Le confinement, une expérience personnelle inédite

Le confinement, une expérience personnelle inédite
Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP des Boucles du Rhône (GE), juin 2020

Par Augustin Onekutu | Photo: Jade

J’écris cet édito en avril (du fin fond de mon confinement) pour qu’il soit publié en juin. Alors je ne pourrais être influencé que par les événements du moment présent ; le Coronavirus paralyse le monde entier en imposant le confinement.

Depuis ma naissance je n’ai jamais connu une telle situation où une ville ou tout un pays est prié de rester chez soi. Alors, pour moi, c’est vraiment bizarre, cette expérience ! En l’espace de quelques semaines c’est le « shutdown » dans le monde entier. Le mot d’ordre est devenu « restez chez vous ! ». La maison où on passe normalement peu de temps dans la journée est devenue véritablement le lieu d’habitation. La famille est devenue un vrai foyer où on vit ensemble. Nos belles églises étant fermées, nos maisons et appartements sont devenus les églises. Nos belles liturgies dominicales, celles de Pâques y compris, normalement vécues en communauté, sont toutes interdites. Des prêtres célèbrent non plus face au peuple mais face à la caméra et aux bancs vides. Les musées sont fermés. Tous les grands magasins sans lesquels nous croyions qu’on ne pourrait pas vivre sont tous fermés, hormis ceux d’alimentation et des produits de stricte nécessité.

Proverbe africain
Au départ, tout me paraissait vraiment biscornu et invraisemblable à tel point que je ne prenais pas trop au sérieux cette histoire de Coronavirus, surtout qu’on croit toujours que cela ne peut arriver qu’aux autres. Mais le jour où j’ai appris qu’un proche paroissien et un prêtre que je connais l’avaient attrapé, là, je me suis dit que ce n’était plus de la blague. Il y a un proverbe africain qui dit que « quand tu vois la barbe de ton voisin prendre feu, il faut que tu commences à arroser la tienne ». Je me suis donc vraiment confiné car le Covid-19 est un virus qui n’épargne personne. Des personnes âgées ont été contaminé tout comme des jeunes, même des enfants, des princes comme des roturiers, puissants comme faibles, riches comme pauvres, croyants comme athées, on est tous vulnérables.

Le Coronavirus ne connaît pas de frontière. Il passe par tous les continents. Il ravage en ce moment même l’Afrique et les pays du tiers monde démunis. Les gouvernements africains sont désemparés ainsi que les populations. On demande aux habitants  qui n’ont ni l’eau potable, ni de l’électricité ni de la nourriture de rester chez eux. Comment est-ce possible ? Les gens ont plus peur de virus de la faim que du Coronavirus, d’où le slogan en Haussa « Ba Korona ! » (pas de Corona), un slogan que chantaient des émeutiers affamés au Nigeria. Pour eux, le Corona n’existe pas. Le virus dont ils sont plus victimes s’appelle « Esuriovirus » (virus de la faim). C’est la faim qui est leur problème immédiat. Ils veulent manger d’abord pour vivre avant de « philosopher » au sujet du Corona. Ils s’inscrivent dans cette philosophie de « primum vivere deinde
philosophare » (Vivre avant de philosopher).

En Occident on est dans des pays riches, nous avons au moins de quoi tenir pendant le confinement. Nous avons de quoi nous nourrir. Mais, comment nourrir sa foi pendant ce temps de confinement ? Comment garder allumée une lueur d’espérance ?

Pour moi, ça n’a pas été facile au début. Il a fallu tâtonner quelque temps avant de réaliser que c’était la Bible qui m’aiderait à surmonter le confinement. Dans mon tâtonnement, un beau jour, j’ai ouvert la Bible au hasard et je suis tombé sur Isaïe 20 : 26 qui dit :
« Va, mon peuple, entre dans ta chambre, Et ferme la porte derrière toi ; Cache-toi pour quelques instants, Jusqu’à ce que la colère soit passée. »

Jouer le jeu
Je me suis dit que cette parole était pour moi. Si le confinement est une véritable façon de mettre fin à cette épidémie, jouons le jeu malgré le fait que ce soit difficile. Malgré tout, le confinement, si difficile soit-il, n’a rien de comparable avec les difficultés des victimes et de ceux qui sont sur le front de ce combat contre le virus. Ils sont très nombreux à risquer leur vie pour que nous puissions vivre. Il y a le corps médical, bien sûr, mais il y aussi beaucoup de personnes d’autres professions et des bénévoles qui risquent leur vie pour nous. La meilleure façon de leur être reconnaissants c’est de faire en sorte que cette chaîne de transmission du virus soit coupée. On a beau mettre 10 millions de bougies sur les fenêtres pour les applaudir, ils préféreront qu’il n’y ait plus cette épidémie. C’est en ayant conscience de toutes ces réalités que j’ai commencé à vivre le confinement non plus comme une épreuve déprimante mais comme un passage qui ouvre sur la vie. J’ai donc commencé à le vivre avec plein espoir, car le désespoir est le signe le plus évident d’un arrêt spirituel… lorsque vous êtes au point où vous ne croyez plus que le changement est possible pour vous ou ceux qui vous entourent, vous développez une mentalité défaitiste qui est contagieuse. 

Leçon à tirer
Moi, je crois que l’arc-en-ciel réapparaîtra après cette pluie. On s’embrassera de nouveau, on se retrouvera sur la place de nouveau pour chanter et danser, mais nous n’oublierons pas qu’il y aura beaucoup de leçons à tirer de cette expérience, ne serait-ce que celle de la vanité de ce monde. Vanité des vanités tout est vanité (cf Ecclésiaste 12 : 8). La vie ne tient qu’à un fil, alors pendant qu’on est en vie, n’hésitons pas à partager avec les autres car ce qui restera de nous, ce n’est pas ce que nous avons gagné ou amassé mais ce que nous avons donné, ce que nous avons partagé.