qui donne l’impression de vouloir – et pouvoir – se passer de Dieu. La petite voix de l’Evangile paraît complètement noyée et le christianisme, totalement ex-culturé (exclu de la culture).

L’invitation de la première lettre de Pierre aux chrétiens de la Rome impériale du Ier siècle, puisque tel est le contexte de l’épître pétrinienne, résonne donc avec une particulière acuité à nos oreilles postmodernes du XXIe siècle: « Soyons toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui nous habite, devant quiconque nous en demande raison. » Mais, ajoute le texte, et cela vaut également pour notre situation contemporaine, «que ce soit avec douceur et respect, en toute bonne conscience, afin que, sur le point même où l’on vous interpelle – voire calomnie – soient confondus ceux qui décrient votre bonne conduite dans le Christ» (1 Pierre 3, 15-16).

Le cadre de l’époque est entièrement marqué par les persécutions dont les communautés ecclésiales étaient l’objet de la part des autorités de l’empire et des tenants des religions païennes, car les baptisés constituaient une menace pour eux. Ces velléités d’extermination n’ont hélas pas disparu de nos jours et dans bien des endroits sur la planète, revendiquer son appartenance au Christ équivaut encore à risquer sa vie.

Reste que dans nos contrées occidentales, «l’apologétique» – c’est-à-dire l’art de proposer la foi (apo logos) à ceux qui s’en détournent ou l’ignorent totalement – prend une particulière actualité. Le terme a mauvaise presse, car il est considéré comme un plaidoyer défensif et identitaire. En réalité, il correspond au témoignage positif de celles et ceux qui ont expérimenté que vivre avec Jésus n’est pas la même chose que vivre sans lui, ainsi que le proclame l’exhortation La joie de l’Evangile du pape François (n. 266) et donc qu’il s’agit d’offrir au monde, avec délicatesse et sans prosélytisme «la diaconie de la vérité», en faisant connaître l’espérance portée par la Bonne Nouvelle.

Nettoyage de printemps

PAR MYRIAM BETTENS
PHOTOS: DR

On ne peut pas dire que les épinards soient le plat préféré des enfants… Or, le Jeudi saint on n’y coupe pas et on vous dit pourquoi.

Sous nos latitudes, le jeudi précédant Pâques est appelé Jeudi saint, logique me direz-vous. Il marque le début du Triduum pascal, c’est-à-dire les trois jours de Pâques célébrant la Passion et la Résurrection de Jésus. Il commémore aussi l’institution par Jésus-Christ du sacrement de l’Eucharistie, lors de son dernier repas avant son arrestation. Quant aux épinards? On y vient!

Ce jeudi n’est «saint» que dans les langues romanes et en anglais. Dans les pays scandinaves et en néerlandais, il sera «blanc» ou «pur», en relation à la couleur liturgique de cette fête. Dans les régions germanophones, on nomme ce jour Gründonnerstag, littéralement: «Jeudi vert». Cette appellation est attestée déjà depuis le XIIIe siècle, bien que son origine ne soit pas claire. L’explication la plus courante fait intervenir la racine latine de ce nom, Dies viridium, le «jour des verts». Il désignerait les personnes libérées de leurs péchés par la confession et l’absolution, qui étaient ainsi renouvelées, redevenues du «bois vert» selon la compréhension de l’Evangile de Luc. Cette interprétation semble n’être apparue qu’au XVIIe siècle. Plusieurs thèses s’affrontent pour expliquer l’origine de cette appellation.

Le canon du rite romain prévoit le blanc comme couleur liturgique du Jeudi saint, or il n’existait pas de réglementation en la matière avant le XVIe siècle. Il est donc possible que ce nom de Gründonnerstag soit né de l’utilisation du vert lors de la liturgie. Une autre interprétation dérive ce nom du terme greinen, les pleurs et gémissements des pénitents du Jeudi saint auraient donné, par réinterprétation étymologique populaire, Grüner Donnerstag, puis l’appellation actuelle. La dernière justification en appelle à la coutume, attestée depuis le XIVe siècle, de manger des légumes particulièrement verts et des herbes nouvelles le Jeudi saint. A la fois conforme aux prescriptions du jeûne de Carême, elle était aussi liée à l’idée préchrétienne selon laquelle cela permettait de «nettoyer» le corps des impuretés accumulées et d’absorber la force du printemps. Aujourd’hui encore, dans de nombreuses régions germanophones et en Alsace, il est d’usage de manger «la soupe du Jeudi saint» ou… des épinards accompagnés d’un œuf.

Recette: Soupe aux herbes printanières du Jeudi saint

Temps de préparationTemps d’attentePortions
30 minutes30 minutes4

Ingrédients

  • 1 oignon
  • 1 cuillère à soupe de beurre
  • 2-3 pommes de terre
  • 1 litre de bouillon de légumes
  • Une grosse poignée: d’orties, d’herbe aux goutteux, d’achillée millefeuille, de dent-de-lion, d’ail des ours, de lierre terrestre, de plantain lancéolé, d’oseille et de roquette
  • 100 ml de crème fraîche
  • Sel
  • Poivre
  • Jus de citron
  • Noix de muscade
Dans les régions allemandes, on nomme le Jeudi saint Gründonnerstag: Jeudi vert.

Préparation

  1. Emincez l’oignon et faites-le chauffer avec le beurre dans une marmite à soupe.
  2. Coupez les pommes de terre en petits morceaux, ajoutez-les aux oignons et laissez mijoter un peu.
  3. Déglacez les légumes avec le bouillon de légumes et laissez-les mijoter doucement pendant 10 minutes.
  4. Lavez les herbes et les hacher finement. Ajoutez-les à la préparation et laissez la soupe infuser pendant 5 bonnes minutes, sans la faire bouillir.
  5. Ajoutez la crème et réduisez la soupe en purée à votre convenance.
  6. Salez et poivrez puis ajoutez de la muscade et du jus de citron selon vos goûts.

Astuce

Si vous ne trouvez pas dans votre jardin ou au marché les herbes mentionnées plus haut, vous pouvez aussi les remplacer par d’autres ingrédients de cette liste dans les mêmes proportions: ciboulette, chou, épinard, persil, poireau, cresson, mâche, jeunes feuilles de cassissier ou de groseillier ou de groseillier à maquereau, jeunes feuilles de sureau noir.

Soif de sacré

A tour de rôle, des jeunes de divers cantons romands profitent de cet espace de liberté pour évoquer un sujet qui les intéresse. Au tour du Fribourgeois Antoine Bernhard de prendre la plume.

PAR ANTOINE BERNHARD | PHOTOS : DR

Vendredi saint, l’an dernier. J’entre dans une église valaisanne pour l’office. Je prends au passage le petit livret proposé aux fidèles pour accompagner la liturgie. Quelle n’est pas ma surprise? L’illustration qui accompagne les textes liturgiques n’est pas une icône, une croix ou quelque autre symbole religieux, mais le dessin mignon d’un enfant tenant un ballon en forme de cœur.

Ainsi, alors que l’Eglise s’apprête à vivre la solennité la plus importante du calendrier liturgique, que nous lisons les textes de la Passion du Christ, mort pour racheter nos fautes, alors que les catholiques du monde se préparent pour Pâques, nous n’avons rien d’autre à proposer qu’un symbole frelaté. Ce petit enfant avec son ballon, ce n’est pas l’Amour du Christ. C’est une image, produite par notre société consumériste, qui ne représente qu’un amour pauvre et mièvre, à la mode bisounours. Non, l’Amour du Christ s’est d’abord manifesté pour nous sur la croix, là où un Dieu fait homme a accepté de souffrir pour nous.

Nous nous posons la question : comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus? La question devrait plutôt être : sommes-nous encore chrétiens ? Que dire de notre foi, si un ballon en forme de cœur pour tout symbole de l’Amour du Christ nous suffit ? Avant d’être déchristianisé, notre monde a perdu tout sens du sacré, de la verticalité. Mais notre Eglise semble parfois être la première à tout désacraliser, et à tous les niveaux. Il faut désormais être cool, en phase avec le monde. Il faut tout aplatir, arrondir les angles, communier au progressisme obligatoire. Malheureusement, quand l’Eglise donne l’impression d’avoir pour seul projet que celui d’être le reflet flétri d’un monde sans repères, je ne m’y reconnais plus et avec moi de nombreux jeunes que je côtoie.

Nos contemporains – les jeunes en particulier – ont soif de sacré, Si l’Eglise n’en est plus le pourvoyeur, où le trouveront-ils ? De plus en plus nombreux sont ceux d’entre nous qui retrouvent l’expression du sacré dans la célébration du rite tridentin. Loin d’une crispation passéiste – comme certains voudraient le faire accroire – il y a là une soif authentique de vérité qui devrait enseigner toute l’Eglise.

Vitraux du Père Kim En Joong…

… chapelle Notre-Dame-de-Compassion (Martigny)

PAR AMANDINE BEFFA | PHOTO : JEAN-CLAUDE GADMER

La chapelle de La Bâtiaz à Martigny est depuis longtemps un lieu de prière et de pèlerinage pour la région. Les nombreux exvoto datant des XVIIIe et XIXe siècles qui ornent les murs de l’édifice consacré à Notre Dame de Compassion en sont un témoignage. Lors de la restauration de 2012, Léonard Gianadda1 est sollicité. Il offre alors des vitraux du Père Kim En Joong.

Né en Corée en 1940, l’artiste est élevé dans la tradition taoïste. Il étudie les beaux-arts à Séoul et enseigne le dessin au séminaire de la ville. C’est là qu’il découvre la religion catholique, notamment grâce à ses élèves. Il est baptisé en 1967 et devient dominicain quelques années plus tard. Il est connu comme le peintre blanc de la lumière.

L’œuvre de Kim En Joong est pensée comme l’irruption de la lumière dans les ténèbres. Il affirmait ainsi dans une émission sur KTO, en mai 2016: «Mon travail est d’être chasseur de ténèbres.» L’artiste fait le choix de ne pas nécessairement donner de légende ou d’explications pour laisser chacun libre de son interprétation. Il perçoit néanmoins son œuvre comme une invitation à découvrir Dieu. Il utilise son art pour prêcher, dans la lignée de ses prédécesseurs de l’Ordre des Prêcheurs qui utilisaient leurs mots. Il fait sienne une phrase de Stendhal selon qui la beauté est comme une promesse du bonheur.

Kim En Joong explique: «Les parties blanches sont importantes dans ma peinture et elles sont un héritage de ma culture coréenne. Peut-être sont-elles l’essentiel de mes créations. Ce qui compte dans une œuvre d’art, en musique, au théâtre, en littérature ou en poésie, c’est la résonance. C’est le rôle des grandes parties blanches. Cela renvoie au mystère, à l’écho en nous. […] L’espace libre n’est pas vide, mais plénitude.»2

1 Ecouter Léonard Gianadda présenter les vitraux: www.gianadda.ch/a_decouvrir_aussi/vitraux_de_martigny/kim/

2 Les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p. 63.

Jeux, jeunes et humour – avril 2022

Par Marie-Claude Follonier

Question d’enfant

Le lapin de Pâques, un symbole chrétien ?
Les mythologies de nombreux peuples ont une déesse du printemps et de la fertilité associée parfois au lapin dont la femelle peut avoir deux portées en même temps. Dans les pays germaniques, ce ne sont pas les cloches qui ramènent les œufs de Pâques, mais bien les lapins. Les enfants leur construisent un nid. Lapin, cloche ou colombe, tout se mélange et se confond pour rendre compte de l’abondance de Vie offerte par la Résurrection.

par Pascal Ortelli

Humour

Un évêque vient trouver un prêtre en mission au Cameroun. Il est très impressionné de ce que le prêtre a réalisé sur place : un immense hôpital, deux grandes écoles. Il lui demande où il a trouvé l’argent pour le financement. 
Le prêtre est gêné et préfère ne pas répondre. L’évêque, au nom de l’obéissance, lui somme de dire la vérité :
– Vous voyez ce château. Il est habité par un milliardaire qui m’a promis de payer les écoles et l’hôpital si je baptisais son chien.
– Et vous l’avez fait ? C’est inadmissible. La fin ne justifie pas les moyens !
Très en colère, l’évêque va se coucher. La nuit portant conseil, au déjeuner, Monseigneur, qui a aussi besoin d’argent pour son diocèse, s’adresse au prêtre :
– Pourriez-vous demander au milliardaire s’il envisage de confirmer son chien ?

par Calixte Dubosson

«L’Eglise, c’est l’Evangile qui continue»

Dans cette rubrique, L’Essentiel propose aux Evêques des diocèses de Sion et de Lausanne-Genève-Fribourg,
à l’Abbé territorial de Saint-Maurice et à leurs représentants de s’exprimer sur le sujet de leur choix. Ce mois, c’est Mgr Charles Morerod qui prend la plume.

PAR MGR CHARLES MOREROD OP, ÉVÊQUE DU DIOCÈSE DE LAUSANNE-GENÈVE-FRIBOURG
PHOTOS : JEAN-CLAUDE GADMER, DR

La phrase que j’ai le plus répétée (dans quatre lettres pastorales) est: «L’Eglise, c’est l’Evangile qui continue »1. Si je tiens à le répéter, c’est que ce n’est pas évident, mais que c’est absolument souhaitable. Il me semble qu’on ne peut pas lire l’Evangile sans être très frappé par la personne de Jésus et que ce choc initial pousse à un approfondissement jamais achevé de cette rencontre. C’est Jésus lui-même qui nous répète: «Venez et voyez.» (Jean 1, 39)

Si on demande ce qu’est l’Eglise, peu de monde pense à citer le Christ, ou l’Evangile. On nous répond généralement en termes de morale. Bien sûr qu’il y a une morale dans l’Evangile ! Mais elle commence par cette conversion qu’est la vie avec Jésus, sans laquelle les « valeurs chrétiennes » ne signifient pas grand-chose.

L’Evangile garde toujours une nouveauté, car le Saint-Esprit est source de jeunesse permanente, même là où l’Eglise donne l’impression d’être déjà connue, voire trop connue, voire même nocive. Et certes nous lisons l’Evangile dans l’Eglise, sans avoir à refaire tout le chemin de la foi sur des questions comme « qui est-il, celui-là ? » (Luc 5, 21 ; 7, 49 et 8, 25), « qui est-il, Seigneur, que je croie en lui ? » (Jean 9, 36), « Mais pour vous, […] qui suis-je ? » (Matthieu 16, 15) et « où demeures-tu ? » (Jean 1, 38)… Nous lisons l’Evangile dans l’Eglise, mais ce n’est pas une raison pour vivre dans l’Eglise sans lire l’Evangile.

«Tous les renouveaux dans l’histoire de l’Eglise ont été des renouveaux de sainteté, marqués par un retour à l’Evangile. C’est ce dont nous avons besoin. Lisons l’Evangile, constamment, écoutons-le et que notre vie en soit marquée.»

En cette période de chemin synodal, demandons ensemble au Saint-Esprit, qui a inspiré les auteurs des Evangiles, de nous permettre d’en découvrir les richesses et d’en vivre!

Charles Journet, L’Eglise et la Bible, Editions Saint-Augustin, Saint-Maurice, 1960, p.45.

Sur un malentendu…

PAR MYRIAM BETTENS
PHOTOS: DR

Vårfrudagen… à vos souhaits! Mieux vaut ne pas avoir un ch’veu sur la langue pour prononcer le nom de la fête de l’Annonciation en suédois. Chez nous, il est normalement d’usage de manger du poisson ce jour. En Suède, pays de spécialités marines et de surcroît protestant, il est coutume de préparer… des gaufres.

Quittons un peu nos romandes contrées pour nous diriger vers le pays du prinsesstårta, du surströmming et des våfflor suédoises. L’anecdote liée à cette tradition culinaire se base pour ainsi dire… sur un malentendu. La fête de l’Annonciation se traduit par Vårfrudagen, le jour de Notre Dame. La gaufre se dit, quant à elle, våffla, dont la forme våffel n’est utilisée que dans les mots composés. Entre la pronon- ciation de vårfru et våffel, il n’y a qu’un pas… le peuple suédois a fait l’amalgame entre les deux. Le 25 mars, commémorant normalement l’annonce de la mater- nité divine de la Vierge Marie par l’archange Gabriel, s’est donc transformé au fil du temps en Våffeldagen: le jour des gaufres!

Mieux vaut deux fois qu’une!

Une chose tout à fait étonnante concernant la fête de l’Annonciation en Suède: le culte à la Vierge Marie n’y est pas très présent, mais les calendriers comportent pourtant deux jours dédiés à cette célébration. Le Marie bebådelsedag ou Våffeldagen (dont nous avons parlé plus haut) toujours fêté le 25 mars, et le Jungfru Marie bebådelsedag qui, dans l’Eglise de Suède, se célèbre le dimanche qui tombe entre le 22 et le 28 mars, sauf si c’est le dimanche des Rameaux ou celui de Pâques.

Petit vocabulaire culinaire suédois

Prinsesstårta: gâteau suédois traditionnel, composé de couches de génoise, de confiture de framboise, de crème pâtissière vanillée et enveloppé d’une fine couverture de pâte d’amandes verte. Le gâteau «IKEA» par excellence!

Surströmming: hareng fermenté durant plusieurs mois et traditionnellement dégusté à Noël ou à Pâques. L’odeur très prononcée de ce met retient souvent d’y goûter…

Våfflor: pluriel de gaufre.

Recette: Les gaufres de Vårfrudagen / Våffeldagen

Temps de préparationTemps d’attentePortions
30 minutes30 minutes8

Ingrédients pour la pâte à gaufres

  • 3,5 dl de farine de blé – vetemjöl
  • 2 c. à c. de levure chimique – bakpulver
  • 4 dl de lait – mjölk
  • 100g de beurre fondu – smör
Våffeldagen: le jour des gaufres

Préparation des gaufres au gaufrier

  1. Dans un saladier, mélanger la farine et la levure.
  2. Ajoutez le lait, fouettez pour obtenir une pâte homogène. Versez-y le beurre fondu.
  3. Faites chauffer le gaufrier. Badigeonnez d’un peu de beurre pour la première gaufre.
  4. Versez une louche de pâte dans le gaufrier, fermez le battant et patientez quelques minutes.
  5. Servez avec de la crème fouettée et de la confiture de fraise pour manger votre gaufre à la suédoise.

Préparation des gaufres à la poêle

  1. Suivez les étapes 1 à 3 de la préparation « au gaufrier ».
  2. Versez une louche de pâte au milieu d’une poêle de façon à la cuire comme des pancakes.
  3. Dorez la pâte de chaque côté jusqu’à ce qu’elle se soulève un peu de la surface de la poêle.

Préparation à la machine à croque-monsieur

  1. Suivez les étapes 1 à 3 de la préparation « au gaufrier ».
  2. Versez une louche de pâte dans la cavité normalement réservée au sandwich, fermez le battant et patientez quelques minutes.

Donner du sens à l’investissement

Après vingt-trois ans de carrière chez Nestlé et alors patron de la branche chinoise du groupe, Roland Decorvet quitte tout. En 2014, il part pour diriger bénévolement le navire-hôpital Africa Mercy. Aujourd’hui, il s’engage à traduire sa foi en un capitalisme responsable et social.

PAR MYRIAM BETTENS | PHOTOS : DR

Pourquoi avoir laissé tomber le «meilleur job du monde» pour occuper une cabine aussi grande que votre garage ?

Au niveau professionnel, j’occupais aux yeux de tous « un des meilleurs jobs du monde », mais il y avait un stress énorme et j’avais atteint ce que je peux considérer comme mon sommet. Il valait mieux partir au sommet que continuer à faire la même chose encore pendant vingt ans. Du côté privé, le stress, les nombreux voyages et la pression me montraient clairement que continuer sur ce chemin-là aboutirait à sacrifier ma famille et mon couple. Je crois aussi profondément que chacun dans son domaine et sa profession doit refléter la gloire de Dieu. J’avais donc le besoin de retrouver un sens à ma vie en étant là pour les autres et en aidant mon prochain.

La responsabilité sociale et spirituelle fait donc partie intégrante d’une bonne gestion économique ?

Le but d’une entreprise devrait être le bien de toutes les personnes avec qui elle a des interactions. Dire qu’il n’y a que l’actionnaire qui compte n’est pas mon concept de l’économie. Aujourd’hui, les consommateurs veulent comprendre ce qu’il y a derrière les produits qu’ils achètent. Ce qui était à l’époque une sorte d’économie de niche est devenu la norme et c’est encourageant.

Une entreprise peut-elle produire de manière durable et équitable tout en étant extrêmement rentable ?

Un des problèmes que nous avons dans l’économie est ce besoin constant, dû à la pression des marchés, d’augmenter toujours plus la profitabilité. D’un autre côté, faire du bien a un coût et cela serait mentir que de dire le contraire. Pour investir dans l’équitable et le durable, il faut accepter d’être plus patient, de recevoir un retour sur investissement moins élevé. C’est un juste équilibre à trouver entre un
capitalisme sauvage et un autre beaucoup plus social.

Aujourd’hui, le continent africain est le seul à croître économiquement et au niveau de sa population. Pourquoi les investisseurs sont-ils si frileux ?

Les investisseurs européens n’investissent en Afrique que dans les domaines très rentables que sont les mines, la télécommunication ou la fintech (nouvelles technologies dont l’objectif est d’améliorer l’accessibilité ou le fonctionnement des activités financières, ndlr.), mais très peu dans l’industrie qui, elle, permettrait un vrai développement. Dans ce secteur, il faut être prêt à avoir moins de retour sur investissement avec un profil risque plus élevé. Très peu de gens sont prêts à sauter le pas. Il faut trouver un juste milieu entre les dons gratuits et un plus grand nombre d’investissements pour développer le pays.

Dans ce cas, de quelle manière aider sans verser dans la pitié ou par pure charité ?

Entendons-nous bien, je ne parle pas de couper l’aide d’urgence ou l’apport médical des ONG en Afrique, mais je pense que ce continent possède un réel potentiel économique. Cependant, il faut être conscient que le rendement sera moindre et le risque plus élevé. Par contre, l’impact social sera énorme et aura, par ricochet, aussi une incidence sur l’Europe. Sans alternative durable sur place, les jeunes Africains tenteront toujours de traverser la Méditerranée au péril de leur vie.

Biographie express

Né dans le canton de Vaud en 1965 de deux parents missionnaires, Roland Decorvet passe les premières années de sa vie à Kinshasa (RDC). Il garde de ces années-là une affection particulière pour l’Afrique. Celui qui vendait des nouilles Maggi à Bornéo pour Nestlé est propulsé patron de la branche chinoise du groupe pendant douze ans. En 2014, il quitte tout et part avec sa famille pour diriger bénévolement un bateau-hôpital de l’ONG Mercy Ships durant plus d’un an. Fondée à Lausanne et basée sur des valeurs chrétiennes, l’ONG prodigue gratuitement des soins médicaux dans plusieurs ports d’Afrique. Roland Decorvet devient le directeur général de l’Africa Mercy et gère les quelque 450 collaborateurs bénévoles attachés au navire. Aujourd’hui, convaincu que l’industrie agroalimentaire peut aider son prochain, il s’est installé avec sa famille en Afrique du Sud pour élaborer un modèle d’affaire « mi-Nestlé, mi-œuvre d’entraide » en adéquation avec ses valeurs chrétiennes.

Confirmation à Payerne

« Entrer dans un monde nouveau »

PAR LA RÉDACTION | PHOTO : PIERRE-ANDRÉ FRAGNIÈRE

Treize jeunes de la paroisse catholique de Payerne ont reçu, ce samedi 12 février, le sacrement de la confirmation. Cette célébration marquait la fin d’un chemin de préparation d’une année et le début dans la vie chrétienne comme des adultes dans la foi. Une célébration riche en émotion pour chaque participant. «Je suis très heureuse de faire partie de la communauté chrétienne», confiait Helene Gebray après la célébration. «Pour moi, le moment le plus fort a été le partage avec les autres confirmands et les parrains-marraines avant la messe. Ce parcours m’a permis de faire connaissance avec d’autre personnes et de nouer des amitiés. J’espère que nous garderons le contact.»

Noémie Maillard se disait impressionnée par le geste sacramentel d’imposition de l’huile consacrée sur le front, fait par Mgr Bernard Sonnay, vicaire épiscopal du diocèse: «Cet instant était très émouvant: pour moi c’était comme entrer dans un monde nouveau avec le Seigneur à mes côtés. Je peux commencer mon parcours de chrétienne confirmée.»

Vincent Roggo, qui a dû lire un texte de bienvenue, avouait un léger trac avant la célébration: «Finalement cela s’est très bien passé… Cette année de préparation a été bien plus courte que je ne le pensais, y compris la retraite spirituelle à Saint-Maurice. J’aurais aimé que cela dure plus longtemps. Ces grands moments resteront dans nos mémoires.»

«Seigneur Dieu, nous voulons te confier ces jeunes qui viennent de recevoir ton Esprit Saint. Fais-en sorte qu’ils puissent devenir des témoins vivant de ton Evangile dans un monde qui a tant besoin de ta présence», à prier l’assistant pastoral Lazare Preldakaj et accompagnateur des jeunes dans les intentions de prières.

Et que l’idéal demeure !

A tour de rôle, des jeunes de divers cantons romands profitent de cet espace de liberté pour évoquer un sujet qui les intéresse. Au tour de la jeune vaudoise Marie Larivé de prendre la plume.

PAR MARIE LARIVÉ | PHOTO : DR

Source de promesses infinies, mais aussi terreau fertile des abus, l’idéal recueille nos grands
écartèlements. Car souvent, l’idéal et notre humanité s’entrechoquent. Dymas de Lassus, prieur de la Grande Chartreuse, l’évoque en ces mots : « Il y a des limites à notre être humain, à nos forces physiques à notre santé, à notre psychisme, et là se trouvent les risques de l’amour : l’amour n’a pas de limites. Personne n’aimera jamais trop, mais les moyens destinés à développer l’amour comportent des limites et si celles-ci sont dépassées, le moyen peut donner la mort au lieu de la vie » (Risques et dérives de la vie religieuse, p. 31).

Nouveaux ajustements

Quitter une communauté religieuse n’est pas quitter le grand Amour, mais plutôt un chemin qui peut y mener. On peut parler de bifurcation, de choix, de chute, de libération ou bien d’autres mots encore, car il y en a autant que d’histoires personnelles et ces mots changeront encore pour chacun, probablement, au fil du temps. Là où peuvent se mêler la culpabilité, le soulagement, la colère ou la paix, encore l’idéal fraye son chemin. Poursuivre l’Amour infini demandera de nouveaux ajustements, différents des grands élans précédents, mais dans ce nouveau quotidien, banal et commun, la sainteté peut là aussi pousser.

Points d’ancrage

« Toutes les vertus chrétiennes sont suspendues entre deux abîmes : notre être de créatures tirées du néant et l’infini de Dieu qui nous attire à lui. Que l’un des deux points d’ancrage lâche et la vertu se mue en folie. Nous n’avons pas à choisir entre l’humain et le divin, le Christ qui est notre voie a uni les deux en sa personne et la spiritualité n’est plus chrétienne si elle ne tient pas les deux ensemble », écrit encore Dymas de Lassus (p. 208). Au milieu de ces deux abîmes que beaucoup ont frôlés à des périodes de leur vie, émerge une existence à toujours davantage simplifier, loin des rêves et des craintes. Un nouveau chemin s’ouvre où, là aussi, Dieu peut être le grand idéal. Un Dieu qui reste le même alors que nous changeons, un Dieu qui nous attend, patiemment.

A tout instant, c’est dans notre plus simple humanité que l’idéal pourra être poursuivi. Non pas comme horizon grandiose et héroïque, mais dans cet équilibre du quotidien qui unit le plus grand Amour à notre humble réalité incarnée, ici et maintenant.

Acteurs ou spectateurs ?

PAR L’ABBÉ DANIEL REYNARD
PHOTO : RAPHAEL DELALOYE

Quand je pense à l’Eglise, je la voudrais telle qu’elle n’est pas: attirante, encourageante, percutante, militante, sans doute variée, qui plaise aux enfants, aux jeunes et aux moins jeunes.

J’aimerais que cette Eglise m’offre tout ce que je ne donne pas.

Seigneur, cette Eglise, tu la connais aussi bien, si ce n’est mieux que moi : elle souffle trop souvent comme une bougie épuisée. Trop petite pour ta grandeur et trop grande pour notre petitesse, mal aimée et ne sachant pas aimer.

Au fond, facile de critiquer cette Eglise, cela m’arrange de la critiquer, ainsi je suis dispensé d’y travailler.

C’est facile de voir ses faiblesses par le trou de la serrure pour me protéger de franchir la porte.

Quittons le banc des spectateurs et des moqueurs pour nous asseoir au banc des acteurs et des célébrants.

C’est seulement ainsi que j’arrêterai de regarder ton Eglise, qui est aussi la mienne, pour y vivre avec les autres.

Tu nous rassembles chaque jour, comme le berger rattrape la brebis qui boite et qui s’attarde.

Ton fils est à la tête d’un corps aux membres disjoints. Il est le premier-né d’une famille d’enfants séparés.

Mais c’est bien à l’Eglise que tu tiens et non pas seulement aux individus qui se préfèrent chacun eux-mêmes.

C’est à l’humanité entière que tu tiens et non seulement aux membres d’un club.

Ton Eglise est ainsi le signe visible de ton Esprit.

J’y suis attaché à cette Eglise, comme vous pour le pire et le meilleur et nous sommes liés par la liberté de l’Esprit.

C’est toi Seigneur qui nous rassemble bien au-delà de nos mesquineries et de nos histoires de sacristies.

Donner du sens à sa vie, à la vie…

PAR CHANTAL TERREAUX | PHOTO : PIXABAY

Une question qui peut revenir à différentes étapes de notre existence, et qui a, pour beaucoup refait surface d’une manière plus intense en ces temps perturbés.

Une interrogation qui habite aussi, par moment, les personnes qui ont trouvé un but, un projet qui a pris une grande place dans leur vie au point qu’on peut dire d’eux: «Ils y consacrent toute leur vie.»

Avec ce verbe « consacrer », nos premières pensées vont vers ceux qui consacrent leur vie à Dieu. Dans nos contrées, notre regard se tourne tout naturellement vers La Fille-Dieu où depuis plus de 750 ans des femmes y vivent une existence toute tournée vers Notre Seigneur.

Nous pensons aussi à nos prêtres au service des nombreuses paroisses de notre unité pastorale.

Pour la plupart d’entre nous, une vie si pleinement donnée paraît inaccessible.

Pourtant je suis sûre que parmi vous, lecteurs, nombreux sont ceux qui ont mis toute leur énergie, leur existence, dans un but.

Considérons ces parents dont toutes les activités ont pour objectif premier d’offrir la meilleure vie possible à leurs enfants et de les guider afin qu’ils puissent un jour voler de leurs propres ailes.

Un autre mettra tout son cœur et son temps dans la continuité d’une entreprise familiale, d’autres encore dans le service, pour le bien de la société. On a souvent parlé ces derniers temps du personnel soignant mais on sait bien qu’ils ne sont pas les seuls indispensables à la vie.

Ainsi chacun peut, dans son activité propre, dans le but qu’il poursuit, trouver le sens qui nous permet de nous sentir utiles et en lien avec l’humanité, avec son prochain et donc avec Dieu.

Avons-nous réfléchi au sens de notre vie, en fonction de ce que nous accomplissons quotidiennement ?

Consacrer notre vie à faire bien ce que nous avons à accomplir chaque jour, c’est déjà être en chemin vers la sainteté comme nous l’a rappelé le pape François dans son exhortation sur l’appel à la sainteté « Gaudete et exsultate ».

Il est vrai aussi que, parmi nous, certains rayonnent plus particulièrement par le but qu’ils se sont fixé et apporte une coloration bienfaisante à nos existences.

Je veux parler des métiers artistiques et en particulier de l’art musical.

Vous admettrez que nos liturgies sont encore plus belles et nous portent davantage lorsqu’elles sont animées par la musique et le chant !

Le manque vécu nous en a fait prendre con­­science.

Découvrons dans ce numéro le témoignage d’un acteur talentueux de l’art choral dans nos paroisses.

Les chartreux

De nombreuses communautés composées de religieux ou de laïcs sont présentes en Suisse romande, comme autant de témoins de la vitalité et de la diversité de l’Eglise. Ce mois-ci, cap sur les chartreux de La Valsainte qui mènent une vie de prière et de solitude.

PAR PASCAL ORTELLI | PHOTO : JEAN-CLAUDE GADMER

Nom officiel: Ordre des chartreux ou Ordre cartusien.

Fondateur: saint Bruno (vers 1030 – 6 octobre 1101).

Date de fondation: 1084 pour la Grande Chartreuse et 1295 pour La Valsainte.

Sigle: O. Cart.

Devise: « La Croix demeure tandis que le monde tourne ».

Habit : une tunique blanche et une cuculle (scapulaire avec une bande de tissu qui
relie les deux pans) avec capuchon, de même couleur.

Organisation: chaque monastère est dirigé par un prieur élu au service des moines
du cloître (prêtres) et des frères convers.
Les moines du cloître passent la majorité de leur temps en ermitage, véritable « désert à l’intérieur du désert », composé d’une chambre, d’un atelier et d’un jardin où ils prient, travaillent, mangent et dorment. Ils ne sortent de la cellule que pour les activités communes prévues : prière liturgique à l’église, récréation et promenade hebdomadaire.
Les frères occupent une cellule plus petite, sans jardin ni atelier, car une part importante de leur journée se passe dans le lieu où chacun travaille, en solitude, au service de la communauté.

Mission: la contemplation et la prière continuelle vécues dans une consécration totale
à Dieu, en renonçant aux contacts sociaux ordinaires autant que le permettent l’équilibre
des personnes et la charité chrétienne.

Présence en Suisse et dans le monde: La chartreuse de la Valsainte dans le Val de Charmey (FR).
Outre la maison-mère dans le massif de Chartreuse au-dessus de Grenoble, l’ordre compte une vingtaine de monastères dans le monde dont cinq de moniales.

Une particularité: le grand office liturgique de la nuit entre minuit et 2h du matin.

Pour aller plus loin: le film Le grand silence, disponible sur playsuisse.ch

«Etre chartreux, c’est…» par un chartreux de la Valsainte

« Une vie de silence, de solitude pour Dieu, de prière continuelle. Une vie de louange, qui s’étend durant la liturgie de la nuit, lorsque le monde sommeille. Une vie partagée avec des frères, où chaque solitaire accomplit sa tâche, dans la charité mutuelle. Une vie exigeante : comme pour Jésus, le désert est le lieu du combat spirituel. Mais le Christ est notre paix ! Il mène le chartreux dans la solitude pour l’unir à Lui dans un amour intime, qui se diffuse dans la prière pour tous les hommes, surtout les plus souffrants. »

Histoire d’une vocation

Je m’appelle Lucie Moullet; en religion Sœur Anne-Cécile.

PAR SŒUR ANNE-CÉCILE MOULLET
PHOTOS : ANDRÉ BISE

Je suis née le 29 novembre 1939 à Châbles (FR) dans une famille très chrétienne. C’était au début de la guerre. Je suis arrivée en sixième position, remplaçant un frère – si l’on peut parler ainsi – décédé à l’âge de 10 mois. Lors de mon baptême, mes parents me prénommèrent Lucie comme ma marraine. J’ai grandi dans une famille harmonieuse, où l’on s’aimait.

Le Vendredi saint 1945, je fus emmenée à l’hôpital d’Estavayer-le-Lac, atteinte d’une méningite cérébro-spinale foudroyante, sans grand espoir de me sauver. Je me rappelle d’une seule chose; je disais: «J’ai mal à la tête, je veux de l’eau.» La Sœur Hubertine dit à maman: «Allez lui chercher de l’eau de Bonnefontaine.» J’ai guéri: Notre Dame avait intercédé auprès de son Fils.

Ayant terminé ma scolarité à Pâques 1955, j’ai été engagée pour travailler à l’hôpital d’Estavayer-le-Lac. Là, au contact des Sœurs de la Charité que je voyais se dévouer jour et nuit au service des malades, je me posais la question : quel sens donner à ma vie? Un jour, Sœur Marie Cécile Lottaz me taquine: «Dans trois ans, tu seras bonne pour faire comme moi .» Le soir, impossible de dormir jusqu’à ce que j’aie dit: «Et bien, Seigneur, si tu veux, dans trois ans je viendrai.»

Mes parents m’ont conduite chez les Sœurs de la Charité pour entrer au postulat le 16 septembre 1958. Après la formation religieuse, les Supérieures m’ont envoyée à l’école normale de Sainte Agnès, tenue par les Sœurs Ursulines, pour y acquérir le brevet froebélien (ndlr, enseignement pédagogique). En septembre 1963, je fus envoyée à Domdidier pour y enseigner en première année primaire. Là, pendant 23 ans, j’ai donné le meilleur de moi-même, ainsi que dans d’autres activités parascolaires.

De 1986 à 1988, me revoilà sur les bancs de l’école… deux ans d’étude à l’Ecole de la Foi et des ministères, à Fribourg. Au terme, Sœur Elisabeth Grebex, supérieure provinciale, m’a posé la question: «Te sentirais-tu de partir en Afrique?» J’ai beaucoup prié, me suis fait aider par un Père Jésuite pour le discernement et, sentant un appel du Seigneur, j’ai répondu oui. Pendant 12 ans, à Bocaranga, en République Centrafricaine, j’ai œuvré dans la formation des catéchistes, dans la formation à la vie religieuse des jeunes filles demandant leur entrée dans notre Congrégation. Depuis l’an 2000, je suis à Yaoundé dans notre communauté pour les jeunes Sœurs étudiantes préparant leur mission pour mieux servir leurs frères et sœurs africains.

Je veux simplement témoigner que, malgré les difficultés inhérentes à toute vie, je suis heureuse et je n’ai jamais regretté mon choix.

Si vous souhaitez soutenir  le projet de formation de jeunes filles et de jeunes religieuses porté par Sœur-Anne-Cécile, vos dons sont les bienvenus sur le CCP 10-248349-5.

Pourquoi quittent-ils la vie consacrée ?

Ils ont dit oui à Dieu en pensant que c’était pour la vie. Il arrive pourtant que certains religieux et religieuses discernent que leur place n’est plus là. Eclairage sur les motivations qui les poussent à quitter la vie consacrée et les implications de la remise en cause de leur engagement.

PAR MYRIAM BETTENS | PHOTOS : JEAN-CLAUDE GADMER, PXHERE, DR

Dieu écrit droit avec des lignes courbes.

«Les responsables de l’Eglise ne sont pas vraiment préparés à ce type de situations», affirme Maxime Morand, consultant en ressources humaines et lui-même prêtre ayant quitté le ministère. De nombreuses personnes se sont adressées à lui au moment de quitter une institution religieuse. Pourtant, « cette sortie est canoniquement assez simple à effectuer », se souvient Geneviève*. « La supérieure générale m’a déliée de mes vœux. Elle a également communiqué à l’évêque ma décision de partir. Pour ma part, j’ai rencontré ce dernier au tout début de mon temps d’exclaustration », poursuit-elle. Après plus de trente ans de vie communautaire, elle décide de quitter son Institut qui lui accorde trois ans afin de vérifier que sa décision est juste. Des deux côtés, « il y a un processus de deuil à mener » et cette autorisation à vivre à l’extérieur de sa communauté pour un temps défini fait partie d’un sain(t) cheminement de discernement, juge Sœur Marie-Brigitte Seeholzer, supérieure des Ursulines de Fribourg. «En congrégation, nous osons parler des questions de sortie, de fidélité à notre vocation ou de changement de communauté. Cette démarche me semble importante, à la fois dans une fidélité à soi-même et à l’appel de Dieu.»

Un faisceau de circonstances

« Ma vocation avec le Christ n’est plus dans ce style de vie », reconnaît Geneviève qui refuse dans un premier temps d’accepter cette réalité qui s’impose peu à peu. Elle a également de plus en plus de peine à supporter « de ne pas être simplement Geneviève, témoin du Christ, mais uniquement Sœur Geneviève ». Presqu’à en perdre son identité. Matthieu*, quant à lui, prend conscience qu’il « attendait de la vie religieuse la réalisation de quelque chose qui ne s’est pas donné ». Néanmoins, il reste moine durant plus de vingt ans et ce n’est qu’au moment du premier confinement qu’il reconnaît le sentiment d’oppression et d’enfermement qui le limite. Pour André*, c’est un faisceau de circonstances qui l’ont mené à reconsidérer son choix de vie, dont un important problème de santé. Il quitte sa communauté pour « cet ailleurs où il pourra servir Dieu d’un cœur plus tranquille ». Ces trois anciens religieux considèrent que leur communauté a accepté et accompagné moralement comme financièrement leur choix, ce qui n’est pas toujours le cas.

«Les responsables de l’Eglise ne sont pas vraiment préparés à ce type de situations.»

Maxime Morand
Quitter sa communauté est un choix de vie difficile à évoquer.

Des signes trompeurs

« Du jour au lendemain, je n’avais plus de communauté, plus de travail. Je n’existais plus », raconte Isabelle*. Un douloureux sentiment « d’effacement » qu’elle ne cache pas. La petite communauté de femmes dont elle fait partie traverse alors une crise sans précédent. « A partir du moment où on a cette vocation, on ne veut pas décevoir Dieu, on veut faire sa volonté. Savoir porter sa croix, consentir à des sacrifices fait encore partie de l’enseignement et interpréter les signes qui nous disent de sortir comme une croix à porter mène droit dans le mur. » La jeune religieuse cherche du soutien auprès des frères qui les accompagnent spirituellement. A leurs yeux, c’est elle le problème : elle doit partir. Après le choc de cette annonce, une difficulté plus grande encore se présente. Elle ne peut prétendre au chômage, son emploi auprès des frères n’a jamais été établi contractuellement. En plus de cela, la communauté n’a pas cotisé pour elle à la prévoyance vieillesse. Mis à part Geneviève, dont la communauté a effectué toutes les démarches en ce sens, les autres témoins se sont tous retrouvés au sortir de la vie religieuse avec un trou béant dans l’AVS et le deuxième pilier. Certains d’entre eux ont d’ailleurs eu recours aux conseils de Maxime Morand pour parvenir à une « convention de sortie » avec leur congrégation.

Un texte passé sous les radars

En octobre 2020, la congrégation romaine pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique a publié Le don de la fidélité, la joie de la persévérance. Le texte, passé inaperçu, présente des « orientations » pour prévenir les abandons de vie consacrée ou, le cas échéant, les accompagner au mieux. Une sorte de guide pour accompagner les situations de séparation d’un Institut. Le document comporte trois parties. La première vise à mieux penser les situations de mal-être qui provoquent les crises. La deuxième veut soutenir l’effort de la persévérance par un accompagnement et un discernement adéquat. La troisième donne les normes canoniques en la matière. Cette partie s’achève sur le rappel de l’aide qui devrait légitimement être apportée à celui quittant son Institut et la responsabilité inhérente à chacun : « Celui qui abandonne doit se poser des questions sérieuses sur les raisons de la perte de son choix vocationnel. Celui qui reste, sur la cohérence de son demeurer et ses éventuelles implications dans les causes de l’éloignement et de refroidissement de la persévérance de qui est parti. »

Le regard des autres

Outre l’aspect financier, ce changement de statut a aussi impliqué une grande part de culpabilité pour chacun des témoins. « Revenir sur une parole donnée est extrêmement violent », relève André. Echec, désaveu, infidélité sont quelques exemples d’expressions employées à l’encontre de ces « démissionnaires », tous reconvertis professionnellement. Sœur Marie-Brigitte souligne « qu’on s’imagine parfois la vie religieuse comme quelque chose de trop statique », un idéal de perfection remis en question depuis Vatican II. « L’habit ne fait pas le moine, mais fait l’image qu’on a de lui », abonde Geneviève. Aujourd’hui, elle se dit témoin du « Verbe fait frère » et peut le transmettre sans avoir cette couleur religieuse qui la précède dans toute relation. Comme les autres, elle est convaincue que le chemin emprunté n’est pas une rupture, mais une continuité de sa vocation initiale.

«En congrégation, nous osons parler des questions de sortie, de fidélité à notre vocation ou de changement de communauté..»

Soeur Marie-Brigitte, supérieure des Ursulines de Fribourg

L’après de la vie religieuse

En France, le Réseau Véro (reseauvero@gmail.com), fondé en 2014, accompagne ces « ex » religieux. Il fonctionne essentiellement par le bouche-à-oreille, mais est connu des instances ecclésiales. Il favorise la rencontre amicale et apporte aussi un soutien matériel. Rien de similaire en Suisse. Plusieurs témoins relatent le recours aux conseils de Maxime Morand, appelé en renfort par les instances ecclésiales ou les religieux eux-mêmes. Le consultant accompagne, notamment, les personnes dans la négociation de « conventions de sortie ». Il a d’ailleurs publié en 2020 avec deux pasteurs, Cultures chrétiennes et pratiques ressources humaines, un manuel d’accompagnement dans les situations de la vie ecclésiale.

Je t’aimerai toujours

Geneviève est originaire du Valais, elle était institutrice avant son entrée au Monastère de la Visitation à Fribourg.

PAR ANTOINE MBOMBO TSHIMANGA | PHOTO : DR

L’engagement au monastère : quelles références, quelle intuition?
Jeune, Geneviève tisse une relation toute personnelle avec Marie, «Marie m’a conduite vers Jésus».

Originaire du Valais, à 19 ans Geneviève fait connaissance avec la Communauté
du monastère de la Visitation à Fribourg lors de la retraite de l’école Normale de Sion. Cette rencontre comptera énormément dans son engagement futur tant elle a été marquée par la joie de cette communauté.

Autre expérience marquante, le partage de foi entre jeunes notamment auprès des Jeunes de Lourdes.

A 21 ans, Geneviève est interpellée par l’exemple d’un prêtre engagé dans la pastorale jeunesse.

Son attrait pour la Visitation se confirme lors d’un pèlerinage à Compostelle, elle a 24 ans.

Geneviève exerce son métier d’institutrice durant quatre années avant de frapper à la porte du monastère de la Visitation, elle a 25 ans. Elle se souvient, en ces temps-là, nourrir un secret espoir d’expérimenter une vie exempte de tensions familiales.

Départ du monastère
Geneviève n’a pas oublié une remarque de sa formatrice durant son noviciat « Tu es comme un œuf sans croise (coquille). » « J’ai compris aujourd’hui que je suis une hypersensible » concède Geneviève, ce qui ne l’a pas aidée à trouver et prendre toute sa place au monastère.

En 2014, âgée de 50 ans, elle quitte le monastère après 25 ans de vie religieuse et retourne vivre en Valais.

Retour à la vie hors les murs
Automne 2014, Geneviève repart à Fribourg où elle occupe parallèlement un poste de secrétariat et comptabilité, compétence acquise au monastère, et d’animatrice en pastorale jeunesse et de rue. Septembre 2015, retour de Geneviève en Valais vers l’enseignement, son métier de formation.

En 2016, au bout d’une année d’enseignement Geneviève connaît une grave dépression, elle passe un mois à l’hôpital. Il s’en suit une ouverture d’un dossier AI. Toutefois elle obtient un poste, à temps partiel, en comptabilité pour une association. Elle tient ce poste durant cinq années.

Tout au long de ces années de « réinsertion » dans une société civile qui a énormément changé en 25 ans, ses premiers lieux d’amitié et de soutien sont d’une part le Groupe Salésien qui se réunit une fois par mois au monastère de la Visitation, groupe dont elle était l’une des deux instigatrices six ans plus tôt, et d’autre part le Cercle de femmes de Vallorbe.

Un autre lieu d’ancrage important sont les amitiés : celles fidèles depuis la jeunesse et celles tissées nouvellement notamment par le travail et la chorale, Geneviève y rencontre notamment trois bonnes amies dont « sa marraine ». «Je rencontre des personnes dans la même ligne humaine et ou spirituelle que moi. Même si certaines se disent non pratiquantes tout en étant ouvertes et accueillantes au Dieu dont je parle avec elles.»

«Ma famille se faisait présente au début mais je crois que mon « craque » leur a fait peur… J’ai senti un peu de prise de distance, depuis j’ai fait le deuil d’un soutien tel que je l’attendais et j’accueille ce qui est donné.»

En 2021, Sœur Catherine, nouvelle prieure de la Communauté de Géronde à Sierre lui demande de travailler au monastère, entre autres au service d’accueil. « J’ai vécu un coup du Saint-Esprit ! Je sens une mission d’interface entre la Communauté des sœurs et la société actuelle.»

«J’ai longtemps vécu avec le sentiment d’un échec, aujourd’hui j’accueille mon chemin, mon histoire. Malgré mes anxiétés je peux dire, le Seigneur a toujours été là et j’ai toujours eu ce qu’il me fallait. »

«Avec humour, je racontais à une amie que dans une période compliquée financièrement, je priais le Père ainsi: tu sais mon ordinateur, ma voiture, mon téléphone, j’en ai besoin alors merci d’en prendre soin. Et voilà que mon imprimante tombe en panne ! Mince, Père, j’ai oublié de te la confier. Mais (sourire) quand je sors la garantie, je découvre qu’elle est valable encore un mois. Du coup je dis au Père : pardon, tu as même pris soin de mon imprimante. Cela fait sourire mon amie mais souvent, elle me dit elle-même que j’ai un Grand Patron génial.»

Que retirer de l’expérience de vie au monastère?
«Le monastère a forgé en moi une grande ouverture de Cœur, ça sert pour le service d’accueil. Je me rends compte qu’aujourd’hui j’ai un cercle d’amis anciens et nouveaux. J’ai même rencontré un couple d’enseignants qui est devenu « parrain et marraine » pour moi.»

«Dans une communauté on ne sent pas la hiérarchie des unes vis à vis des autres. Ce qui compte c’est la fraternité de la communauté et de la Sœur supérieure. Beaucoup de décisions se prennent en commun, la synodalité est donc vécue concrètement.»

Au monastère, Geneviève a exercé différents métiers, du travail manuel de blanchisserie, en passant par le jardinage, la liturgie, au travail de gestion et comptabilité (économat) étudié en formation interne. «Tout travail quel qu’il soit a une valeur, dans une communauté on reçoit toutes le même « salaire » : logée, nourrie, etc.»

«La Communauté de Géronde vient de vivre un changement de prieure, l’ancienne redevient simple Sœur. Est-ce que dans notre monde on verrait un patron redevenir simple ouvrier?»

Où trouver aujourd’hui la joie de vivre
«J’ai retrouvé ma capacité d’émerveillement, par la nature, par mes relations, et parce que je ne suis pas seule ; quelqu’un m’accompagne. En plus j’ai la chance aujourd’hui d’avoir une patronne avec qui je ris beaucoup !»

«Quand je jette un œil dans le rétroviseur je perçois que même dans les périodes les plus sombres la lumière du Ressuscité reste discrètement présente. » Ce qui confirme la phrase reçue de Jésus lors de ma dernière retraite au monastère : « Quoi que tu fasses, ou que tu ailles, je t’aimerai toujours.»

Quel conseil à la personne qui entre dans la vie religieuse et celle qui en sort?
Pour la personne qui entre : «Ecoute ton cœur et prends ton temps.»

Pour celle qui sort du couvent ou monastère: «Cherche le soutien auprès d’une autre communauté pour faire une transition et n’aie pas peur de confier ce que tu vis à tes amis proches. » Ton expérience de vie est particulière, ose en parler même si parfois tu te sens « en décalage».

Quel cri à l’Eglise et au monde?
A l’Eglise «Oser parler et vivre d’Amour et même d’Amour inconditionnel ! » et au monde « Connectez-vous à votre cœur, aimez-vous et aimez les autres, c’est le cœur de notre vie».

«Scrutez les horizons de votre vie»

PAR THIERRY SCHELLING
PHOTO : DR

Aux religieuses et religieux (2014), François les exhortait ainsi : « Ne cédez pas à la tentation du nombre et de l’efficacité, moins encore à celle de se fier à ses propres forces. Scrutez les horizons de votre vie et du moment actuel en veille vigilante. » Une façon de centrer ses énergies et objectifs de vie différemment, voire de quitter les Ordres pour plus de cohérence…

Une manière aussi de faire comprendre que le nombre diminuant de vocations religieuses est un signe… positif des temps modernes : on s’engage autrement aujourd’hui, mais toujours au nom de sa foi ! Voyez les jeunes : service humanitaire, ONG, défense de l’environnement, des droits des minorités et autres LGBT+, bénévolat auprès des aînés, des handicapés, des malades… Aux JMJ, il n’a de cesse de leur répéter : engagez-vous sur le terrain social et politique « pour changer le monde » ! Il a eu cette formule à Rio (2013) : « Ne restez pas au balcon de la vie ! Engagez-vous ! »

Pape autrement

Lui-même, comme pontife, fait le pape autrement : premier voyage ? Lampedusa ! Parmi les premières visites romaines, un bidonville ! Il se consacre à mettre les sans-voix, les petits, les victimes de la pédophilie, les femmes battues, les itinérants, les pauvres non pas sur le devant de la scène, mais au cœur de l’Eglise, de sa raison d’être – celle de l’Eglise et celle de son pontificat. Emblématique : la statue du convoi de migrants sur la place Saint-Pierre qui, dépareillant peut-être la vision d’optique voulue par Bernini, focalise le regard non plus sur un triomphe de l’esthétique baroque, mais sur l’essentiel du message évangélique : « J’étais étranger et tu m’as accueilli. » Quitte à froisser un peu…

Laudato si’ !

Extrait, qui résume tout : « La sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice. Ce n’est pas moins de vie, ce n’est pas une basse intensité de vie, mais tout le contraire ; car, en réalité ceux qui jouissent plus et vivent mieux chaque moment, sont ceux qui cessent de picorer ici et là en cherchant toujours ce qu’ils n’ont pas et qui font l’expérience de ce qu’est valoriser chaque personne et chaque chose, en apprenant à entrer en contact et en sachant jouir des choses les plus simples. »

Le chemin…

… mystérieux d’un appel

Le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai sois une bénédiction ! » (Gn 12, 1-2)

PAR ALAIN VIRET, THÉOLOGIEN FORMATEUR | PHOTO : DR

Il y a des détours dans une vie qui manifestent encore plus la fidélité du Seigneur qu’une ligne droite.

En réfléchissant sur mon parcours pour répondre à la demande de cet article, j’ai éprouvé combien le Seigneur nous invite à la confiance et combien il nous accompagne dans les joies comme dans les épreuves. Il nous appelle à entrer en dialogue avec lui dans le concret de l’histoire de son peuple comme de l’histoire singulière de nos vies.

Issu d’une famille modeste de France voisine, j’ai beaucoup reçu à travers l’amour et la foi de mes parents et la riche animation d’une paroisse où je me suis très tôt engagé comme servant d’autel, catéchiste et membre de groupes de jeunes. C’est là qu’a grandi en moi le désir de suivre le Christ de plus près.

Des joies et des charges

Après des études profanes et une expérience de travail en hôpital, j’ai opté pour une longue formation théologique qui m’ouvrit au ministère de prêtre diocésain. Pendant 26 ans, j’ai accompagné la vie de communautés et me suis passionné pour l’intelligence de la foi de mes frères et sœurs baptisé-e-s. Si j’ai éprouvé bien des joies dans ce service, bientôt, le poids de la charge, la sacralisation du prêtre de plus en plus soupçonné à cause des abus, tout comme la difficulté de vivre une fraternité interculturelle et le manque d’une vie affective et le sacrifice d’une descendance m’ont mis en crise.

Sans le justifier, ce climat ouvrit sur une rencontre amoureuse qui me révéla à moi-même et sur la naissance d’une enfant qui trouva dans le nom de Marie et sous la protection de sainte Anne d’Auray, un chemin inédit de promesses ! S’imposa à moi un choix difficile mais vécu dans la confiance et non dans l’hypocrisie d’une double vie pour continuer à vivre mon baptême d’une autre manière. L’opportunité me fut donnée de venir en Suisse et de poursuivre ce travail de formation chrétienne qui m’a toujours finalement habité. J’ai goûté à la joie de collaboration œcuménique et à la possibilité de servir, avec l’expérience accumulée, la diversité des ministères dans une Eglise en pleine mutation.

En relisant ce chemin parcouru, je perçois mieux la fidélité du Seigneur à mon égard et le déploiement de mon baptême dans ce chemin singulier. A l’heure où, sous l’impulsion du pape François, l’Eglise approfondit sa nature synodale, j’entends de nombreuses voix qui demandent une évolution de la discipline de l’Eglise latine concernant le célibat sacerdotal. Sans renier sa valeur quand il est pleinement assumé, la rencontre de pasteurs réformés et de prêtres mariés de rite oriental présents en Suisse romande me fait penser que l’Eglise catholique gagnerait en crédibilité à ouvrir avec discernement, ce choix comme elle l’a fait pour le ministère diaconal. Je ne doute pas qu’elle sera amenée à le faire dans une dynamique œcuménique et pour répondre aux besoins des communautés. Il est temps d’écouter ce que l’Esprit dit aux Eglises dans la fidélité à la Parole de Dieu et la confiance au sensus fidei !

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