Pour moi, Dieu est-il père, mère ou ni l’un ni l’autre ?

Pour moi, Dieu est-il père, mère ou ni l’un ni l’autre ?

 

PAR CHARLES-PASCAL GHIRINGHELLI | PHOTO : LDD

La place des femmes et des hommes fait débat aujourd’hui dans de nombreux domaines, qu’ils soient domestique, professionnel, politique, culturel et forcément ecclésial. Faut-il donc «démasculiniser» un Dieu patriarcal et dominateur, question posée en ce début d’année par plusieurs organes de presse?

Relevons au passage qu’au sein de l’Eglise nous vouvoyons la Vierge Marie (« Je VOUS salue Marie… » et que nous tutoyons Dieu (« Notre père, qui ES aux cieux, que TON nom soit sanctifié… », ceci depuis Vatican II pour la seconde pratique 1. Voilà notamment l’un des signes de profond respect des femmes par l’Eglise.

Mais revenons au débat « femme – homme ». C’est, à mon avis et avant tout, une question posée au sein de notre monde occidental. Beaucoup d’intellectuels, lorsqu’il s’agit d’une préoccupation sur un mode de vie essentiellement en cours sur le quart Nord-Ouest de notre mappemonde, en font souvent un problème censé concerner la planète entière. Est-ce une nouvelle forme d’ethnocentrisme, voire de racisme ? Faut-il déboulonner, bille en tête, la première statue venue, car elle n’est plus en ligne avec nos opinions du moment ?

Il est, en effet, inquiétant de juger les faits historiques à l’aune de la morale, des valeurs peut-être, à la mode. Surtout de vouloir l’imposer à la terre entière. Le faire, n’est-ce pas devenir ainsi de nouveaux iconoclastes 2 qui n’auraient rien à envier aux talibans qui détruisirent les gigantesques Bouddha de Bâmiyân 3. Doit-on maintenant reprocher à Michel-Ange d’avoir reproduit sur les voûtes de la Chapelle Sixtine un Dieu blanc, âgé et barbu ?

Il n’en demeure pas moins que, chez nous, la question est compréhensible et qu’il s’agit certainement de donner aujourd’hui et à chacun, femmes et hommes, les places, rôles, missions, fonctions, professions les plus adéquats et respectueux des uns et des autres et en adéquation avec leurs aspirations naturelles réciproques. Et c’est heureux de voir des sages-hommes dans les maternités, des sapeuses-pompières dans nos casernes, etc. !

De manière plus concrète, Dieu, qui transcende toute détermination limitative, voit-il ombrage qu’une femme ou un homme le considère comme féminin, masculin, ou indéterminé ? Ne pouvons-nous pas penser qu’un Dieu d’Amour n’y voit aucun problème et accepte toute « orientation » de nos prières, aussi maladroites soient-elles ?

Plus fondamentalement, pour nous chrétiens, la Bible est la Parole de Dieu. C’est Lui qui a inspiré ses rédacteurs, prophètes, évangélistes. Ces derniers ont-ils subit un esprit « patriarcal », influencé par leur environnement ? Assurément non, puisque les religions pratiquées, hormis le judaïsme, en Terre Sainte à ces époques, par les Gréco-romains, les Cananéens, etc. étaient polythéistes avec autant de dieux que de déesses !

Dieu s’est-il soudain levé du mauvais pied pour inspirer ces textes en se présentant au travers de pronoms masculins, et encore plus en s’incarnant en Jésus-Christ qui n’était point femme ? Certains auteurs expliquent cela par le fait que Dieu crée « en dehors » de lui comme engendre un homme et non pas « en dedans » de lui comme engendre une femme. Ainsi le théologien réformé Paul Wells précise : La distinction « père » et « mère » à propos de Dieu dans le langage est celle qui existe entre le théisme biblique et le panthéisme. Dans le théisme biblique, le Dieu est transcendant, Créateur, instaure une séparation entre lui-même et le monde ; dans le panthéisme, le monde existe en dieu et dieu existe dans le monde et de conclure appeler Dieu « ma Mère » est une hérésie qui conduit au panthéisme païen 4.

Aussi, n’en déplaise aux zélotes d’un féminisme outrancier, je préfère que nous laissions la liberté aux chrétiens de voir en Dieu qu’ils prient un être masculin, féminin ou indifférencié en toute sincérité, humilité, voire maladresse !

1 Adopté pour cette prière liturgique (l’Ave Maria est une prière
de dévotion) par l’Eglise en janvier 1966, dans le sillage du concile Vatican II, tenu entre 1962 et 1965.

2 Du grec « eikonoklastês » : briseur d’icône, d’image. Qualifie une personne qui est contre les traditions et les habitudes du passé.

3 Haut-relief excavé dans une falaise située en Afghanistan,
(patrimoine mondial de l’UNESCO) détruit en mars 2001

4 Paul Wells, « Dieu : masculin et / ou féminin ? », La Revue réformée
no 217, Aix-en-Provence, mars 2002, pp. 31 et 33

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