Un monument et un nom

Considérée comme sainte par beaucoup, Eva Calay ne sera probablement jamais officiellement canonisée. La religieuse belge a néanmoins reçu post mortem la plus haute distinction honorifique attribuée par l’Etat d’Israël et son nom est gravé sur le « Mur d’Honneur » dans le « Jardin des Justes » au mémorial de Yad Vashem de Jérusalem.

Eva Calay en 1931, à son entrée dans la congrégation.

Par Myriam Bettens | Photos : DR

Eva Calay s’oriente très tôt vers la vie religieuse et entre, en 1931, chez les Filles de la Croix, à l’âge de 23 ans. Son papa a néanmoins tenu à ce qu’elle achève des études avant son engagement dans la vie religieuse. Diplômée en littérature et en sténographie, elle est envoyée à Bèfve, dans la province de Liège, pour enseigner. La congrégation y dirige une école de filles avec pensionnat et une maison de repos pour personnes âgées. Durant la guerre, Eva et une de ses consœurs cachent des enfants juifs en les intégrant sous de faux noms au pensionnat. Elle restera à Bèfve jusqu’en 1955, date à laquelle elle retourne à Liège pour y prendre les fonctions d’économe, à la maison mère. 

En tant qu’économe générale, Eva a beaucoup de relations et se sent à l’aise partout. En 1965, la communauté la charge donc de mener à bien les travaux de construction et d’aménagement d’une nouvelle clinique gérée par les sœurs. Celle-ci sera ouverte en 1971. Or les médecins décident de la boycotter, car Eva s’attaque de front à leurs privilèges. Elle ne négocie pas, cette clinique destinée à soigner les gens dans le besoin n’est pas là pour enrichir les médecins. La faculté de médecine de Liège, désireuse de former ses stagiaires dans cette clinique d’avant-garde finit par accepter toutes les conditions d’Eva. La religieuse aura la gestion de cet hôpital pratiquement jusqu’à la fin de sa vie. Décédée en 1992 d’un infarctus, elle repose dans le caveau de la congrégation sous une dalle sans nom. En 2010, Eva est honorée du titre de « Juste parmi les Nations » pour avoir protégé et caché des enfants juifs dans le pensionnat de Bèfve, durant la guerre.

Foi et éthique médicale

De saints médecins.

Par David Roduit
Photo: éd. Téqui

Comme tout chrétien (et peut-être plus qu’un autre), le médecin se trouve confronté à des questions difficiles d’éthique. Comment sa foi chrétienne l’aide-t-elle dans son combat pour la vie ?

Ce sont les questions proposées par la rédaction de L’Essentiel pour la préparation de ce présent numéro. Avec le groupe local du décanat de Sion, nous avons tenté d’approcher des chrétiens issus du milieu de la santé.

Avec l’aide du mouvement des Focolari, nous avons pu recueillir quelques échos d’un sujet pour lequel, après enquête, il ne semble pas si évident de parler.

Une médecin de famille avouait se sentir mal à l’aise avec ce sujet, ne se sentant pas légitimée à imposer sa propre éthique à ses patients.

Un ancien responsable d’EMS, maintenant retraité, ne pensait pas maîtriser ce sujet, mais cependant connaissait un prêtre vers qui se tourner pour obtenir un éclairage plus autorisé.

Voici comment de son côté s’exprimait une infirmière : « Personnellement, pour moi être un thérapeute chrétien, c’est plus par la vie que par la parole si on peut dire. C’est rare les personnes avec qui je parle de religion, mais je cherche plutôt à découvrir quelles sont leurs valeurs profondes, ce qui fait sens pour eux ou leur transcendance, leur ressource intérieure pour surmonter une épreuve. Nous avons aussi un service d’aumônerie avec des personnes laïques qui offrent un espace d’écoute ou de partage aux personnes qui le désirent. Pour moi l’accompagnement spirituel aujourd’hui est plus vaste que seulement chrétien. C’est l’ouverture comme on le vit dans le mouvement : « se faire un avec l’autre ». »

Dans un monde marqué par le pluralisme des convictions comme nous le dévoile ces quelques propos, quel défi exigeant pour un médecin de concilier professionnalisme, fraternité universelle et fidélité à l’Evangile de la vie !

En librairie – septembre 2023

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

Nous veillerons sur votre dignité
Elisabeth de Courrèges

A travers son métier d’ergothérapeute auprès de personnes âgées et malades, Elisabeth de Courrèges s’engage au quotidien auprès de patients en fin de vie. Elle est le témoin de ces derniers instants qui changent les cœurs et les ouvrent à la Lumière. Et elle se bat sans relâche pour qu’ils se déroulent dans la paix et la dignité. « J’espère qu’un jour, nous n’entendrons plus parler d’euthanasie. Pas seulement parce que cela me semble indigne de l’être humain, mais aussi parce que nous n’en aurons plus besoin. Parce qu’il y aura suffisamment de moyens, financiers et humains, pour veiller et prendre soin de toute vie qui, naturellement, s’éteint. »

Editions Mame

Acheter pour 14.70 CHF

Un art de vivre et d’aimer par temps de catastrophe
Jean-Yves Leloup

Dans un monde où l’activité humaine maltraite l’environnement et malmène l’individu, où les crises économiques et sociales se succèdent, comment rester lucide sans être désespéré ? Inspiré par les grands penseurs de l’Antiquité (Epicure, Aristote, Socrate, Epictète, Philon d’Alexandrie ou le Bouddha), Jean-Yves Leloup propose un ensemble de conseils accessibles à tous pour construire une vie libérée de l’inquiétude. Son enseignement, soutenu par une quinzaine de méditations concrètes, nous appelle à surmonter les obstacles, vivre avec nos maux, écouter notre corps, respecter nos émotions et nos désirs.

Editions Points

Acheter pour 11.10 CHF

Les médecines alternatives.
Des clés pour discerner

Pascal Ide

Comment choisir une thérapie ? L’interrogation face aux médecines dites alternatives et complémentaires, douces ou traditionnelles est complexe tant il est difficile de s’y retrouver entre les avis tranchés qui émanent du corps médical, la prudence légitime des autorités religieuses et l’enthousiasme des heureux bénéficiaires, sans compter les informations glanées sur internet… Plutôt que de dresser une liste des bonnes et mauvaises thérapies, le père Pascal Ide offre des critères de discernement en se demandant : ces médecines sont-elles compatibles avec la méthode scientifique ? Avec la foi ? Avec l’enseignement du Magistère ? Favorisent-elles une influence démoniaque ?

Editions Artège

Acheter pour 21.70 CHF

Les soignants en BD
Les chercheurs de Dieu en BD

Un nouvelle BD autour de médecins engagés au service des personnes fragilisées par la maladie. Albert Schweitzer, Françoise Dolto et Frère Luc de Tibhirine : trois figures de soignants, trois bons samaritains qui ont marqué leurs contemporains au XXe siècle et peuvent nous inspirer dans le soin à apporter à son prochain. Chacune de ces trois figures incarne à sa manière l’engagement du médecin au XXe siècle : au Gabon, auprès des enfants et en Algérie (enfants à partir de 7 ans).

Editions Bayard Jeunesse

Acheter pour 17.80 CHF

Pour commander

Médecin et chrétien

Par Leonidas
Photo : Marie-Paule Dénéréaz

Ensemble, soigner les cœurs. « Mon Fils, mets en Dieu ta confiance, et il te viendra en aide. Suis droit ton chemin et espère en lui. » (Si 2, 6) Les enfants et les jeunes viennent de reprendre le chemin de l’école. Ils ont eu la joie de passer des vacances ou des pèlerinages en différents lieux. Les parents et leurs enfants ont certainement eu l’occasion de visiter des musées, des paysages romantiques ou de belles églises où tant d’artistes ont manifesté leur piété religieuse. 

Nous sommes reconnaissants du rôle prépondérant que les parents ont continué à manifester vis-à-vis de leurs enfants, en matière religieuse. Ce rôle des parents ou membres familiaux est à revaloriser au-dedans et au-dehors. Un proverbe africain dit : 

« Il faut tout un village pour éduquer un enfant. »

En effet, plusieurs acteurs et institutions interviennent pour l’éducation d’un enfant. Nelson Mandela disait : « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde. » Si la communauté entière s’implique pour élever un enfant, les parents sont moins isolés, moins stressés et ainsi plus disponibles pour cheminer avec leur enfant. 

Au cours de notre pastorale : prêtres, parents, agents pastoraux, professeurs, nous sommes interpellés pour avancer ensemble en cette noble mission éducative, intellectuelle et surtout religieuse. Pensons aussi à l’adage : une âme saine dans un corps sain. 

Puisse le Seigneur nous donner les grâces nécessaires d’avancer ensemble en prenant soin des jeunes que le Seigneur nous confie en cette année 2023-2024. 

L’Eglise, c’est toi, c’est moi…

En pleine pandémie, le 22 novembre 2020, le pape François invitait les jeunes du monde entier à « ne pas renoncer aux grands rêves » que le Seigneur veut pour nous. Comme jeune curé de Martigny permettez-moi de vous partager deux grands rêves que je porte pour notre belle communauté chrétienne de Martigny, à partir des paroles du pape François aux JMJ de Lisbonne.
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Troisième visite pastorale de notre évêque dans le secteur de Monthey du 30 septembre au 6 octobre

Mgr Jean-Marie Lovey et son Vicaire général, Pierre-Yves Maillard, seront en visite pastorale chez nous la première semaine d’octobre, pour la troisième (et dernière fois). La semaine débute avec les messes de confirmation. Mais qu’est-ce que la visite pastorale ?
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La foi et les soins infirmiers

« Prendre soin des autres… deux jeunes blouses racontent »

Depuis trois ans, Mélanie Rais de Chamoson, et Sébastien Gauye de Sion, étudient les soins infirmiers à la HES-SO. Ils témoignent aujourd’hui pour nous. 

Texte et photo par Mélanie Rais et Sébastien Gauye

De nature dynamique et joviale, Mélanie Rais, 22 ans, est engagée dans de nombreux milieux qu’ils soient sportifs, villageois, associatifs, etc. Passionnée par l’humain elle explique : « J’ai choisi les soins car pour moi, il est important que l’on puisse prendre soins les uns des autres. Parfois, lorsque je vais travailler, je me demande qui soigne qui. » Sébastien Gauye, 23 ans, est un jeune chrétien engagé au service des plus fragilisés de notre société. Naturellement empathique et passionné de l’humain, il aime s’occuper des autres et prendre soin d’eux. 

Pour apprendre le métier d’infirmier, Mélanie et Sébastien ont opté pour le modèle de la Nursing Team Academy. Cette approche pédagogique innovante propose une nouvelle manière d’apprendre et d’acquérir les compétences nécessaires pour devenir un-e professionnel-le de la santé. Ce mode d’apprentissage valorise et construit toute la capacité d’autonomie et de responsabilité de l’apprenant-e à pouvoir assumer pleinement son processus d’apprentissage. Le corps enseignant s’y inscrit comme ressource à part entière. Les étudiant-es y évoluent majoritairement en groupe, à l’image d’une équipe de soin. Au sortir de cette formation, Sébastien et Mélanie sont plutôt ravis de leur expérience : « Cette voie de formation nous a fait grandir, nous a comblés au-delà de nos aspirations. Elle est devenue une véritable école de vie pour nous .»

La foi et les soins infirmiers ? Nombre de personnes recherchent dans leur processus de guérison un sens à leur maladie. Il n’est pas toujours simple pour elles de le faire… D’autant plus que la question du sens reste personnelle et sacrée à chacun. La question du sens est multiple. En tant qu’infirmier-ère, nous pouvons essayer d’accompagner au mieux ce vécu bouleversé ou fragilisé. C’est ici que le prendre soin s’inscrit : il exprime autant une façon de faire que d’être avec la personne soignée. Pour atteindre pleinement autrui, il est essentiel de le reconnaître et de l’accueillir dans toutes ses dimensions. Prendre soin c’est donc accueillir, aimer, rejoindre, soigner l’autre tel qu’il-elle est… dans ses questionnements, ses doutes, ses douleurs, ses affinités, ses choix, ses joies, ses peines, sa manière d’être et de faire aussi. C’est une rencontre entre deux humanités. Pour y parvenir, il y a cette part de confiance envers autrui qui est nécessaire, ce qui n’est pas sans rappeler la démarche de la foi qui développe ce même esprit d’engagement et de confiance mutuelle. Dans le soin, la foi c’est cette petite flamme qui est en chacun de nous pour transcender nos infirmités et nous aider ainsi à accomplir pleinement nos humanités respectives.

« Au cœur de l’Église, je serai l’Amour », disait sainte Thérèse de Lisieux. Et si nous pouvions transposer ce même appel au domaine des soins ? 

Prenez soin de vous…

En pèlerinage à vélo aux Journées Mondiales de la Jeunesse !

Dûnya, 16 ans, se rendra à partir du 22 juillet aux JMJ de Lisbonne. Après un voyage en car jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle, le pèlerinage se poursuivra à vélo jusqu’à Lisbonne au Portugal. A l’approche du départ il nous raconte sa motivation, sa préparation et ses attentes.
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Parole à un groupe de l’Evangile à la maison

Qui de mieux placé pour parler de la Bible que des personnes qui la lisent ? Chaque lecteur peut y trouver un sens différent. C’est ainsi que nous donnons la parole à un groupe de lecture de l’Evangile à la Maison qui nous partage ce qu’est la Bible pour eux.
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Les Yéniches de passage chez nous

A la fin du mois d’avril dernier, des Yéniches se sont installés sur la Place des Fêtes à Vouvry. Une visite surprise qui a éveillé notre curiosité et suscité une envie de les rencontrer. Nous avons contacté Patrick Birchler, membre de la communauté, qui a accepté de nous voir à Evionnaz, où ils avaient déjà déménagé quelques jours plus tard.
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Un pari sur l’avenir

A Gland, la décision a été prise de construire à neuf et non de rénover, pour créer un lieu rassembleur et moderne.

Par Gilles Vallat *
Photo : paroisse de Nyon

Pourquoi ériger un nouveau lieu de culte en 2022 ? Répond-il encore aux vœux des fidèles, alors qu’en Occident, les églises ont tendance à se vider ? En projetant de construire une nouvelle église à Gland, en remplacement d’une chapelle vétuste, les responsables paroissiaux se sont posé beaucoup de questions quant à la nécessité d’un tel projet. Une idée audacieuse, un peu folle, qui est devenue réalité. La nouvelle église a été consacrée par l’évêque diocésain Charles Morerod, le 13 février 2022. 

Ces responsables paroissiaux ont fait un pari sur l’avenir : oui, malgré les vicissitudes de notre époque, ils demeurent persuadés que dans 30 ans, 50 ans, voire un siècle, il y aura toujours des chrétiens qui se réuniront pour célébrer le Christ. 

L’édifice résolument moderne avec sa forme circulaire a permis de créer un lieu de recueillement rassembleur, chaleureux et facilitant une forme de communion. Le cercle est englobant, inclusif et sécurisant. C’est un acte fort et le signe qu’au centre d’une ville en plein développement, Dieu est présent.

* Président de la paroisse de Nyon

Restaurer le patrimoine religieux – Pourquoi ?

Chœur restauré de la chapelle Saint-Antoine (couverture).

Texte et photo par l’abbé François Roten

Le mot « patrimoine » véhicule l’idée d’une transmission de la part des ancêtres et donc de passé. Celui de l’Eglise est riche de siècles d’existence, de styles et d’agencements qui ont marqué l’histoire de l’humanité, depuis les cathédrales jusqu’aux petites chapelles, en passant par les peintures, statues, fresques et mosaïques – et même les croix sur nos montagnes –, qui aujourd’hui encore nous émerveillent et proclament l’expression de notre foi, dans la recherche de la beauté qui est un reflet de Dieu. 

Lorsque l’état aide à la sauvegarde de ce patrimoine et y participe financièrement, c’est parce qu’il le considère comme un bien sociétal, même s’il se trouve en des mains privées, un passé qu’il faut préserver pour le transmettre aux générations futures. 

Lorsque nos communautés ecclésiales restaurent leurs édifices, elles le font non pas en fonction du passé mais du présent et du futur de leur usage. 

Voilà pourquoi, au-delà de la simple recherche de beauté ou de préservation du patrimoine, restaurer nos églises a encore tout son sens aujourd’hui : nos églises de pierre sont des lieux de vie, les lieux de rassemblement des « pierres vivantes » que nous sommes (1 P 2, 5), nous qui ensemble formons l’Eglise, l’assemblée des croyants célébrant le Dieu trois fois saint. C’est dans nos églises que le Christ se rend présent par les sacrements qui nous donnent la Vie et soutiennent notre mission de disciples, que se réalise la transmission de la foi et que se prépare ainsi la communauté de demain. Restaurer une église est donc un signe de foi et d’espérance.

La beauté d’une église ne vient pas d’abord de l’harmonie de ses éléments selon les lois de l’architecture mais de ce qu’elle signifie et de ce que l’on y vit. L’église est le lieu de la présence de Dieu au milieu de son peuple, le lieu où nous prenons conscience que nous sommes nous-mêmes les temples vivants de la présence de Dieu (1 Co 6, 15) par l’Esprit Saint qui nous a été donné et qui habite en nous. 

Restaurer le patrimoine

Si les notions de préservation du patrimoine et de restauration sont désormais incontournables, elles sont toutefois récentes. En effet, avant le XIXe siècle, c’est le besoin et les goûts du moment qui orientaient les décisions. Aujourd’hui, des questions profondes accompagnent les grands chantiers: quel est le sens d’un lieu? Parle-t-il du passé? Est-il au service des hommes de ce temps? Est-il fonctionnel ?

Par Amandine Beffa | Photos : J.-Claude Gadmer, Flickr, DR

La question de la restauration des édifices a pris un sens tout particulier le 15 avril 2019. En effet, ce soir-là, Notre-Dame de Paris brûlait sous les yeux du monde entier, entraînant avec l’effondrement de sa flèche de multiples questions. Entre désir de reconstruire à l’identique et volonté de donner de la place à des artistes contemporains, les débats sont vifs. Pourtant, si ces questions sont incontournables aujourd’hui, elles sont récentes. Les concepts ont pour la plupart été définis après la Révolution française.

En soi, nous n’avons pas attendu le XIXe pour réparer et reconstruire. Les incendies ont longtemps été très fréquents et les édifices ne sont pas laissés en ruines. Cependant, les bâtiments évoluaient selon les goûts et les besoins. Par exemple, le style gothique remplace le roman. De nombreuses églises sont ainsi détruites et reconstruites. La cathédrale de Beauvais en France est un cas unique, un manque de fonds n’ayant pas permis de finir la construction de la cathédrale gothique. 

Tournant révolutionnaire

La période révolutionnaire marque un tournant. Certains considèrent qu’il convient de détruire toutes les traces de l’Ancien Régime. D’autres, comme l’Abbé Grégoire, soutiennent au contraire que les monuments détiennent la « mémoire collective » et qu’il convient de les conserver. 

La notion de « monument historique » apparaît en 1830. Des postes d’Inspecteur général des monuments historiques sont créés pour classer les édifices et évaluer les travaux nécessaires. Les premiers principes sont toutefois définis par des architectes et non par des historiens, ce qui oriente le débat.

S’il est possible d’adresser un certain nombre de reproches à Eugène Viollet-le-Duc, il est indispensable de reconnaître ses apports. Son nom est en effet indissociable du développement de la notion de restauration. Très cultivé, l’architecte français défend un patrimoine qui n’intéresse pas à son époque. Beaucoup d’édifices tombent en ruines sans que cela n’émeuve personne. Dans une volonté de « cohérence historique », Viollet-le-Duc essaie de rester fidèle à ce qu’il comprend des édifices. Il tente d’utiliser des techniques et des matériaux correspondant à ceux de l’époque d’origine. Ses recherches sont documentées. Il refuse par exemple d’utiliser du fer pour les charpentes. Il ne cherche pas à retrouver le bâtiment tel qu’il a été, mais à proposer un idéal. Il recherche la « cohérence historique ». Il écrit dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française : « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut ne jamais avoir existé à un moment donné. »

Fin XIXe, John Ruskin s’oppose à Viollet-le-Duc et à la « théorie de l’unité de style » qu’il considère comme une destruction. Critique d’art et théoricien, il préfère la conservation et enjoint à « accepter qu’un bâtiment puisse mourir ». L’idée est de garder en vie et non d’intervenir pour rétablir à un état historique donné.

Fondements scientifiques

Il faut attendre 1931 et la Charte d’Athènes pour que les premiers fondements scientifiques soient posés. Elle insiste sur la valeur des phases successives des édifices, reconnaissant que chaque époque est un apport et mettant l’accent sur « la continuité de vie ».

La Charte de Venise date de 1964 et distingue notamment les notions de préservation et de restauration. Elle propose « que l’on restaure les monuments historiques dans leur dernier état connu ». La restauration au sens strict est appelée à revêtir un caractère exceptionnel et la « réinvention » est rejetée. L’idée-force est que la conservation « s’arrête là où commence l’hypothèse ». Il importe que les interventions soient lisibles et réversibles. Elles doivent : « S’intégrer harmonieusement à l’ensemble, tout en se distinguant des parties originales. »1

Ces points s’illustrent de manière particulière à travers la restauration de la fresque de Gino Severini à la basilique Notre-Dame de Lausanne. En effet, la restauration de 1976 a très légèrement modifié l’œuvre originale. Aujourd’hui, se pose la question d’une restauration au dernier état connu ou à l’état d’origine 2.

En Suisse, la protection des monuments historiques est une compétence cantonale. La première loi date de 1898 et est promulguée dans le canton de Vaud. Il faut attendre 1966 pour voir apparaître une loi fédérale sur le sujet. En 1880, la Société pour la conservation des monuments historiques est fondée. Théodore de Saussure en est le premier président.

Questions profondes

Aujourd’hui, des questions profondes accompagnent les grands chantiers : quel est le sens d’un lieu, parle-t-il du passé ? est-il au service des hommes de ce temps ? est-il fonctionnel ? 

Dans le canton de Genève, l’église de l’Epiphanie a brûlé en 2014 et celle du Sacré-Cœur en 2018. La première a été reconstruite a l’identique alors que la seconde renaîtra différemment. L’abbé Pascal Desthieux, ancien Vicaire Episcopal pour le canton de Genève, souligne que les deux visions répondent avant tout aux besoins et aux désirs des paroisses. Le chantier du Sacré-Cœur est guidé par des perspectives liturgiques et esthétiques. L’autel sera positionné au centre afin de rappeler que l’église est le lieu de la communauté rassemblée autour du Christ. Il s’agit aussi de créer un lieu qui soit beau et qui donne envie d’être visité : « Il faut que lorsqu’on arrive on se dise : « waouh, c’est super » », commente l’abbé Desthieux. 

Le défi de la conciliation du lieu de rassemblement pour les célébrations et du lieu de prière quotidienne en dehors des offices s’est aussi posé. Il a été nécessaire de travailler sur les jeux de lumière. Pascal Desthieux rappelle l’adage Lex orandi, lex credendi, soulignant l’importance du lieu où l’Eglise célèbre ce qu’elle croit.

1 Charte de Venise, articles 9-13.
2 Voir par exemple l’article du journal Le Temps sur le sujet : Rossel, N., Art liturgique à Lausanne – Faut-il supprimer les retouches de la fresque du Valentin ? 14.03.2021.

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