Des animaux et des hommes

Des animaux et des hommes

Dans l’Ecriture sainte, on rencontre beaucoup d’animaux. Ils ont un rôle mais aussi une valeur symbolique; ils touchent l’être tout entier. Sans nier la réalité, ils lui ajoutent une nouvelle dimension en établissant des liens avec le Créateur.

Par Calixte Dubosson
Photos : Jean-Claude Gadmer, cath.ch/Jacques Berset, pxhere, ciricRécemment, lors d’une séance de catéchèse avec des enfants de 8 ans, je leur ai proposé de dire le prénom de leur papa, de leur maman et de leurs éventuels frères et sœurs. L’un d’entre eux a pris la parole : « Mon papa s’appelle Nicolas, ma maman Laetitia, mon frère Kevin et Tessy. » « Tessy, c’est le nom de ta sœur ? » « Non, c’est le nom de notre chienne ! » Une anecdote qui pourrait se multiplier à l’infini tant il est désormais acquis pour les enfants qu’un animal qui a une si forte présence dans le quotidien fait partie de la famille.

Le chien, le chat et Dieu

Présence, le mot est lâché. Et puisque notre article aborde le sujet des animaux comme créations de Dieu, il est bon de s’arrêter à ce qu’un animal symbolise : non seulement la présence continue de Dieu à sa création mais aussi une image de ce que Dieu est en lui-même. Par exemple, un chien pourrait traduire par son comportement la fidélité et la joie. Tous ceux qui en possèdent un, même si cela demande beaucoup plus d’entretien qu’un autre animal, sont unanimes pour exprimer la joie que leur procurent les marques de tendresse et d’affection dont il est capable et cela sans les baisses d’humeur que nous connaissons tous.

Autre exemple, celui du chat qui est au contraire plus difficile à cerner et qui penche plutôt vers une indépendance et une liberté souveraine. Le chat peut nous révéler que Dieu n’est pas quelqu’un qui est là pour faire nos quatre volontés mais qu’il est une personne à part entière qui, malgré un apprivoisement réciproque garde toute sa liberté et son indépendance. Pour illustrer ce propos voici ce qu’en dit un confrère prêtre qui nous rappelle que notre Dieu est trinité : « Quand je médite le mystère de la Trinité, je suis traversé par une sensation plutôt curieuse qui fait que je crois un instant avoir tout compris et dans les secondes qui suivent, à cause d’un détail qui vient tout remettre en question, j’ai l’impression de ne plus rien comprendre. Cela me fait penser à ce chat que j’ai tenté l’autre jour d’approcher en le regardant bien dans les yeux, en lui disant des paroles rassurantes et qui, au moment où je décidai de le prendre dans mes bras, s’est enfui à la vitesse de l’éclair. » En caricaturant on peut conclure qu’en parlant de son propriétaire, le chien dit : « Mon maître ! » alors que le chat, dans sa superbe, déclare : « Mon esclave ! »

Les animaux dans la Bible

Pour revenir aux enfants du catéchisme, une de leurs questions revient assez souvent : « Y aura-t-il  une résurrection pour l’animal que j’aime ? Y aura-t-il des animaux au paradis ? »

Pour y répondre, un détour par la Bible s’impose tout naturellement. Comme on peut s’y attendre, les animaux sont très présents dans les textes sacrés. J’en retiendrai deux passages. Le premier est l’ancêtre des fables de La Fontaine puisqu’il fait parler l’ânesse de Balaam. Lors d’un voyage que Dieu jugeait inutile, Balaam et son ânesse arrivèrent vers un lieu escarpé, et soudain la bourrique vit l’ange du Seigneur posté sur le chemin, son épée dégainée à la main. Le baudet se serra contre le mur et coinça le pied du cavalier. Alors Balaam se mit à frapper l’ânesse qui se mit à parler : « Que t’ai-je fait pour que tu me frappes par trois fois ? » (Nb 22, 28) L’ange du Seigneur donna raison à l’ânesse et dit à Balaam qu’elle lui avait sauvé la vie. On le voit, les animaux domestiques sont une aide essentielle pour l’homme et souvent, ils sont plus « sages » que l’homme. Le prophète Isaïe (1, 3) ne dit-il pas que « le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître. Israël ne le connaît pas, mon peuple ne comprend pas » ?

Y aura-t-il des animaux au paradis ? Il y en a parfois à la messe…

Les bêtes associées au salut

Le deuxième texte est un extrait du psaume 35 au verset 7 : « Tu sauves, Seigneur, l’homme et les bêtes. » Il est rare que la Bible associe le salut de l’homme avec celui des animaux. Le Père Robert Culat émet une hypothèse intéressante que je vous livre : « Le mode alimentaire donné à l’homme et à la femme dans la Genèse est un signe de la paix et de l’harmonie qui règnent entre toutes les créatures. Dans le paradis terrestre, avant le péché, aucun être n’exerce de violence sur un autre et ne le tue pour s’en nourrir. Ce n’est qu’après l’irruption du péché, dont les conséquences sont clairement montrées au chapitre 3 de la Genèse, que la situation se dégrade : rupture des relations harmonieuses entre l’homme et Dieu, entre l’homme et la femme, entre l’homme et les autres créatures… Et ce n’est qu’après le déluge que Dieu permettra à Noé de tuer les animaux pour s’en nourrir. » 1

Pour le Père Culat, l’état paradisiaque détruit par le péché de l’homme sera un jour définitivement restauré. Lorsque tout sera accompli, l’homme pécheur disparaîtra pour laisser la place à l’homme nouveau recréé par et dans le Christ. C’est aussi en Isaïe (11, 6-8) que l’on trouve cette annonce du Royaume à venir : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main. » Oui, Dieu sauve l’homme et les bêtes et il est certain que celui qui a créé une telle diversité dans la flore et la faune sur la terre, donnant aux animaux une personnalité qui les distingue des autres créatures, saura bien nous préparer un ciel où l’animal et les hommes ne se comporteront plus en prédateurs mais comme des êtres, vivant désormais en parfaite harmonie. D’ailleurs sous Noé, Dieu établit une alliance avec eux. S’il décide de sauver les espèces animales du déluge, est-ce pour les supprimer à tout jamais dans l’éternité ? On peut donc avancer sans trop de témérité qu’il y aura des animaux au paradis de Dieu. 

1 Robert Culat, « Tu sauves, Seigneur, l’homme et les bêtes ». Pour une théologie de la  non-violence.

Dieu a donné aux animaux une personnalité qui les distingue des autres créatures.

La résurrection des animaux

Quant à dire si la chienne Tessy va ressusciter, le réformateur anglican John Wesley au XVIIIe siècle pensait que la création avait une dignité en soi et qu’au ciel les animaux seraient dotés non seulement d’une intelligence améliorée mais aussi de liberté. Dans un livre dont je vous conseille la lecture, le Père dominicain Franck Dubois affirme : « Peu importe de savoir quel animal sera présent au Ciel et sous quelle forme. On peut retenir toutefois que seul l’homme, à proprement parler, ressuscitera, dans et par le Christ. D’une manière ou d’une autre, le reste des vivants et la création tout entière seront associés à cette résurrection. Ce qui compte, c’est de comprendre que la solidarité entre l’homme et le reste de la création ne s’interrompt pas avec la mort et la venue du monde à venir. Or, cela implique des conséquences précises pour l’homme d’aujourd’hui dans son rapport avec la nature. Il ne peut l’abandonner. Il doit bien plutôt l’embarquer avec lui dans sa course vers les Cieux. » 2 Voilà qui devrait rassurer le petit frère de Kevin.

2 Frank Dubois, Pourquoi les vaches ressuscitent (probablement), Le Cerf, 2019.

La solidarité entre l’homme et le reste de la création ne s’interrompt pas avec la mort.