Etre papa aujourd’hui, ce n’est pas toujours simple! Hier non plus à vrai dire, même si les défis n’étaient pas les mêmes. Quelques repères pour les pères, à l’école de saint Joseph fêté le 19 mars.
Par Bertrand Georges Photo: Pixabay, LddLes Evangiles parlent assez peu de Joseph et ne rapportent aucune de ses paroles. Pourtant l’Eglise le reconnaît comme « le serviteur fidèle et prudent à qui Dieu confia la Sainte Famille. » 1 En cela, il a quelque chose à dire aux pères de famille.
Joseph le charpentier a sans doute transmis à Jésus la dignité du travail et la persévérance dans le labeur.
Il parlait peu, mais il était présent, vraiment présent, dans ces moments où rien d’éclatant ne se passe, mais où quelque chose passe. Dans la gratuité se transmettent des réalités de la vie qui ne s’apprennent pas dans les écoles. Les enfants ont besoin de ces moments partagés pour se situer et découvrir leur identité profonde.
L’Evangile dit de Jésus qu’il était soumis à Marie et Joseph 2. Les limites posées, lorsqu’elles ne brident pas, structurent et rassurent. Jésus a dû lui aussi grandir en sagesse, en taille et en grâce 3. J’imagine volontiers Joseph encourageant son fils. Quoi de plus motivant pour un garçon de sentir son papa être fier de lui ! Qu’est-ce qui édifie davantage la confiance d’une jeune fille que l’admiration de son papa qui la trouve si jolie (et qui le lui dit) ?
Enfin, Joseph était un homme solide dans l’épreuve. Lorsque qu’il fallut quitter le foyer de Nazareth pour le recensement alors que Marie était enceinte, lorsque, Jésus à peine né, ils durent fuir en Egypte parce qu’Hérode en voulait mortellement à l’enfant, Joseph nous enseigne à cheminer dans l’obscurité sans nous décourager, à croire malgré tout, à avancer, à faire confiance au Père.
1 Préface pour la fête de saint Joseph 2 Lc 2, 51 3 Lc 2, 52
« Je vous salue Joseph, vous que la grâce divine a comblé ; le Sauveur a reposé dans vos bras et grandi sous vos yeux ; vous êtes béni entre tous les hommes et Jésus, l’Enfant divin de votre virginale épouse, est béni. Saint Joseph, donné pour père au Fils de Dieu, priez pour nous dans nos soucis de famille, de santé et de travail, jusqu’à nos derniers jours, et daignez nous secourir à l’heure de notre mort. Amen. »
En vue du Synode des jeunes qui se tiendra à l’automne 2018, le Pape invite nos jeunes à poser les questions qui les habitent.
Par Vincent Lafargue Photos: LDD, DRLetizia Monti. Vaudoise très engagée dans la mission italophone de la paroisse de Renens. Tout en remerciant nos évêques de la possibilité qui lui est donnée de les interroger, Letizia pose ces questions à Mgr Alain de Raemy, évêque des jeunes de Suisse romande :
– Pourquoi une femme ne peut-elle pas être prêtre ? – Est-elle considérée comme inférieure à l’homme ? – Est-ce qu’une femme peut être garde suisse ? Si non, pourquoi ?
L’évêque des jeunes, Mgr Alain de Raemy répond ainsi:
Chère Letizia,
Une chose est sûre : on passe aujourd’hui pour un extraterrestre quand on ose affirmer des spécificités féminines ou masculines. La tendance est à : si différence il y a, pas besoin de s’y tenir…
Comme catholiques, nous avons une référence, Jésus. Pas sûr, que nous ayons encore tout bien compris et bien appliqué de Lui ! Il ne joue jamais le jeu des discriminations de son époque, même pas envers la femme coupable prise en flagrant délit d’adultère ou la femme prostituée. Et il appelle sa mère « femme », femme par excellence. En plus d’être sa mère, Marie est là à tous les moments clés de sa vie, de sa mort et de ses apparitions. Ce n’est pas rien ! Bien au contraire… Et Marie-Madeleine sera celle qui annonce sa résurrection à ses apôtres.
Et que sait-on de saint Paul ? Si d’une part, il demande aux femmes de se taire dans certaines assemblées (1 Co 4, 34-35), ou de se couvrir la tête à certaines occasions (1 Co 11, 5-10), ou encore d’être soumises à leur mari (Eph 5, 21-28), d’autre part, il a quantité de collaboratrices dans l’évangélisation et la prédication : Lydie (Ac 16, 13-15), Prisca (Ac 18, 26), Chloè (1 Co 1, 11), Phoebé (Rm 16, 1-2), Marie (Rm 16, 6), Evodie et Syntyché (Ph 4, 2-3)… Et puis, c’est aussi saint Paul qui va à l’essentiel : « Il n’y a ni juif, ni grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme. Car vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus. » (Ga 3, 28)
Dans notre grande Tradition, nous avons donc tout pour être modernes : être homme ou femme n’est pas un simple code culturel à appliquer, ni des habitudes à perpétuer sans s’interroger. « Homme et femme, il les créa, à son image. » (Gn 1, 27)
Et nous avons tout pour être prophétiques : s’épanouir en tant qu’homme ou en tant que femme, c’est accomplir notre être humain, féminin ou masculin. On peut alors accueillir aussi bien l’appel par Jésus de douze hommes, qui n’ont pas choisi mais ont été choisis par lui, que la collaboration de Paul avec sept femmes, dont les noms ont été trop vite oubliés.
Qui est appelé à être prêtre selon Jésus ? Question de foi. Qui est appelé à être garde suisse ? Question de convenance. La première fait partie de la Révélation. La deuxième pas ! Tu vois les enjeux ?
Par Pascal Bovet Photo: Jean-Claude GadmerSur un ton de confidence, un ami, un parent, un collaborateur dévoile sa faiblesse. La déclaration peut être alarmante, ou minimisante, ou simplement réaliste. La confidence appelle votre communion : tu peux compter sur moi… n’hésite pas. De nouvelles solidarités peuvent naître.
On envisage des suppléances, pour les enfants, pour le ménage.
On calcule, on spécule, on s’inquiète : c’est grave ou léger ? Pour combien de temps ? Comment cela peut-il évoluer ? Faudra-t-il prévoir un placement ?
Puis l’aspect financier : chacun connaît le prix de la santé quand elle s’absente ! Mais notre chère sécurité est alors précieuse.
Cela n’arrive-t-il qu’aux autres ? On découvre nombre de personnes qui ont passé par la maladie et qui en sont sorties renforcées. Il ne faut pas voiler la face de ceux pour qui elle fut fatale.
Oh ! les bons conseils : tu devrais manger ceci plutôt que cela…
L’imperfection fait partie de la vie physique et psychique qui n’est pas illimitée ; notre société s’emploie à en diminuer les effets néfastes, souvent par des moyens financiers précieux. Mais un cœur qui bat à côté d’un ami ou d’un parent en difficulté reste le premier pas vers la guérison.
Par Pascal Bovet
Photo: Jean-Claude GadmerUne église est ordinairement l’œuvre d’une communauté qui l’a désirée. Mais l’histoire nous montre que la piété populaire est capable de donner des formes locales à des représentations universelles. Certaines sont ensuite adoptées par l’institution Eglise.
La cité de Gruyères possède au moins deux œuvres de ce type, des « calvaires ». Placées en plein air, elles sont protégées des intempéries et souvent décorées. L’une, de taille plus grande est en belle place à la rue centrale ; l’autre plus discrète, vous accueille devant la cure paroissiale, proche de l’église.
Ce calvaire est très sobre : le Christ en croix, accompagné de Marie et de saint Jean. La couleur locale est dans le décor naturel : sapin vert et tavillons, comme la couverture des anciens chalets d’alpage. Ainsi une scène de la passion se pare des airs de la Gruyère.
La scène est de nature triste et la sobriété des formes et des couleurs conduit à l’essentiel. Elle redit en image que la première croyante qui a reçu le Verbe de Dieu et le plus jeune disciple qui a suivi Jésus forment une famille nouvelle et spirituelle : voici ton fils, voici ta mère. (Jean 19, 26-27)
Le calvaire ici représenté, se distingue d’une Pietà qui représente Marie supportant le corps de son Fils descendu de la croix.
Manuela Hugonnet collabore avec Nassouh Toutoungi, curé de l’Eglise catholique chrétienne pour le canton de Neuchâtel.
A l’occasion du premier dimanche de février, traditionnellement consacré à l’apostolat des laïcs, nous avons passé une journée en compagnie d’une laïque de choc, Manuela Hugonnet, alias Mme Solidarité au sein de l’Eglise catholique neuchâteloise. Une femme engagée en Eglise depuis plusieurs lustres. Elle ne conçoit son action que placée sous le signe de la rencontre avec l’autre et de l’œcuménisme.
Par Claude Jenny Photos: Jean-Claude Gadmer
Manuela Hugonnet
En tant que responsable du service de la Solidarité en terre neuchâteloise, Manuela Hugonnet a notamment pour rôle d’assurer une présence de l’Eglise catholique auprès des migrants, donc dans les divers centres de requérants d’asile cantonaux. Ainsi, par exemple, se joint-elle à un petit noyau de bénévoles pour apporter une animation ludique aux enfants de requérants un après-midi par semaine.
A l’aise avec les migrants… Mais lorsque le centre est situé dans un hôtel désaffecté à la Tête-de-Ran et que la météo est hivernale, il faut une belle motivation et aimer la conduite sportive pour assumer son engagement. A l’arrivée au centre, la récompense est toutefois immédiate: les enfants d’une famille kurde accourent, tant ils savent apprécier toute visite en ce lieu isolé, et celle que beaucoup appellent Manu est merveilleusement à l’aise. Tout en jouant, elle partage avec eux joies et peines. En français de préférence, mais au besoin dans une autre langue. Lorsque l’on en parle une demi-douzaine, le dialogue devient toujours possible pour cette ancienne enseignante d’origine portugaise arrivée en Suisse à l’âge de 8 ans et active en Eglise depuis plus de vingt ans, comme bénévole d’abord et agente pastorale ensuite.
… et avec les autres Eglises Le dialogue – « il ne peut être qu’interreligieux » affirme-t-elle de manière péremptoire – est la clef de voûte de l’action de Manuela. Elle le vit donc à la pleine lumière de l’œcuménisme. Nous l’accompagnons au siège de l’Eglise réformée neuchâteloise pour un échange avec Jacqueline Lavoyer, responsable du bénévolat au sein de l’EREN. « Elle a été mon mentor, elle m’a tout expliqué lorsque, il y a deux ans, j’ai passé du service de la catéchèse à celui de la solidarité. » A l’évidence, les deux femmes ont en commun une volonté de bâtir un œcuménisme de terrain.
Manu cultive cet élan à travers l’aide aux migrants, l’Action de Carême, la Semaine pour l’unité des chrétiens, Missio, l’Action Jeûnes solidaires, le Groupe de dialogue interreligieux, etc. « Lorsque je suis entrée en fonction il y a deux ans, confie-t-elle, j’ai trouvé le cahier des charges un peu effrayant en tant que seule salariée pour le Service Solidarité et à 70%, mais je me suis dit que si le vicaire épiscopal (réd./Jean-Jacques Martin à l’époque) voulait me confier cette mission, c’est qu’il s’agissait d’un défi que je devais relever et je me suis vite sentie à l’aise dans cette activité. » Il est vrai que pour Manuela, comme pour beaucoup de laïcs engagés en Eglise, le pourcentage de temps de travail est très élastique…
Le rôle important des femmes Durant cette journée de partage, elle nous emmène aussi chez Nassouh Toutoungi, unique curé de l’Eglise catholique chrétienne pour le canton de Neuchâtel. Comme frère et sœur dans le Christ, ils ont l’habitude et apprécient de travailler ensemble. Aujourd’hui, c’est pour peaufiner une présentation commune des deux Eglises, en montrant leurs points communs et leurs différences. L’occasion de demander à Manuela Hugonnet si elle ne souffre pas de voir son Eglise moins ouverte aux femmes que sa voisine catholique chrétienne. « Je m’en accommode », dit-elle, tout en s’interrogeant avec pertinence : « Mais que ferait l’Eglise sans les contributions des laïcs, dont beaucoup de femmes ? Donc il importe que nous soyons prises en compte par les membres du clergé. Nous ne sommes pas là seulement pour changer l’eau des fleurs ! » Membre du groupement « Femmes en Eglise », elle aimerait évidemment que cette approche, cette sensibilité différente que les femmes peuvent apporter soient davantage écoutées.
La diaconie, base de l’Evangile Manuela Hugonnet, bardée d’une solide formation tant universitaire que religieuse, est l’une de ces perles qui contribuent largement à donner un éclat missionnaire à une Eglise régionale. Difficile de ne pas vouloir collaborer avec une femme qui affiche un tel épanouissement ! « Les autres m’ont fait creuser ma propre foi. Et la diaconie est la base même de l’Evangile. C’est prendre les gens, les accompagner un bout de temps dans des moments difficiles. Accueillir l’autre comme un enrichissement. » Beau credo mis en pratique !
Manuela Hugonnet échange avec des enfants de requérants au centre de la Tête-de-Ran.
Cette année, le 14 février habituellement dédié à la Saint-Valentin «tombe» le Mercredi des cendres. Une occasion de se redire que la vie de couple aussi est un chemin de conversion.
Par Bertrand Georges
Photo: DRLors de l’entrée en Carême, une parole accompagne l’imposition des cendres : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile. » Et l’Evangile nous dit :
– Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi (Jésus) que vous l’avez fait.1 Les pauvres sont parfois les nôtres. Et le foyer familial, loin de se refermer sur lui-même, peut devenir accueillant à d’autres.
– Tu aimeras ton prochain comme toi-même.2 Quel prochain est plus proche que notre conjoint et nos enfants ? Un appel à aimer tout en cultivant une juste estime de soi.
– Proclamez l’Evangile à toute la création.3 Pas besoin d’aller très loin pour évangéliser. L’annonce de la foi n’est pas seulement l’affaire des prêtres et des agents pastoraux. Les premiers évangélisateurs des enfants sont les parents. Parfois ça marche aussi dans l’autre sens.
– Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.4 La vie de couple et de famille est, pour les adultes comme pour les enfants, une véritable école du service. A fortiori pour les parents seuls que nous ne devons pas oublier même lorsque nous célébrons les élans de la vie amoureuse.
– Jésus nous invite à pardonner septante fois sept fois.5 Même l’amour le plus romantique ou la relation amoureuse la plus ardente ont parfois besoin de demander, accueillir, offrir un pardon qui est une forme purifiée, élevée de l’amour.
Alors qu’il parle des commandements – un mot que l’on n’aime généralement pas beaucoup – Jésus nous rassure : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. »6 Et si ce Carême, qui débute par la Saint-Valentin, devenait un Carême de l’amour évangélique, un Carême pour la joie ?
1 Mt 25, 40 2 Mc 12, 31 3 Mc 16, 15 4 Jn 15, 13 5 Mt 18, 22 6 Jn 15, 10La Saint-Valentin est l’occasion de ressourcer notre couple à la source de l’Amour de Dieu. Différentes offres sont proposées. Renseignements auprès des pastorales familiales cantonales.
En vue du Synode des jeunes qui se tiendra à l’automne 2018, le Pape invite nos jeunes à poser les questions qui les habitent.
Par Vincent Lafargue Photos: LDD, DRSébastien Gaspoz, 20 ans, habite le canton de Vaud, à Jouxtens-Mézery. Tout en remerciant nos évêques de la possibilité qui lui est donnée de les interroger, Sébastien pose cette question à l’évêque des jeunes de Suisse romande, Mgr Alain de Raemy.
« Comment, en tant que croyant, trouver un équilibre entre la tolérance et le respect de nos convictions ? (Par exemple sur les questions de genre, de sexualité… » C’est dans l’évangile de saint Matthieu.)
L’évêque des jeunes, Mgr Alain de Raemy répond ainsi:
Cher Sébastien,
Pour trouver un équilibre entre la tolérance due à l’opinion d’autrui et le respect de nos propres convictions, autrement dit pour être autant dans la charité que dans la vérité, il suffit de devenir un extrémiste… Oui, tu as bien lu ! Je m’explique.
L’extrémiste, c’est celui qui va jusqu’au bout. Il ne s’arrête pas à mi-chemin. Et l’extrémiste chrétien, c’est celui qui applique l’Evangile, c’est-à-dire le message et le comportement de Jésus intégralement. S’agit-il d’aimer Dieu et son prochain comme soi-même ? Oui, mais va jusqu’au bout : « Tu aimeras ton ennemi ! » Voilà.
Je cite Jésus : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent. […] Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? […] Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? […] Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (C’est dans saint Matthieu, au chapitre 5.)
La perfection chrétienne, c’est donc bien l’art de l’extrême ! Rien de moins. Cela te sort de l’ordinaire. C’est vraiment extraordinaire. C’est aimer (Jésus a bien dit aimer !) l’ennemi qui me conteste, me contredit, s’en prend à mon identité, à mes convictions, m’attaque, me calomnie, me blesse ou me tue… Impossible ? Et pourtant, on sent bien que haïr, mépriser ou même seulement ignorer nos opposants, nos adversaires, nos ennemis, ça ne va pas, ça n’apaise pas. On appelle ça, le sens de la foi. Ce bon sens chrétien qui nous a été injecté au baptême, qui est donné à tous, consacrés ou laïcs comme toi !
Donc, si l’autre t’énerve parce qu’il ne comprend pas et conteste même ce que tu entends par mariage ou par sexualité humaine selon le plan de Dieu, fais ceci : regarde-le et vois Jésus qui l’aime et donne sa vie pour lui, et pas moins que pour toi ! Jésus a autant saigné pour lui que pour toi. Fais autant de pas avec lui qu’il faudra. Il se rendra compte que tu ne sais pas tout, que tu es aussi un apprenti de la vie. Mais tu auras dit, fait et partagé l’extrême essentiel. Tu auras aimé.
«La multitude de ceux qui avaient cru n’avait qu’un seul cœur et une seule âme.» (Ac 4, 32)
Par Nicole Andreetta
Photo: Jean-Claude GadmerDepuis 700 ans, une communauté de moniales dominicaines est installée dans le monastère situé sur les remparts de la petite ville d’Estavayer-le-Lac.
Les onze sœurs qui la composent vivent dans un climat de silence, leurs contacts avec le monde sont limités. Néanmoins, leur vie n’est pas uniquement dédiée à la contemplation.
Soeur Anne-Sophie, sous-prieure, explique : « La raison de notre vie au monastère, c’est de vivre ensemble ! » Et de citer un extrait de la charte de la communauté : « La première chose pour laquelle vous êtes réunies, c’est pour habiter unanimes en votre demeure et pour faire une seule âme et un seul cœur en Dieu. » « Notre référence est la première communauté chrétienne évoquée dans les Actes des Apôtres, au chapitre 4, poursuit soeur Anne-Sophie, vivre ensemble malgré nos différences et nos divergences est un travail de rééquilibrage qui demande de la peine. Rendre bonne notre relation est un défi auquel nous devons constamment faire face car nous ne pouvons pas nous éviter. La fonction de notre prieure est de faire circuler la parole entre les membres de la communauté. Elle-même ne prend pas de décisions, mais elle les avalise. Il faut souvent plusieurs réunions pour parvenir à une solution qui convienne à toutes. Egalement un zest d’humour ! »
L’ordre dominicain est un ordre apostolique. C’est cette recherche d’harmonie entre elles que les soeurs souhaitent faire rayonner auprès des visiteurs de passage.
Bien qu’un peu à part de la vie de la cité, le monastère a toujours gardé une ouverture. Autrefois, il avait servi de refuge lors de la peste et pendant les périodes de disette. Occasionnellement, le service social de la ville fait appel aux sœurs pour loger des personnes sans domicile. Des liens de voisinage sont maintenus avec les habitants d’Estavayer qui assistent aux offices et leur confient des intentions de prière.
Monastère comme lieu de prière, de louange et d’intercession, mais surtout monastère comme lieu de relations vivantes.
Gandhi et Mandela: la sagesse peut-elle sauver le monde?
Combien de livres n’ont-ils pas déjà été écrits sur ces deux monuments de la non-violence ? L’originalité de l’ouvrage d’Eric Vinson et de Sophie Viguier-Vinson est d’abord de montrer que leur combat a été mené au creuset d’une même terre commune, l’Afrique du Sud. C’est en effet au pays de l’apartheid que le jeune Gandhi, avocat de la communauté indienne, inventa une méthode de lutte non violente. Qui, plus tard, influencera grandement l’ANC de Mandela. Les auteurs rapprochent les idées de ces deux leaders et s’interrogent sur leurs héritages respectifs. Un livre pour espérer une autre politique à l’échelle mondiale.
Le célèbre suaire d’Oviedo, exposé seulement trois fois par an, attire des milliers de personnes à Turin, car il est considéré comme étant le linge qui a recouvert le visage du Christ. Depuis trente ans, de nombreuses études scientifiques ont été conduites pour tenter d’authentifier le suaire. Janine Bennett a mené une enquête fouillée pour faire toute la vérité sur ce linceul. Une aventure qui démarre au Golgotha et se termine à la cathédrale d’Oviedo en passant par l’Espagne où se concentrent les recherches. Le suaire de Turin est-il de sang divin ?
Fatima Softic a fui la Bosnie en guerre pour se réfugier en Suisse où, après un long parcours semé d’embûches, elle finira par obtenir l’asile et la nationalité suisse. Mais là-bas, son mari et plusieurs membres de sa famille ont été victimes du conflit qui déchira la Bosnie dans les années nonante. « Rendez-vous ici ou au paradis » est la dernière phrase que lui a dite son mari au téléphone avant de mourir. « Là-bas, j’ai plus de tombes que de proches à visiter », dit cette Nyonnaise d’adoption. Récit d’une Mère courage avec la complicité d’une amie suisse, Josiane Ferrari-Clément.
22 mars 2016 à 7h58 à l’aéroport de Bruxelles : un kamikaze se fait exploser à côté de lui. Walter Benjamin allait embarquer pour aller voir sa fille. Il est projeté en arrière. Il découvre qu’il a perdu une jambe suite à l’explosion. Les urgentistes parviennent à le sauver. Commence le long combat d’un homme handicapé. Mais qui ne s’apitoie pas sur son sort. Aujourd’hui, Walter Benjamin le miraculé va à la rencontre des jeunes du quartier de Molenbeek, repère des djihadistes en Belgique. Il va aussi doper le moral de tous les handicapés dans l’hôpital qui l’a soigné. Un témoignage choc.
Par Thierry Schelling Photo: Jean-Claude GadmerSe souvient-on encore de Caritas in veritate publiée par Benoît XVI en 2009 ? Première et ample réflexion théologique sur la doctrine sociale de l’Eglise, en écho à l’encyclique Deus caritasest éditée trois ans auparavant.
Le pape allemand y donne une leçon magistrale sur la charité dans le sens chrétien du terme, comme première encyclique « programmatique » de son pontificat commencé une année auparavant. Son successeur, François, a « descendu » la thématique de l’amour chrétien (charité) dans la vie de l’Eglise locale, grâce au Jubilé de la Miséricorde qui a rajeuni ce vocable alors un tantinet désuet ! Il en a poursuivi certains aboutissants pastoraux, comme dans son exhortation Amoris Laetitia…
Mais force est de constater que, soit en titre soit dans le contenu, les écrits pontificaux, dont le plus solennel reste l’encyclique, ont été plus qu’avares en matière de charité : on considère Ubi primum de Benoît XIV, publiée en 1740, comme la première encyclique… et il faudra attendre 1894 pour avoir, dans le titre, à l’occasion de l’encouragement à l’Eglise en Pologne par Léon XIII, le mot comme tel : Caritats ; de même en 1898 pour son exhortation à l’Eglise en Ecosse, avec Caritatis studium. Puis, plus rien jusqu’à Pie XII, en 1932, avec Caritate Christi Compulsi pour promouvoir la dévotion au Sacré Cœur de Jésus.
Certes, les premiers mots d’une encyclique ne sont pas vraiment un titre où se condenserait la quintessence du propos développé ensuite. Mais ils invitent tout de même à entrer dans une thématique plutôt qu’une autre : Benoît XVI l’a bien compris en articulant ses trois lettres autour des trois vertus théologales de la charité, de la foi et de l’espérance. De même François, qui décline la joie : gaudium, laetitia…
A noter enfin qu’en 1914, à l’issue de son élection papale, Benoît XV a écrit Ad beatissimi Apostolorum Principis pour crier au monde sa désolation : « Comment, étant devenu le Père commun de tous les hommes, n’aurions-nous pas eu le cœur violemment déchiré au spectacle que présente l’Europe et même le monde entier, spectacle assurément le plus affreux et le plus désolant qui se soit jamais vu de mémoire d’homme ? » Il offrit une première réflexion, bien ignorée avouons-le, sur le sens de la charité (terme qui apparaît huit fois) en ces temps troublés que furent ceux du premier conflit mondial…
Par François-Xavier Amherdt
Photo: Jean-Claude GadmerNombreux sont les « proches aidants » dans l’Evangile. Leur rôle est de soutenir la personne malade et de la conduire au Christ. C’est le contact direct avec l’être même de Jésus qui apporte le soulagement et le salut.
Ainsi en est-il des quatre hommes portant un paralytique dans la maison de Capharnaüm où Jésus annonce la Parole. L’affluence autour du Maître est telle qu’ils doivent faire preuve d’imagination et d’audace : ils prennent le risque de monter sur la terrasse et de découvrir le toit au-dessus de Jésus, afin de faire descendre devant lui le grabataire (Marc 2, 3-4). Quelle aventure !
Et c’est sur la base de leur foi à eux, pas d’abord celle du paralysé, que le Christ pardonne puis guérit le malade (2, 5) ! Puissance de la communion qui soulève à bout de bras, à plein cœur, celui qu’immobilise la souffrance ou l’épreuve ! C’est grâce à ces quatre « hommes aidants » que le fils de Marie accomplit le double miracle, celui du pardon et celui de la guérison, si bien qu’à la fin tous le glorifient en disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil. » (2, 12)
Nous sommes ainsi tous invités à faciliter la rencontre de nos proches avec le Seigneur, par notre prière, notre amitié, notre soutien ; puis par notre présence, nos initiatives, voire nos coups de folie. C’est le miracle de la solidarité dont se tisse l’Evangile, c’est la force de la sollicitude qui construit le Royaume, c’est la puissance de l’entraide qui renverse les montagnes ou enlève les tuiles.
Cette demeure de Capharnaüm se mue en petite Eglise, dont tous peuvent faire partie, y compris les scribes qui murmurent intérieurement : « Pour qui se prend-il, ce natif de Nazareth, au point de prétendre remettre les péchés ? Cela revient à Dieu seul ! » (2, 6-7) Mais comme il est vrai Dieu et vrai homme, Jésus libère et rachète : il se fait tout proche aidant de chaque être. Demandons-le-lui, pour nous et pour notre entourage.
En Suisse, une personne sur sept reçoit l’aide de proches. Sans ce soutien, des personnes malades, âgées, en situation de handicap ou en fin de vie ne pourraient pas continuer à vivre chez elles.
Par Nicole Andreetta
Photos: Jean-Claude Gadmer
Tout le monde peut aider son voisin ou un membre de sa famille.
Qui sont réellement les proches aidants ? Un proche aidant est une personne qui offre, de façon régulière et à titre non professionnel, du temps et des services pour certaines activités de la vie quotidienne à un proche atteint dans sa santé et son autonomie. Il assure, également, la sécurité, le maintien de l’identité et du lien social du proche aidé.
Il peut s’agir d’un membre de la famille, d’un voisin ou d’une voisine, d’un ami ou d’une amie.
C’est une démarche qui ne concerne pas les formes organisées de bénévolat.
Comme la personne dont il a la charge, le proche aidant traverse souvent des périodes difficiles émotionnellement, ponctuées de doutes, d’angoisse, mais aussi d’espoir. Si beaucoup évoquent des aspects gratifiants, un proche aidant sur deux finit par s’épuiser à la tâche. Particulièrement lorsqu’il exerce en parallèle une activité professionnelle.
« J’ai toujours vu mes parents s’occuper de leurs parents, cela me semblait normal. J’ai 72 ans et depuis plus de douze ans, je m’occupe de ma maman, âgée aujourd’hui de 96 ans. Je réalise que je ne peux pas exister tant que je ne suis qu’aidante. Tant que je donne, je donne. Je dois avoir aussi du temps à moi, pour recevoir, pour exister comme personne. Pourtant, dès que je ne réponds pas à une demande de ma mère, je m’en veux. »
« Ce sont les circonstances qui font que l’on devient proche aidant, on ne choisit pas. Il y a trente ans, notre fille a commencé à avoir des troubles bipolaires. Depuis, les années et les crises se succèdent. Quand elle va mal, elle a besoin de toute notre disponibilité. C’est vraiment un travail d’effacement qui demande une énorme énergie. Lorsque notre fille va bien, elle assume parfaitement sa vie familiale. On doit lui faire confiance malgré tout. Et l’on garde toujours cet espoir « insensé » de se dire que c’était peut-être la dernière crise. »
« Lorsque l’on choisit un engagement bénévole, s’il devient trop lourd, on s’accorde le droit d’y renoncer. Cela n’est pas possible lorsque l’on est proche aidant. Je suis infirmière à domicile et j’ai deux enfants avec un handicap. Ils ont 16 et 22 ans, aucune structure n’est adaptée à leur situation. Je vis continuellement le même dilemme : est-ce que je choisis mon travail ou je m’occupe davantage de mes enfants ?
Les professionnels ne se rendent pas compte à quel point les proches aidants sont fragiles. On ne peut pas les laisser se débrouiller tout seuls ! C’est une question de justice sociale et d’équité. »
N.B. : Nos témoins ont souhaité garder l’anonymat.
Soutenir son conjoint ça peut aussi épuiser.
Le soutien de l’Etat
Soutenir les proches aidants pour éviter qu’ils ne s’épuisent, tombent malade ou s’isolent est devenu une priorité politique. Une journée par année leur est dédiée.
En novembre 2017, l’Etat de Genève a ouvert une plateforme téléphonique accessible cinq jours par semaine. Cette ligne permet d’obtenir rapidement et au bon moment les informations nécessaires. C’est aussi un outil contre l’isolement car elle donne la possibilité de parler des difficultés rencontrées, d’être écouté, entendu.
Sophie Courvoisier de l’Association Alzheimer Genève, une des « oreilles » au bout du fil, confirme : « C’est important de pouvoir dire : “Je n’en peux plus !” Il faut se rappeler nos limites humaines. Demander de l’aide ne signifie pas dire que l’on est incompétent, mais au contraire permettre d’accompagner le proche aidé plus longtemps et dans de meilleures conditions. »
Chaque canton dispose d’un site internet informant sur les prestations de soutien qui peuvent être obtenues… (voir encadré).
Le Conseil fédéral a publié, en décembre 2014, un rapport intitulé « Soutien aux proches aidants ». Dans la plupart des familles, deux revenus sont nécessaires pour couvrir les besoins du ménage. Ni l’art. 36 de la Loi sur le travail, qui permet aux parents d’obtenir trois jours de congé pour garder leur enfant malade, ni l’art. 324a du Code des obligations, traitant de l’empêchement du travailleur de travailler sans faute de sa part, ne permettent de régler des situations qui peuvent durer pendant des années.
Ce rapport envisage des mesures permettant d’obtenir un congé, avec ou sans salaire, ainsi que, comme c’est déjà le cas à Fribourg, en Valais et dans le canton de Vaud, des allocations pour charge d’assistance.
Quel rôle pour l’Eglise?
Depuis une dizaine d’années, Catherine Menoud, assistante pastorale au sein d’une UP genevoise, anime un groupe de parole destiné à des proches aidants.
« Ce groupe s’est formé de manière plutôt spontanée. Un dimanche, à la sortie de la messe, une paroissienne vient me parler de son mari qui perd la mémoire. Au fil des semaines, d’autres personnes viennent partager avec moi leurs inquiétudes par rapport à leurs proches. Je me rends compte que beaucoup s’épuisent. Je leur propose de former un petit groupe où chacun pourra échanger des infos et des conseils. Et, comme ce sont des personnes qui ont la foi, partager dans la prière. »
Le groupe se rencontre cinq fois par an. Les membres sont très fidèles. « Chacun apporte ses choses lourdes à porter. Avancer ensemble nous aide à les surmonter, parce qu’entre nous, on se comprend. De même, les choses positives font du bien à tous » témoigne une participante.
Pour le professeur d’éthique Thierry Collaud, la communauté doit maintenir des liens de solidarité.
Pour Thierry Collaud, médecin et professeur d’éthique sociale chrétienne à l’Université de Fribourg, c’est bien à partir des paroisses que quelque chose peut se réaliser : « Nous vivons dans une société très fragmentée, qui, si l’on n’est pas attentif, nous poussera à oublier l’autre. L’Etat a la capacité d’éviter l’épuisement, mais l’Eglise peut offrir ce qui ne se comptabilise pas. C’est la responsabilité de la communauté de maintenir les liens de solidarité de proximité lorsque, par exemple, un couple s’isole parce que l’un des deux va mal. »
Les Pères de l’Eglise parlent souvent d’un sacrement supplémentaire, le sacrement du frère. Il prolonge le sacrement eucharistique de l’autel car il permet de reconnaître le Christ dans l’autre. Et il se vit au-delà des parvis des églises, en allant vers des périphéries pas forcément très éloignées géographiquement ou socialement.
«Marie entend avec déplaisir les bavards oiseux qui prêchent et écrivent beaucoup sur son mérite, ce par quoi ils veulent démontrer leur grande habileté personnelle, sans voir comment ils étouffent le Magnificat […]. » 1 Citation de Luther un brin provocatrice, où Marie protest… erait par cette hyperbole: «étouffer le Magnificat», soit le message évangélique sur Marie, par des paroles (dogmes) et des actes (dévotion, piété mariales) surnuméraires. Mise au point.
Par Thierry Schelling
Photos : Jean-Claude Gadmer, DR
Cathédrale de Genève: la principale église de la cité de Calvin.
Tordons le cou une fois pour toutes à un préjugé catholique : oui, les protestants aiment Marie et la considèrent comme un personnage biblique central ! Aurait-on oublié que nous confessons le même Credo où il est question de…. Marie ? « Dans la tradition réformée, Marie est une figure emblématique de l’histoire du Salut, souvent symbole d’humilité, de fragilité, de dévouement, femme du peuple, simple, sans prétention, choisie par Dieu pour porter le plus beau cadeau pour le monde, téméraire et qui ne faiblit pas, alors que d’autres se seraient écroulés face à cette nouvelle », explique Carole Perez, pasteure à Delémont.
« Pour moi, confie Laurence Reymond, pasteure en EMS dans l’Ouest lausannois, c’est comme femme, mère et croyante que Marie m’interpelle car elle nous rejoint dans les grandes étapes de notre vie et dans notre quotidien. » Et Carole Perez de renchérir : « Elle me donne de la joie, l’envie de rechercher et poursuivre ma quête de foi, de l’audace et de la persévérance. Marie devient pour moi une sœur dans la foi. » Quant à nos aînées, étant donné l’écart sociétal avec aujourd’hui, elles souffrent souvent du décalage générationnel : « Quel modèle pour accompagner des femmes qui ont traversé ces rapports compliqués mère-enfant ? », confie Laurence Reymond. Idem pour la problématique de la transmission : « Marie et Joseph ont respecté les us et coutumes de leur foi, laissant à leur fils le soin de se les approprier. Mais alors, comment accepter la prise de distance de leur famille face à la religion ? Marie est une source d’inspiration et un exemple à plus d’un titre. »
1 M. Luther, Le Magnificat, Spiritualité, Nouvelle Cité, 1997, p. 85.
Littérature mariale
Depuis l’avènement de l’ère œcuménique, on peut dire que chacune des traditions chrétiennes, ayant accentué plutôt un aspect au détriment d’autres, a réalisé qu’elle souffrait d’un manque, par exemple de « mariophilie » 2 dans la Réforme, ou de faiblesse des connaissances mariologiques dans le catholicisme 3, et s’est donc intéressée à l’opinion de l’autre, voire plus si affinité 4. Ainsi, il existe une littérature mariale remarquable produite par des protestants, qui nourrit tant l’âme que l’esprit chrétiens : on pense à Marion Muller-Colard 5, Sophie Mermod-Gilléron 6, Martin Hoegger. 7
Certes, l’échange des apports ne saurait effacer la différence fondamentale entre nos deux Eglises : « Pour nous, Marie n’entre pas dans l’univers de la divinité ; son expérience extraordinaire d’enfanter Jésus par l’action de l’Esprit Saint, réelle ou symbolique, ne la place pas dans une sphère ontologique supérieure aux autres humains », explique Gilles Bourquin, théologien et corédacteur en chef du journal romand Réformés. « Sa sainteté lui vient de sa foi et de son comportement exemplaire, mais pas de mérites surnaturels ou précédant son existence terrestre. » En résumé, « Marie est martyr indirect du supplice de son fils, qui subit en plein cœur la tragédie de l’Evangile », conclut-il.
Rien de doucereux, donc. « Pour moi, Marie est celle qui proclame le Magnificat annonçant le renversement des catégories des puissants et des petits, des riches et des pauvres », explique Elisabeth Parmentier, professeure de théologie protestante à l’Université de Genève. Le commentaire du Magnificat par Luther demeure pour cette luthérienne, un point de référence : « Luther n’enlève rien du respect dû à la mère du Christ et ne discute pas sa virginité. La transformation théologique est ailleurs : il relit la conception de “ l’humilité ” : alors qu’on y voit une vertu et que Marie est souvent exaltée comme grande vertueuse, Luther montre que le terme « humilitas » signifie la petitesse ; Dieu regarde Marie précisément parce qu’elle ne fait pas partie des gens considérés ou importants. » Et de conclure : « C’est là que se dissocie la théologie qui insiste sur la grâce de celle qui insiste sur les mérites ou les vertus ! » Comme le résume le modérateur de la Compagnie des pasteurs et diacres de Genève, Blaise Menu, « Marie est notre sœur dans la foi, figure éminente et contrastée qu’on se gardera d’éloigner de sa belle humanité, préférant les fragilités de l’incarnation aux ambiguïtés que porte une exemplarité magnifiée. » 8
2 Néologisme pour dire « affection à Marie »… 3 L’Eglise de Rome a tout un bagage des encycliques de Léon XIII (Supremi Apostolatus, 1883) à Jean-Paul II (Redemptoris Mater, 1987), sans omettre le chapitre 8 de Lumen Gentium (Concile Vatican II) – mais les dévots à Marie le connaissent-ils ? 4 On pense au Groupe des Dombes et à « Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints », 1999. 5 Cf. Marion Muller-Colard, « L’intranquillité heureuse », dans : La Croix, 18.09.2016 (vu sur le site Internet du journal le 10 novembre 2017). 6 Dans le cadre des camps bibliques œcuméniques de Vaumarcus, l’actuelle pasteure d’Yverdon a coproduit un remarquable dossier sur Marie en 2010. 7 « Les Perles du Cœur, le Rosaire autrement pour catholiques et protestants », Saint-Augustin, 2017. 8 B. Menu, Lettre aux collègues genevois du 27 octobre 2017.
Fresque du XIe ou XIIe siècle dans le narthex de l’abbatiale de Payerne, dédiée à la Vierge Marie (auteur inconnu).
Le visage de l’Eglise
Francine et Vincent Guyaz, diacre et pasteur: «L’objectif du personnage de Marie, c’est la Parole de Dieu.»
« L’objectif du personnage de Marie, c’est la Parole de Dieu, résume Francine Guyaz, diacre d’Ecublens-Saint-Sulpice. Elle incarne le visage de l’Eglise, elle est l’Eglise en ce qu’elle porte le Christ, le Saint ; elle est la Pentecôte. Et je rends grâce à Dieu pour Marie, cette mère batailleuse. » Et Vincent Guyaz, pasteur et ministre de coordination de la région Les Chamberonnes, de relater une anecdote : « A Lourdes, certes, le passage à la grotte, le toucher de la pierre sont idolâtres pour moi, détestables… mais c’est Marie qui déclenche des “choses évangéliques” : le bénévolat auprès des malades, des handicapés, des souffrants, la fraternité, la profondeur des liens qui se tissent, ce sont d’authentiques expériences de la foi ! »
Protestants et catholiques n’ont nullement besoin de chercher le plus petit dénominateur commun, mais au contraire d’écouter le regard de l’autre, son explication, son vécu. Et (au moins) de le méditer. Une attitude très… mariale, dans le fond : « Marie gardait tout cela dans son cœur ! » (Lc 2, 19)
D’une prière à l’autre
Luther faisait dire à Marie : « Je suis l’atelier dans lequel Dieu travaille, mais je n’ai rien à ajouter à l’ouvrage. C’est pourquoi personne ne doit louer ou honorer en moi la mère de Dieu, mais louer en moi Dieu en son œuvre. » A sa suite, c’est le Magnificat qui est un peu la prière mariale protestante ; au contraire, le « Je vous salue Marie », rédigé à partir de bribes évangéliques au cours de près de quinze siècles – au dire de Paul-Marie Guillaume, ancien évêque de Dié 9 –, concentre, lui, plutôt la piété catholique romaine. Prières croisées…
9 Lu sur www.revue-kephas.org/02/2/Guillaume127-133.html (2 novembre 2017).
Précisions
Une lectrice attentive nous signale deux imprécisions dans notre dossier de décembre sur la lumière. Dans le paragraphe mesure du temps, la vitesse de la lumière est de 300 000 km/s et non de 360 000. Et s’agissant de la photosynthèse par laquelle « une plante vivante transforme la lumière reçue en sucre », c’est en dégageant de l’oxygène (O2) et non du CO2. (Réd.)
Continuant sa méditation sur l’Hymne à l’amour, le pape François nous invite à une attitude de détachement. Celle de celui qui, tout en s’aimant lui-même, recherche plus encore le bien de l’autre. Difficile, mais pas impossible, précise-t-il.
Par Bertrand Georges
Photo: DRL’hymne à la charité affirme que l’amour « ne cherche pas son intérêt », ou « n’est pas égoïste »1, rappelle le Pape, en précisant que l’on retrouve cette expression dans un autre texte : « Ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. »2 De fait, poursuit-il, « les mères, chez qui se rencontre le plus grand amour, cherchent plus à aimer qu’à être aimées ». C’est pourquoi l’amour peut aller au-delà de la justice et déborder gratuitement, « sans rien attendre en retour ».3 Ce faisant, elles aiment comme le Christ nous aime. Le Pape prend soin de préciser « qu’une certaine priorité de l’amour de soi-même peut se comprendre comme une condition psychologique, en tant que celui qui est incapable de s’aimer lui-même rencontre des difficultés pour aimer les autres ». Devant une telle exigence, il s’interroge : « Ce détachement qui permet de donner gratuitement, est-il possible ? » Sa réponse, qui nécessite un véritable acte de foi, est d’une simplicité désarmante : « Il est certainement possible, puisque c’est ce que demande l’Evangile. » 4
Nous percevons combien cet amour qui invite à passer de « je te désire comme un bien pour moi » à « je désire ce qui est un bien pour toi » peut être un fondement solide pour le couple et la famille lorsqu’il est vécu dans la réciprocité. Cette manière d’aimer nous libère de l’utilitarisme, de la domination, de l’égoïsme. Une bénédiction nuptiale l’exprime fort bien : « Qu’ils trouvent leur bonheur en se donnant l’un à l’autre. » Cette façon de vivre ne signifie pas pour autant qu’il faille renoncer à ce que l’on est, puisque que, comme nous le rappelle saint François d’Assise, « c’est en se donnant que l’on se retrouve soi-même ».
Et si, dans une époque qui penche vers l’individualisme et le culte du moi, aimer de cette manière était… le monde à l’envers, le cœur à l’endroit ?
1 1 Co 13, 5 2 Ph 2, 4 3 Lc 6, 35 4 Cf. Amoris Laetita, pp. 101-102
C’est bien sûr à partir de l’Ecriture que des points de convergence entre réformés et catholiques peuvent être établis à propos de la figure de la Vierge. A part les Evangiles de l’enfance, de l’annonciation à la naissance du Christ, de la fuite en Egypte au recouvrement de Jésus au Temple, et en plus du miracle de l’eau changée en vin à Cana où Marie joue un rôle clé de « passeuse » pour que le signe advienne, c’est sans doute l’épisode au pied de la croix, dans le 4e Evangile, qui peut le mieux rassembler toutes les confessions chrétiennes.
Lorsque Jésus crucifié donne Marie et le disciple qu’il aimait comme mère et fils l’un à l’autre, « Femme, voici ton fils – Voici ta mère » (Jean 19, 25-27), c’est à l’ensemble des chrétiens, et donc des hommes, qu’il offre sa propre mère en cadeau. Dans la figure du « disciple bien-aimé », que la tradition associe à Jean l’évangéliste lui-même, c’est la totalité de celles et ceux qui se réclament du nom de Jésus-Christ qui se trouvent assumée. Mieux, c’est à tous les êtres humains que le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité pour la multitude propose comme mère celle qu’il appelle « femme », la « nouvelle Eve ».
Mère de l’humanité Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que de si nombreux musulmans éprouvent une réelle tendresse pour la maman de Jésus, présente également dans le Coran, ainsi que j’ai pu le constater lors d’une visite à la gigantesque statue de Notre-Dame du Liban près de Beyrouth : les femmes voilées y étaient aussi nombreuses que les chrétiennes. « Stabat Mater » : la mère se tenait debout, jusqu’au bout, auprès de son divin Fils. Avec Luther, Calvin et Zwingli, nous la recevons comme la mère de l’humanité. Et nous restons nous aussi devant le Crucifié, pour accueillir de lui le testament de ses paroles de vie, le cadeau de son amour infini, le sang de l’eucharistie et l’eau du baptême. C’est le visage de Marie de l’humilité, de la simplicité, de la persévérance et de la discrétion qui peut au mieux toucher le cœur des protestants, orthodoxes, anglicans, évangéliques et catholiques.
Par Oivier Roduit
Infographies : Régine BindéLa Réforme a marqué une rupture dans la dévotion mariale en Suisse romande, c’est le moins que l’on puisse dire. Cela se remarque dans le nombre d’églises dédiées à la Vierge. Les précieux travaux de Michel Benzerath parus en 1912 1 permettent d’en établir la liste pour l’ancien diocèse de Lausanne, et donc pour les cantons de Vaud et de Neuchâtel.
Au Moyen Age, de nombreuses églises de ces cantons sont dédiées à la Vierge Marie. Avec la Réforme, les paroisses catholiques sont supprimées – sauf dans le district d’Echallens – et le culte de la Vierge et des saints est aboli. Cependant, les Réformateurs vaudois n’oseront pas interdire la très populaire fête de l’Annonciation, le « Jour de la Dame », qui restera chômée jusqu’au milieu du XIXe siècle, à l’époque où le culte catholique est réintroduit.
Depuis la Réforme, plus de vingt paroisses ont dédié leur église à la Vierge, marquées par la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception en 1854, puis de l’Assomption en 1950 : cinq paroisses sont dédiées à l’Immaculée et sept à l’Assomption. A remarquer que, curieusement, il y a actuellement dans le canton de Neuchâtel plus d’églises mariales qu’avant la Réforme.
1 Michel Benzerath, «Statistique des saints patrons des églises du diocèse de Lausanne au Moyen Age», dans Revue d’Histoire Ecclésiastique Suisse, 1912, pp. 81-115, 186-228.[thb_image lightbox= »true » image= »2378″][thb_image lightbox= »true » image= »2435″][thb_image lightbox= »true » image= »2436″]
En vue du Synode des jeunes qui se tiendra en octobre prochain, le Pape invite nos jeunes à poser les questions qui les habitent.
Par Vincent Lafargue Photos : LDD, DRQuentin Hostettler, 21 ans en ce mois de janvier, habite le canton de Fribourg et se surnomme « Captain Nounours » sur sa page Facebook. Voici la question que ce JMJ’iste convaincu adresse à la hiérarchie de notre Eglise.
«Souvent j’illustre ma foi en donnant deux mots clés, PARTAGER et ÉCOUTER, on me reprend car ce n’est pas de la foi. La foi, c’est entendre le message de Dieu dans la Bible. Est-ce vrai? Dois-je appliquer la Bible à la lettre comme on me le fait comprendre?»
L’évêque des jeunes, Mgr Alain de Raemy répond ainsi:
Cher Quentin,
Partager et écouter, chacun peut le faire. Il n’est pas nécessaire d’avoir la foi. Mais avec la foi, tu ne partages pas que toi, car alors tu renvoies, excuse-moi, à bien mieux que toi ! Tu ne limites plus personne à ta personne, mais tu ouvres à chacun l’infini d’un Amour divin.
On te dit d’entendre le message de Dieu dans la Bible ? Oui, mais c’est au fond la Bible qui a « entendu et enregistré » le message de Dieu chez les hommes. Car la Bible est la version écrite des prises de conscience d’un peuple à travers une bien longue histoire. Et dans ses derniers livres, elle est la version écrite de l’expérience décisive vécue avec Jésus. Dieu a tout confié (et non pas écrit) à ses apôtres et à leurs successeurs, ce qui ne veut pas dire qu’on ait déjà tout compris…
Tu te demandais, si tu devais appliquer la Bible à la lettre ? Lui être fidèle, ce n’est pas obéir à des mots mais vivre l’expérience qu’elle décrit de mille façons, pour y trouver ta façon, en communion avec tous ceux et celles qui ont voulu et veulent la vivre sans façons…
Si tu vis la foi, tu vis et répands ce qu’est la Bible, et avec tes amis en Eglise, tu te bats pour n’exclure plus personne de ton amour. Car Dieu est Amour.
Par Dominique-Anne PuenzieuxVous intéresser, vous interpeller, vous informer, telle est notre mission. C’est pourquoi nous cherchons toujours à nous améliorer à travers de nouvelles rubriques et de nouveaux vecteurs de communication.
Comme le rappelle régulièrement le pape François, nos paroisses, animées d’un esprit missionnaire, sont des lieux de communication de la foi et de témoignage de la charité. Le message chrétien a parfois de la peine à être entendu. Il est donc nécessaire de revoir notre langage.
Il nous faut nous concentrer sur l’essentiel, afin de communiquer la joie de l’Evangile. A travers la presse écrite, le web et les réseaux sociaux.
Ainsi, en ce début d’année, nous vous proposons de nouvelles rubriques, dont une dédiée spécialement aux jeunes, en vue du Synode lancé par le Pape.
Nous mettons aussi en place notre offre numérique de proximité, en proposant des blogs, des pages Facebook et des comptes Instagram avec certaines équipes de rédaction régionales. Afin de faire rayonner les diverses éditions de « L’Essentiel, Votre magazine paroissial ».
Par Pascal Bovet
Photo : Jean-Claude GadmerL’histoire de Bulle, malgré les deux incendies qui ont endommagé la ville, a conservé avec soin la chapelle de Notre-Dame de Compassion, primitivement liée à l’hôpital, ce qui peut expliquer son nom. Son état actuel est tributaire de nombreuses transformations. Cependant, le maître-autel mérite l’attention et nous donne une image de la piété qu’on y pratiquait : une dévotion très marquée à Marie, entourée de nombreux saints et bienfaiteurs.
On voulait de belles choses pour Dieu – et pour la Vierge Marie. On a confié ce maître-autel à un artiste local et de valeur, Pierre Tardieu, qui termine l’œuvre de style baroque avec son équipe en 1696 et crée une série de statues entourant la Vierge Marie. Un siècle plus tard, au temps de la Révolution française, un autre artiste modifie partiellement l’ensemble. Le XXe siècle est représenté par des vitraux de Yoki.
Durant ces siècles, le service de la chapelle est confié aux capucins, charge qu’ils abandonnent en 2004, faute de disponibilité en personnel.
Les lieux se répartissaient en plusieurs propriétaires : la nef, le chœur, la sacristie, les logements à la bourgeoisie, à l’Etat et même au Vatican. Les choses ont été maintenant arrangées.
Après les dévotions parfois prolongées à Notre-Dame de Compassion, les pèlerins devaient se nourrir : pintes et commerces fleurirent sur la place du marché.
Le maître-autel de la chapelle de Notre-Dame de Compassion à Bulle.
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