Quels liens avec nos morts?

Quels liens avec nos morts?

La Toussaint nous invite à honorer les défunts, à prier pour eux et avec eux. Voilà l’occasion de réaliser comment ceux que nous aimons peuvent être proches de nous.  

Par Bénédicte Jollès | Photos: Pxhere, Pixabay, DR« Depuis quelques mois une entreprise grisonne transforme le carbone issu de la crémation d’un corps en diamant souvenir », s’inquiète Christian Ghielmetti entrepreneur de pompes funèbres à Neuchâtel. Aujourd’hui, les liens avec les défunts sont confus : « On a un vague sens de l’au-delà, mais déconnecté de la foi chrétienne, constate le Père Philippe Aymon, curé de la cathédrale de Sion. Dans les sépultures on se souvient du défunt, on lui rend hommage, mais on saute à pieds joints sur la question de la séparation sans s’interroger sur ce qu’il devient, ni prier pour lui. » Marlène, infirmière genevoise victime de cette confusion, a gardé contact avec sa grand-mère par le biais du spiritisme. La collègue qui l’a initiée lui a reconnu une forte sensibilité spirituelle, un don pour communiquer avec les esprits ; pendant deux ans elle les interroge. « Impossible d’oublier les prédictions, j’attendais avec impatience les séances, angoissée par les phénomènes anormaux qui les accompagnaient : en particulier des bruits métalliques et des coups inexpliqués la nuit. J’étais si mal que je suis allée parler avec le prêtre qui m’avait confirmée dix ans plus tôt. » Sur ses conseils elle stoppe tout et redécouvre la confession.

Attention danger

Tables tournantes, verres qui se déplacent, crayons ou écrans utilisés pour une écriture automatique… les façons d’entrer en contact avec les morts par le spiritisme se recoupent.

Mgr Vernette, théologien français au parcours atypique, a pratiqué l’ésotérisme pendant sa jeunesse en Inde avant sa conversion. Il avertit : « Un chrétien ne peut communiquer avec les morts sans se mettre en danger. » En effet, dès l’Ancien Testament, le livre du Deutéronome demande : « On ne trouvera chez toi personne qui use de magie, interroge les spectres et les esprits ou consulte les morts. » (Dt 18-11)

Le Père Couette, moine cistercien de l’abbaye d’Hauterive (FR), partage la même retenue et l’explique ainsi : « La tradition chrétienne demeure très réservée face aux moyens d’entrer en contact avec les morts qui prétendent s’affranchir du lien explicite avec le Christ. Il n’existe pas d’entités médianes, si les esprits invoqués ne sont pas de Dieu, de qui sont-ils sinon de l’ennemi ? » Pour lui, ces pratiques qui ne sont ni innocentes ni indifférentes laissent des séquelles difficiles à éradiquer, elles trahissent la volonté illusoire de maîtriser ce qui nous échappe. 

Il existe un autre écueil face à la disparition de nos proches, remarque le Père Aymon : « Vouloir que nos défunts servent nos intérêts, mais ils ne nous appartiennent pas. Il nous faut accepter la séparation douloureuse apportée par la mort. » A nous d’articuler cette séparation avec la communion des défunts et des saints à laquelle nous sommes appelés. « Si Dieu permet que tel défunt ou tel saint intervienne, c’est pour nous aider à nous rapprocher de Lui », précise le curé de Sion. L’accompagnement spirituel des saints qui nous précèdent et contemplent le Seigneur est développé dans le Catéchisme de l’Eglise catholique. Il cite en particulier sainte Thérèse de Lisieux, docteur de l’Eglise, qui assure avant de mourir : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre. » 

Il peut même arriver que nos chers disparus nous aident à continuer notre pèlerinage terrestre par des signes inattendus et exceptionnels. « Va à Lourdes », demande à plusieurs reprises Elisabeth Leseur (mystique française du XXe siècle) à Félix son époux. La voix de son Elisabeth bien-aimée est ressentie avec une telle clarté que Felix, anti-clérical acharné et notoire, obéit. Au pied de la grotte, sa vie bascule, il devient dominicain quelques années plus tard. 

Quel est le bon chemin pour communiquer avec les morts ?

Intercession

En réalité, il se passe entre le ciel et la terre des échanges constants dont nous avons trop peu cons­cience. Avons-nous réalisé que les défunts décédés sans être proclamés saints, et qui ne sont pas encore en mesure de contempler la face du Seigneur (appelés âmes du purgatoire) ont besoin de notre prière pour être purifiés ? « Elle peut non seulement les aider mais aussi rendre efficace leur intercession en notre faveur détaille le Catéchisme de l’Eglise. » (CEC § 958)

Il se passe entre le ciel et la terre des échanges constants.

Double mouvement de prière

Cécile, catéchiste à Lausanne, détaille le double mouvement de prière qu’elle entretient avec les défunts : « Je prie ceux qui étaient proches du Seigneur, je leur confie mes préoccupations, mes enfants s’ils les ont connus par exemple. Quant à ceux qui n’étaient pas croyants, je demande à Dieu de se souvenir du bien qu’ils ont accompli et je fais dire des messes pour eux. » « Cette prière faite de part et d’autre est un échange d’aide mutuelle très précieux, résume le Père Couette. Ainsi s’exprime notre foi en la communion des saints qui réunit dans une même communauté spirituelle tous les sauvés, qu’ils soient encore sur terre ou qu’ils soient entrés dans l’éternité. »

Le miracle de Waldenburg, la main protectrice de saint Nicolas de Flüe

Photo: DR 

Quand les saints interviennent et nous protègent
Prié par le peuple chrétien inquiet, le saint ermite a protégé la Suisse d’une invasion nazie, le 13 mai 1940, jour de la Pentecôte. A la veille d’une invasion allemande imminente, sur la frontière, dans le canton de Bâle-Campagne, une quinzaine de personnes voient pendant une dizaine de minutes une longue main lumineuse identifiée comme la main de saint Nicolas de Flüe. Si l’apparition n’a pas été reconnue par l’Eglise beaucoup la considèrent comme un miracle. Une chapelle la commémore. L’invasion allemande annoncée n’a pas eu lieu, les troupes nazies n’ont pas traversé le Rhin mais ont filé vers les Ardennes françaises.

Nos disparus proches de nous

Extraits. Ce que nous dit la foi chrétienne, d’après le livre : Réincarnation, résurrection, communiquer avec l’au-delà, de Mgr Jean Vernette (Salvator)

La vie se poursuit au-delà de la tombe, parce que Notre-Seigneur a vaincu la mort par sa Passion, sa Croix et sa Résurrection.

Nos disparus sont des vivants, parce que l’amour est plus fort que la mort. Leur mort qui est absence pour nous est aussi nouvelle naissance pour eux.

Nos disparus nous sont présents d’une présence à la fois spirituelle et réelle, quoique invisible. Ils attendent eux aussi le moment des retrouvailles.

Nos disparus gardent leur personnalité et leurs tendresses : ils continuent de nous aimer de tout leur cœur.

Nous sommes d’autant plus proches d’eux que nous essayons d’être plus proches de Dieu, puisqu’ils vivent alors de sa vie.