La Foi peut-elle être minimaliste ?

La Foi peut-elle être minimaliste ?

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Sacré-Cœur, Ouchy-Lausanne (VD), septembre 2021

En opposition avec une société de consommation où davantage de possessions matérielles conduisent à l’épanouissement et au bonheur, le Minimalisme fait le constat de la limite de ce système en mettant en avant une sobriété heureuse qui incite à consommer moins pour vivre mieux.

PAR PIERRE GUILLEMIN | PHOTOS : DR, PIERRE GUILLEMIN

Le Minimalisme veut nous aider à nous concentrer sur les choses vraiment importantes dans notre vie, d’avoir la liberté de faire des choses qui nous semblent vraiment importantes pour notre épanouissement. Nous pouvons ainsi libérer du temps et de l’énergie que nous passions jusqu’à présent à penser aux choses dont nous n’avions pas vraiment besoin. De cette manière, nous pouvons nous concentrer sur notre liberté, nos relations avec les autres c’est-à-dire des choses qui comptent !

Comme l’écrit Pierre Rabhi (essayiste, romancier, agriculteur contemporain minimaliste) : « Il nous faudra bien ré­-pondre à notre véritable vocation qui n’est pas de produire et de consommer jusqu’à la fin de nos vies mais d’aimer, d’admirer et de prendre soin de la vie sous toutes ses formes. »

Cette démarche minimaliste n’est pas
sans rappeler des exemples fameux de l’histoire de l’Eglise comme saint Martin de Tours (316-397), saint François d’Assise (1181-1226), les ermites, la vie monastique… Ces exemples sont en fait innombrables et démontrent que la conscience minimaliste est très présente dans l’Eglise, et ce, depuis les premiers chrétiens. Rappelons saint François d’Assise « c’est en s’oubliant que l’on se retrouve » c’est-à-dire que gratitude, prière, satisfaction du nécessaire contribuent pleinement à l’épanouissement de l’Amour de Dieu.

Mais le Minimalisme peut aussi amener à une vision réductrice de l’humanité. En effet, si la quête de sens et de bonheur se traduit par la volonté de se développer en tant que personne, elle peut aussi amener à une remise en question existentielle, en particulier celle de Dieu. « Je pense donc je suis – cogito ergo sum » (René Descartes 1596-1650) peut aussi être interprété comme le fait que la seule certitude que l’on peut avoir du monde, c’est l’existence de sa personne par le moyen de sa pensée. Alors le Minimalisme, en suivant cette voie, nous conduit à ne plus concevoir qu’un dialogue avec nous-mêmes ce qui est le contraire de cet Amour que Dieu nous invite à partager, à transmettre, à donner pour mieux recevoir car Les Ecritures nous enseignent ce rapport omniprésent entre l’Homme et Dieu qui est un perpétuel enrichissement.

Le Minimalisme serait-il une tentative de combler un vide ? Blaise Pascal (1623-1662) nous dit : « Il y a un vide en forme de Dieu dans le cœur de chaque homme qui ne peut être rempli par aucune chose qui ait été créée mais seulement par Dieu, le Créateur, qui s’est fait connaître aux hommes par Jésus. »

Mais si le Minimalisme est une tentative pour combler ce vide dont nous parle Blaise Pascal, il ne peut être la réponse car comme nous l’écrit Joseph Gotte (écrivain contemporain) : « Pour connaître un bonheur véritable, il faut apprendre à connaître Celui qui nous donne le souffle de la vie » car comme le rappelle le Concile de Vatican II : « L’Evangile est la source de toute vérité salutaire et de toute règle morale. » (Dei Verbum 7)

Le Minimalisme n’est pas une autre forme de la Foi du charbonnier. La Foi du charbonnier, c’est la Foi de l’homme qui croît tout simplement. En ce sens sa foi est minimale dans l’attitude mais elle reste riche et complexe car elle accepte l’ensemble de la Parole de Dieu sans aucun filtre.

Nous sommes invités au travers des Ecritures à une foi vraie qui est une véritable démarche de liberté et pas justement une solution minimaliste. Ce que Jésus-Christ nous laisse et nous enseigne, c’est la perpétuelle nouveauté d’une Bonne Nouvelle illustrée par des paraboles à déchiffrer inépuisablement : c’est ce qui constitue la richesse et la complexité de la Foi qui ne peut être minimaliste car pour comprendre cette Bonne Nouvelle, il faut y travailler, y réfléchir et agir dans une démarche véritable de compréhension de la Parole.

C’est aussi l’un des messages d’une parabole comme « Lève-toi et marche ». Certes, il s’agit bien d’une histoire relatée par saint Marc par laquelle Jésus montre l’étendue de l’Amour de Dieu en guérissant le paralytique. Mais c’est aussi et peut-être d’abord l’illustration que ce n’est pas la seule attitude qui fait la Foi mais nos actes, nos actions guidées par l’Amour de l’autre qui nous amènent à approcher la Lumière et renforcer notre Foi.

En conclusion, ne confondons pas forme et fond. La Foi est riche, complexe et ne se résume pas à quelques prières ou doctrines choisies au gré de ses envies. La Foi n’est pas Minimaliste et ne peut l’être, heureusement ! En revanche, l’attitude du Croyant, du Disciple, s’accommode parfaitement d’une expression minimaliste du mode de vie : cette attitude minimaliste est la forme de la démarche du Croyant, du Disciple qui est un moyen (pas unique !) de s’épanouir dans la Foi en embrassant toute sa richesse et sa complexité.