Apparitions et miracles

Apparitions et miracles

Reconnus par l’Eglise ou non, les sites liés aux apparitions attirent les pèlerins et occupent une place importante dans la piété populaire. Décryptage de ce phénomène à travers les yeux du chanoine Paul Mettan, qui en est un habitué.

Par Nicolas Maury
Photos: Jean-Claude Gadmer, Marcel Maury, Nicolas Maury, Nicolette Bruchez, DR
Chanoine régulier de l’Abbaye de Saint-Maurice d’Agaune, Paul Mettan est aussi accompagnateur et aumônier lors de pèlerinages. Il n’est pas rare de le croiser aussi bien à San Giovanni Rotondo qu’à Medjugorje, qui attirent chaque année plus de 5 millions de fidèles. S’il a rencontré le Padre Pio il y a 64 ans et va sur ses terres depuis 19 ans, il est allé « au moins 12 fois » à Medjugorge, où apparaîtrait la Vierge, et où, sans affirmer le caractère surnaturel du lieu, l’Eglise catholique autorise depuis peu l’organisation de pèlerinages diocésains et paroissiaux.

Le site de Medjugorje voit défiler des millions de fidèles.

Paul Mettan, l’impression que les gens ne vont plus forcément à la messe mais se rendent plus volontiers sur les sites d’apparition est-elle vraie ou fausse ?
Les gens que j’accompagne sont des pratiquants qui, à 80%, participent à la messe du dimanche en paroisse. Mais c’est ma petite expérience personnelle. A Lourdes, c’est peut-être un peu différent. Ce que j’entends surtout, ce sont les éloges faits sur les messes qui y sont célébrées, sous-entendant qu’« on ne vit pas ça dans notre village… ».

Quelle est la motivation à se rendre sur des lieux liés à des apparitions ou à des miracles ?
L’homme et la femme sont ainsi faits qu’ils se déplacent si quelque chose les attire. 

Pourquoi se déplace-t-on ? Pour voir quelque chose sortant du quotidien : un spectacle, un exploit sportif, un match de foot particulier…

Dans le sujet qui nous intéresse, je dirai qu’il y a une aspiration humaine naturelle à connaître Dieu, à dépasser le quotidien et à tendre vers le bonheur. 

Le Padre Pio n’est plus là, mais sa présence est perceptible à San Giovanni Rotondo.

Ne peut-on pas le faire à la messe le dimanche ?
Les gens que j’accompagne ont déjà fait une démarche, ils sont sortis de leur train-train. Et ils sont accompagnés par certains qui désirent connaître autre chose. Certains cherchent un but à leur vie, d’autres veulent être consolés ou requinqués. Alors bien sûr, on peut prier chez soi, dans sa chambre, dans son église. Mais on est vite distrait et on ne le fait plus guère. L’extraordinaire est attractif. Le Padre Pio n’est plus là et la Vierge ne nous apparaît pas à nous. Mais leur présence est perceptible et nous prions. C’est une question de foi.

Mes pèlerins me disent que la prière est au centre du pèlerinage. Je l’ai vécu à Lourdes où j’ai été comme « touriste ». Et puis il y a la réconciliation: à Medjugorje, il y a 40 confessionnaux. Il y a quelques années, il n’y en avait que 20… 

Est-il plus facile de se confesser loin de chez soi ?
La confession est l’un des buts du pèlerinage. Se réconcilier avec Dieu, le monde, les gens. Se réconcilier est une façon d’instaurer la paix dans le monde.
Certains se confessent parce qu’ils ne trouvent pas de confesseurs chez eux… Et n’oublions pas que l’aveu de ses fautes est une démarche qui n’est pas facile pour tous. Le Padre Pio demandait qu’on se confesse toutes les semaines. Et il en avait, des fidèles! 

La piété est-elle différente à Medjugorje, à San Giovanni Rotondo ou ici ?
Les gens sont plus à l’aise pour y montrer leur dévotion. Tous sont pris dans un mouvement de foule. Parfois, ici, on n’ose pas montrer qu’on croit. Une des raisons d’aller là-bas est que notre foi peut s’exprimer sans crainte, sans pudeur. On ne se gêne pas. Combien, ici, croient mais ne sont pas expansifs ? Depuis le temps que je célèbre, je vois ici qu’on reste au fond de l’église. Dans un pèlerinage, on se presse pour être devant…

Est-ce important pour vous que le site soit reconnu ?
Sur 200 apparitions de la sainte Vierge, dans le monde, une quinzaine sont reconnues au même titre que Lourdes ou Fatima. Certes, certains pinaillent par rapport à cette terminologie. Le pape François n’a pas reconnu Medjugorje comme Lourdes, mais il dit pourtant que les évêques peuvent y aller en paix avec leurs ouailles. Que voulez-vous de plus ? Une plaque comme à Notre-Dame de Laus près de Gap ? Il y a 400 ans, ce site d’apparitions était un but de pèlerinage où se rendaient des foules, évêques en tête, sans être reconnu. Il y a un peu moins de 20 ans s’est déroulée une grande cérémonie avec un cardinal ou deux, des archevêques, et une plaque a été gravée dans le marbre disant que c’était reconnu. Ça a changé quoi ? Rien du tout. En fait, c’était déjà reconnu par la pratique diocésaine.

Ce qu’on remarque, c’est que la Vierge apparaît dans des endroits inconnus et à des enfants, qui sont encore ouverts à l’extraordinaire et ne viennent pas avec leurs raisonnements sceptiques d’adultes.

Pourquoi y vont-ils ? Des habitués des pèlerinages témoignent

Quelles sont les motivations des Romands qui se rendent régulièrement sur les sites d’apparition ? Quand on lui pose la question, Luc Maillard – sexagénaire habitant Bulle qui a participé à quinze pèlerinages à Lourdes et quatre à Medjugorje – répond : « Je vais confier ma vie et celle de mes proches à la Vierge, lui demander d’intercéder auprès de son Fils afin que tout se passe bien pour nous et bien sûr lui dire merci pour toutes les grâces que l’on reçoit. » 

Axelle Duay s’est quant à elle rendue à Fatima, à Lourdes, à Medjugorje et en Italie, « à Rome, dans la ville natale du Padre Pio et aussi dans le village où repose saint Rita, la sainte préférée de maman ». Son but ? « Je cherche à renforcer ma foi et entrer en communication avec la très sainte Vierge. Dieu est constamment en notre présence, mais je trouve cela plus mystérieux de trouver ce que je recherche dans des endroits eux aussi mystérieux, comme Lourdes. Voir tous les miracles qui sont inscrits sur les murs, c’est impressionnant ! » Fervent pratiquant, lecteur et auxiliaire de communion à la paroisse de Bulle, Luc Maillard ajoute : « Le temps est trop court le dimanche. En pèlerinage, on en a plus pour oublier toutes les vicissitudes de ce bas monde. Je suis plus détendu et plus recueilli pour prier la sainte Vierge et suivre les célébrations. » 

Habituée de Medjugorje, la Valaisanne Nicolette Bruchez résume le sentiment général : « Un pèlerinage permet de partager une semaine de prière dans la paix. C’est une autre ambiance, une autre ferveur, que je ne peux pas expliquer. Il faut la vivre. »

Ces propos, l’organisatrice pour le diocèse de Sion du pèlerinage de printemps à Lourdes, Véronique Denis, les reprend presque mot pour mot :  « On dit souvent que Lourdes ne s’explique pas, cela se vit. On y est tous pèlerins, frères, sœurs, quelles que soient nos origines, situations personnelles ou professionnelles. Nous sommes tous égaux, en prière à la Grotte de Massabielle ou lors des célébrations vécues dans la joie, la ferveur et la simplicité. Nous expérimentons l’Eglise, le Peuple de Dieu en marche vers le Royaume. Nous sommes tous concernés, la grâce de Lourdes comble à profusion les cœurs de ceux et celles qui viennent et reviennent chaque année. »