La mission en mutation

L’activité missionnaire de l’Eglise se réalise de multiples façons: nous avons connu les missionnaires qui partaient au loin proclamer l’Evangile, il s’agissait alors de «la mission au loin».

Par Pascal Bovet
Photos : Jean-Claude Gadmer, Federico Battista, Ciric
Tout près de nous, dans les diocèses et paroisses, une activité missionnaire a pour but de dire l’Evangile dans notre contexte historique et culturel. Sans nier les vertus de la mission « au loin », nous présentons ici la mission proche, locale. Ces deux dimensions répondent à la demande du Christ : Allez enseigner toutes les nations, c’est-à-dire celles disséminées sur toute la terre, comme celles qui constituent des périphéries dans nos cultures traditionnelles.

L’Eglise redit le besoin de la mission « chez soi ». Ici des frères franciscain et capucin à la rencontre de la population.
L’Eglise redit le besoin de la mission « chez soi ». Ici des frères franciscain et capucin à la rencontre de la population.

Exemple

L’Ecole des missions du Bouveret, tenue par les Missionnaires du Saint-Esprit (spiritains), ferme ses portes après un siècle d’activité missionnaire. L’école proprement dite qui formait les futurs spiritains avait déjà abandonné son activité il y a vingt ans.

Que devient la maison ? Une approche, présentée à la presse, manifeste une autre manière d’envisager la mission. Faute de pouvoir envoyer des missionnaires au loin, proposition est faite d’œuvrer dans une visée missionnaire locale. Comment ? Un devoir est dû aux missionnaires retraités rentrés au pays : ils y trouveront un gîte et une communauté des pères dans l’une des maisons.

Tibériade, la maison qui a servi d’accueil, sera entièrement modifiée intérieurement avec trois orientations : un atelier pour former des réfugiés en recherche d’emploi, un accueil des adolescents en difficulté scolaire ; ces deux finalités nécessitent un engagement de la part de l’Etat. Enfin un espace important avec services communs est réservé aux  groupes pastoraux des Eglises.

La mission de l’Eglise locale n’est donc pas négligée mais réorientée vers deux périphéries qui demandent une attention particulière et les rencontres pastorales ne sont pas déshéritées.

Abandon ou mutation ?

Ce changement de cap peut faire penser à un aveu d’échec, à une forme de désaveu du passé ou tout simplement à l’incapacité de poursuivre la mission dans sa forme actuelle.

Des causes internes à l’Eglise l’ont menée à redire le besoin de la mission « chez soi ». La décolonisation a montré les limites d’une mission trop calquée sur la politique. Le Concile Vatican II a pris en compte autant l’évolution des pensées que les réalités politiques : la mission est partie intégrante de l’Eglise, appelée à sortir d’elle-même pour livrer un message de salut. Mais les destinataires sont autant au loin dans le monde que chez nous où la foi et l’Eglise deviennent étrangères à beaucoup.

Le Père Maurice Tornay est mort en mission au Tibet en 1949.
Le Père Maurice Tornay est mort en mission au Tibet en 1949.

Traditionnellement, des missionnaires de chez nous partis « au loin » témoignent d’un zèle évangélique certain, parfois même dans des zones dangereuses, comme en a témoigné le Père Tornay de l’Abbaye de Saint-Maurice mort en mission au Tibet en 1949.

Plus récemment, on a vu le reflux de l’effort missionnaire dans la présence de prêtres ou de religieuses « de couleur » dans nos forces pastorales. Mais leur présence bienvenue ne dispense pas nos Eglises locales de tout faire pour susciter les vocations nécessaires… A long terme, que signifierait une Eglise qui n’a plus les forces de son expansion vers l’extérieur, ni celles du maintien de son niveau de vie ? En Suisse romande, nous connaissons surtout des prêtres d’origine africaine, polonaise ou vietnamienne ; le diocèse voisin d’Annecy bénéficie de prêtres venant de l’Inde et de la famille de saint François de Sales.

Visiblement, l’engagement de l’Eglise catholique va dans le sens d’une collaboration de type social, qui se dit aussi diaconie.  Les nombreux agents pastoraux actuellement engagés dans différents milieux profanes en témoignent (voir les rapports annuels de nos Eglises et leurs comptes). Leur engagement témoigne d’un déplacement de la mission. Déplacement géographique, certes, mais déplacement social, vers les périphéries, comme dirait un certain pape François.

Une communauté tibétaine bien vivante qu’avait visitée Maurice Tornay au XXe siècle.
Une communauté tibétaine bien vivante qu’avait visitée Maurice Tornay au XXe siècle.

Conséquences pour les congrégations et communautés

Les ordres religieux missionnaires ont connu leur temps de développement en harmonie avec la découverte d’un monde plus vaste que nos frontières. « Allez évangéliser », cela signifiait chez les autres, car chez nous, c’était mission accomplie. Ils ont actuellement un double devoir de fidélité : leurs membres âgés à soutenir et, quand ils sont encore en mission, préparer le temps de leur absence, une fois rentrés chez eux.

C’est aussi l’occasion pour les régions évangélisées d’apporter à leur tour leur contribution à la mission ailleurs.

Enfin, la prise en charge des zones périphériques si chères au pape François permet ou nécessite l’engagement de fidèles  bénévoles ou salariés. L’Eglise n’en est que mieux signifiée par des acteurs plus diversifiés, tous participant à la mission de l’Eglise sortant dans la rue pour apporter une Bonne Nouvelle.

Les prêtres de couleur incarnent le reflux de l’effort missionnaire.
Les prêtres de couleur incarnent le reflux de l’effort missionnaire.

Par le Père Claude Maillard, Père Blanc, Fribourg

_09w8077Le souffle de la mission demeure présent. Au Sud, la relève est bien présente avec des engagements nouveaux chaque année. Au Nord, la relève semble tarie. On s’engage alors sur les terrains nouveaux de la diaconie et autres services pastoraux.

Par le Père Pariat, supérieur des Spiritains, Fribourg

_09w8064« … Non, nous ne vivons pas un repli de la mission comme si les baptisés-missionnaires devaient témoigner de leur foi uniquement là où ils ont toujours vécu. ″Au loin″ et ″ici″ se réfèrent à des lieux géographiques. Des générations de missionnaires sont partis de leur pays, pensant que leur société était évangélisée. Un esprit quelque peu ″théocratique″ fusionnait leur identité civile et la foi chrétienne.

… Et nous, en Suisse, ne sommes-nous pas aujourd’hui un carrefour des nations ? Notre engagement missionnaire est le même soit en restant en Suisse, soit en répondant à l’appel de vivre notre baptême ailleurs. »

Réponse d’un évêque à Aline Jacquier

logo_synode4En vue du Synode des jeunes qui se tiendra à l’automne 2018, le Pape invite nos jeunes à poser les questions qui les habitent.

Par Vincent Lafargue
Photos: LDD, DRaline-jaquier2Aline Jacquier, 28 ans, habite le canton du Valais. Parmi les nombreuses questions qu’Aline a posées à nos évêques, Mgr Alain de Raemy a retenu celle-ci à laquelle il souhaite répondre :

– Assistance au suicide, acharnement thérapeutique, avortement, transhumanisme, PMA-GPA (procréation médicalement assistée et gestation pour autrui), eugénisme… quand l’homme se prend pour Dieu, quelles limites ? 

L’évêque des jeunes, Mgr Alain de Raemy répond ainsi:

alain-de-raemyChère Aline,

Toutes ces possibilités, si diverses, semblent faire reculer toutes nos limites. L’être humain semble pouvoir décider de tout. Ce dont j’ai envie (concevoir ou stopper un enfant, vivre plus longtemps, mourir maintenant) semble à portée de main. Si je le veux, je le peux. Le pouvoir de tout choisir.

Pourtant, qu’est-ce qui nous rend le plus heureux ? Tout faire, quand je veux, comme je veux ? Qui donc est plus en paix ? Celui qui a toutes les possibilités ou celui qui accepte de ne pas tout décider ?

Si je crois être livré à des forces anonymes, qui n’ont aucun sens, mais dont je suis simplement victime, alors oui, j’essaie de m’en délivrer et je veux tout, absolument tout pouvoir décider.

Mais si je vis dans la confiance en Quelqu’un qui non seulement tient mon destin mais le tient par amour et le conduit à l’amour pour toujours, et si je crois ne pas être le fruit du hasard, mais bien celui d’une volonté toute-puissante qui m’a donné la vie pour m’aimer à vie et à vie éternelle, alors je ne suis plus obsédé par ce que je veux ou ce que je peux, mais au contraire émerveillé, défié et porté par un amour qui peut habiter tout ce que je vis, même ce dont je manque et même ce que je perds.

Le livre de la Genèse nous décrit la volonté originelle de l’homme et de la femme d’être comme des dieux (voir chapitre 3). Ah, si seulement nous avions soif d’être plutôt comme Dieu, et non pas comme des dieux ! A son image, pas à nos images. Libres d’aimer quoi qu’il arrive. Libres de donner quoi qu’on perde. Libres de pardonner, quoi qu’on nous fasse. Libres de vivre, quelle que soit l’épreuve. Libres de mourir, quel que soit le moment. Comme Jésus.

Il nous faut demander, non pas de tout pouvoir choisir (inévitablement, ce ne sera pas toujours le cas), mais de toujours pouvoir choisir… d’aimer. Et quand on se sait divinement aimé, ça aide… un peu, beaucoup, passionnément et pour toujours !

+ Alain de Raemy, l’évêque des jeunes

L’Agneau pascal

Par Pascal Bovet
Photos: Madeline DienerLe baptistère de l’abbaye se Saint-Maurice est une catéchèse en image : les principales étapes de notre histoire du salut y sont représentées. L’artiste, Madeline Diener, a utilisé un espace en forme de grotte à l’entrée de la basilique ; pour y pénétrer, il faut se faire petit car nous plongeons, comme au baptême, dans notre histoire sainte. En ces temps de Pâques, arrêt sur une image pascale : l’Agneau de Dieu, invoqué dans l’eucharistie au moment de la communion.

Il est glorieux et douloureux, « cet agneau si doux », laissant échapper le sang et l’eau, comme à la croix : don de la vie qui purifie.

17_madeline025L’Agneau est placé sur un fond représentant le temple de Jérusalem. Le nouveau Temple, reconstruit en trois jours, c’est l’Agneau. L’eau qui en sort en abondance rappelle la vision d’Ezéchiel (ch. 47) où l’eau s’échappe du temple et donne vie aux arbres et aux plantes : les arbres donnant leur fruit et les feuilles servant de médecine. On y ajoute le sang de la Passion et toute la vie donnée est figurée.

L’Agneau est le nouveau Temple dont on peut attendre les bienfaits ; un temple non réservé à un peuple élu, mais à tout homme et toute femme qui veut bien le contempler, lui, la victime sacrifiée, marquée d’une plaie au cou, mais dominant la croix glorieuse.

Madeline Diener, artiste suisse née à Zurich (1930-2000), a vécu en Suisse romande. Formation en Italie, France, Suisse. Elle a laissé des œuvres à Notre-Dame de Paris, l’abbaye de Saint-Maurice et en plus de 60 églises.

Faire ensemble

Le refus de la misère, c’est l’affaire de tous et c’est tous les jours!

Texte et photo par Nicole Andreetta ATD Quart Monde (Agir tous pour la dignité) est un mouvement fondé par le Père Wresinsky, il y a 60 ans.
Son but : permettre aux personnes vivant dans la précarité de s’exprimer et valoriser leur expérience de vie pour chercher, avec l’aide d’amis ou d’alliés, des solutions pour s’en sortir.
Les moyens utilisés : universités populaires, bibliothèques de rue… et tout projet créatif permettant d’établir des liens là où ils n’existaient pas.

En Suisse, ATD est présent à Bâle, Fribourg et Genève.

Esther, 23 ans vient de Nantes. Elle termine des études en travail social à l’université de Fribourg. Comme expérience de terrain pour son master, elle a choisi ATD. Emballée par la démarche, elle envisage de s’engager sur le long terme en tant que volontaire permanente.
« Ce qui m’a le plus interpellée, c’est qu’ici, les personnes en situation précaire ou d’exclusion sont appelées des militants. Leur parole est entièrement prise en compte. Ailleurs on parle d’eux comme des bénéficiaires de l’aide sociale. C’est dire le changement de regard ! »
D’origine haïtienne, Agnès a rejoint ATD d’abord en tant qu’alliée.
« Les alliés sont des personnes qui s’engagent autour des militants, là où ils vivent, agissent et travaillent. Ils suscitent d’autres engagements. C’était mon cas,
lorsque je travaillais pour Village SOS Enfants à Haïti. Au­-jourd’hui, en Suisse, je suis devenue volontaire permanente. Je trouve vraiment très difficile de se confronter à la misère des pays développés. Comment peut-on trouver des personnes si pauvres ici ? »

C’est par les bibliothèques de rue que Jean-Robert a connu le mouvement.
« Je fréquente ATD comme militant depuis 30 ans. Lors de ma première séance, j’avais très peur. Mais quand j’ai vu les personnes qui étaient présentes, j’ai pensé : c’est les mêmes que moi ! Et je me suis senti à ma place. Ici tout le monde est libre de dire ce qu’il a à dire et personne ne va le juger. »

La transmission est assurée. Les initiatives des plus jeunes sont vivement appréciées, telle la vidéo de Vincent Verzat : https://www.youtube.com/watch?v=GFD7lkfBYq0

https://www.quart-monde.ch

bandeau-accueil-requerants

Les nouvelles missions

Par Thierry Schelling
Photo: DR

 « Allez serrer des mains, Monsieur le Curé, me lançait un municipal lors de la croisière des aînés, ça ramènera du monde à l’église ! » Tout ce que je déteste : électoraliste et harangueur, pour remplir comme jadis nos parfois trop grands édifices religieux ? Très peu pour moi : je préfère dix convaincus à cent contraints.

Le pape François est clair : « C’est l’attractivité et le témoignage qui évangélisent, pas le prosélytisme ! » C’est vrai qu’on connaît ces fidèles qui choisissent leur prêtre, leur horaire de messe, voire leur église, par goût et parce qu’ils sont nourris ici et pas là. La réciproque pour le curé va aussi : mettre plus de présence où il en faut davantage – formule ignatienne ! – est gage de mission selon l’esprit de l’Evangile : quatre terrains ensemencés, mais un seul donnera du fruit !

A relire, le chapitre 6 de Jean, sur le pain de vie (vv. 22-71) ; très missionnaire, Jésus enseigne, assène presque, le sens eucharistique de sa vie. Et des disciples réagissent mal (v. 66) ; et Jésus ? Il les laisse aller… Quelle mission ?

En librairie – avril 2018

Par Nicolas Maury et Sœur Franziska Huber de la librairie Saint-Augustin, Saint-Maurice

Des livres

courage-livreLe courage d’être soi-même

Supérieur du séminaire de Sion, le Père Joël Pralong s’intéresse aux voies spirituelles qui aident l’humain à grandir et à devenir lui-même. A travers cet ouvrage, c’est à l’analyse des relations avec les autres qu’il s’attelle. En commençant par constater qu’elles sont souvent dépendantes des mécanismes de défense qui modèlent la perception de la réalité et font souvent dramatiser les situations. En leur attribuant des noms humoristiques – du « Monsieur je sais tout » au « Caméléon » – il démontre leur fonctionnement et propose des pistes pour les contrecarrer.

Editions des Béatitudes

Acheter pour 20.40 CHFamePrenez soin de votre âme

C’est un petit traité d’écologie intérieure qu’a concocté le psychanalyste et biologiste Jean-Guilem Xerri. Partant du constat que les psychothérapies et la pharmacologie ne permettent pas de guérir la souffrance de l’âme, il note qu’elles renvoient à des tensions intérieures que les plus grandes traditions spirituelles de l’humanité ont identifiées. Ainsi, les Pères du désert, dès les premiers siècles du christianisme, ont développé une véritable médecine de l’âme. Celle-ci apparaît aujourd’hui d’une troublante actualité et d’une grande pertinence.

Editions du Cerf

Acheter pour 30.00 CHFcommentComment répondre aux questions brûlantes sur l’Eglise…

De l’embryon à l’euthanasie en passant par le mariage, le préservatif ou l’immigration, l’Eglise intervient sur les sujets de société qu’elle juge déterminants. Thème après thème, le journaliste anglais Austen Ivereigh et la blogueuse Natalia Trouiller offrent des pistes pertinentes et documentées aux catholiques pouvant être pris à partie pour expliquer certaines positions sur ces sujets brûlants. Ou comment établir un dialogue respectueux et fructueux plutôt que d’entrer dans une polémique stérile…

Editions de l’Emmanuel

Acheter pour 27.00 CHFeo_luminescencesLuminescences

Une publication originale, mais très belle, que ces « Luminescences ». Pour chaque semaine de l’année, le pasteur Pierre Boismorand de Martigny propose un texte poétique, méditatif ou protestataire, disposé en regard d’une peinture, d’une gravure ou d’une lithographie de l’artiste Jacques Perrenoud. Mgr Lovey signe la préface de ce livre qui se parcourt comme une traversée.

Editions Ouverture

Acheter pour 33.00 CHF

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. 024 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, 026 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch) aussi disponible sur librairie.saint-augustin.ch

S’aimer dans le grand âge

Toujours dure longtemps! Surtout à notre époque où la vie joue les prolongations! Quand le grand âge et ses inévitables dépouillements survient, l’amour est alors purifié, conduit à des profondeurs insoupçonnées. Témoignages.

Par Bertrand Georges
Photos: pixabay.com people-2583943_1920Geneviève et Yves, comme bien des couples, ont expérimenté trois étapes dans leur amour : celle de la romance-fusion, qui est suivie par une phase de désillusion. Ce passage qui permet de redevenir qui nous sommes, prépare à ce qu’ils appellent la décision d’aimer. Tendre vers cette attitude permet de construire un amour qui respecte ce que l’on est. Geneviève relève qu’au fil du temps, elle a intériorisé qu’il est utopique de vouloir changer l’autre. Notre responsabilité est au contraire de nous (laisser) transformer nous-même pour mieux accueillir le conjoint. Si les deux entrent dans cette dynamique, on avance ensemble dans un véritable chemin de croissance en intégrant les changements qui n’empêchent en rien de vivre ensemble.

L’expérience de Jean-Benoît et Denise leur a montré que les épreuves ou la maladie peuvent aussi être vécues comme une chance dans le domaine de l’amour. Benoît relève que ces situations génèrent parfois une irritabilité qui demande un travail sur soi pour ne pas faire « peser » sur l’autre ce que l’on vit. Le handicap momentané ou durable invite à un amour qui se dépasse, qui se donne, qui prend le visage de l’entraide réciproque. Les limites liées à l’âge invitent aussi à un lâcher prise et à un amour plus gratuit, à l’acceptation du réel. Jean-Benoît et Denise soulignent volontiers combien la foi leur a été d’un grand secours. Ils aiment aussi rendre grâce pour ce qui est bon et beau.

Aujourd’hui, de nombreux jeunes, souvent marqués par des ruptures de leurs proches, craignent de s’engager pour toujours. Nos deux couples comprennent facilement cela, mais ils nous livrent leur secret : le mariage durable est composé d’une multitude de « chaque jour ». C’est donc au quotidien que l’amour nous donne rendez-vous.

Comme sur ces horloges
Les mêmes aiguilles, jour et nuit
S’en retournent l’une vers l’autre
Moi comme tu vois
Je retourne vers celle que j’aime depuis toujours
Pour seulement lui dire
Pour longtemps encore

Francis Cabrel

Roberto Simona, un homme de terrain

De retour du Niger, Roberto Simona, responsable pour la Suisse romande et italienne de l’Aide à l’Eglise en détresse (AED), évoque son séjour à Zinder, l’une des plus importantes villes du pays, où la petite communauté chrétienne a subi de lourdes persécutions. Pour ce fin connaisseur des minorités chrétiennes en pays musulmans, les dynamiques de violence et les questionnements sur la foi ne sont pas si différents de ce que nous connaissons en Suisse.

Par Pascal Ortelli
Photos: Roberto Simona« Je ne suis pas un super-héros », affirme-t-il d’emblée. Cet ancien de la Croix-Rouge travaille depuis 2003 pour l’AED, une œuvre catholique internationale qui vient en aide aux chrétiens persécutés. Lorsqu’on lui demande s’il lui faut une bonne dose de courage pour se rendre au cœur des zones de conflit, il répond avec naturel qu’il ne fait que son travail et que c’est son charisme. « L’important, ajoute-t-il, est que chacun vive à fond sa vocation, peu importe que ce soit en Suisse ou dans un pays en guerre. » Le ton est donné par ce père de famille qui se rend plusieurs fois par an à l’étranger, sur le terrain, pour suivre l’évolution des projets soutenus et se faire une idée concrète de ce qui se passe.

Roberto Simona à l’écoute de la jeune population locale.
Roberto Simona à l’écoute de la jeune population locale.

Embarquement immédiat

24 janvier 2018, 17h, heure lo­cale : atterrissage à l’aéroport de Niamey. Départ à 5h le lendemain pour seize heures de route ; arrivée à 21h à Zinder où enfin son travail peut commencer. Roberto Simona y rencontre d’abord la communauté chrétienne locale, à peine quelques centaines d’âmes sur plus de 300’000 habitants. L’état des lieux de la paroisse est sans appel : toutes les infrastructures ont été détruites ou abandonnées. En 2012, l’église a été incendiée suite à la diffusion du film polémique Le Prophète, puis il y a eu plusieurs morts à l’issue des manifestations anti-Charlie Hebdo, sans compter l’attaque de l’école catholique, prise à coups de pierre par des enfants. Il importe d’investir dans la réparation de l’église, même si une telle mésaventure peut se reproduire et que se pose la question de la gestion future de l’édifice. L’église reste, pour ces chrétiens, leur principal lieu de rassemblement d’où ils peuvent rayonner. Roberto Simona poursuit ensuite son travail par une visite de la ville et de ses environs. Il noue des contacts avec la population locale musulmane, qui lui permettent de mieux saisir la manière dont la minorité chrétienne est perçue. Il s’agit de précieuses informations pour son bilan qui, à terme, aidera à calibrer le soutien apporté par son organisation et à mieux mesurer l’impact d’une poignée de chrétiens en terre musulmane.

Etre chrétien au Niger, c’est vivre le désastre…

« C’est savoir que tu appartiens à une minorité insignifiante », déplore Roberto. Car le Nigérien chrétien est le plus souvent un converti qui subit inévitablement le rejet de son entourage. De plus, il n’est pas reconnu comme un citoyen véritable. Même s’il est tout à fait possible d’entretenir de bonnes relations avec son voisinage musulman, la situation peut très vite se détériorer, comme en témoignent les violences récentes. Celles-ci sont dues essentiellement à la prolifération de groupes criminels associés à Boko Haram ou Al-Qaïda, entrés par les frontières nigériane et malienne. Au Niger, pays parmi les plus pauvres, ils trouvent un terrain propice pour le recrutement et pour la diffusion d’un islam extrémiste qui ne correspond pourtant pas à l’ancrage local. On s’en prend alors aux chrétiens.

… mais aussi s’ouvrir au miracle

A ce sujet, une chrétienne de Zinder lui a raconté qu’un millier de jeunes embrigadés étaient arrivés à la paroisse pour casser tout ce qui « puait le chrétien ». Avec plusieurs autres, elle a réussi à se cacher dans une vieille chambre. Alors que les forcenés cherchaient à s’introduire pour les tuer, elle a tenu seule la poignée de la porte et senti comme une force extraordinaire… Puis, les jeunes ont dû s’enfuir, car un incendie venait de se déclarer ! Miser sur l’éducation, assure Roberto, reste la voie royale pour combattre la radicalisation. Et d’ajouter qu’un chrétien pourrait tout autant y succomber. Les défis, bien qu’ici mieux cachés en apparence, sont absolument les mêmes pour nos jeunes.

Tout en se posant les mêmes questions que nous !

Tout au long de son périple, il est escorté par Philippe, un chrétien de 40 ans qui lui partage ses doutes sur sa foi. Son frère prêtre, maintenant mort de maladie, a également vécu une profonde crise. « Ce qui m’a frappé, souligne Roberto, c’est qu’ils se posent exactement le même genre de questions que nous. » Comme quoi, du Nord au Sud, nous sommes vraiment tous confrontés aux mêmes défis. Et de conclure sur une note d’espérance : « Se rendre présent sur le terrain ouvre des perspectives insoupçonnées – et pas seulement financières. Souvent, pris par la détresse du quotidien, les gens que je rencontre ont le nez dans le guidon. J’essaie alors de leur communiquer mon regard extérieur, et ensemble, nous trouvons des pistes pour construire un avenir meilleur. »

Le Pape (com)missionne!

Par Thierry Schelling
Photo: DRIl y avait Les missions : convertir les païens, et pour cela, les papes, dès le IVe siècle, développent ressources, stratégies et personnel, aux quatre points cardinaux ! Le summum ? Pie XI, le pape des missions : le premier à bénir urbi et orbi la Ville et le monde ; pionnier de l’apostolat des laïcs – et non plus seulement des prêtres et des religieux – pour l’évangélisation de la société (Action catholique) ; le premier à ériger plus de 250 circonscriptions ecclésiastiques en Afrique et en Asie et à donner une ampleur réelle à la Congrégation Propaganda Fide, qui organise la vie de centaines de diocèses dans le monde.

Puis ce fut Jean-Paul II, grand « metteur en scène » du Concile Vatican II ; on parle alors de la mission : de chacun, dans sa vie spirituelle, sociétale, familiale, ecclésiale. Naissent de nombreux mouvements d’Eglise avec un point commun : une forte identité catholique, au service du Magistère officiel. Reformulation : la nouvelle évangélisation. Un dicastère de la curie est même créé à cet effet par Benoît XVI.

Arrive François, et son « Eglise en sortie », notamment son non à l’acédie égoïste : « La pastorale en termes missionnaires exige d’abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi”. » (Evangelii gaudium, no 33) Avec une sanglante con­clusion : « Je préfère une Eglise accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Eglise malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Eglise préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se tromper, j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée… » (no 49)

Quel élan missionnaire !

Osera-t-on ?

«Malheur à moi si je n’évangélise pas!»

Par François-Xavier Amherdt
Photo: DR
Les envois en mission sont nombreux dans les Evangiles, comme pour cette année liturgique dans la finale de Marc (16, 48). Le relativisme interreligieux ambiant peut nous faire penser : « A quoi bon annoncer la Bonne Nouvelle ? Laissons chaque être dans ses convictions personnelles, puisque toutes les religions se valent. »

C’est alors que retentissent les cris de Paul : « Malheur à moi si je n’évangélise pas ! » (1 Corinthiens 9, 16b) Proclamer l’Evangile ne constitue pas pour lui un titre de gloire, dont il aurait l’initiative. C’est bien plutôt une nécessité interne qui s’impose à lui : il a été retourné par le Christ sur le chemin de Damas. Sa vie a basculé. Il ne peut pas garder pour lui un tel trésor (vv. 16-17).

Sa récompense ? Recevoir en retour, de la part du Christ et des destinataires, mille fois plus que ce qu’il peut leur offrir. S’il agit gratuitement, il sera comblé en plénitude (v. 18). Comment procède-t-il ? En ne faisant acception de personne, en se tournant vers chaque être sans exception, en « se faisant tout à tous », tel le serviteur de tous, comme l’a fait Jésus-Christ lui-même (vv. 19-23). Ainsi recevra-t-il la couronne qui ne flétrit pas, bien plus précieuse que toutes les récompenses olympiques, une couronne qui nous est promise également si nous courons à la suite du Maître (vv. 24-27).

« Passer » la Bonne Nouvelle conduit donc au bonheur, clame Jean-Paul II dans son encyclique La mission du Rédempteur. Elle n’est pas facultative. Si l’Eglise n’évangélise pas, elle dépérit, elle se meurt. L’évangélisation est source de joie infinie, renchérit le pape François dans son exhortation La joie de l’Evangile. Le Père lui-même nous envoie à la suite du Fils, par l’Esprit. Dans toutes les périphéries, géographiques et existentielles, dans les marges et auprès des désespérés. Si nous ne témoignons pas à d’autres du mystère pascal de la mort et de la Résurrection du Christ, notre foi et notre joie s’étiolent, ajoute encore l’apôtre des nations dans la même Epître (15, 14-19).

Un pape catéchumène!

Par Thierry Schelling
Photo: Jean-Claude Gadmer

François tient à la formule « pape catéchumène ».
François tient à la formule « pape catéchumène ».

Autant dire qu’un pape catéchumène est presque un oxymore ! Pourtant, il tient à la formule, spécialement pour la préparation au mariage catholique. Il l’a rappelé en février 2017 aux prêtres canonistes en formation auprès de la Rote romaine – le tribunal d’appel de l’Eglise pour les causes de nullité de mariage – en ces termes : « Je suis convaincu qu’il faut un vrai catéchuménat pour le sacrement du mariage, et non pas faire une préparation avec deux ou trois réunions et puis aller de l’avant. » Gros challenge pour les paroisses…

Du grec katechoumenos, « faire jaillir aux oreilles », d’où « instruire de vive voix », le terme semble devenir fondamental sous sa plume, sous le quasi-synonyme de chemin, par exemple dans ses encycliques et exhortations apostoliques Evangelii gaudium (43 fois), Laudato si’ (23), Amoris Laetitia (66), même si « chemin » est très biblique per se ! C’est l’aspect « maïeutique » sur lequel il insiste : apprendre, voire réapprendre à exprimer sa foi, non pour briller intellectuellement – « il faut vaincre le gnosticisme » de la foi, « le raisonnement logique et clair de la foi au détriment de la tendresse de la chair du frère », avait-il lancé à Florence en novembre 2015 –, mais pour s’engager « missionnairement » ou, comme il l’a redit à Florence, dans « l’esprit des grands explorateurs […] passionnés par la navigation […] et pas effrayés par les frontières et les tempêtes » – très belle image du… catéchuménat !

Dans son premier interview comme pontife à Antonio Spadaro, jésuite et directeur de Civiltà cattolica, il soulignait l’importance incontournable du cheminement et de son intégration dans toute œuvre d’évangélisation, redisant qu’à l’image d’Abraham, « notre vie consiste à marcher, cheminer, agir, chercher, voir… on doit entrer dans l’aventure de la recherche, de la rencontre et se laisser chercher et rencontrer par Dieu. »

Après tout, les années que Pierre, André et compagnie passèrent auprès de Jésus furent un vrai… catéchuménat !

En librairie – mars 2018

Par Nicolas Maury et Sœur Franziska Huber de la librairie Saint-Augustin, Saint-Maurice

Des livres

lib-de-la-vie-spirituelle2De la vie spirituelle: repères

Jésuite, Bruno Régent a accompagné spirituellement des personnes aux profils et aux horizons très variés. A travers cet ouvrage, il propose un prolongement de sa mission. « Ce petit livre a pour but d’aider ceux qui veulent grandir en vie spirituelle à repérer quelques principes et quelques manières de penser pour qu’une vie personnelle puisse se développer dans l’Esprit », note l’auteur. L’opuscule égrène une série d’une trentaine de fiches, que le lecteur choisira de lire à son rythme.

Fidélité, collection vie spirituelle, mai 2017

Acheter pour 20.30 CHFlib-sauver-livres-hommesSauver les livres et les hommes

C’est un témoignage poignant, une aventure, une épopée que raconte Michaeel Najeeb avec Romain Gubert. Après la prise de Mossoul par les djihadistes qui ont juré de réduire la ville en cendres, plusieurs milliers de chrétiens fuient la plaine de Ninive au nord de l’Irak. Au cours de cet exode, le Père Michaeel Najeeb sauve une centaine de manuscrits vieux de plusieurs siècles. Ainsi que des familles de toutes confessions…
Un récit à hauteur d’homme, spirituel et plein d’espoir.

Editions Grasset, octobre 2017

Acheter pour 28.60 CHFlib-notre-pere-pape2Quand vous priez, dites Notre Père

Le Notre Père, vu par le Pape. A travers un dialogue avec le docteur en théologie et aumônier de la prison de Padoue Marco Pozza, François détaille chaque verset de la prière que Jésus a donnée à ses disciples. Ce livre et le fruit d’un entretien télévisé en huit épisodes.

Bayard, décembre 2017

Acheter pour 22.20 CHFlib-inconnu-qui-m-a-sauveL’inconnu qui m’a sauvé

Pour Laurent Schaltenbrand, tout commence par une rencontre inattendue avec Dieu, il y a quinze ans. Il quitte alors sa carrière d’ingénieur pour rejoindre le CICR. Il goûte sur le terrain à une nouvelle saveur d’humanité et apprend à connaître Dieu. Mais après huit ans sur le terrain, sa vision est affectée par un accident vasculaire cérébral et il est contraint de changer de voie. Il devient alors oblat séculier de l’Abbaye cisterienne d’Hauterive. Son cheminement est relaté dans cet ouvrage incisif.

Saint-Augustin, décembre 2017

Acheter pour 19.00 CHF

Un DVD

lib-le-grand-miracleLe grand miracle

Ce film, dessin animé initiatique de Bruce Morris, permet de se rappeler ce qui se cache derrière les apparences de la liturgie.

Saje Distribution, 2017

Acheter pour 30.00 CHF

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. 024 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, 026 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch) aussi disponible sur librairie.saint-augustin.ch

Cathy Espy-Ruf, tisseuse de liens

Cathy Espy-Ruf fait office de lien entre les paroisses, les hôpitaux et les établissements médico-sociaux de Genève. Elle est aussi responsable de l’aumônerie catholique de la Maison de retraite du Petit-Saconnex. 

Par Nicolas Maury
Photos : Nicolas Maury, Ami SatchiAssise devant son ordinateur portable, Cathy Espy-Ruf fait défiler la liste des entrevues qui l’occuperont durant la journée. « Un peu à la dernière minute, deux éléments se sont greffés à mon planning », explique-t-elle, prenant une petite pause pour allumer une bougie sur une table basse. « Deux cérémonies de funérailles, pour lesquelles je vais m’occuper de la célébration aujourd’hui et demain. »

Basée dans la paroisse de Sainte-Jeanne-de-Chantal, la dynamique quinquagénaire possède plus d’une corde à son arc. Dirigeant le Service de la pastorale de la santé (ECR) à 70 %, elle fait office de véritable lien entre les paroisses genevoises, les hôpitaux et les établissements médico-sociaux du canton du bout du lac. « Surtout ne m’en attribuez pas tout le mérite. Je fais partie d’un bureau de sept membres qui prend toutes les décisions importantes. »

Trois coups résonnent à la porte. « Mon rendez-vous de la matinée. Un monsieur qui, ayant vu un de nos prospectus, veut donner de son temps. Comme je m’occupe du recrutement des bénévoles, il me revient de le rencontrer. »

Et de se lever pour aller saluer Jean-Paul Kimpesa. Originaire de Kinshasa mais né à Genève, cet universitaire souhaite s’engager pour la communauté. « J’effectue un master en santé publique », explique l’intéressé, qui se retrouve à devoir répondre à un interrogatoire ciselé. « Je m’informe sur les motivations, le bien-être psychique et la confession de ceux qui nous approchent, justifie Cathy Espy-Ruf. Je les interroge aussi sur leur compréhension de Vatican II, l’œcuménisme, l’insertion dans une paroisse – nous sommes tous prêtres, prophètes et rois par notre baptême – et leur capacité d’être en équipe. Le questionnaire n’est pas dû au hasard. Nous travaillons avec des institutions avant tout laïques. Nous devons être reconnus pour notre qualité de présence. L’Eglise, c’est aussi notre visage. Notre recrutement doit donc être adéquat. »

Cathy Espy-Ruf rencontre Jean-Paul Kimpesa, qui souhaite s’engager comme bénévole.
Cathy Espy-Ruf rencontre Jean-Paul Kimpesa, qui souhaite s’engager comme bénévole.

Un travail de coordination

S’il répond aux critères, le postulant intégrera une structure sur laquelle il pourra s’appuyer. « C’est un de mes autres rôles, indique Cathy Espy-Ruf. Entre les 6 sites des HUG et les 55 EMS, ce sont 6200 personnes fragilisées par la maladie ou l’âge que nous visitons. Les aumôniers – prêtres et laïcs – à leur disposition représentent 840 % de temps de travail. Sans les bénévoles, ils ne pourraient pas répondre à toutes les demandes. Je coordonne un peu tout ça. »

Dotée d’une formation d’ergothérapeute et en soins palliatifs, la Genevoise fait converger au quotidien sa foi et sa profession. « Il m’est arrivé de proposer aux soignants dans les EMS une formation sur l’accompagnement spirituel dans le cadre de soins palliatifs. La spiritualité, c’est ce qui est souffle de vie de la personne. »

Prenant congé de Jean-Paul Kimpesa, Cathy s’apprête à faire un passage chez elle. « Je vais me changer pour les funérailles de cet après-midi à Saint-Georges, un ami d’une amie. Demain, je m’y rendrai de même pour une dame que j’accompagnais depuis deux ans en EMS. Sa famille a voulu que je continue l’accompagnement jusqu’au bout. »

A Genève, il n’est pas rare que des laïcs s’occupent de ce type de cérémonie d’adieu. « Seulement si nous avons suivi la formation ad hoc pour les funérailles et que le mandat nous a été attribué par l’évêque diocésain. »

Apercevoir la lumière

Le 20 % restant de son activité, Cathy le passe en tant que responsable de l’aumônerie catholique de la Maison de retraite du Petit-Saconnex (400 résidents). Toujours, elle cherche à apercevoir la lumière. « Tous les samedis matin, une messe est célébrée dans notre jolie chapelle, avec une cinquantaine de résidents. Pouvoir vivre le sacrement de l’Eucharistie est une joie profonde. Certains ont des problèmes de mémoire. Les voir pouvoir réciter le Notre Père ou chanter un Gloria ou un Sanctus est bouleversant pour moi. »

Le samedi matin, Cathy Espy-Ruf participe à une messe dans la chapelle de la Maison de retraite du Petit-Saconnex.
Le samedi matin, Cathy Espy-Ruf participe à une messe dans la chapelle de la Maison de retraite du Petit-Saconnex.

L’importance de se ressourcer

Ses multiples activités ne la laisseront pas, aujourd’hui, participer à la séance de gym avec les dames de son quartier. « Un peu de sport, la musique, la famille, la nature, la marche en montagne, le ski, tout ça me donne la force de me ressourcer et de ne pas me laisser submerger par les imprévus. Mais avant tout, la prière m’est fondamentale, Dieu nous précède toujours. Je rends grâce à Dieu car ce sont tous ces visages rencontrés qui font la beauté du quotidien ! »

Nouvelle traduction du Notre Père

Par François-Xavier Amherdt
Photo : Jean-Claude Gadmer
_09w4472A partir de Pâques 2018, ce prochain 1er avril (!), la nouvelle traduction du Notre Père – déjà adoptée ailleurs en francophonie depuis le 1er dimanche de l’Avent le 3 décembre 2017 – entrera aussi en vigueur pour l’ensemble des Eglises de Suisse. Au lieu de l’actuel « Ne nous soumets pas à la tentation », nous serons désormais invités à dire : « Ne nous laisse pas entrer en tentation. »

Si la précédente version était plus proche de l’original grec de Matthieu (6, 13), « Ne nous soumets pas à la tentation » correspondant à la pensée sémitique selon laquelle le Seigneur est à la source de toutes les actions libres de l’homme, elle risquait d’être mal comprise. Comment admettre que Dieu, dans son infinie bonté, soit l’auteur de notre tentation ? La lettre de Jacques n’affirme-t-elle pas d’ailleurs : « Dans l’épreuve de la tentation, que personne ne dise : « Ma tentation vient de Dieu ». Dieu, en effet ne peut être tenté de faire le mal, et lui-même ne tente personne. » (1, 13)

Car la tentation dont il s’agit ici, avec cette avant-dernière demande du Notre Père, n’est pas l’épreuve à laquelle le Seigneur peut soumettre ses fidèles pour les faire grandir et les purifier. Ce sont celles de Jésus, au début de sa vie publique, lorsque le Diabolos-Diviseur essaie de le séparer de son Père. Et c’est encore celle de Gethsémani, au Jardin des Oliviers, quand le Christ redoute d’entrer dans sa Passion. (Matthieu 36, 36-46)

Pour nous, c’est le choix décisif de la foi pour ou contre le Fils de Dieu, c’est le danger crucial de la défection. Il nous accompagne toute notre existence. Il s’agit du risque fondamental de nous prendre nous-mêmes pour des dieux et de refuser de nous comporter en fils et en filles du Père. Autrement dit, c’est le mal dont nous demandons au Seigneur de nous délivrer (dans l’ultime requête de la prière). En revenant proches de la traduction antérieure « Ne nous laisse pas succomber à la tentation », nous retrouvons donc une formule totalement conforme à l’esprit de l’Evangile. Et c’est tant mieux.

D’autres publications, livres, signets et documents sur le Notre Père sont disponibles. Vous trouverez les informations utiles en particulier sur les sites www.crpl.chliturgie.catholique.fr et https://plm.celebre.ch
La nouvelle version du Notre Père entrera en vigueur dès la nuit de Pâques dans toutes les communautés catholiques de notre pays. Pour que cette prière continue de rassembler les chrétiens des diverses confessions, la plupart des communautés protestantes en ont recommandé la version nouvelle. Dans cet esprit, un feuillet œcuménique de quatre pages sera diffusé en mars, avec une introduction de Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion, un commentaire biblique du professeur Jean Zumstein, exégète protestant, et le texte du Notre Père avec sa doxologie. Les lecteurs le trouveront dans leurs églises de Suisse romande.

Apprentis chrétiens

Par Pascal Ortelli
Photo : Jean-Claude Gadmer

 Qui se cache derrière les nouveaux venus qui frappent aux portes de nos paroisses ? « Venez et voyez », dirait Jésus… Si l’invitation vaut pour les catéchumènes, elle concerne aussi les différents parcours d’initiation à la vie chrétienne. Vu les situations d’arrivée
le catéchuménat requiert un accompagnement personnalisé à partir du vécu de chacun. Impossible donc de faire entrer les candidats dans un moule, et c’est tant mieux !

Ce temps de préparation ne se réduit pourtant pas à une simple exposition du catéchisme. C’est « une formation à la vie chrétienne intégrale et un apprentissage mené de la façon qui convient », rappelle le décret de Vatican II sur la mission. Si hier la dispensation massive du baptême à la petite enfance a pu l’occulter, le catéchuménat occupe aujourd’hui un rôle clé dans la nouvelle évangélisation. Il y a là une orientation pour l’ensemble de la communauté, toutes années de service confondues : on ne naît pas chrétien ; on le devient ! Car c’est en forgeant qu’on devient forgeron…

Un petit diocèse multiculturel!

Par Nicole Andreetta
Photos : Astrid Belperroud
L’Unité pastorale Renens-Bussigny compte huit communautés de diverses expressions : francophone, italophone, lusophone, hispanophone, albanophone, malgache, philippine et même le Chemin néo-catéchuménal. Les prêtres assurent, les samedi et dimanche, sept messes en italien, français et portugais. Chaque communauté linguistique est représentée dans l’équipe pastorale.

Rosa Tomaselli est assistante pastorale et coordinatrice de la catéchèse pour la communauté italienne. « Le dimanche, les locaux de la paroisse Saint-François d’Assise à Renens sont pris d’assaut. Nous terminons la catéchèse vers 15h30 et à 16h les enfants portugais arrivent. Une vraie ruche !

Nous organisons régulièrement des célébrations multilingues. Souvent l’ordinaire de la messe est récité en français, mais certaines lectures peuvent être faites en portugais, la prière universelle en espagnol… On projette les traductions sur le mur afin que tous puissent comprendre. Nous essayons de nous enrichir mutuellement tout en gardant notre identité. A chaque fois il faut trouver la bonne recette. Pas de copier-coller possible ! »

Thierry Schelling, curé modérateur, explique : « La messe n’est pas un but en soi, mais un moment qui permet de continuer à célébrer l’intercommunion dans la vie locale paroissiale. »

Et Rosa d’ajouter : « En règle générale, le prêtre conclu la célébration par la formule consacrée : La messe est finie, allez en paix ! Chez nous, le Père Thierry amorce la phrase finale : La messe… et l’assemblée poursuit… n’est pas terminée, quindi andiamo in pace ! »

Elle termine : « Nous ne sommes pas liés à un seul prêtre. Lorsque l’un d’eux est absent, celui d’une autre communauté le remplace. On apprend de mieux en mieux à se connaître. C’est un chemin que nous parcourons ensemble. »

Lors de la fête de saint François d’Assise, autour du 4 octobre, toutes les communautés se rassemblent pour la célébrer. Une seule messe est dite, suivie de la bénédiction des animaux domestiques. Chacun apporte des spécialités culinaires qui seront partagées sur des tables placées sur le parking.

Dimanches solidaires, soirées de formation, pèlerinages, sorties, processions… sont autant d’occasions de renforcer les liens dans ce petit « diocèse multiculturel !»

Cheminant

«Un parcours bien au-delà de mes attentes et de mes espérances», témoigne Maude Tedeschi, la trentaine, qui va recevoir, à la Vigile de Pâques, les trois sacrements d’initiation chrétienne à Renens après un «chemin apaisant», confie-t-elle. Autrefois réservé «aux incultes et aux païens», le catéchuménat est devenu un véritable phénomène d’Eglise. Qui sont ces adultes qu’on appelle «catéchumènes»? Eclairage.

Par Thierry Schelling
Photos : Maude Tedeschi, Nicolas Chassot, 
Thérèse HabonimanaA y regarder de plus près, les concepts de la dogmatique chrétienne sont faits… pour les adultes : incarnation, résurrection, rédemption… On a besoin de ressources intellectuelles pour décortiquer et expliquer, ainsi que de vécu pour discerner l’Esprit à l’œuvre dans notre quotidien. Mais témoigner de sa foi et en vivre au travers des missions de l’Eglise que sont la liturgie (célébrer), la diaconie (servir) et la martyrie (ou formation continue) sont des réalités plus accessibles au quidam qui cherche du sens à sa vie, sa mort, ses amours et ses souffrances. Car c’est bien une rencontre avec le Christ que promet et promeut le catéchuménat. Tout en abordant les concepts !

Presqu’un phénomène d’Eglise, autant que les JMJ, le catéchuménat s’est (ré)organisé dans nombre de diocèses principalement urbains et notamment européens : on assiste à des cortèges d’adultes demandant d’être initiés à la religion chrétienne, ou de compléter ce qu’ils n’ont pas vécu, comme, très massivement, la confirmation.

Un parcours qui est « souvent initié à la suite d’un des grands événements de la vie, naissance d’un enfant, décès d’un proche », nous explique Pauline Friche, responsable pour le diocèse de Sion, ou encore par « des étudiants en quête de sens, des étrangers qui découvrent le christianisme ici », précise Thérèse Habonimana, responsable du catéchuménat à Genève.

Une aventure

Nicolas Chassot est en deuxième année de catéchuménat.
Nicolas Chassot est en deuxième année de catéchuménat.

« Instruit de vive voix » – étymologie du mot grec catéchumène –, le participant est embarqué sur un chemin, une aventure : « Devenu adulte, j’ai ressenti le besoin de m’approcher de Dieu, alors qu’enfant, je ne pensais qu’à jouer dehors », confie Nicolas Chassot, en deuxième année de catéchuménat, à Bussigny. Cette route, entre 15 et 24 mois suivant les disponibilités, est ponctuée de rencontres : « De fait, j’ai cotoyé plein de personnes avec des parcours différents du mien et des approches différentes de la foi », raconte Nicolas Chassot ; et la première compte beaucoup puisqu’elle a lieu en tête-à-tête avec un des membres de l’équipe du catéchuménat, « afin de discerner l’authenticité de leur demande et leur présenter la proposition de l’Eglise », explique Katia Cazzaro Thiévent, responsable du catéchuménat du canton de Vaud. Les cheminants participent aussi à des célébrations où ils croisent notamment l’évêque, voire le curé de sa paroisse de domicile. Non négligeable, le fait que les proches et les amis des cheminants sont eux aussi concernés par le choix des candidats : « Je peux dire que j’ai tout réappris », constate Luca Salomone, époux de Maude Tedeschi qui a commencé son catéchuménat il y a deux ans, lui l’enfant baptisé, ayant fait sa première communion, confirmé au sein de la Missione cattolica italiana de Lausanne. Et d’expliquer : « Partager ce que nous avons vécu les deux, avec mes parents, par exemple, qui sont d’une autre génération et qui portent un autre regard, a été et est encore enrichissant. Parcourir ce chemin avec Maude a renforcé notre couple, a apporté une spiritualité accrue et nous a fait découvrir des facettes méconnues de notre personnalité. » Pour les catéchumènes se crée comme une communauté, au moins durant le temps du catéchuménat. « Ils se sentent moins seuls dans leur démarche », qui va de pair avec le fait de « creuser leur relation au Christ », rajoute Katia Cazzaro Thiévent. « Et plus tard, confie Nicolas Chassot, j’aimerais pouvoir montrer le ou les chemins à suivre à mes enfants. » Surtout qu’il rejoindra sa compagne à… San Diego, en Californie !

Katia Cazzaro Thiévent, responsable du catéchuménat du canton de Vaud.
Katia Cazzaro Thiévent, responsable du catéchuménat du canton de Vaud.

Construire une communauté

Un souci de base, qui est aussi celui de notre décennie : comment construire une communauté – le sens du mot Eglise – quand on vit dans une société plus qu’atomisée, individualiste et à la carte, et y incorporer les néophytes ? « De nombreux liens sont tissés : paroisses, pastorales spécialisées, aumônerie universitaire, etc., précise Katia Cazzaro, même si ces liens sont laissés entre les mains des cheminants. » Mais « plus le lien avec la communauté aura été développé lors du cheminement catéchuménal, plus il aura des chances de persister par la suite », rassure Pauline Friche. A Genève, c’est à l’ordre du jour, explique Thérèse Habonimana : « C’est une des orientations nouvelles du Vicariat genevois : comment renforcer l’accompagnement des catéchumènes dans les UP. » Un obstacle de taille pour une bonne continuation reste aussi l’emploi du temps des concernés : « Les candidats rencontrent des difficultés accrues pour venir régulièrement aux réunions en raison de la situation tendue du monde du travail ou de leurs situations familiales (enfants en bas âge, études à l’étranger) », révèle Katia Cazzaro. En paroisse, « les nouveaux sont souvent happés par le programme cantonal, et on ne les revoit plus », se plaint un confrère prêtre qui préfère rester anonyme. « Certes, la qualité du parcours est inestimable ; mais je ne connais pas le catéchumène, si ce n’est lors d’une entrevue, d’ailleurs encouragée par les responsables. Mais il est d’abord nourri lui, c’est sa foi qui est boostée, et il se crée même des liens avec les autres catéchumènes… mais après sa confirmation, invisible, absent de la communauté. »

Il n’empêche, à la question de l’après, Maude se réjouit : « J’espère faire preuve d’autant de générosité que j’en ai reçue jusqu’à maintenant et être à la hauteur de ce que représente cet engagement pour moi. En dehors d’être bien accueillie par la communauté et de faire plus amplement sa connaissance, c’est plutôt moi qui souhaiterais savoir ce qu’elle attend de moi. »

Enfin, les responsables sont unanimes : « Vivre notre foi en accompagnant les autres, c’est un cadeau et une expérience fantastique. Ça me rend humble, mais heureuse ! » confie, souriante, Thérèse Habonimana. « Ils nous font avancer sur notre propre chemin aussi », conclut-elle. Il y a donc foule en direction d’Emmaüs…

Notre-Dame de Grâce

Par Pascal Bovet
Photos: Jean-Claude Gadmer

Notre Dame de Grâce.
Notre Dame de Grâce.

L’image a sa valeur, et sa riche histoire se tisse sur les deux rives du Léman pour s’arrêter à l’église d’Evian.

Au XVe siècle, sous la protection de la maison de Savoie, les monastères d’Orbe et de Vevey prospèrent. Loyse de Savoie (1471-1531), veuve à 19 ans, entre au couvent d’Orbe et offre lors de son accueil une image de la Vierge Marie à l’Enfant, en bois sculpté polychrome.

La Réforme chasse les Clarisses des monastères et les religieuses d’Orbe cherchent refuge auprès de la maison de Savoie, restée catholique.

Malheur pendant le voyage de Vevey à Evian : une tempête met à mal le bateau et sa cargaison. L’image de bois flotte et touche terre à Meillerie, fameuse carrière de pierre. Les sauveteurs la remettent aux destinataires, les Clarisses d’Evian, qui la gardent précieusement et la cacheront durant la Révolution française.

Dernier déplacement : l’image est confiée à un notaire, puis remise à la cure d’Evian.

Depuis 1827, Notre-Dame de Grâce (ou de miséricorde) est face à un représentation de Loyse de Savoie, sa donatrice, dans une chapelle jouxtant le chœur de l’église où elle reçoit nombre de visites et de prières de fidèles.

L’auteur en est inconnu ; la rondeur des personnages n’est pas sans ressemblance avec Notre-Dame de Lausanne. L’oiseau que porte l’enfant Jésus fait allusion à un texte apocryphe racontant que l’enfant Jésus façonnait des oiseaux avec de la terre et leur donnait vie en soufflant sur eux…

Bienheureuse Loyse de Savoie.
Bienheureuse Loyse de Savoie.

Wordpress Social Share Plugin powered by Ultimatelysocial
LinkedIn
Share
WhatsApp