Un monument vivant

Le natif de Fully, ici en compagnie de Benoît XVI.

Les travaux de rénovation de la caserne de la Garde Suisse pontificale au Vatican débuteront en 2026. Christian Richard a été membre de la plus petite armée du monde pendant quinze ans. Durant ses années de service, le natif de Fully s’intéresse aux origines du corps militaire dont il fait partie. Nous avons saisi la hallebarde pour l’interroger sur la nouvelle caserne. Rencontre.

PAR MYRIAM BETTENS
PHOTOS : JEAN-CLAUDE GADMER, OSSERVATORE ROMANO

La Cité du Vatican appartient intégralement au Patrimoine mondial de l’humanité. Qu’est-ce que cela implique pour la rénovation ?

Lorsque les bâtiments sont inscrits, cela devient difficile de les modifier. Il faut une vraie justification. Dans le cas de la caserne, le bâtiment absorbe l’eau de la nappe phréatique située sous la cité du Vatican, lors de fortes pluies. Cela devient donc extrêmement difficile de l’entretenir selon les conditions de l’UNESCO. On parle même d’un risque d’effondrement. Malgré cela, le dossier préparé par la Fondation (ndlr. pour la rénovation de la caserne), doit être examiné par l’UNESCO pour en obtenir l’aval.

L’aspect écologique de la rénovation de la caserne est également très important ?

Exactement ! Construire sans lien étroit avec le développement durable va contre le bon sens pour l’avenir. L’un des exemples : une grande partie des déchets de la démolition seront rebroyés et réutilisés pour la construction de la nouvelle caserne. Toutes les installations seront évidemment aux normes actuelles de durabilité. Il y aura aussi un système de recyclage de l’air permettant d’avoir de la climatisation naturelle. Le développement durable est d’actualité au Vatican. Cela fait déjà plus de 15 ans que des panneaux photovoltaïques ont été installés, sur l’aula Paul VI (ndlr. la salle d’audience). A l’époque, ce fut une petite révolution.

Est-ce que la nouvelle caserne pose des défis techniques, militaires ou sécuritaires ?

A plus d’un titre, c’est le cas. Le mur d’enceinte pose déjà un défi diplomatique, car il délimite la frontière entre deux états. A la base, on parle de raser un bâtiment et d’en construire un nouveau, mais les rapports entre le Vatican, l’Italie et l’international sont imbriqués. Cela nécessite donc énormément de temps. Un autre exemple : la hauteur du nouveau bâtiment ne devra pas dépasser celle des colonnades, afin de ne pas faire ombrage à l’œuvre du Bernin. Ou encore la volonté de déplacer l’actuelle fontaine de la Cour d’honneur, de percer une porte dans ce mur d’enceinte pour réhabiliter l’ancienne voie de pèlerinage qui passait au travers de la cour.

Des voix au niveau politique se sont élevées pour contester la contribution financière allouée par la Confédération…

La Garde Suisse peut être vue de deux manières différentes. Tout d’abord comme garde catholique suisse au service exclusif du Vicaire du Christ et d’autre part, comme « monument vivant », faisant office de « carte de visite diplomatique » au Vatican, dont le rayonnement est mondial. Si l’on se limite à l’aspect confessionnel, je peux comprendre que cela puisse froisser la sensibilité religieuse de certaines personnes. D’autre part, ce n’est pas la première fois que la Confédération soutient financièrement une construction suisse dans le Vatican. Au début du XXe siècle, la chapelle de San Pellegrino degli Svizzeri, rongée par l’humidité, a fait l’objet d’une campagne de soutien en Suisse. La Confédération, par l’intermédiaire du Département de l’Intérieur et du Comité de la Société suisse des Monuments historiques, avait octroyé une subvention fédérale pour la restauration de la chapelle.

En même temps, tout dans cette caserne relie d’une manière ou d’une autre à la Suisse…

Oui complètement ! On peut même parler d’un « petit morceau de Suisse » au Vatican.

Biographie express

Né à Fully en 1970, Christian Richard est ancien sergent de la Garde Suisse pontificale de 1993 à 2008. Durant ses années romaines, il étudie l’histoire de cette armée si particulière. Six mille heures de travail et de passion plus tard, il publie, en 2019, aux éditions Faim de siècle, La Garde Suisse Pontificale au cours des siècles. Aujourd’hui, il poursuit sa carrière dans le monde du livre en tant qu’employé de la Médiathèque-Valais à Sion, un ancien arsenal réhabilité. Le monde militaire se cache aussi où on ne l’attend pas !

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