A déplacer les tuiles (Marc 2, 1-12)

Par François-Xavier Amherdt
Photo: Jean-Claude Gadmer
Nombreux sont les « proches aidants » dans l’Evangile. Leur rôle est de soutenir la personne malade et de la conduire au Christ. C’est le contact direct avec l’être même de Jésus qui apporte le soulagement et le salut.

Ainsi en est-il des quatre hommes portant un paralytique dans la maison de Capharnaüm où Jésus annonce la Parole. L’affluence autour du Maître est telle qu’ils doivent faire preuve d’imagination et d’audace : ils prennent le risque de monter sur la terrasse et de découvrir le toit au-dessus de Jésus, afin de faire descendre devant lui le grabataire (Marc 2, 3-4). Quelle aventure !

Et c’est sur la base de leur foi à eux, pas d’abord celle du paralysé, que le Christ pardonne puis guérit le malade (2, 5) ! Puissance de la communion qui soulève à bout de bras, à plein cœur, celui qu’immobilise la souffrance ou l’épreuve ! C’est grâce à ces quatre « hommes aidants » que le fils de Marie accomplit le double miracle, celui du pardon et celui de la guérison, si bien qu’à la fin tous le glorifient en disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil. » (2, 12)

Nous sommes ainsi tous invités à faciliter la rencontre de nos proches avec le Seigneur, par notre prière, notre amitié, notre soutien ; puis par notre présence, nos initiatives, voire nos coups de folie. C’est le miracle de la solidarité dont se tisse l’Evangile, c’est la force de la sollicitude qui construit le Royaume, c’est la puissance de l’entraide qui renverse les montagnes ou enlève les tuiles.

Cette demeure de Capharnaüm se mue en petite Eglise, dont tous peuvent faire partie, y compris les scribes qui murmurent intérieurement : « Pour qui se prend-il, ce natif de Nazareth, au point de prétendre remettre les péchés ? Cela revient à Dieu seul ! » (2, 6-7) Mais comme il est vrai Dieu et vrai homme, Jésus libère et rachète : il se fait tout proche aidant de chaque être. Demandons-le-lui, pour nous et pour notre entourage.

Les proches aidants: des personnes hors normes

En Suisse, une personne sur sept reçoit l’aide de proches. Sans ce soutien, des personnes malades, âgées, en situation de handicap ou en fin de vie ne pourraient pas continuer à vivre chez elles.

Par Nicole Andreetta
Photos: J
ean-Claude Gadmer

Tout le monde peut aider son voisin ou un membre de sa famille.
Tout le monde peut aider son voisin ou un membre de sa famille.

Qui sont réellement les proches aidants ?
Un proche aidant est une personne qui offre, de façon régulière et à titre non professionnel, du temps et des services pour certaines activités de la vie quotidienne à un proche atteint dans sa santé et son autonomie. Il assure, également, la sécurité, le maintien de l’identité et du lien social du proche aidé.

Il peut s’agir d’un membre de la famille, d’un voisin ou d’une voisine, d’un ami ou d’une amie.

C’est une démarche qui ne concerne pas les formes organisées de bénévolat.

Comme la personne dont il a la charge, le proche aidant traverse souvent des périodes difficiles émotionnellement, ponctuées de doutes, d’angoisse, mais aussi d’espoir. Si beaucoup évoquent des aspects gratifiants, un proche aidant sur deux finit par s’épuiser à la tâche. Particulièrement lorsqu’il exerce en parallèle une activité professionnelle.

« J’ai toujours vu mes parents s’occuper de leurs parents, cela me semblait normal. J’ai 72 ans et depuis plus de douze ans, je m’occupe de ma maman, âgée aujourd’hui de 96 ans. Je réalise que je ne peux pas exister tant que je ne suis qu’aidante. Tant que je donne, je donne. Je dois avoir aussi du temps à moi, pour recevoir, pour exister comme personne. Pourtant, dès que je ne réponds pas à une demande de ma mère, je m’en veux. »

« Ce sont les circonstances qui font que l’on devient proche aidant, on ne choisit pas. Il y a trente ans, notre fille a commencé à avoir des troubles bipolaires. Depuis, les années et les crises se succèdent. Quand elle va mal, elle a besoin de toute notre disponibilité. C’est vraiment un travail d’effacement qui demande une énorme énergie. Lorsque notre fille va bien, elle assume parfaitement sa vie familiale. On doit lui faire confiance malgré tout. Et l’on garde toujours cet espoir « insensé » de se dire que c’était peut-être la dernière crise. »

« Lorsque l’on choisit un engagement bénévole, s’il devient trop lourd, on s’accorde le droit d’y renoncer. Cela n’est pas possible lorsque l’on est proche aidant. Je suis infirmière à domicile et j’ai deux enfants avec un handicap. Ils ont 16 et 22 ans, aucune structure n’est adaptée à leur situation. Je vis continuellement le même dilemme : est-ce que je choisis mon travail ou je m’occupe davantage de mes enfants ?
Les professionnels ne se rendent pas compte à quel point les proches aidants sont fragiles. On ne peut pas les laisser se débrouiller tout seuls ! C’est une question de justice sociale et d’équité. »

N.B. : Nos témoins ont souhaité garder l’anonymat.

Soutenir son conjoint ça peut aussi épuiser.
Soutenir son conjoint ça peut aussi épuiser.

Le soutien de l’Etat

Soutenir les proches aidants pour éviter qu’ils ne s’épuisent, tombent malade ou s’isolent est devenu une priorité politique. Une journée par année leur est dédiée.

En novembre 2017, l’Etat de Genève a ouvert une plateforme téléphonique accessible cinq jours par semaine. Cette ligne permet d’obtenir rapidement et au bon moment les informations nécessaires. C’est aussi un outil contre l’isolement car elle donne la possibilité de parler des difficultés rencontrées, d’être écouté, entendu.

Sophie Courvoisier de l’Association Alzheimer Genève, une des « oreilles » au bout du fil, confirme : « C’est important de pouvoir dire : “Je n’en peux plus !” Il faut se rappeler nos limites humaines. Demander de l’aide ne signifie pas dire que l’on est incompétent, mais au contraire permettre d’accompagner le proche aidé plus longtemps et dans de meilleures conditions. »

Chaque canton dispose d’un site internet informant sur les prestations de soutien qui peuvent être obtenues… (voir encadré).

Le Conseil fédéral a publié, en dé­cembre 2014, un rapport intitulé « Soutien aux proches aidants ». Dans la plupart des familles, deux revenus sont nécessaires pour couvrir les besoins du ménage. Ni l’art. 36 de la Loi sur le travail, qui permet aux parents d’obtenir trois jours de congé pour garder leur enfant malade, ni l’art. 324a du Code des obligations, traitant de l’empêchement du travailleur de travailler sans faute de sa part, ne permettent de régler des situations qui peuvent durer pendant des années.

Ce rapport envisage des mesures permettant d’obtenir un congé, avec ou sans salaire, ainsi que, comme c’est déjà le cas à Fribourg, en Valais et dans le canton de Vaud, des  allocations pour charge d’assistance.

Quel rôle pour l’Eglise?

Depuis une dizaine d’années, Catherine Menoud, assistante pastorale au sein d’une UP genevoise, anime un groupe de parole destiné à des proches aidants.

« Ce groupe s’est formé de manière plutôt spontanée. Un dimanche, à la sortie de la messe, une paroissienne vient me parler de son mari qui perd la mémoire. Au fil des semaines, d’autres personnes viennent partager avec moi leurs inquiétudes par rapport à leurs proches. Je me rends compte que beaucoup s’épuisent. Je leur propose de former un petit groupe où chacun pourra échanger des infos et des conseils. Et, comme ce sont des personnes qui ont la foi, partager dans la prière. »

Le groupe se rencontre cinq fois par an. Les membres sont très fidèles. « Chacun apporte ses choses lourdes à porter. Avancer ensemble nous aide à les surmonter, parce qu’entre nous, on se comprend. De même, les choses positives font du bien à tous » témoigne une participante.

Pour le professeur d’éthique Thierry Collaud, la communauté doit maintenir des liens de solidarité.
Pour le professeur d’éthique Thierry Collaud, la communauté doit maintenir des liens de solidarité.

Pour Thierry Collaud, médecin et professeur d’éthique sociale chrétienne à l’Université de Fribourg, c’est bien à partir des paroisses que quelque chose peut se réaliser : « Nous vivons dans une société très fragmentée, qui, si l’on n’est pas attentif, nous poussera à oublier l’autre. L’Etat a la capacité d’éviter l’épuisement, mais l’Eglise peut offrir ce qui ne se comptabilise pas. C’est la responsabilité de la communauté de maintenir les liens de solidarité de proximité lorsque, par exemple, un couple s’isole parce que l’un des deux va mal. »

Les Pères de l’Eglise parlent souvent d’un sacrement supplémentaire, le sacrement du frère. Il prolonge le sacrement eucharistique de l’autel car il permet de reconnaître le Christ dans l’autre. Et il se vit au-delà des parvis des églises, en allant vers des périphéries pas forcément très éloignées géographiquement ou socialement.

Sites internet des cantons

FR : www.pa-f.ch/fr 
GE : www.ge.ch/reseau-de-soins – Ligne Proch’info : 058 317 7000
JU : www.jura.ch/DIN/SAS/Informations-generales/informations-par-prestation/Proches-aidants.html
NE : www.andpa.ch/
VD : www.vd.ch/themes/social/vivre-a-domicile/proches-aidants/aides-et-services/
VS : www.proches-aidants-valais.ch

Marie… protestant(e) !

«Marie entend avec déplaisir les bavards oiseux qui prêchent et écrivent beaucoup sur son mérite, ce par quoi ils veulent démontrer leur grande habileté personnelle, sans voir comment ils étouffent le Magnificat […]. » 1 Citation de Luther un brin provocatrice, où Marie protest… erait par cette hyperbole: «étouffer le Magnificat», soit le message évangélique sur Marie, par des paroles (dogmes) et des actes (dévotion, piété mariales) surnuméraires. Mise au point.

Par Thierry Schelling
Photos : Jean-Claude Gadmer, DR

Cathédrale de Genève: la principale église de la cité de Calvin.
Cathédrale de Genève: la principale église de la cité de Calvin.

Tordons le cou une fois pour toutes à un préjugé catholique : oui, les protestants aiment Marie et la considèrent comme un personnage biblique central ! Aurait-on oublié que nous confessons le même Credo où il est question de…. Marie ? « Dans la tradition réformée, Marie est une figure emblématique de l’histoire du Salut, souvent symbole d’humilité, de fragilité, de dévouement, femme du peuple, simple, sans prétention, choisie par Dieu pour porter le plus beau cadeau pour le monde, téméraire et qui ne faiblit pas, alors que d’autres se seraient écroulés face à cette nouvelle », explique Carole Perez, pasteure à Delémont.

« Pour moi, confie Laurence Reymond, pasteure en EMS dans l’Ouest lausannois, c’est comme femme, mère et croyante que Marie m’interpelle car elle nous rejoint dans les grandes étapes de notre vie et dans notre quotidien. » Et Carole Perez de renchérir : « Elle me donne de la joie, l’envie de rechercher et poursuivre ma quête de foi, de l’audace et de la persévérance. Marie devient pour moi une sœur dans la foi. » Quant à nos aînées, étant donné l’écart sociétal avec aujourd’hui, elles souffrent souvent du décalage générationnel : « Quel modèle pour accompagner des femmes qui ont traversé ces rapports compliqués mère-enfant ? », confie Laurence Reymond. Idem pour la problématique de la transmission : « Marie et Joseph ont respecté les us et coutumes de leur foi, laissant à leur fils le soin de se les approprier. Mais alors, comment accepter la prise de distance de leur famille face à la religion ? Marie est une source d’inspiration et un exemple à plus d’un titre. »

1 M. Luther, Le Magnificat, Spiritualité, Nouvelle Cité, 1997, p. 85.

Littérature mariale

Depuis l’avènement de l’ère œcuménique, on peut dire que chacune des traditions chrétiennes, ayant accentué plutôt un aspect au détriment d’autres, a réalisé qu’elle souffrait d’un manque, par exemple de « mariophilie » 2 dans la Réforme, ou de faiblesse des connaissances mariologiques dans le catholicisme 3, et s’est donc intéressée à l’opinion de l’autre, voire plus si affinité 4. Ainsi, il existe une littérature mariale remarquable produite par des protestants, qui nourrit tant l’âme que l’esprit chrétiens : on pense à Marion Muller-Colard 5, Sophie Mermod-Gilléron 6, Martin Hoegger. 7

Certes, l’échange des apports ne saurait effacer la différence fondamentale entre nos deux Eglises : « Pour nous, Marie n’entre pas dans l’univers de la divinité ; son expérience extraordinaire d’enfanter Jésus par l’action de l’Esprit Saint, réelle ou symbolique, ne la place pas dans une sphère ontologique supérieure aux autres humains », explique Gilles Bourquin, théologien et corédacteur en chef du journal romand Réformés. « Sa sainteté lui vient de sa foi et de son comportement exemplaire, mais pas de mérites surnaturels ou précédant son existence terrestre. » En résumé, « Marie est martyr indirect du supplice de son fils, qui subit en plein cœur la tragédie de l’Evangile », conclut-il.

Rien de doucereux, donc. « Pour moi, Marie est celle qui proclame le Magnificat annonçant le renversement des catégories des puissants et des petits, des riches et des pauvres », explique Elisabeth Parmentier, professeure de théologie protestante à l’Université de Genève. Le commentaire du Magnificat par Luther demeure pour cette luthérienne, un point de référence : « Luther n’enlève rien du respect dû à la mère du Christ et ne discute pas sa virginité. La transformation théologique est ailleurs : il relit la conception de “ l’humilité ” : alors qu’on y voit une vertu et que Marie est souvent exaltée comme grande vertueuse, Luther montre que le terme « humilitas » signifie la petitesse ; Dieu regarde Marie précisément parce qu’elle ne fait pas partie des gens considérés ou importants. » Et de conclure : « C’est là que se dissocie la théologie qui insiste sur la grâce de celle qui insiste sur les mérites ou les vertus ! » Comme le résume le modérateur de la Compagnie des pasteurs et diacres de Genève, Blaise Menu, « Marie est notre sœur dans la foi, figure éminente et contrastée qu’on se gardera d’éloigner de sa belle humanité, préférant les fragilités de l’incarnation aux ambiguïtés que porte une exemplarité magnifiée. » 8

2 Néologisme pour dire « affection à Marie »…
3 L’Eglise de Rome a tout un bagage des encycliques de Léon XIII (Supremi Apostolatus, 1883) à Jean-Paul II (Redemptoris Mater, 1987), sans omettre le chapitre 8 de Lumen Gentium (Concile Vatican II) – mais les dévots à Marie le connaissent-ils ?
4 On pense au Groupe des Dombes et à « Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints », 1999.
5 Cf. Marion Muller-Colard, « L’intranquillité heureuse », dans : La Croix, 18.09.2016 (vu sur le site Internet du journal le 10 novembre 2017).
6 Dans le cadre des camps bibliques œcuméniques de Vaumarcus, l’actuelle pasteure d’Yverdon a coproduit un remarquable dossier sur Marie en 2010.
7 « Les Perles du Cœur, le Rosaire autrement pour catholiques et protestants », Saint-Augustin, 2017.
8 B. Menu, Lettre aux collègues genevois du 27 octobre 2017.

Fresque du XIe ou XIIe siècle dans le narthex de l’abbatiale de Payerne, dédiée à la Vierge Marie (auteur inconnu).
Fresque du XIe ou XIIe siècle dans le narthex de l’abbatiale de Payerne, dédiée à la Vierge Marie (auteur inconnu).

Le visage de l’Eglise

Francine et Vincent Guyaz, diacre et pasteur: «L’objectif du personnage de Marie, c’est la Parole de Dieu.»
Francine et Vincent Guyaz, diacre et pasteur: «L’objectif du personnage de Marie, c’est la Parole de Dieu.»

« L’objectif du personnage de Marie, c’est la Parole de Dieu, résume Francine Guyaz, diacre d’Ecublens-Saint-Sulpice. Elle incarne le visage de l’Eglise, elle est l’Eglise en ce qu’elle porte le Christ, le Saint ; elle est la Pentecôte. Et je rends grâce à Dieu pour Marie, cette mère batailleuse. » Et Vincent Guyaz, pasteur et ministre de coordination de la région Les Chamberonnes, de relater une anecdote : « A Lourdes, certes, le passage à la grotte, le toucher de la pierre sont idolâtres pour moi, détestables… mais c’est Marie qui déclenche des “choses évangéliques” : le bénévolat auprès des malades, des handicapés, des souffrants, la fraternité, la profondeur des liens qui se tissent, ce sont d’authentiques expériences de la foi ! »

Protestants et catholiques n’ont nullement besoin de chercher le plus petit dénominateur commun, mais au contraire d’écouter le regard de l’autre, son explication, son vécu. Et (au moins) de le méditer. Une attitude très… mariale, dans le fond : « Marie gardait tout cela dans son cœur ! » (Lc 2, 19)

D’une prière à l’autre

Luther faisait dire à Marie : « Je suis l’atelier dans lequel Dieu travaille, mais je n’ai rien à ajouter à l’ouvrage. C’est pourquoi personne ne doit louer ou honorer en moi la mère de Dieu, mais louer en moi Dieu en son œuvre. » A sa suite, c’est le Magnificat qui est un peu la prière mariale protestante ; au contraire, le « Je vous salue Marie », rédigé à partir de bribes évangéliques au cours de près de quinze siècles – au dire de Paul-Marie Guillaume, ancien évêque de Dié 9 –, concentre, lui, plutôt la piété catholique romaine. Prières croisées…

9 Lu sur www.revue-kephas.org/02/2/Guillaume127-133.html (2 novembre 2017).

Précisions

Une lectrice attentive nous signale deux imprécisions dans notre dossier de décembre sur la lumière. Dans le paragraphe mesure du temps, la vitesse de la lumière est de 300 000 km/s et non de 360 000. Et s’agissant de la photosynthèse par laquelle « une plante vivante transforme la lumière reçue en sucre », c’est en dégageant de l’oxygène (O2) et non du CO2. (Réd.)

Mon intérêt d’abord?

Continuant sa méditation sur l’Hymne à l’amour, le pape François nous invite à une attitude de détachement. Celle de celui qui, tout en s’aimant lui-même, recherche plus encore le bien de l’autre. Difficile, mais pas impossible, précise-t-il.

Par Bertrand Georges
Photo: DR
L’hymne à la charité affirme que l’amour « ne cherche pas son intérêt », ou « n’est pas égoïste »1, rappelle le Pape, en précisant que l’on retrouve cette expression dans un autre texte : « Ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. »2 De fait, poursuit-il, « les mères, chez qui se rencontre le plus grand amour, cherchent plus à aimer qu’à être aimées ». C’est pourquoi l’amour peut aller au-delà de la justice et déborder gratuitement, « sans rien attendre en retour ».3 Ce faisant, elles aiment comme le Christ nous aime. Le Pape prend soin de préciser « qu’une certaine priorité de l’amour de soi-même peut se comprendre comme une condition psychologique, en tant que celui qui est incapable de s’aimer lui-même rencontre des difficultés pour aimer les autres ». Devant une telle exigence, il s’interroge : « Ce détachement qui permet de donner gratuitement, est-il possible ? » Sa réponse, qui nécessite un véritable acte de foi, est d’une simplicité désarmante : « Il est certainement possible, puisque c’est ce que demande l’Evangile. » 4

Nous percevons combien cet amour qui invite à passer de « je te désire comme un bien pour moi » à « je désire ce qui est un bien pour toi » peut être un fondement solide pour le couple et la famille lorsqu’il est vécu dans la réciprocité. Cette manière d’aimer nous libère de l’utilitarisme, de la domination, de l’égoïsme. Une bénédiction nuptiale l’exprime fort bien : « Qu’ils trouvent leur bonheur en se donnant l’un à l’autre. » Cette façon de vivre ne signifie pas pour autant qu’il faille renoncer à ce que l’on est, puisque que, comme nous le rappelle saint François d’Assise, « c’est en se donnant que l’on se retrouve soi-même ».

Et si, dans une époque qui penche vers l’individualisme et le culte du moi, aimer de cette manière était… le monde à l’envers, le cœur à l’endroit ?

1 1 Co 13, 5
2 Ph 2, 4
3 Lc 6, 35
4 Cf. Amoris Laetita, pp. 101-102

Marie mère (Jean 19, 25-27)

Par François-Xavier Amherdt
Photo : DR

Marie et Jean au pied de la croix.
Marie et Jean au pied de la croix.

C’est bien sûr à partir de l’Ecriture que des points de convergence entre réformés et catholiques peuvent être établis à propos de la figure de la Vierge. A part les Evangiles de l’enfance, de l’annonciation à la naissance du Christ, de la fuite en Egypte au recouvrement de Jésus au Temple, et en plus du miracle de l’eau changée en vin à Cana où Marie joue un rôle clé de « passeuse » pour que le signe advienne, c’est sans doute l’épisode au pied de la croix, dans le 4e Evangile, qui peut le mieux rassembler toutes les confessions chrétiennes.

Lorsque Jésus crucifié donne Marie et le disciple qu’il aimait comme mère et fils l’un à l’autre, « Femme, voici ton fils – Voici ta mère » (Jean 19, 25-27), c’est à l’ensemble des chrétiens, et donc des hommes, qu’il offre sa propre mère en cadeau. Dans la figure du « disciple bien-aimé », que la tradition associe à Jean l’évangéliste lui-même, c’est la totalité de celles et ceux qui se réclament du nom de Jésus-Christ qui se trouvent assumée. Mieux, c’est à tous les êtres humains que le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité pour la multitude propose comme mère celle qu’il appelle « femme », la « nouvelle Eve ».

Mère de l’humanité
Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que de si nombreux musulmans éprouvent une réelle tendresse pour la maman de Jésus, présente également dans le Coran, ainsi que j’ai pu le constater lors d’une visite à la gigantesque statue de Notre-Dame du Liban près de Beyrouth : les femmes voilées y étaient aussi nombreuses que les chrétiennes. « Stabat Mater » : la mère se tenait debout, jusqu’au bout, auprès de son divin Fils. Avec Luther, Calvin et Zwingli, nous la recevons comme la mère de l’humanité. Et nous restons nous aussi devant le Crucifié, pour accueillir de lui le testament de ses paroles de vie, le cadeau de son amour infini, le sang de l’eucharistie et l’eau du baptême. C’est le visage de Marie de l’humilité, de la simplicité, de la persévérance et de la discrétion qui peut au mieux toucher le cœur des protestants, orthodoxes, anglicans, évangéliques et catholiques.

Marie en pays réformé

Par Oivier Roduit
Infographies : Régine Bindé
La Réforme a marqué une rupture dans la dévotion mariale en Suisse romande, c’est le moins que l’on puisse dire. Cela se remarque dans le nombre d’églises dédiées à la Vierge. Les précieux travaux de Michel Benzerath parus en 1912 1 permettent d’en établir la liste pour l’ancien diocèse de Lausanne, et donc pour les cantons de Vaud et de Neuchâtel.

Au Moyen Age, de nombreuses églises de ces cantons sont dédiées à la Vierge Marie. Avec la Réforme, les paroisses catholiques sont supprimées – sauf dans le district d’Echallens – et le culte de la Vierge et des saints est aboli. Cependant, les Réformateurs vaudois n’oseront pas interdire la très populaire fête de l’Annonciation, le « Jour de la Dame », qui restera chômée jusqu’au milieu du XIXe siècle, à l’époque où le culte catholique est réintroduit.

Depuis la Réforme, plus de vingt paroisses ont dédié leur église à la Vierge, marquées par la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception en 1854, puis de l’Assomption en 1950 : cinq paroisses sont dédiées à l’Immaculée et sept à l’Assomption. A remarquer que, curieusement, il y a actuellement dans le canton de Neuchâtel plus d’églises mariales qu’avant la Réforme.

1 Michel Benzerath, «Statistique des saints patrons des églises du diocèse de Lausanne au Moyen Age», dans Revue d’Histoire Ecclésiastique Suisse, 1912, pp. 81-115, 186-228.[thb_image lightbox= »true » image= »2378″][thb_image lightbox= »true » image= »2435″][thb_image lightbox= »true » image= »2436″]

Réponse d’un évêque à Quentin Hostettler

En vue du Synode des jeunes qui se tiendra en octobre prochain, le Pape invite nos jeunes à poser les questions qui les habitent.

Par Vincent Lafargue
Photos : LDD, DRquentin-hostettlerQuentin Hostettler, 21 ans en ce mois de janvier, habite le canton de Fribourg et se surnomme « Captain Nounours » sur sa page Facebook. Voici la question que ce JMJ’iste convaincu adresse à la hiérarchie de notre Eglise.

«Souvent j’illustre ma foi en donnant deux mots clés, PARTAGER et ÉCOUTER, on me reprend car ce n’est pas de la foi. La foi, c’est entendre le message de Dieu dans la Bible. Est-ce vrai? Dois-je appliquer la Bible à la lettre comme on me le fait comprendre?»

L’évêque des jeunes, Mgr Alain de Raemy répond ainsi:

alain-de-raemyCher Quentin,

Partager et écouter, chacun peut le faire. Il n’est pas nécessaire d’avoir la foi. Mais avec la foi, tu ne partages pas que toi, car alors tu renvoies, excuse-moi, à bien mieux que toi ! Tu ne limites plus personne à ta personne, mais tu ouvres à chacun l’infini d’un Amour divin.

On te dit d’entendre le message de Dieu dans la Bible ? Oui, mais c’est au fond la Bible qui a « entendu et enregistré » le message de Dieu chez les hommes. Car la Bible est la version écrite des prises de conscience d’un peuple à travers une bien longue histoire. Et dans ses derniers livres, elle est la version écrite de l’expérience décisive vécue avec Jésus. Dieu a tout confié (et non pas écrit) à ses apôtres et à leurs successeurs, ce qui ne veut pas dire qu’on ait déjà tout compris…

Tu te demandais, si tu devais appliquer la Bible à la lettre ? Lui être fidèle, ce n’est pas obéir à des mots mais vivre l’expérience qu’elle décrit de mille façons, pour y trouver ta façon, en communion avec tous ceux et celles qui ont voulu et veulent la vivre sans façons…

Si tu vis la foi, tu vis et répands ce qu’est la Bible, et avec tes amis en Eglise, tu te bats pour n’exclure plus personne de ton amour. Car Dieu est Amour.

+ Alain de Raemy, l’évêque des jeunes

Toujours mieux!

Par Dominique-Anne Puenzieuxmagazine_nouveautes_2017_une_okVous intéresser, vous interpeller, vous informer, telle est notre mission. C’est pourquoi nous cherchons toujours à nous améliorer à travers de nouvelles rubriques et de nouveaux vecteurs de communication.

Comme le rappelle régulièrement le pape François, nos paroisses, animées d’un esprit missionnaire, sont des lieux de communication de la foi et de témoignage de la charité. Le message chrétien a parfois de la peine à être entendu. Il est donc nécessaire de revoir notre langage.

Il nous faut nous concentrer sur l’essentiel, afin de communiquer la joie de l’Evangile. A travers la presse écrite, le web et les réseaux sociaux.

Ainsi, en ce début d’année, nous vous proposons de nouvelles rubriques, dont une dédiée spécialement aux jeunes, en vue du Synode lancé par le Pape.

Nous mettons aussi en place notre offre numérique de proximité, en proposant des blogs, des pages Facebook et des comptes Instagram avec certaines équipes de rédaction régionales. Afin de faire rayonner les diverses éditions de « L’Essentiel, Votre magazine paroissial ».

Notre-Dame de Compassion

Par Pascal Bovet
Photo : Jean-Claude Gadmer
L’histoire de Bulle, malgré les deux incendies qui ont endommagé la ville, a conservé avec soin la chapelle de Notre-Dame de Compassion, primitivement liée à l’hôpital, ce qui peut expliquer son nom. Son état actuel est tributaire de nombreuses transformations. Cependant, le maître-autel mérite l’attention et nous donne une image de la piété qu’on y pratiquait : une dévotion très marquée à Marie, entourée de nombreux saints et bienfaiteurs.

On voulait de belles choses pour Dieu – et pour la Vierge Marie. On a confié ce maître-autel à un artiste local et de valeur, Pierre Tardieu, qui termine l’œuvre de style baroque avec son équipe en 1696 et crée une série de statues entourant la Vierge Marie. Un siècle plus tard, au temps de la Révolution française, un autre artiste modifie partiellement l’ensemble. Le XXe siècle est représenté par des vitraux de Yoki.

Durant ces siècles, le service de la chapelle est confié aux capucins, charge qu’ils abandonnent en 2004, faute de disponibilité en personnel.

Les lieux se répartissaient en plusieurs propriétaires : la nef, le chœur, la sacristie, les logements à la bourgeoisie, à l’Etat et même au Vatican. Les choses ont été maintenant arrangées.

Après les dévotions parfois prolongées à Notre-Dame de Compassion, les pèlerins devaient se nourrir : pintes et commerces fleurirent sur la place du marché.

Le maître-autel de la chapelle de Notre-Dame de Compassion à Bulle.
Le maître-autel de la chapelle de Notre-Dame de Compassion à Bulle.

En librairie – janvier 2018

Par Claude Jenny et Sœur Francisa Huber de la Librairie Saint-Augustin, Saint-Maurice

Des livres

livre_pythonS’élever dans la lumière du vitrail

Curé à Romont et auteur de plusieurs ouvrages sur Marguerite Bays, Martial Python est aussi un passionné de photos et mitraille toutes les curiosités de son unité pastorale glânoise. Dont les vitraux de « ses » églises. Avec, pour aboutissement, un ouvrage plein de savoir et superbement illustré. C’est juste dommage que la couverture ne soit pas à la hauteur des images intérieures. « S’élever dans la lumière du vitrail en Pays de Glâne et dans les environs » ravira donc le lecteur sensible à la beauté de cet art particulièrement cultivé dans cette région du canton de Fribourg. De nombreux artistes ont en effet embelli les églises et chapelles de la région, et Romont abrite le Musée du vitrail.

Ed. Cabédita, 200 pages, octobre 2017

Acheter pour 35.00 CHFvivre-croire-aimerVivre, croire et aimer

Entre spiritualité et philosophie, ce livre de Martin Steffens respire la joie de vivre. Si ce professeur de philo atypique voit aujourd’hui « La vie en bleu »  – son précédent écrit –, c’est après pas mal de remue-méninges dans sa vie, jusqu’à devenir catholique. Un livre qui invite, dit l’auteur, « à poser sur nos existences ordinaires un regard nouveau, offrant à chacun des pistes vers une joie durable ».

Ed. Marabout, 220 pages

Acheter pour 27.00 CHFbulle_livre200ansLa paroisse de Bulle-La Tour

La publication de cet ouvrage œuvre de l’historien gruérien Denis Buchs, est liée au 200e anniversaire, célébré en 2016, de l’église de Saint-Pierre-aux-Liens à Bulle. Ce livre richement illustré retrace toute l’histoire de cette bâtisse, mais va au-delà en traitant de la longue histoire d’une paroisse qui commença il y a 1400 ans, lorsque le christianisme fit son apparition en Gruyère. L’auteur évoque la vie de la communauté locale, de la paroisse. Il touche à l’histoire du canton, de l’évêché, etc.

Ed. La Sarine, décembre 2017. www.lasarine.ch

Acheter pour 39.00 CHFuncri-se-fait-entendreUn cri se fait entendre 

Encore un cri, un coup de gueule poussé par Jean Vanier, cette grande voix qui a tant fait pour les plus faibles de la société. Avec la complicité du journaliste François-Xavier Maigre, Jean Vanier, fort de son grand âge et de son expérience à la tête de « L’Arche » notamment, veut encore croire, à 90 ans, qu’un chemin vers  la paix et un monde plus solidaire est possible.

Ed. Bayard, 200 pages

Acheter pour 22.20 CHF

Un DVD

mistrals-gagnantsEt les mistrals gagnants

Le superbe film d’Anne-Dauphine Julliard sur les enfants malades est désormais disponible en DVD.

Nour Films

Acheter pour 26.00 CHF

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. +41 24 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, +41 26 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch) aussi disponible sur librairie.saint-augustin.ch

Ensemble dans la foi

Par Nicole Andreetta
Photo : André Brugger
C’est dans les années 70, dans la mouvance de la théologie de la Libération, que naissent en Amérique latine les premières communautés de base. A la même époque, en Suisse et dans toute l’Europe occidentale, des personnes engagées, dans leurs paroisses et dans la société se rassemblent en petits groupes de 20 à 60 personnes.

Cécile Duborgel compte parmi les membres fondateurs de la première Communauté chrétienne de base (CBB) de Genève. Elle se souvient : « C’était après Vatican II, nous étions cinq ou six couples engagés pour les préparations au mariage. Un peu déçus de ce qui se passait dans la paroisse, nous nous posions des questions sur la manière de transmettre la foi à nos enfants. Nous souhaitions des célébrations plus participatives. Un prêtre nous avait parlé de ce qui se passait en Amérique latine, où des groupes de chrétiens lisaient et partageaient l’Evangile ensemble. Avec le soutien de l’abbé Edmond Gschwend qui nous accompagnés par la suite, nous nous sommes lancés ! D’autres personnes ont suivi et de nouvelles CCB se sont créées. »

Philippe Dupraz, coresponsable d’une CCB, souligne : « La plupart d’entre nous restent en lien et conservent des activités dans sa propre paroisse. Cependant, nous souhaitons approfondir notre foi en vivant quelque chose de plus fraternel. Dans la communauté, tout le monde se connaît et s’appelle par son prénom. »

Célébrer la parole
Il poursuit : « Nous nous retrouvons une fois par mois, le plus souvent pour une célébration de la parole, préparée par une petite équipe, toujours suivie d’un moment convivial. »

L’œcuménisme a joué un rôle important : « Des couples mixtes et un couple de pasteurs nous ont rejoints. Quelle place allions-nous leur donner ? Après de longues discussions, nous avons décidé que nos célébrations alterneraient messe et sainte Cène, avec hospitalité eucharistique », témoigne Cécile. « Ces moments de partage entre catholiques et protestants ont constitué un réel enrichissement pour notre foi ». Elle conclut : « Aujourd’hui, les CCB vieillissent, comme leurs membres. Ont-elles un avenir ? L’essentiel, c’est que nous aurons vécu un magnifique cheminement ! »

Plus d’infos

www.ccb.geneve-environs.ch

Marie, debout!

Par Thierry Schelling
Photo: Jean-Claude Gadmer
« Elle se tenait. » En résumé, selon le vocabulaire des évangiles, la position de Marie a été celle-ci dans la vie de Jésus : se tenir debout à ses côtés, de la mangeoire à la croix. Sans tout comprendre, sans tout savoir, sans rien gérer mais par amour : « Marie nous apparaît comme l’une des nombreuses mères de notre monde, courageuses jusqu’à l’extrême », explique François lors de l’audience générale du 10 mai 2017, à la veille de son déplacement à Fátima.

Il note que loin d’être une dépressive devant les aléas de la vie ou une râleuse à cause de la dureté du quotidien, Marie est « une femme qui écoute », accueillant « l’existence de la façon dont elle se présente à nous ». Elle est quand même au cœur du drame d’humanité qu’est la crucifixion de son fils : « Aucun de nous ne peut dire quelle a été la passion la plus cruelle: si c’est celle d’un homme innocent qui meurt sur le bois de la croix, ou l’agonie d’une mère qui accompagne les derniers instants de la vie de son fils. »

Et tout est résumé dans ce « elle se tenait » là. Près de la croix. En écho à ses débuts, son oui à l’ange, « par fidélité au projet de Dieu dont elle s’est proclamée la servante le premier jour de sa vocation ». Mais aussi « par instinct de mère », renchérit le Pape. Finalement, elle se tient aussi là, à la Pentecôte, avec les apôtres apeurés. Elle est fidélité et espérance, pour paraphraser papa Francesco.

« Nous ne sommes pas orphelins, conclut-il, nous avons une Mère au ciel. » Il invite les croyants à la prier « afin qu’elle nous enseigne la vertu de l’attente, même quand tout apparaît privé de sens, confiante dans le mystère de Dieu, même quand il semble s’éclipser à cause du mal du monde. Que dans les moments de difficultés, Marie, la Mère que Jésus nous a offerte à tous, puisse toujours soutenir nos pas, puisse toujours dire à notre cœur : “ Lève-toi ! Regarde vers l’avant, regarde l’horizon ”, parce qu’Elle est Mère de l’espérance. »

Disciple de Jésus
Le 15 septembre 2017, à la messe du matin, il résume ainsi le rôle de Marie : « C’est la première disciple de Jésus » car elle le contemple sur la croix, bois de la victoire sur le mal et la mort !

A propos du Magnificat, cher au protestantisme (cf. Eclairage), François déclare : « C’est le cantique de l’espérance, le cantique du Peuple de Dieu en marche dans l’histoire. C’est le cantique de tant de saints et de saintes, certains connus, d’autres, beaucoup plus nombreux, inconnus mais bien connus de Dieu : mamans, papas, catéchistes, missionnaires, prêtres, sœurs, jeunes, également des enfants, grands-pères, grands-mères : ils ont affronté la lutte de la vie en portant dans le cœur l’espérance des petits et des humbles » (Messe de l’Assomption 2013).

Basilique Notre-Dame de Genève.
Basilique Notre-Dame de Genève.

Manon, vierge consacrée

Elle porte toujours une croix en bois. Et sa bague de mariage,  à l’intérieur de laquelle il est gravé «Jésus». Et pourtant elle n’est pas religieuse. Elle a fait vœu de virginité et n’aura pas de mari ni de famille. Cependant, «je suis mariée! Avec le Seigneur!» dit-elle. Manon, une illuminée? Sûrement pas! Le 22 octobre dernier, elle a été solennellement bénie comme «vierge consacrée» par l’évêque du diocèse de Sion. 

Par Claude Jenny
Photos : Evidence photography, Claude Jenny
sdc15495Evidemment, le terme de « vierge consacrée » alimente l’imagination des non-initiés. Et beaucoup sont à ignorer jusqu’à leur existence. C’est vrai qu’elles ne sont qu’une dizaine en Valais qui ont fait la même démarche que Manon et elles ne vivent aucunement recluses chez elles. Mais elles ont fait un choix de vie en renonçant à se marier et à être mères. Et chaque jour, comme les prêtres, elles consacrent plusieurs temps à la prière.

Manon présente la particularité d’être très jeune. Elle n’a que 25 ans. Une consécration à l’âge de coiffer sainte Catherine n’est pas habituelle. Le choix de Manon est l’aboutissement d’un long cheminement et d’un temps de discernement partagé avec l’évêque du diocèse.

Manon a passé son enfance dans une famille où la foi chrétienne était présente mais sans être envahissante. « J’allais à la messe mais sans avoir une foi à soulever les montagnes… dit-elle. J’ai été sensibilisée par ma sœur et par ma maman qui avait attribué une sainte à chacun. Moi, ce fut sainte Thérèse de Lisieux. J’ai toujours été fascinée par la vie des saints. »

Dès son jeune âge, la vie ne l’a pas épargnée puisqu’une maladie est venue perturber son existence à intervalles réguliers. Elle a dû faire avec, y compris des séjours à l’hôpital et une scolarité compliquée. Et avec cette inconnue de ne pas savoir si, un jour, elle ne sera pas plus gravement handicapée. Une adolescence pas franchement de rêve et une première découverte sentimentale qui ne le fut pas non plus !

Sa vraie rencontre, celle qui marquera sa jeune vie, elle l’a vécue à Lourdes : « J’ai été portée par la joie des personnes malades ou handicapés que nous accompagnions. » Et des questions ont jailli dans sa tête : « Qu’ai-je envie d’être ? Comment appréhender ma maladie ? Que faire de ma vie ? » Au deuxième pèlerinage, elle s’en alla un soir à la grotte et décida d’interpeller la Vierge : « Fais quelque chose de ma vie ! » La réponse arriva très vite : « Tu peux faire quelque chose avec le Christ. » De retour en Suisse, elle se posa beaucoup de questions, dialogua avec plusieurs conseillers spirituels, fit une retraite dans un couvent. Mais toujours l’Esprit Saint lui soufflait cette expression : « vierge consacrée ». Elle ignorait ce que c’était. En approfondissant, elle acquit une certitude : « C’est cela que je veux être ! » Elle dit : « Etre en cœur à cœur avec le Christ. Découvrir le Christ à travers les autres. » Et le temps du discernement débuta, avec l’aide d’une religieuse, d’une vierge consacrée et de sa meilleure amie, puis finalement de l’évêque de Sion.

Aujourd’hui, Manon baigne dans le bonheur ! Comme une jeune mariée durant une lune de miel… Mais pour elle, elle devra être… éternelle ! Elle le sera sans doute tant cette femme vous parle avec une flamme à… soulever les montagnes au-dessus de son village natal. « J’ai découvert que le Seigneur ne m’a jamais quittée, jamais lâchée. Tout s’emboîtait dans ma vie, dit-elle superbement. Nous sommes les fleurs de l’Eglise. Mon époux, je le découvre dans l’autre. Et mes enfants, ce sont les autres. »

Dans la rue, hormis sa croix, rien ne distingue Manon d’une autre jeune femme. « Mais le meilleur habit est en moi. C’est le Christ qui m’habille. » Et la fait rayonner !

Bénévole pour la communauté

Manon ne vit pas isolée ! Elle aime côtoyer les autres ! Elle  s’est mise bénévolement de multiples manières au service de sa paroisse. En animant des veillées de prière. En allant porter l’eucharistie à domicile. En étant responsable des servants de messe. Et elle ne fait pas que prier ! Elle joue de la cithare, adore bricoler, jardiner, aider sa maman à soigner les animaux, etc. Et va terminer cette année le Parcours Théodule.

«Je suis prête à aller jusqu’au bout avec Toi»

Par Jean-Marie Lovey, évêque du Diocèse de Sion

« Parler de “vierges consacrées”, comme de toute autre forme de consécration religieuse, en dehors d’un regard de foi, est littéralement insensé, sans accroche pour la compréhension humaine. La virginité consacrée est un héritage laissé par le Christ comme un don particulièrement éloquent à son Eglise. La personne qui s’y engage témoigne à quel point le Christ est quelqu’un de vivant et d’important pour elle ; combien il peut combler totalement un cœur, fait pour aimer, au point qu’elle décide de se vouer à Lui, totalement, âme et CORPS. “Je t’aime tellement que  je suis prête à aller jusqu’au bout avec Toi.” Voilà ce que disent les vierges consacrées, témoignant ainsi que leur démarche est motivée par une rencontre passionnément amoureuse, qu’elle est, en même temps, librement consentie vis-à-vis de “qui compte plus que mille maris”. Cet aveu est significatif d’un élan dont même une jeune personne peut être capable. C’est le cas de Manon. Je l’ai admise à la consécration, confiant en sa maturité que son chemin de maladie lui a permis d’acquérir. […]

L’expression “vierges consacrées” a une presse douteuse dans notre culture hypersexualisée. Il faudrait désexualiser la virginité, lui redonner sa signification plus large. La virginité doit s’étendre à la globalité de la personne. Une vierge consacrée est appelée à être vierge comme la Mère de Dieu, Marie, est Vierge de corps, de cœur, d’esprit, d’âme. Cette disposition intérieure parle de disponibilité totale à Dieu. »

Noël en famille

Par Dominique-Anne Puenzieux
Photo : Ciricciric_311613A l’approche des fêtes de fin d’année, la tension monte. Décoration du sapin, course aux cadeaux, préparatifs, menu de Noël et planification des réunions de famille. La pression est grande.

En effet, même si la célébration de Noël s’est un peu sécularisée, elle est restée une belle fête de famille. Cette dimension a même pris le pas, chez les chrétiens non pratiquants, sur la dimension religieuse. Comme si on sacralisait la famille.

Ce sont donc des retrouvailles que certains attendent avec impatience. Et que d’autres redoutent… Les tensions et prises de bec autour de la traditionnelle dinde ne sont pas rares !

C’est donc aussi l’occasion de réfléchir au rôle et à la place de chacun dans la famille. Pourquoi se réunit-elle pour Noël ? Et qu’en est-il dans les familles recomposées ?

Heureusement, dans chaque tribu, on trouve une ou des personnes emblématiques, qui fédèrent la tribu. Noël constitue encore bien souvent une trêve, un moment où on tente de valoriser les liens affectifs, en mettant de côté les conflits.

Afin que tous ensemble, on puisse fêter Noël à la lumière de la joie de l’annonce de la naissance de Jésus.

«La lampe du corps, c’est l’œil»

Par François-Xavier Amherdt
Photo : Jean-Claude Gadmer

Ouvrir les yeux de son cœur à la lumière.
Ouvrir les yeux de son cœur à la lumière.

Si le Christ se présente comme la lumière du monde (Jean 8, 2), c’est afin que nous le suivions sur le chemin de la vérité et de la vie (Jean 14, 6). Pour cela, la lumière rayonnant de l’âme est encore plus nécessaire que celle perçue par notre œil.

Dans le discours sur la montagne, le premier dans l’évangile de Matthieu, Jésus juxtapose trois images : la métaphore des véritables trésors, ceux du ciel et des relations authentiques, là où nous investissons notre cœur (Matthieu 6, 19-21), c’est-à-dire le centre de notre personnalité ; celle du maître auquel nous vouons notre existence, soit Dieu qui fait notre bonheur, soit l’argent et les idoles qui nous asservissent (6, 24) ; et, entre les deux, l’image de l’œil, lampe du corps (6, 22-23). Les yeux sont les « ports de l’âme » : si notre être intérieur est plongé dans les ténèbres, notre œil ne dispose pas des critères de discernement adéquats, donc notre corps tout entier reste dans la nuit du jugement sur la réalité, et nous risquons de chuter ou de nous égarer.

« Change ton regard et le monde changera », dit la chanson. Si mon âme est obscurcie, mon aveuglement sera encore pire que la cécité physique. Tout est lié, parce que l’être humain ne fait qu’un : esprit, âme et corps sont habités d’une seule et même lumière. C’est ce que signifie dans l’art chrétien le rayonnement émanant de Jésus, des saints et des personnages bibliques. Il se visibilise dans le regard que leur attribuent les peintres et dans l’auréole dont ils sont affublés.

Tous ceux qui ouvrent les yeux de leur cœur à la lumière provenant des témoins de l’Evangile, en commençant par le Fils de Dieu, vrai homme, deviennent eux-mêmes capables d’en resplendir. A l’exemple de Moïse, illuminé par la gloire du Seigneur, déjà dans l’ancienne Alliance : à combien plus forte raison pour nous, transfigurés par la splendeur du baptême et remplis du feu de l’Esprit de l’Alliance nouvelle
(cf. 2 Corinthiens 3, 4-18).

Voici que je vous annonce une grande joie !

La cause de cette joie? «Il vous est né un Sauveur!» disent les anges aux bergers (Lc 2, 9). La venue de Celui qui a, pour ainsi dire, coupé l’histoire en deux – avant Jésus-Christ et après Jésus-Christ – peut changer quelque chose jusque dans nos familles.

Par Bertrand Georges
Photo : Eric Masotti
Mais au juste, ça signifie quoi, être sauvés ? « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » nous dit saint Jean.1 Il est bien sûr question de vie éternelle dans le salut. Mais l’amour sauveur nous rejoint aussi dans l’ici-bas de notre vie ; saint Grégoire de Nysse (IVe siècle) nous expose ces deux dimensions du salut : « Malade, notre nature demandait à être guérie ; déchue, à être relevée ; morte, à être ressuscitée. Nous avions perdu la possession du bien, il fallait nous la rendre. Enfermés dans les ténèbres, il fallait nous porter la lumière ; captifs, nous attendions un sauveur ; prisonniers, un secours ; esclaves, un libérateur. Ces raisons-là ne méritaient-elles pas d’émouvoir Dieu au point de le faire descendre jusqu’à notre nature humaine pour la visiter ? » 2 Notre vie moderne met parfois nos familles à rude épreuve : blessures, mésen­tentes, stress, rêves déçus, incapacités à aimer comme nous le souhaiterions… Ces situations aussi émeuvent notre Dieu. Et si Noël était l’occasion de nous ouvrir davantage au secours qui nous est offert ? Si nous laissions Jésus nous rejoindre dans nos prisons intérieures ? Croyons-nous vraiment que son Amour guérit, libère, pardonne, nous aide à nous convertir ? Les témoignages abondent pour dire qu’accueillir Jésus chez soi, le prendre au sérieux a changé le cours des choses. Comme les bergers à la crèche, approchons-nous de Lui, laissons-nous aimer, adorons-Le, croyons en Lui, essayons de vivre l’Evangile jusqu’au cœur de nos familles, nourrissons-nous de sa Parole et des Sacrements, demandons-Lui de nous rejoindre là où nous en avons le plus besoin. C’est pour cela qu’Il est venu.

Il est le Sauveur du monde, notre Sauveur ! Joie au Ciel, exulte la Terre !

Heureux Noël à chacun.

1 Jn 3, 16
2 Cité dans CEC 457

Rêver grand!

Par Nicole Andreetta
Photo : DR
Un samedi soir à 19h30. Une douzaine de personnes sont réunies pour prier dans la chapelle du Cénacle, derrière la basilique Notre-Dame à Lausanne. Malgré le bruit du centre ville tout proche, une atmosphère de paix et de recueillement habite le lieu, cœur de la communauté Sant’Egidio. Ce jour-là, il est question d’Espérance, avec, en écho, des paroles du pape François exhortant à ne jamais renoncer à la rencontre, au dialogue, à découvrir de nouveaux chemins pour avancer ensemble.

Ce moment de prière hebdomadaire est ouvert à tous.

Nelson est doctorant en biologie : « Face aux défis du monde, on se sent très impuissant. On peut bien sûr prier pendant la messe, mais ici c’est avec des amis avec lesquels on partage nos peines. On repart, ensuite, renforcé. » Jao, étudiant en physique, ajoute : « Surtout, on est moins seul. L’espérance, c’est finalement plus facile que les études ! »

La prière et la communication de l’Evangile forment le socle de la communauté de Sant’Egidio. La Parole de Dieu permet d’ouvrir son cœur à l’amour des pauvres.

La solidarité avec les plus démunis, vécue comme service volontaire et gratuit, constitue l’engagement principal de ses membres.

Au fil du temps, cette amitié avec les exclus a permis d’établir que conflits et pauvreté étaient intimement liés. Contribuer à la construction de la paix dans le monde par la rencontre, le dialogue, œcuménique ou interreligieux, est devenu une priorité pour Sant’Egidio.

A l’instar d’autres communautés dans le monde, celle de Lausanne s’efforce, à la mesure de ses moyens, de s’investir au niveau international. Elle entame, en ce moment, des démarches, avec l’appui des Eglises et des œuvres d’entraide pour la création de « couloirs humanitaires ». L’objectif étant de permettre à des personnes victimes de guerres ou de pauvreté de rejoindre la Suisse en toute sécurité et légalement, sans risquer leur propre vie.

« On peut les traiter de rêveurs, mais j’ai toujours admiré leur obstination et soutenu leur volonté de résoudre l’insoluble. » (Cardinal Roger Etchegaray)

Et la lumière fut!

Noël,
Ecoute la lumière qui chante en dansant.
Noël, lumière de la mémoire
Noël, lumière de l’avenir
Noël, lumière du présent
elle est en toi
et ne se voit pas
Noël, écoute la lumière.

Hyacinthe Vuillez
Tiré de Au petit matin, Les Amis de Crespiat, 2010 

Par Pascal Bovet
Photos : Jean-Claude Gadmer

Reflets lumineux à l’église du couvent de la Fille-Dieu à Romont.
Reflets lumineux à l’église du couvent de la Fille-Dieu à Romont.

Au premier matin, Dieu, n’y voyant rien, appela la Lumière, et la lumière fut. Puis il eut quantité d’idées lumineuses pour se faire un monde, celui que nous voyons, ou presque.

Et que faisons-nous chaque matin ? Pour certains du moins: chasser les ténèbres en pressant sur le bouton de la lumière et c’est le jour. Et le soir, le contraire, d’une main distraite, on presse sur l’interrupteur et c’est la nuit.

Nourriture de la vie

Des leçons de physique et chimie, peut-être vous reste-t-il ce mot de photosynthèse, procédé chimique par lequel une plante vivante transforme la lumière reçue en sucre en dégageant du CO2. La lumière est un élément vital de notre survie, de la naissance à la mort. Bien avant de connaître ce mécanisme, la tradition chrétienne a associé la lumière à la nouveauté du baptême, si bien qu’aux premiers siècles les baptisés étaient surnommés « les illuminés », c’est-à-dire ceux qui ont reçu la lumière.

Mesure du temps

Accrochés à nos montres et pendules, nous comptons en minutes et en heures. « Nous avons vu son étoile en Orient. » Et l’astronome scrute le ciel où le temps et l’espace se marient : il compte en années-lumière, sachant que la lumière rayonne, dans un espace vide, à la vitesse de 360’000 km à la seconde, une année correspond à environ 10’000 milliards de kilomètres.

Et d’où venons-nous ? L’univers scientifique se propose toujours de remonter aux origines et pour l’instant, le big bang passe pour une explosion géante, sans matière apparente. Les années lumière prétendent nous situer dans une histoire qui nous précède et nous dépasse.

Le mode artistique

Les artistes ont l’art d’extérioriser  ce qui est intime à eux-mêmes : faire venir au jour ce qui est caché en eux. L’Eglise a largement contribué à cette expression par ses édifices et ses mécènes. Les musées en sont un reflet.

Tirer profit de la lumière est bien l’ambition qui met tout artiste à l’œuvre : sortir des ténèbres et rendre sensible ce qui ne l’est pas  de manière claire, le faire exister et le livrer aux regards des autres ; il arrive même que l’on parle alors de création.

Architecture

L’église de Mogno, au Tessin, création de l’architecte Mario Botta.
L’église de Mogno, au Tessin, création de l’architecte Mario Botta.

L’évolution des édifices religieux a conditionné le traitement de la lumière. Le passage du style  roman au gothique, grâce à la maîtrise de nouvelles techniques, a évidé les murs et fait place aux  fenêtres que l’art du vitrail s’est empressé de colorer : avec la lumière, la couleur.

Les murs mêmes sont devenus parois de verre dans la cathédrale de cristal de Los Angeles.

Plus près de nous, l’architecte Mario Botta est le maître d’œuvre de la cathédrale d’Evry qui se distingue par une cheminée ou puits de lumière. On lui doit également plusieurs églises au Tessin : leur forme est au service de la lumière; il est fidèle en cela à l’un de ses illustres prédécesseurs, Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier.

Peinture

De l’Annonciation à Marie à la Pentecôte, la lumière accompagne les disciples de Jésus sans occulter  les heures sombres. Rembrandt, le maître des clairs-obscurs, se met lui-même en scène aidant les bourreaux à élever la croix du Christ. On surprend aussi Jérôme Bosch à exprimer la mort même  par le passage dans un tunnel lumineux. Noël et Pâques sont  liés par la lumière dans la nuit : celle des anges apparaissant aux bergers, et celle qui illumine le tombeau vide. Et le feu d’artifice de la Pentecôte clôt le cycle : aux témoins d’être lumière pour le monde.

Le thème de la création abonde  en soleils, lunes et étoiles, thème réactualisé par le Cantique de la Création de frère François (d’Assises) qui loue Dieu par le frère soleil, louange que ne reniera pas un autre François, notre Pape.

Le vitrail, entre architecture et peinture, pousse à l’extrême le jeu des ombres et des lumières par la couleur. Le maître verrier Eltschinger se met au service de la lumière pour lui donner tous ses moyens d’exprimer la beauté (voir encadré).

Symboles liturgiques

La tradition liturgique de l’Eglise catholique met en évidence la lumière lors de la fête des bougies, la Chandeleur (ou Présentation de Jésus au Temple, 2 février). Le baptême reste signe et moyen d’une nouveauté : durant les premiers siècles chrétiens, les baptisés étaient appelés les illuminés (voir plus haut). Le cierge pascal à côté d’un baptistère et un cierge remis au baptisé nous le rappellent : lumière confiée et lumière reçue. La lumière brille encore après le dernier souffle lors des funérailles, qu’accompagnait un chant d’autrefois : Lux aeterna, luceat eis Domine ! Que la lumière brille pour toujours sur eux, Seigneur !

La lampe du sanctuaire ou lampe dite éternelle rappelle la présence du Christ dans l’eucharistie, gardée au tabernacle. La piété mariale s’extériorise souvent par des processions avec bougies et dans des lieux de recueillement, une bougie prolonge la prière du fidèle.

Les lumières de l’esprit

Sous l’appellation « siècle des Lumières », on regroupe penseurs et philosophes des XVIIe et XVIIIe siècles ; la Renaissance, puis la Réforme ont façonné un nouveau cadre de pensée.

Le développement des observa­tions scientifiques, le grand progrès accompli dans la connaissance du monde que Galilée a rendu célèbre, ont mis à la mode des conceptions du monde nouvelles, à côté des croyances religieuses et entrant parfois en concurrence ou conflit avec elles. Le mouvement de la Réforme lui-même s’est considéré comme la lumière après les ténèbres (Post tenebras lux).

Le Concile Vatican II redonne au Christ tout son éclat : le Christ est la lumière des peuples (Lumen gentium 1). Elle éclaire tous les hommes venant en ce monde (Jean 1, 9). Et si chacun et chacune est lumière du monde, posé sur le lampadaire, alors la maisonnée est lumineuse.

Visite chez Michel Eltschinger, maître verrier, à Villars-sur-Glâne

michel-eltschingerPropos recueillis par Pascal Bovet
Photo : DR

Maîtriser la lumière en y mêlant la couleur, telle est la mission du verrier. On fait appel à lui quand des conditions sont posées : telle église existante ou à rénover, tel édifice que l’on veut mettre en valeur. Et souvent sur la base d’un projet élaboré par un artiste peintre… Les croquis doivent prendre forme à taille réelle et prendre vie par la couleur, nourrie par la lumière.

La meilleure lumière, ce n’est pas la plus forte: c’est celle que l’on rencontre quand il y a une légère brume qui garde la lumière, sans éblouir ni l’étouffer. La lumière des pays du Nord est la plus favorable. La lumière brute dilue la couleur.
Il s’agit donc de la domestiquer.

La technique de la dalle de verre est aussi intéressante par le contraste qu’elle implique entre les joints noirs ou sombres et les parties de verre coloré ; il ne laisse pas passer la lumière mais il en vit. Elle nous oblige à voir intérieurement car l’extérieur disparaît.

Par contre, le vitrail classique filtre la lumière, sans supprimer le décor au-delà du vitrail : il est passage ou pont avec l’extérieur.

C’est mon travail de choisir le verre produit en usine, de découper les pièces nécessaires en exploitant même leurs défauts, les nuances de couleur, les bulles d’air prisonnières, l’épaisseur de la plaque de verre, autant de variantes qui donnent vie au vitrail.

Bibliographie : « Les amitiés de couleur. Michel Eltschinger : soixante ans d’art verrier. » Editions Zénobie, Fribourg 2013.

En librairie – décembre 2017

Par Claude Jenny

Des livres

livre_fullyL’église Saint-Symphorien de Fully: une cathédrale campagnarde

Si vous voulez tout savoir sur l’une des plus imposantes et belles églises du Valais, le livre édité par les Editions Saint-Augustin et la paroisse de Fully, vous comblera certainement ! Une demi-douzaine d’auteurs apporte des contributions pointues pour éclairer sous tous les angles cet édifice aux allures de cathédrale. Quelque 160 illustrations viennent embellir cet ouvrage au graphisme très travaillé. Un beau livre cadeau.

Ed. Saint-Augustin, octobre 2017, 130 pages, 160 illustrations.

Acheter pour 48.00 CHFles-enfants-portiers«Les enfants, portiers du royaume»: accueillir  leur spiritualité 

Les enfants sont de vrais petits théologiens ! Encore faut-il savoir accueillir leur spiritualité ! Caroline Baertschi-Lopez en connaît un rayon puisqu’elle travaille dans la catéchèse avec des enfants depuis 30 ans. Et son regard est rempli de belles découvertes. Elle décortique aussi avec enthousiasme la pratique catéchétique Godly Play, bon moyen, dit-elle, pour entrer dans le royaume théologique des enfants.

Ed. Cabédita, octobre 2017, 155 pages.

Acheter pour 29.00 CHFtrois-voix-pour-luniteTrois voix pour l’unité: «Pour que plus rien ne nous sépare»

Trois plumes autorisées livrent un bel appel en faveur de l’œcuménisme: le prêtre catholique Claude Ducarroz, le pasteur réformé Shafique Keshavjee et le laïc orthodoxe Noël Ruffieux ont rédigé un « livre d’amitié » qui traduit une belle expérience de fraternité. La construction du livre est originale : de nombreux thèmes sont abordés par l’un des auteurs et les deux autres lui répondent en toute franchise. Un livre qu’il fait bon lire !

Ed. Cabédita, octobre 2017, 280 pages.

Acheter pour 36.00 CHFcalendrier20182018 : un jour – une photo – une parole

Une pensée et une image pour chaque jour de la future année.

Ed. Bayard, Le Pèlerin.

Acheter pour 30.80 CHFl-animation-biblique-de-la-pastorale2L’animation biblique de la pastorale

Le douzième ouvrage de la série « pédagogie pastorale » ne présente pas moins de 120 propositions concrètes « pour montrer comment faire de l’Eglise la maison de la Parole de Dieu pour le monde et inscrire les Ecritures au cœur de la nouvelle évangélisation ». Et comme son auteur est l’abbé-professeur François-Xavier Amherdt, c’est excellemment vulgarisé. De la pédagogie pratique pastorale de belle facture !

Ed. lumen vitae, octobre 2017, 180 pages.

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Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. +41 24 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, +41 26 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch) aussi disponible sur librairie.saint-augustin.ch

Une journée à… la Maison des Séminaires

En septembre dernier, une nouvelle inattendue tombait : la « Maison des Séminaires », à Fribourg, affiche complet ! De quoi faire croire à un boom des vocations ! Nuance… Mais une bonne raison pour aller passer une journée en ce lieu unique en Romandie qui forme les prêtres de demain.

Par Claude Jenny
Photos : Jean-Claude Gadmer« Avec vingt-deux séminaristes et quatre arrivants en année de discernement, notre maison est quasi pleine. Mais n’en tirons pas de conclusions hâtives ! Nous n’avons pas de véritable explication sur le pourquoi de cette belle fréquentation » commente l’abbé Nicolas Glasson, responsable de la formation des futurs prêtres avec son collègue l’abbé Joël Pralong. Depuis 2012, les deux diocèses romands ont en effet « fusionné » leur séminaire.

Pour l’abbé Joël, il ne fait aucun doute qu’un déclic est survenu et que « la foi reprend chez les jeunes. Ils sont attirés par une ferveur, une attirance vers Dieu, une dimension mystique. Leur démarche vient du cœur. Cet élan intérieur traduit la recherche d’une Eglise structurée, forte, dans un monde fragile. Les arrivants ici recherchent la sécurité d’une institution vraie, qui nourrit l’esprit et l’âme ». « Les jeunes osent aujourd’hui s’engager » se réjouit l’abbé Nicolas. Il explique que parmi ceux qui demandent « à entrer au séminaire » – ce qui commence par l’année de discernement – sont parfois de nouveaux convertis, ne viennent pas forcément de familles bien pensantes. Certains viennent aussi de familles éclatées. Il en découle un autre esprit, une autre quête. « Les futurs séminaristes ont souvent vécu leur foi à travers des mouvements de jeunes, dont les JMJ. On assiste aujourd’hui à une évangélisation des jeunes par les jeunes. A l’Eglise d’offrir les moyens d’enrichir ce trésor » lance l’abbé Joël.

« Une grande soif de Dieu »

« On sent chez les discernants une grande soif de Dieu, mais ils sont habités aussi de beaucoup d’incohérence. Il nous appartient de consolider l’humain » explique le coresponsable valaisan. D’où l’importance de cette première année dite de discernement. Pendant ou au terme de ce temps préparatoire, il y a souvent des défections, spontanées ou provoquées.

L’humain ! Façonner l’humain ! Voilà ce qui est au cœur de ce que l’abbé Pralong cherche à faire avec les discernants au travers de divers cours et échanges. Tout y est abordé, y compris les thèmes délicats comme la sexualité. « Bien sûr qu’il faut en parler ! Nous devons apprendre aux futurs prêtres à gérer leur affectivité » lance-t-il.

A la « Maison des séminaires », les temps de prière sont nombreux. « Nous étudiants sont demandeurs de temps de prière » commente l’abbé Nicolas. Matin et après-midi, les séminaristes se rendent à l’Université pour suivre leur formation théologique. Mais à ce bagage académique viennent s’ajouter de nombreux rendez-vous « at home » avec des conférenciers invités – le philosophe Fabrice Hadjadj y est très présent – et des week-ends hors les murs. En plus, le séminariste se voit confier une tâche pastorale au sein de l’UP Saint-Joseph en ville de Fribourg. Vincent, par exemple, enseigne la catéchèse dans une école. Alexandre fait de l’accompagnement dans un EMS.

Apprendre la vie en communauté

Dans la bâtisse de Givisiez, la discipline est bien présente. « De mon temps, la vie au séminaire était très permissive. Ce n’est plus le cas » assure l’abbé Joël. « Cheminer ici, c’est apprendre la vie en communauté, qui doit être éducative et formatrice, dit-il. Ce retrait est nécessaire pour que les séminaristes touchent le fond d’eux-mêmes pour avoir ensuite quelque chose à transmettre à leurs paroissiens. Même si la vie en paroisse sera fort différente ».

« Nous touchons aux quatre piliers, commente Alexandre : l’humain, en vivant en communauté, l’intellectuel, en fréquentant l’université, le pastoral, en ayant une activité paroissiale, et évidemment le spirituel. Nous devons arriver à saisir que les quatre sont importants. Ça nous apprend l’humilité » dit-il. « La vocation n’est pas un vêtement. Il faut en avoir les capacités humaines. Etre capable de dépasser ses propres blessures pour être capable d’accompagner les autres blessés que le prêtre rencontrera » dit l’abbé Joël.

Les séminaristes semblent partager la « marche à suivre » de leurs deux supérieurs et goûter  à cette vie en communauté durant six ans, très sereins aussi par rapport à ce qui les attend demain en paroisse.

Mgr Jean-Marie Lovey : « C’est le choix de Dieu »

Dans la présente volée, cinq séminaristes sont membres de la Congrégation du Grand-Saint-Bernard. Comment Mgr Jean-Marie Lovey voit-il ce souffle nouveau pour sa congrégation ?

« Bien sûr que c’est appréciable de savoir que des jeunes s’intéressent à telle ou telle forme de vie religieuse, celle des chanoines du GSB en l’occurrence. J’ai toujours été profondément convaincu que de vouloir rendre compte des raisons de cet attrait restait très aléatoire. Ce faisant, on rejoint davantage la (saine) curiosité qui nous habite que la réalité profonde du phénomène. Lorsque saint Paul veut parler de l’élection d’Israël, du choix de Dieu qui se porte sur Jacob plutôt que sur son jumeau Esaü, il fera dire à Dieu : ″Je fais miséricorde à qui je veux.″ Le choix de Dieu ne dépend pas des œuvres de celui qui est choisi ou de la communauté choisie, mais de la liberté de celui qui appelle. Pourquoi un jeune entre-t-il au GSB aujourd’hui ? Parce que c’est le choix de Dieu, point.
Et si cette raison première fait défaut, les autres (l’attrait de la montagne, la dimension familiale, le dynamisme d’autres jeunes déjà présents, une longue tradition, etc.) auraient beau être multiples et soigneusement cultivées, cela ne ferait pas rester le jeune en communauté. Face au choix de Dieu qui est un don, je me sens, avec mes confrères,  redevable d’un immense merci. Le don m’oblige, il m’appelle à l’action de grâce. La nouveauté du souffle doit, me semble-t-il, se situer à cet endroit. C’est là la seule raison que je vois devant l’entrée d’une nouvelle personne en communauté ou au Séminaire. »

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