Des propositions…

PAR MYRIAM BETTENS

Photo : DR

… pour donner du sens à son assiette et…

… aider des jeunes à rebondir en mangeant un burger

Une roulotte est installée en plein milieu de la zone industrielle de Plan-les-Ouates. On peut y manger de classiques burgers, également végétariens, et du fish and chips. Rien d’extraordinaire ? Juste de la nourriture qu’on mange sur le pouce à la pause de midi ? La différence avec un food truck classique, c’est l’absence de prix… Ici, chacun paie ce qu’il peut afin d’offrir aux plus démunis la possibilité de manger un repas chaud. L’affaire naissante parvient à tourner grâce aux dons et aux personnes disposées à payer leur repas un peu plus cher. Cerise sur le burger : Francesco Giammarresi, fondateur de l’Action populaire intercommunautaire (API) et gérant de ce restaurant roulant, propose des places de stage à des personnes désireuses de rebondir. Où les trouver : tous les jours au Champ-des-Filles 5, à Plan-les-Ouates.

… manger « gastro » tout en favorisant l’inclusion sociale

Au Refettorio Geneva, les clients financent un repas identique au leur pour des personnes qui n’ont pas les moyens de s’en offrir un décent. Concrètement, le midi, la clientèle est payante, tandis que le soir, elle est adressée au restaurant par diverses associations d’entraide genevoises telles que Partage, l’Armée du Salut, Carrefour-Rue, La Caravane sans frontières, Le Bateau Genève ou Camarada. Ce principe de solidarité gastronomique, beaucoup plus répandu en Italie et en France, avec les cafés et repas « suspendus », a été importé par Walter el Nagar. Ce dernier a ouvert le premier restaurant du genre en Suisse à la fin janvier. L’établissement est également actif dans la durabilité et le zéro gaspillage alimentaire. Pour s’y rendre : Rue de Lyon 120.

… déconstruire les stéréotypes sur la surdité

Un projet novateur de restauration, pour faire évoluer les mentalités, a récemment ouvert ses portes à Genève. Baptisé de l’onomatopée servant à décrire le bruit de moteur d’une voiture, le restaurant Vroom est entièrement géré par des personnes sourdes ou malentendantes. Inclure le handicap dans des espaces de vie, tels que les restaurants, représente ici un premier pas pour lutter contre les discriminations causées par l’inégalité d’accès à la formation et le manque d’informations. Chez Vroom, les clients sont par exemple invités à découvrir la langue des signes en échangeant avec le personnel. Tout l’espace a été conçu de manière à favoriser le contact visuel et la communication (signée ou pas). Maintenan, il ne reste plus qu’à passer à l’étape de l’expérience gustative… et visuelle. Où les trouver : Rue des Rois 13, horaires sont du lundi-jeudi : 6h30-01h, vendredi : 6h30-02h et samedi : 18h-02h.

Nettoyage de printemps

PAR MYRIAM BETTENS
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On ne peut pas dire que les épinards soient le plat préféré des enfants… Or, le Jeudi saint on n’y coupe pas et on vous dit pourquoi.

Sous nos latitudes, le jeudi précédant Pâques est appelé Jeudi saint, logique me direz-vous. Il marque le début du Triduum pascal, c’est-à-dire les trois jours de Pâques célébrant la Passion et la Résurrection de Jésus. Il commémore aussi l’institution par Jésus-Christ du sacrement de l’Eucharistie, lors de son dernier repas avant son arrestation. Quant aux épinards? On y vient!

Ce jeudi n’est «saint» que dans les langues romanes et en anglais. Dans les pays scandinaves et en néerlandais, il sera «blanc» ou «pur», en relation à la couleur liturgique de cette fête. Dans les régions germanophones, on nomme ce jour Gründonnerstag, littéralement: «Jeudi vert». Cette appellation est attestée déjà depuis le XIIIe siècle, bien que son origine ne soit pas claire. L’explication la plus courante fait intervenir la racine latine de ce nom, Dies viridium, le «jour des verts». Il désignerait les personnes libérées de leurs péchés par la confession et l’absolution, qui étaient ainsi renouvelées, redevenues du «bois vert» selon la compréhension de l’Evangile de Luc. Cette interprétation semble n’être apparue qu’au XVIIe siècle. Plusieurs thèses s’affrontent pour expliquer l’origine de cette appellation.

Le canon du rite romain prévoit le blanc comme couleur liturgique du Jeudi saint, or il n’existait pas de réglementation en la matière avant le XVIe siècle. Il est donc possible que ce nom de Gründonnerstag soit né de l’utilisation du vert lors de la liturgie. Une autre interprétation dérive ce nom du terme greinen, les pleurs et gémissements des pénitents du Jeudi saint auraient donné, par réinterprétation étymologique populaire, Grüner Donnerstag, puis l’appellation actuelle. La dernière justification en appelle à la coutume, attestée depuis le XIVe siècle, de manger des légumes particulièrement verts et des herbes nouvelles le Jeudi saint. A la fois conforme aux prescriptions du jeûne de Carême, elle était aussi liée à l’idée préchrétienne selon laquelle cela permettait de «nettoyer» le corps des impuretés accumulées et d’absorber la force du printemps. Aujourd’hui encore, dans de nombreuses régions germanophones et en Alsace, il est d’usage de manger «la soupe du Jeudi saint» ou… des épinards accompagnés d’un œuf.

Recette: Soupe aux herbes printanières du Jeudi saint

Temps de préparationTemps d’attentePortions
30 minutes30 minutes4

Ingrédients

  • 1 oignon
  • 1 cuillère à soupe de beurre
  • 2-3 pommes de terre
  • 1 litre de bouillon de légumes
  • Une grosse poignée: d’orties, d’herbe aux goutteux, d’achillée millefeuille, de dent-de-lion, d’ail des ours, de lierre terrestre, de plantain lancéolé, d’oseille et de roquette
  • 100 ml de crème fraîche
  • Sel
  • Poivre
  • Jus de citron
  • Noix de muscade
Dans les régions allemandes, on nomme le Jeudi saint Gründonnerstag: Jeudi vert.

Préparation

  1. Emincez l’oignon et faites-le chauffer avec le beurre dans une marmite à soupe.
  2. Coupez les pommes de terre en petits morceaux, ajoutez-les aux oignons et laissez mijoter un peu.
  3. Déglacez les légumes avec le bouillon de légumes et laissez-les mijoter doucement pendant 10 minutes.
  4. Lavez les herbes et les hacher finement. Ajoutez-les à la préparation et laissez la soupe infuser pendant 5 bonnes minutes, sans la faire bouillir.
  5. Ajoutez la crème et réduisez la soupe en purée à votre convenance.
  6. Salez et poivrez puis ajoutez de la muscade et du jus de citron selon vos goûts.

Astuce

Si vous ne trouvez pas dans votre jardin ou au marché les herbes mentionnées plus haut, vous pouvez aussi les remplacer par d’autres ingrédients de cette liste dans les mêmes proportions: ciboulette, chou, épinard, persil, poireau, cresson, mâche, jeunes feuilles de cassissier ou de groseillier ou de groseillier à maquereau, jeunes feuilles de sureau noir.

L’art-thérapie… un chemin de guérison intérieure

Orange, bleu, jaune, vert, rouge… cercles, lignes, spirales, formes… joie, tristesse, colère, angoisse… déprime, perte de sens, deuil, séparation, licenciement, maladie, quête existentielle ou spirituelle… amélioration, libération, guérison, transformation, réponses, solutions… Voilà des mots clés propres à l’art-thérapie. Des termes qui reviennent souvent dans les échanges entre l’art-thérapeute, Marianne Boisset, et les personnes qu’elle accompagne dans sa pratique privée ou institutionnelle.

PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL TORNAY
PHOTOS : DR

Marianne, comment en êtes-vous arrivée à l’art-thérapie ?

J’aime apprendre et comprendre. J’aime comprendre et partager. J’aime partager et apprendre. J’aime les « cœur à cœur » et l’avancée des âmes sur leur chemin de Vie. Depuis toujours, la question de l’humain et de son fonctionnement me passionne. J’ai beaucoup lu et fait diverses formations en lien avec la psychologie, la théologie, la spiritualité, la relation d’aide, le cheminement personnel et l’accompagnement en fin de vie. J’ai également toujours aimé m’exprimer par la créativité. Un beau jour, tout s’est mis en place et la profession d’art-thérapeute est arrivée comme une évidence dans ma vie. Actuellement, j’ai une pratique privée dans mon atelier d’art-thérapie, l’Atelier Joze qui se trouve à Martigny et j’ai également un engagement auprès de l’Hôpital du Valais dans le service des soins palliatifs de l’hôpital de Martigny dont je suis membre de l’équipe interdisciplinaire.

Mais qu’est-ce que l’art-thérapie ?

L’art-thérapie est une méthode d’accompagnement de la personne qui propose une prise en charge thérapeutique. Par diverses techniques liées à la créativité, cet accompagnement permet une extériorisation des émotions, des sentiments, des ressentis et offre ainsi la possibilité de se reconnecter à son intériorité. Exprimer ce qu’il y a dedans permet de comprendre ce qui s’y passe. Il devient alors possible de dépasser ses blocages et de transformer en douceur ce qui demande à l’être. L’art-thérapie est un moyen efficace pour travailler ses conflits, ses questionnements, ses difficultés. Elle permet de découvrir les solutions qui restaurent la confiance et l’estime de soi en rétablissant l’équilibre perdu ou fragilisé par des circonstances particulières, telles que le deuil, la séparation ou la maladie.

Comment est-ce que ça se passe ?

L’art-thérapie propose l’expression de soi à travers divers matériaux et techniques : peinture, dessin, argile, plâtre, fusain, collage, images, conte, écriture, etc. Le processus créatif amène des prises de conscience qui permettent une transformation. Libérée des croyances limitantes, des schémas répétitifs, de ce qui l’encombre, la personne peut alors progresser plus légèrement et plus allègrement en découvrant ses potentiels pour aller vers une meilleure version d’elle-même.

Quels en sont les effets ?

Un accompagnement art-thérapeutique s’envisage dans le sens d’une quête identitaire et propose à la personne d’aller à la rencontre d’elle-même, de découvrir d’autres aspects de son être, de puiser dans ses propres ressources et d’utiliser ces nouvelles énergies pour dépasser les difficultés et avancer vers le mieux-être. Les effets mesurables sont nombreux et divers : baisse ou disparition de l’angoisse, meilleure compréhension et gestion des émotions, rétablissement de la confiance et de l’estime de soi, diminution ou disparition de certains symptômes physiques (mal de vente, de tête, douleurs diverses, etc.), apaisement, reconnexion à la joie de vivre, au mieux-être, etc. La liste n’est pas exhaustive.

A qui s’adresse l’art-thérapie ?

L’art-thérapie s’adresse à tous les âges, des enfants de 4 ans jusqu’aux personnes qui se trouvent dans le grand âge. Aucune connaissance ou compétence artistiques ne sont nécessaires. Dans ma pratique privée, je reçois des enfants, des jeunes et des adultes de tous âges. Dans l’unité des soins palliatifs où j’interviens également, je prends en charge des personnes avec des difficultés liées à la maladie ou je les accompagne dans leur fin de vie. Je suis également les familles dans leur processus de deuil. J’ai aussi eu un engagement dans un EMS auprès des personnes âgées. A plusieurs reprises, je suis intervenue dans des classes, ainsi qu’auprès d’associations.

Quand y avoir recours ?

Les demandes de prises en charge sont motivées par des difficultés qui nécessitent un soutien thérapeutique momentané : stress, déprime, manque de confiance en soi, sentiment d’abandon, difficultés relationnelles, perte de sens, détresse émotionnelle, deuil, séparation, troubles anxieux, crise existentielle, questions autour de la mort, etc.

La pandémie que nous traversons et sa kyrielle de mesures restrictives ont eu un impact négatif très fort sur tout le monde. Nous avons tous été touchés à divers degrés. Certaines personnes s’en sortent très bien, d’autres peinent : absence de motivation, d’envie de vivre… Ici encore, l’art-thérapie offre une possibilité de dire et de se dire, pour préserver la santé mentale, rétablir la confiance en soi et en la vie, se reconnecter à son essentiel.

Est-ce que des ateliers auront bientôt lieu ?

Oui, j’anime avec une amie thérapeute, Nathalie Getz, des ateliers d’écriture créative où les techniques d’art-thérapie sont utilisées pour amener une écriture spontanée. Nous explorons les grandes étapes de la vie : enfance – adolescence – âge adulte – grand âge en les parcourant sous des angles inhabituels. Nous proposons un voyage autobiographique à la quête du merveilleux qui se trouve au fond de chacune, chacun et qui attend de venir à jour par le chemin des mots.

Prochains ateliers d’écriture:
Les lundis soir de 19h à 21h30
25 avril puis 2-9 et 16 mai 2022 à Martigny
et le week-end des 11 et 12 juin 2022 à Sion
Détails et infos : www.atelierjoze.com ou 079 314 24 84

Impressionnant !

 

PAR THIERRY SCHELLING | PHOTOS : PASCAL VOIDE

Commentaire

Solidarité jamais démentie

Par Frédéric Monnin

Choqué, atteint au plus profond de ma sensibilité… Ces sentiments m’ont envahi à la vue, lors du confinement, de ces files d’attente interminables de gens démunis en quête de nourriture. A Genève !

Emu, mais certainement pas incapable d’agir, car il m’était insupportable, en tant que chrétien, de rester les bras ballants devant cette pauvreté que cette Genève si riche donnait à contempler au reste du monde. Ce virus mettait en lumière une misère que, jusqu’alors, on cachait tel une maladie honteuse.

J’ai donc pris mon téléphone, appelé quelques amis que je savais impliqués dans les distributions de nourriture aux Vernets ou au sein de la Pastorale de rue, et j’ai lancé un appel, conjointement sur ma page Facebook, et par les moyens de communications de la paroisse Saint-Paul. Et les dons sont arrivés : quelques-uns sous forme de versements d’argent, mais beaucoup d’autres en vêtements, nourriture, produits d’hygiène et cartes cadeaux.

Le plus formidable dans cette aventure ? C’est que, aujour­d’hui encore, nos fidèles sont encore et toujours solidaires des plus pauvres, et les heures sombres que nous vivons sont un appel réitéré du Christ souffrant : il a étendu ses bras sur la croix pour embrasser le monde, à nous maintenant d’ouvrir les nôtres, pour mieux accueillir nos sœurs et nos frères désemparés, privés de toit, privés de tout.

 

 

La solidarité est un acte qui révèle le cœur des donateurs et donatrices, mais aussi leur désir de pallier à la peur qui étreint, à l’angoisse qui secoue et à l’incertitude du lendemain devant les événements affligeants qui meurtrissent des voisin.e.s.

Pas une paroisse ou communauté d’Eglise n’a oublié d’ajouter sa part à l’aide et l’assistance des Ukrainiens et Ukrainiennes. Il y a peu encore, personne ne parlait de ce grand pays européen ; aujourd’hui, comme l’a dit le Nonce en Grande-Bretagne au nom du pape François : « Nous sommes tous Ukrainiens. »

D’autant plus que depuis novembre travaille parmi nous un prêtre de rite byzantin, catholique, marié, Sviatoslav Horentskyi – son portrait avait été publié dans le numéro de décembre dernier.

Curé des deux communautés ukrainiennes à Genève et Lausanne, il est également au service de l’Unité pastorale La Seymaz. Il a appris le rite romain et se lance désormais seul pour présider des célébrations dans nos églises de la région.

Il n’y aurait pas assez de pages pour décrire les élans concrets de solidarité dont vous, paroissien.ne.s,
lecteurs et lectrices, avez témoigné au cours des dernières semaines au Père Sviatoslav ; et vous serez heureux de savoir que les biens, médicaments et autres denrées non périssables, sont acheminés tant bien
que mal aux frontières auprès de qui en a besoin.

La prière de ces derniers temps a également été alimentée par le mot « Ukraine », mais aussi « Paix » !

Ce temps de Carême qui va exploser de joie dans le souvenir et la célébration de la Résurrection n’aurait pas de sens si nous ne croyions pas que « mort et résurrection » est le paradigme central de notre foi, de notre vie, de notre espérance.

Modestement, fidèlement, inlassablement, restons vigiant.e.s et solidaires, en paroles, prières, pensées et actes, avec les victimes de tous les conflits : Tigray, Myanmar, Colombie, et – malheureuesement ! – j’en oublie. Et pour faire écho aux paroles de Paul VI à l’ONU : « Plus jamais la guerre ! »

 

 

«L’Eglise, c’est l’Evangile qui continue»

Dans cette rubrique, L’Essentiel propose aux Evêques des diocèses de Sion et de Lausanne-Genève-Fribourg,
à l’Abbé territorial de Saint-Maurice et à leurs représentants de s’exprimer sur le sujet de leur choix. Ce mois, c’est Mgr Charles Morerod qui prend la plume.

PAR MGR CHARLES MOREROD OP, ÉVÊQUE DU DIOCÈSE DE LAUSANNE-GENÈVE-FRIBOURG
PHOTOS : JEAN-CLAUDE GADMER, DR

La phrase que j’ai le plus répétée (dans quatre lettres pastorales) est: «L’Eglise, c’est l’Evangile qui continue »1. Si je tiens à le répéter, c’est que ce n’est pas évident, mais que c’est absolument souhaitable. Il me semble qu’on ne peut pas lire l’Evangile sans être très frappé par la personne de Jésus et que ce choc initial pousse à un approfondissement jamais achevé de cette rencontre. C’est Jésus lui-même qui nous répète: «Venez et voyez.» (Jean 1, 39)

Si on demande ce qu’est l’Eglise, peu de monde pense à citer le Christ, ou l’Evangile. On nous répond généralement en termes de morale. Bien sûr qu’il y a une morale dans l’Evangile ! Mais elle commence par cette conversion qu’est la vie avec Jésus, sans laquelle les « valeurs chrétiennes » ne signifient pas grand-chose.

L’Evangile garde toujours une nouveauté, car le Saint-Esprit est source de jeunesse permanente, même là où l’Eglise donne l’impression d’être déjà connue, voire trop connue, voire même nocive. Et certes nous lisons l’Evangile dans l’Eglise, sans avoir à refaire tout le chemin de la foi sur des questions comme « qui est-il, celui-là ? » (Luc 5, 21 ; 7, 49 et 8, 25), « qui est-il, Seigneur, que je croie en lui ? » (Jean 9, 36), « Mais pour vous, […] qui suis-je ? » (Matthieu 16, 15) et « où demeures-tu ? » (Jean 1, 38)… Nous lisons l’Evangile dans l’Eglise, mais ce n’est pas une raison pour vivre dans l’Eglise sans lire l’Evangile.

«Tous les renouveaux dans l’histoire de l’Eglise ont été des renouveaux de sainteté, marqués par un retour à l’Evangile. C’est ce dont nous avons besoin. Lisons l’Evangile, constamment, écoutons-le et que notre vie en soit marquée.»

En cette période de chemin synodal, demandons ensemble au Saint-Esprit, qui a inspiré les auteurs des Evangiles, de nous permettre d’en découvrir les richesses et d’en vivre!

Charles Journet, L’Eglise et la Bible, Editions Saint-Augustin, Saint-Maurice, 1960, p.45.

Sur un malentendu…

PAR MYRIAM BETTENS
PHOTOS: DR

Vårfrudagen… à vos souhaits! Mieux vaut ne pas avoir un ch’veu sur la langue pour prononcer le nom de la fête de l’Annonciation en suédois. Chez nous, il est normalement d’usage de manger du poisson ce jour. En Suède, pays de spécialités marines et de surcroît protestant, il est coutume de préparer… des gaufres.

Quittons un peu nos romandes contrées pour nous diriger vers le pays du prinsesstårta, du surströmming et des våfflor suédoises. L’anecdote liée à cette tradition culinaire se base pour ainsi dire… sur un malentendu. La fête de l’Annonciation se traduit par Vårfrudagen, le jour de Notre Dame. La gaufre se dit, quant à elle, våffla, dont la forme våffel n’est utilisée que dans les mots composés. Entre la pronon- ciation de vårfru et våffel, il n’y a qu’un pas… le peuple suédois a fait l’amalgame entre les deux. Le 25 mars, commémorant normalement l’annonce de la mater- nité divine de la Vierge Marie par l’archange Gabriel, s’est donc transformé au fil du temps en Våffeldagen: le jour des gaufres!

Mieux vaut deux fois qu’une!

Une chose tout à fait étonnante concernant la fête de l’Annonciation en Suède: le culte à la Vierge Marie n’y est pas très présent, mais les calendriers comportent pourtant deux jours dédiés à cette célébration. Le Marie bebådelsedag ou Våffeldagen (dont nous avons parlé plus haut) toujours fêté le 25 mars, et le Jungfru Marie bebådelsedag qui, dans l’Eglise de Suède, se célèbre le dimanche qui tombe entre le 22 et le 28 mars, sauf si c’est le dimanche des Rameaux ou celui de Pâques.

Petit vocabulaire culinaire suédois

Prinsesstårta: gâteau suédois traditionnel, composé de couches de génoise, de confiture de framboise, de crème pâtissière vanillée et enveloppé d’une fine couverture de pâte d’amandes verte. Le gâteau «IKEA» par excellence!

Surströmming: hareng fermenté durant plusieurs mois et traditionnellement dégusté à Noël ou à Pâques. L’odeur très prononcée de ce met retient souvent d’y goûter…

Våfflor: pluriel de gaufre.

Recette: Les gaufres de Vårfrudagen / Våffeldagen

Temps de préparationTemps d’attentePortions
30 minutes30 minutes8

Ingrédients pour la pâte à gaufres

  • 3,5 dl de farine de blé – vetemjöl
  • 2 c. à c. de levure chimique – bakpulver
  • 4 dl de lait – mjölk
  • 100g de beurre fondu – smör
Våffeldagen: le jour des gaufres

Préparation des gaufres au gaufrier

  1. Dans un saladier, mélanger la farine et la levure.
  2. Ajoutez le lait, fouettez pour obtenir une pâte homogène. Versez-y le beurre fondu.
  3. Faites chauffer le gaufrier. Badigeonnez d’un peu de beurre pour la première gaufre.
  4. Versez une louche de pâte dans le gaufrier, fermez le battant et patientez quelques minutes.
  5. Servez avec de la crème fouettée et de la confiture de fraise pour manger votre gaufre à la suédoise.

Préparation des gaufres à la poêle

  1. Suivez les étapes 1 à 3 de la préparation « au gaufrier ».
  2. Versez une louche de pâte au milieu d’une poêle de façon à la cuire comme des pancakes.
  3. Dorez la pâte de chaque côté jusqu’à ce qu’elle se soulève un peu de la surface de la poêle.

Préparation à la machine à croque-monsieur

  1. Suivez les étapes 1 à 3 de la préparation « au gaufrier ».
  2. Versez une louche de pâte dans la cavité normalement réservée au sandwich, fermez le battant et patientez quelques minutes.

Entrer en résonance avec la Parole

Faire résonner la Parole de Dieu, voilà le grand défi de la catéchèse.
C’est au travers de gestes, de vie partagée toute simple mais en vérité que la résonance de l’amour infini de Dieu peut être visible. En ce temps un peu spécial pour partager la vie d’une façon spontanée, la catéchèse est bien vivante…

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Semaine sainte dans nos deux UP et Saint-Paul

Voici la tabelle des célébrations de la Semaine sainte dans les 6 paroisses de nos deux unités pastorales et à Saint-Paul.
Il y a le choix !

PHOTO : CHRYSTOPHE RAKOTODRANAIVO

Dimanche des Rameaux (10 avril)
9h30 à Thônex
10h à Saint-Joseph
10h30 à Saint-Paul
11h à Presinge
11h à Saint-Joseph
11h à Sainte-Thérèse
18h à Choulex
18h30 à Saint-Paul

Jeudi saint (14 avril)
8h Office des ténèbres à Saint-Paul
19h à Puplinge
20h à Saint-Paul
20h à Saint-Joseph
20h à Sainte-Thérèse

Vendredi saint (15 avril)
8h Office des ténèbres à Saint-Paul
10h à Saint-Joseph
15h à Choulex
15h à Saint-Paul
15h à Sainte-Thérèse
19h Chemin de croix à Thônex

Vigile pascale (samedi soir 16 avril)
8h Office des ténèbres à Saint-Paul
20h à Chêne-Bourg
20h30 à Saint-Joseph
21h à Sainte-Thérèse

21h à Saint-Paul

Dimanche de Pâques (17 avril)
9h30 à Thônex
10h à Puplinge
10h à Saint-Joseph
10h30 à Saint-Paul
11h à Saint-Joseph
11h à Sainte-Thérèse
18h à Choulex

18h30 à Saint-Paul

Découvrir la bible, cent textes essentiels commentés

Durant le confinement, des membres des Editions Robert Laffont se sont rendu compte
que les libraires vendaient un nombre de bibles plus important que d’ordinaire. Les lecteurs cherchaient peut-être des clés pour comprendre ce moment de crise particulier, seulement voilà… en ouvrant la bible, ils ne comprenaient rien !

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Le diacre Christian Thurre, ambassadeur diocésain pour l’écologie

Inciter toutes les entités paroissiales et ecclésiales à penser et agir écologie : c’est, en résumé, le mandat que l’évêque de Sion a confié à Christian Thurre, diacre, ordonné en juin dernier. Une mission qui permet à ce scientifique de conjuguer écologie et spiritualité. Rencontre.

PAR CLAUDE JENNY | PHOTOS : GÉRARD RAYMOND, RAPHAËL ZBINDEN / CATH.CH

Comme tous les diacres permanents, Christian Thurre parcourt son chemin diaconal d’abord dans le cadre de son univers professionnel, en l’occurrence le Service de l’environnement de l’Etat du Valais. En tant que collaborateur scientifique, il participe aux études d’impacts écologiques pour que les projets mis à l’enquête soient conformes aux exigences légales. Il assure évidemment aussi régulièrement, comme tout diacre, un service à l’autel aux côtés du célébrant. Mais il fonctionne depuis quelques mois également comme mandataire de Mgr Lovey pour effectuer tout un travail de sensibilisation auprès des entités diocésaines pour qu’elles se soucient d’écologie.

Appliquer « Laudato Si’ ». – Un rôle qui est désormais dévolu à tous les diocèses par le Pape lui-même qui s’est souvent exprimé sur le thème de la protection de la Création, de cette « Maison commune » qui ne nous appartient pas mais qu’il nous incombe de protéger. L’encyclique papale « Laudato Si’ » est un texte de référence sur le sujet. Même si son expérience est encore brève, Christian Thurre est à l’évidence l’homme qu’il fallait pour remplir cette mission de sensibilisation que le Pape appelle les « intendants responsables du jardin de la Création ».

Agir via des éco-diagnostics. – Le délégué de l’évêque est, par son mandat, le seul délégué du diocèse au sein d’EcoEglise, l’organe œcuménique qui œuvre au niveau national à favoriser cette prise de conscience que les Eglises ont également leur rôle à jouer en matière d’écologie. Pour Christian Thurre, c’est une évidence : « Les Eglises doivent interpeller leurs communautés ! Chacun doit apporter sa pierre pour avoir une attitude éco-responsable. » Ainsi, l’organisme EcoEglise ( https://ecoeglise.ch) est spécialisé dans l’établissement d’éco-diagnostics qui conduisent à des propositions de mises en œuvre de mesures éco-responsables. Ce qui peut toucher au matériel pour les célébrations et l’administration, aux bâtiments, aux espaces verts gérés par les paroisses, etc.

Opération « Maison de la diaconie ». – Christian Thurre, en collaboration avec son épouse Marie-France, a effectué une première démarche dans ce sens début janvier 2022 avec la « Maison de la Diaconie » à Sion qui abrite notamment l’établissement Verso-l’Alto. Il trouve excellent que ce soit ce lieu diocésain qui lui permette de démarrer son action. Il espère que d’autres communautés, paroisses, etc. feront appel à lui. Il est disponible pour aller à la rencontre de ceux qui veulent agir à leur échelle dans une démarche qu’il qualifie non seulement d’écologiste, mais aussi de spirituelle.

Une dimension spirituelle. – Il cite la parabole du colibri qui apporte sa gouttelette, juste ça, mais déjà ça ! « Dans cette protection de la « Maison commune », il y a quelque part une dimension de conversion spirituelle, de se laisser blesser par cette réalité d’une nature insuffisamment respectée et de décider d’agir, à son échelle, individuelle, associative, paroissiale, etc. » s’enflamme Christian Thurre qui peste contre certains abus, comme la multiplication des canons à neige, par exemple, qui entraîne un gaspillage d’eau : « Nous ne pouvons pas, plus, nous comporter en enfants gâtés. Mais je suis optimiste : je crois qu’il y a une prise de conscience que l’on ne peut pas continuer à surexploiter la nature. De plus en plus de personnes se laissent toucher et décident d’agir ».

Méditer autour de la tenture de Carême

André Besson, de Charrat, a été choisi par les responsable de la Campagne œcuménique 2022 pour écrire la méditation autour de la tenture de Carême. Il s’est laissé inspirer par cette image, ce pied dont l’ossature est blessée, brisée… Il élargit ici sa réflexion sur notre humanité souffrante, à notre terre meurtrie par l’homme. Voici quelques textes sur ce thème, en complément du carnet de méditation de la tenture de Carême 2022.

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Autolimitation

PAR JEAN-PASCAL GENOUD | PHOTO : PIXABAY

L’immense penseur et écrivain russe, Alexandre Soljenitsyne, au soir de sa vie, donnait trois conditions qui lui paraissaient nécessaires à l’avenir de l’humanité. L’une d’entre elles, il l’appelait autolimitation, se référant à la longue tradition chrétienne.

Il est évident que notre monde s’est emballé dans une frénésie de consommation, rendue possible par les révolutions industrielles et technologiques des derniers siècles. Longtemps cela a paru être de l’ordre d’un formidable progrès, dans une sorte d’ivresse devant les possibilités offertes par le développement stupéfiant de la science et de la technique.

Le XXIe siècle devait toutefois marquer un tournant. Prise de conscience douloureuse que les ressources de notre planète de sont pas infinies et que la hausse du niveau de vie d’une bonne partie du monde s’accompagnait de tout un cortège de fléaux redoutables. Pollution engendrée par l’activité économique, perturbations repérées dans les équilibres climatiques, perte de la biodiversité s’additionnent pour assombrir un avenir devenu plein de risques.

Dans ce contexte, la sagesse du vieux sage russe ne peut que nous interpeller, lui qui, des décennies à l’avance, prônait le principe d’autolimitation. Je peux faire trois voyages par année, mais je peux aussi choisir de n’en faire qu’un, que je prépare avec d’autant plus de soin et que je risque d’apprécier avec davantage de goût. Je peux céder à la tentation des sirènes de la publicité pour avoir l’ordinateur ou le téléphone portable dernier cri, mais je peux y résister librement. Je peux décider de faire moins de kilomètres avec ma voiture pour une occupation de mes loisirs plus en qualité qu’en quantité.

Devrais-je tomber dans un christianisme tristement puritain ? Avec au ventre, la peur de vivre pleinement et une mauvaise conscience permanente ?

Le Carême pourrait être au contraire ce temps d’une réflexion pour une joyeuse exigence. Le temps d’un engagement pour dépenser moins afin de vivre mieux. Avec la joie morale de conjurer un avenir menaçant. Nous serions alors les témoins d’un Dieu qui ne nous a pas voulus tout-puissants, mais capables de vivre intensément et solidairement nos limites humaines.

Une église pour l’avenir

PAR GENEVIÈVE DE SIMONE-CORNET
PHOTO: JEAN-CLAUDE GADMER

La communauté de Gland était en fête le 13 février (voir pages 9-11) : elle vivait, avec joie et fierté, la consécration par Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, de sa nouvelle église. Douze ans qu’elle portait, avec l’ensemble de l’Unité pastorale Nyon-Terre Sainte, ce projet ambitieux et mobilisateur. Aujourd’hui, elle dispose d’une église fonctionnelle, moderne et belle. Simplicité et sobriété s’y conjuguent pour la plus grande joie des paroissiens et des visiteurs.

Un projet mené à terme à force de persévérance, de travail et de foi. Un signe d’espérance pour les croyants d’aujourd’hui et de demain. Un pari sur l’avenir : oui, dans cinquante ans, voire un siècle, des chrétiens continueront à se réunir à Gland. A y vivre des célébrations recueillies, émouvantes, solennelles ou simples sur les pas des bâtisseurs d’aujourd’hui.

Car une église est d’abord au service d’une communauté : de sa vie et de sa croissance, de son présent et de son avenir. Elle est d’abord un lieu source pour les paroissiens : là ils se nourrissent du Christ, le prient, l’adorent ; là ils puisent force et espérance pour leur marche quotidienne au cœur d’un monde souvent fort éloigné de la dimension spirituelle de l’existence ; là ils se ressourcent pour témoigner avec joie de Celui qui habite ces murs et leurs cœurs.

Des murs qui rassemblent, des cœurs qui s’unissent, des mains qui se tendent : c’est cela, une église. Et celle de Gland, si belle soit-elle, est d’abord un lieu où fortifier sa foi pour repartir plus joyeux en témoins de la Bonne Nouvelle. Ils le savent, ceux qui l’ont voulue et construite, et c’est pour cela qu’ils ont mis du cœur à l’ouvrage.

La célébration fut belle, l’atmosphère recueillie, les visages et les cœurs étaient à la fête. Mais tout cela n’est que le début de la route : c’est maintenant que tout commence. Il faudra désormais habiter ces murs tout neufs, donner une âme à cette église, en un mot devenir des pierres vivantes et agissantes dans les remous du monde et les incertitudes de notre temps.

Place à la créativité, à l’imagination, pour faire de ce lieu un endroit accueillant, un endroit où il fait bon s’arrêter, prier, se retrouver. Mais pas trop longtemps, car Dieu nous attend sur les routes du monde. Halte bienfaisante, oasis, lumière dans nos nuits : elle sera cela, cette nouvelle église, et bien plus. Elle sera ce lieu où nous ressourcer pour repartir, joyeux et confiants, vers nos frères et sœurs en humanité.

Merci à tous ceux qui ont œuvré à ce projet. Merci à ceux qui désormais l’habiteront et le feront vivre jour après jour.

Le chemin…

… mystérieux d’un appel

Le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai sois une bénédiction ! » (Gn 12, 1-2)

PAR ALAIN VIRET, THÉOLOGIEN FORMATEUR | PHOTO : DR

Il y a des détours dans une vie qui manifestent encore plus la fidélité du Seigneur qu’une ligne droite.

En réfléchissant sur mon parcours pour répondre à la demande de cet article, j’ai éprouvé combien le Seigneur nous invite à la confiance et combien il nous accompagne dans les joies comme dans les épreuves. Il nous appelle à entrer en dialogue avec lui dans le concret de l’histoire de son peuple comme de l’histoire singulière de nos vies.

Issu d’une famille modeste de France voisine, j’ai beaucoup reçu à travers l’amour et la foi de mes parents et la riche animation d’une paroisse où je me suis très tôt engagé comme servant d’autel, catéchiste et membre de groupes de jeunes. C’est là qu’a grandi en moi le désir de suivre le Christ de plus près.

Des joies et des charges

Après des études profanes et une expérience de travail en hôpital, j’ai opté pour une longue formation théologique qui m’ouvrit au ministère de prêtre diocésain. Pendant 26 ans, j’ai accompagné la vie de communautés et me suis passionné pour l’intelligence de la foi de mes frères et sœurs baptisé-e-s. Si j’ai éprouvé bien des joies dans ce service, bientôt, le poids de la charge, la sacralisation du prêtre de plus en plus soupçonné à cause des abus, tout comme la difficulté de vivre une fraternité interculturelle et le manque d’une vie affective et le sacrifice d’une descendance m’ont mis en crise.

Sans le justifier, ce climat ouvrit sur une rencontre amoureuse qui me révéla à moi-même et sur la naissance d’une enfant qui trouva dans le nom de Marie et sous la protection de sainte Anne d’Auray, un chemin inédit de promesses ! S’imposa à moi un choix difficile mais vécu dans la confiance et non dans l’hypocrisie d’une double vie pour continuer à vivre mon baptême d’une autre manière. L’opportunité me fut donnée de venir en Suisse et de poursuivre ce travail de formation chrétienne qui m’a toujours finalement habité. J’ai goûté à la joie de collaboration œcuménique et à la possibilité de servir, avec l’expérience accumulée, la diversité des ministères dans une Eglise en pleine mutation.

En relisant ce chemin parcouru, je perçois mieux la fidélité du Seigneur à mon égard et le déploiement de mon baptême dans ce chemin singulier. A l’heure où, sous l’impulsion du pape François, l’Eglise approfondit sa nature synodale, j’entends de nombreuses voix qui demandent une évolution de la discipline de l’Eglise latine concernant le célibat sacerdotal. Sans renier sa valeur quand il est pleinement assumé, la rencontre de pasteurs réformés et de prêtres mariés de rite oriental présents en Suisse romande me fait penser que l’Eglise catholique gagnerait en crédibilité à ouvrir avec discernement, ce choix comme elle l’a fait pour le ministère diaconal. Je ne doute pas qu’elle sera amenée à le faire dans une dynamique œcuménique et pour répondre aux besoins des communautés. Il est temps d’écouter ce que l’Esprit dit aux Eglises dans la fidélité à la Parole de Dieu et la confiance au sensus fidei !

Les chartreux

De nombreuses communautés composées de religieux ou de laïcs sont présentes en Suisse romande, comme autant de témoins de la vitalité et de la diversité de l’Eglise. Ce mois-ci, cap sur les chartreux de La Valsainte qui mènent une vie de prière et de solitude.

PAR PASCAL ORTELLI | PHOTO : JEAN-CLAUDE GADMER

Nom officiel: Ordre des chartreux ou Ordre cartusien.

Fondateur: saint Bruno (vers 1030 – 6 octobre 1101).

Date de fondation: 1084 pour la Grande Chartreuse et 1295 pour La Valsainte.

Sigle: O. Cart.

Devise: « La Croix demeure tandis que le monde tourne ».

Habit : une tunique blanche et une cuculle (scapulaire avec une bande de tissu qui
relie les deux pans) avec capuchon, de même couleur.

Organisation: chaque monastère est dirigé par un prieur élu au service des moines
du cloître (prêtres) et des frères convers.
Les moines du cloître passent la majorité de leur temps en ermitage, véritable « désert à l’intérieur du désert », composé d’une chambre, d’un atelier et d’un jardin où ils prient, travaillent, mangent et dorment. Ils ne sortent de la cellule que pour les activités communes prévues : prière liturgique à l’église, récréation et promenade hebdomadaire.
Les frères occupent une cellule plus petite, sans jardin ni atelier, car une part importante de leur journée se passe dans le lieu où chacun travaille, en solitude, au service de la communauté.

Mission: la contemplation et la prière continuelle vécues dans une consécration totale
à Dieu, en renonçant aux contacts sociaux ordinaires autant que le permettent l’équilibre
des personnes et la charité chrétienne.

Présence en Suisse et dans le monde: La chartreuse de la Valsainte dans le Val de Charmey (FR).
Outre la maison-mère dans le massif de Chartreuse au-dessus de Grenoble, l’ordre compte une vingtaine de monastères dans le monde dont cinq de moniales.

Une particularité: le grand office liturgique de la nuit entre minuit et 2h du matin.

Pour aller plus loin: le film Le grand silence, disponible sur playsuisse.ch

«Etre chartreux, c’est…» par un chartreux de la Valsainte

« Une vie de silence, de solitude pour Dieu, de prière continuelle. Une vie de louange, qui s’étend durant la liturgie de la nuit, lorsque le monde sommeille. Une vie partagée avec des frères, où chaque solitaire accomplit sa tâche, dans la charité mutuelle. Une vie exigeante : comme pour Jésus, le désert est le lieu du combat spirituel. Mais le Christ est notre paix ! Il mène le chartreux dans la solitude pour l’unir à Lui dans un amour intime, qui se diffuse dans la prière pour tous les hommes, surtout les plus souffrants. »

Une église toute neuve, pari sur l’avenir

La communauté de Gland était en fête dimanche 13 février pour la consécration de sa nouvelle église. Fruit d’un travail de longue haleine, moderne et fonctionnelle, elle permettra aux catholiques de Gland et de toute l’Unité pastorale (UP) Nyon-Terre Sainte de se rassembler et de se ressourcer pour être témoins du Christ au cœur du monde.

PAR GENEVIÈVE DE SIMONE-CORNET | PHOTOS : PHILIPPE ESSEIVA

Elle a fière allure, l’église Saint-Jean Baptiste qui conjugue l’acier, le béton, le bois et le verre dans une belle harmonie. Quel signe d’espérance ! Il en a fallu du professionnalisme, de l’enthousiasme, de la persévérance et de la foi pour mener à bien ce projet ! Aujourd’hui, il faut habiter cette église et la faire vivre. Pour qu’elle devienne un lieu ouvert à tous, accueillant et stimulant.

Consacrer une église est un événement rare à notre époque, marquée par la crise de l’Eglise et la désaffection des lieux de culte. Pour Gilles Vallat, président de la paroisse de Nyon, c’est « un véritable défi, une folie même » dans une société matérialiste et individualiste. Et un pari sur l’avenir : « Oui, malgré les vicissitudes de notre époque, nous pensons que dans trente, cinquante ans, voire un siècle, il y a aura toujours des chrétiens qui se réuniront à Gland pour célébrer le Christ ».

La messe de consécration, célébrée le 13 février par Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, fut sobre, joyeuse et recueillie. L’occasion de remercier tous les acteurs d’une belle aventure et de se réjouir de pouvoir désormais se réunir dans un lieu de beauté et de simplicité qui invite à la prière. Brigitte Besset, présidente du Conseil de communauté, a rendu grâce pour « cette nouvelle église qui a été projet, puis construction et qui devient aujourd’hui maison de prière ». Ce jour, s’il marquait l’aboutissement de nombreux efforts – il a fallu douze ans pour que le rêve devienne réalité –, était aussi un commencement: les paroissiens de Gland-Vich-Coinsins et leurs pasteurs ont les yeux tournés vers l’avenir dans le désir d’être des pierres vivantes de l’Eglise. Car un bâtiment est d’abord au service d’une communauté.

Tisser une histoire

La dédicace transforme un bâtiment en un lieu de culte, un lieu où Dieu est présent. La nouvelle construction devient, selon le Père Norbert Hennique, directeur du Service national français d’art sacré, « un signe de transcendance dans notre société sécularisée. Pour les uns un témoin du passé, pour d’autres un lieu de prière, de recueillement, de célébration toujours actuel ». Ni salle de spectacle ni musée, mais des murs au service d’une communauté vivante qui y trouvera de quoi nourrir sa foi et témoigner. Et qui y tissera une histoire au gré des rassemblements et des sacrements.

Pour l’architecte Flavio Boscardin, du bureau Coretra à Nyon, une église « doit pouvoir transmettre du bien-être, des émotions. Pour certains, des rites de passage et des souvenirs seront liés à ce lieu ». L’artiste, Alain Dumas, a relevé la présence de trois colombes, symboles de l’Esprit Saint, qui soulignent l’idée de cheminement dans l’espace liturgique : la première, sur la cuve baptismale, dans le narthex, rappelle le baptême et invite à entrer ; la seconde, sur l’ambon, souligne l’élévation de la Parole ; la troisième oriente la porte du tabernacle vers l’autel. Au cours de son travail s’est dégagée, sur la face avant de l’autel, une veine grise qui évoque l’hostie partagée – un « cadeau ».

Une messe riche de sens

En ouverture de la célébration de la dédicace, le curé modérateur, Jean-Claude Dunand, a salué « une journée cadeau » pour la communauté de Gland, la paroisse et l’Eglise. A suivi une liturgie qui a comporté nombre d’étapes riches de sens. Au début, Mgr Morerod s’est rendu à l’entrée de l’église pour déposer une boîte en inox contenant des documents – les plans de l’église, des noms et un numéro spécial de L’Essentiel – dans une cavité recouverte d’une pièce en bronze gravée. Pour dire à ceux qui nous suivront qui est à l’origine de ce projet.

Puis l’évêque a béni l’eau de la cuve baptismale et en a aspergé l’assemblée, l’autel et l’ambon. Après la liturgie de la Parole, le rite de la dédicace a commencé par la litanie des saints. Ont suivi la prière de la dédicace, l’onction de l’autel et des murs, l’encensement de l’autel et l’illumination de l’autel et de l’église. La célébration, animée par une chorale de jeunes, fut sobre, avec la présence de trois anciens gardes suisses en uniforme.

Signes de Dieu

Dans son homélie, Mgr Morerod s’est interrogé : « Si Dieu est partout, pourquoi bâtir une église ? Pour que le peuple se rassemble au nom de Dieu et parce que l’édifice que Dieu bâtit, c’est nous : nous sommes l’Eglise, le corps du Christ, nous sommes des signes de Dieu, des signes paradoxaux. Et pourtant, Dieu agit à travers nous et à travers cette église. »

Pourquoi ? « A cause de nous, car nous ne connaissons le monde et Dieu que par nos sens. Et Dieu en tient compte, c’est pourquoi il nous donne des signes : la beauté de la création qui révèle sa grandeur ; cette église ; le peuple rassemblé ; et le signe le plus grand, frappant, complet, inattendu, paradoxal : le Christ. C’est pour nous que tous ces signes existent, car passant par eux, Dieu se met à notre niveau parce qu’il nous aime. Tellement qu’il nous rend partie prenante de son œuvre. C’est un signe d’espérance qu’il choisisse des signes comme nous et comme cette église au travers desquels il peut manifester sa présence. » Et cette église « ne prend sens et vie que si Dieu s’y trouve ».

A l’issue de la messe, la partie officielle, dans la salle communale, fut l’occasion pour les autorités politiques de se réjouir et de remercier les catholiques de Gland et environs pour cette initiative au service de la population (lire l’encadré ci-dessous).

Deux concerts donnés l’après-midi dans l’église par le chœur gospel Accroch’chœur de La Lignière et le chœur mixte de Gland « Le Chêne » ont clôturé ce jour de fête ensoleillé au-dedans comme au-dehors.

Au service de tous

Trois salles sous l’église, accessibles de façon indépendante et équipées d’une cuisine, de sanitaires et d’un parking, serviront de lieux de réunion pour les paroissiens. Elles pourront aussi être louées pour accueillir des expositions, des rencontres, des conférences ou des concerts. L’Association culture et rencontre de Gland et environs, fondée en 2021 sous l’impulsion du comité de pilotage, gérera les réservations. Association à but non lucratif, apolitique et aconfessionnelle, elle veut encourager la convivialité.

GdSC

Retour aux sources

En forme de cône tronqué, la nouvelle église de Gland peut accueillir 250 fidèles. Sa forme ronde rappelle les églises paléochrétiennes – un retour aux sources – et facilite la communion. Si sa façade est recouverte de plaques métalliques, l’intérieur est en bois. On y pénètre de deux côtés : par le parvis sud, avec la porte principale et des escaliers ; et le parvis nord, qui permet d’entrer de plain-pied. L’église bénéficie d’un éclairage naturel avec un interstice entre le cône et la toiture et, derrière l’autel, un puits de lumière.

Le mobilier liturgique se veut d’une noble simplicité. En marbre Bleu de Savoie, il est l’œuvre du sculpteur français Alain Dumas. On pénètre dans l’église en passant par le narthex où nous accueillent les fonts baptismaux – circulaires, ils permettront le baptême des bébés par immersion; une fontaine y évoque l’eau source de vie.

L’autel est orné de motifs sphériques évoquant la symbolique romane du cercle (l’univers céleste) qui s’inscrit dans la forme carrée (le monde terrestre). Le siège de la présidence forme, avec l’autel et l’ambon, un triangle équilatéral rappelant la Trinité. Il est en bois de noyer, comme la croix, en forme de Tau, reprise de l’ancienne chapelle.

GdSC

Portrait de Sœur Marie Bénédicte…

… de la communauté du Monastère de Géronde

PAR LAURA PELLAUD
PHOTOS : LDD, MARIE-FRANÇOISE SALAMIN

Sœur Marie-Bénédicte, vous êtes l’une des douze sœurs qui forment la communauté de Géronde, comment avez-vous choisi de la rejoindre ?

Avant de choisir, j’ai été choisie. A travers la lecture de l’Evangile, Jésus-Christ s’est révélé comme l’Amour qui peut combler un cœur, remplir une vie. Des rencontres, des événements, m’ont orientée vers la vie monastique et, plus précisément, vers Géronde. Un jour, après avoir découvert, par la lecture, saint Benoît et la vie cistercienne, je suis venue pour «voir»…

Et qu’avez-vous trouvé ?

Des sœurs saisies, elles aussi, par l’amour du Christ, appelées à le préférer à tout. C’est lui qui continue de nous rassembler, qui suscite l’entraide, le partage, le pardon mutuel, afin que nous soyons un signe d’unité et de communion. Ce vivre ensemble pourrait être étouffant si le silence n’était pas là pour assurer à chacune un espace intérieur personnel pour vivre avec Dieu une relation unique. En ce qui me concerne, je suis comme aimantée par la prière de Jésus au désert ou sur la montagne dans la solitude et dans la nuit. Dès mon entrée au monastère, j’ai aimé le lever très matinal et la prière prolongée qui précède le lever du jour, vécue d’abord ensemble à l’église puis, dans l’écoute personnelle de la Parole de Dieu. Cette longue veille prépare à la célébration de l’eucharistie et oriente la journée.

Cette journée, de quoi est-elle faite ?

Ceux qui entendent la cloche de Géronde savent que des temps de prière jalonnent la journée. Mais le travail, y compris le travail manuel, est tenu en haute estime dans notre tradition spirituelle. Il est éclairé par l’exemple de Jésus qui s’est présenté comme « celui qui sert ». Au monastère, chacune accomplit le travail qui lui est confié dans les différents services de la maison ou bien dans la fabrication des hosties, l’accueil des hôtes, la vente du vin. Nous ne sommes plus en mesure de cultiver nous-mêmes les vignes mais le travail reste une composante de nos journées, il est un lieu où le don de soi donne leur poids de vérité aux paroles prononcées dans la prière.

Quelles autres dimensions de votre vie aimeriez-vous encore évoquer ?

En ce moment, beaucoup se réjouissent de voir l’Eglise se lancer dans une démarche synodale faite de dialogue et de concertation. Or, cette manière de consulter la communauté en vue de prendre une décision est prévue par saint Benoît dans sa Règle écrite au VIe siècle. Cela vaut au niveau du monastère et au niveau de notre Ordre. Un autre point est la question de l’environnement. Le monastère est établi dans la solitude, on y vit en silence, dans un climat de simplicité qui doit caractériser les bâtiments, la prière, le style de vie. Nous veillons aussi à la sobriété dans l’usage des moyens de communication tout en restant très à l’écoute des souffrances et des attentes de notre monde pour leur donner voix dans la prière.

Pouvez-vous rappeler un souvenir ?

Je n’ai jamais oublié un certain dimanche d’été où, à la tombée de la nuit, au moment de fermer la porte du monastère, j’ai vu arriver un jeune homme qui gardait un air d’enfant. Tout en lui, son allure, ses vêtements usés, son sac de pèlerin, m’ont fait penser à saint Benoît Labre, mais un Benoît Labre très propre ! Je lui ai proposé d’entrer au parloir et, tout de suite, il m’a dit qu’il était venu pour poser une question. Il s’appelait Kevin, venait d’Australie et faisait le tour du monde à pied avec sa Bible pour seule richesse. Il la feuilletait déjà et, arrivé au chapitre 22 de l’Evangile selon saint Luc, il posa le doigt sous le verset 19 : il (Jésus) dit : « Ceci est mon Corps donné pour vous. » Il voulait savoir quel sens les catholiques donnent à ces paroles. Dans son Eglise, issue de la Réforme, il avait appris qu’elles ont un sens purement symbolique. Mais cela le laissait insatisfait, il pressentait que Jésus avait voulu dire davantage. J’ai donc essayé de lui dire, tant bien que mal, notre foi en la présence réelle de Jésus-Christ dans l’eucharistie. Un éclair de joie a brillé dans ses yeux et nous sommes restés en silence. Puis, je lui ai proposé de manger et de faire halte au monastère pour la nuit. Non, il n’avait pas besoin de cela. Il avait reçu ce qu’il cherchait et, sans tarder, il est reparti, enveloppé par la grande paix du soir. Le souvenir de cette rencontre reste gravé en moi.

Pourquoi quittent-ils la vie consacrée ?

Ils ont dit oui à Dieu en pensant que c’était pour la vie. Il arrive pourtant que certains religieux et religieuses discernent que leur place n’est plus là. Eclairage sur les motivations qui les poussent à quitter la vie consacrée et les implications de la remise en cause de leur engagement.

PAR MYRIAM BETTENS | PHOTOS : JEAN-CLAUDE GADMER, PXHERE, DR

Dieu écrit droit avec des lignes courbes.

«Les responsables de l’Eglise ne sont pas vraiment préparés à ce type de situations», affirme Maxime Morand, consultant en ressources humaines et lui-même prêtre ayant quitté le ministère. De nombreuses personnes se sont adressées à lui au moment de quitter une institution religieuse. Pourtant, « cette sortie est canoniquement assez simple à effectuer », se souvient Geneviève*. « La supérieure générale m’a déliée de mes vœux. Elle a également communiqué à l’évêque ma décision de partir. Pour ma part, j’ai rencontré ce dernier au tout début de mon temps d’exclaustration », poursuit-elle. Après plus de trente ans de vie communautaire, elle décide de quitter son Institut qui lui accorde trois ans afin de vérifier que sa décision est juste. Des deux côtés, « il y a un processus de deuil à mener » et cette autorisation à vivre à l’extérieur de sa communauté pour un temps défini fait partie d’un sain(t) cheminement de discernement, juge Sœur Marie-Brigitte Seeholzer, supérieure des Ursulines de Fribourg. «En congrégation, nous osons parler des questions de sortie, de fidélité à notre vocation ou de changement de communauté. Cette démarche me semble importante, à la fois dans une fidélité à soi-même et à l’appel de Dieu.»

Un faisceau de circonstances

« Ma vocation avec le Christ n’est plus dans ce style de vie », reconnaît Geneviève qui refuse dans un premier temps d’accepter cette réalité qui s’impose peu à peu. Elle a également de plus en plus de peine à supporter « de ne pas être simplement Geneviève, témoin du Christ, mais uniquement Sœur Geneviève ». Presqu’à en perdre son identité. Matthieu*, quant à lui, prend conscience qu’il « attendait de la vie religieuse la réalisation de quelque chose qui ne s’est pas donné ». Néanmoins, il reste moine durant plus de vingt ans et ce n’est qu’au moment du premier confinement qu’il reconnaît le sentiment d’oppression et d’enfermement qui le limite. Pour André*, c’est un faisceau de circonstances qui l’ont mené à reconsidérer son choix de vie, dont un important problème de santé. Il quitte sa communauté pour « cet ailleurs où il pourra servir Dieu d’un cœur plus tranquille ». Ces trois anciens religieux considèrent que leur communauté a accepté et accompagné moralement comme financièrement leur choix, ce qui n’est pas toujours le cas.

«Les responsables de l’Eglise ne sont pas vraiment préparés à ce type de situations.»

Maxime Morand
Quitter sa communauté est un choix de vie difficile à évoquer.

Des signes trompeurs

« Du jour au lendemain, je n’avais plus de communauté, plus de travail. Je n’existais plus », raconte Isabelle*. Un douloureux sentiment « d’effacement » qu’elle ne cache pas. La petite communauté de femmes dont elle fait partie traverse alors une crise sans précédent. « A partir du moment où on a cette vocation, on ne veut pas décevoir Dieu, on veut faire sa volonté. Savoir porter sa croix, consentir à des sacrifices fait encore partie de l’enseignement et interpréter les signes qui nous disent de sortir comme une croix à porter mène droit dans le mur. » La jeune religieuse cherche du soutien auprès des frères qui les accompagnent spirituellement. A leurs yeux, c’est elle le problème : elle doit partir. Après le choc de cette annonce, une difficulté plus grande encore se présente. Elle ne peut prétendre au chômage, son emploi auprès des frères n’a jamais été établi contractuellement. En plus de cela, la communauté n’a pas cotisé pour elle à la prévoyance vieillesse. Mis à part Geneviève, dont la communauté a effectué toutes les démarches en ce sens, les autres témoins se sont tous retrouvés au sortir de la vie religieuse avec un trou béant dans l’AVS et le deuxième pilier. Certains d’entre eux ont d’ailleurs eu recours aux conseils de Maxime Morand pour parvenir à une « convention de sortie » avec leur congrégation.

Un texte passé sous les radars

En octobre 2020, la congrégation romaine pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique a publié Le don de la fidélité, la joie de la persévérance. Le texte, passé inaperçu, présente des « orientations » pour prévenir les abandons de vie consacrée ou, le cas échéant, les accompagner au mieux. Une sorte de guide pour accompagner les situations de séparation d’un Institut. Le document comporte trois parties. La première vise à mieux penser les situations de mal-être qui provoquent les crises. La deuxième veut soutenir l’effort de la persévérance par un accompagnement et un discernement adéquat. La troisième donne les normes canoniques en la matière. Cette partie s’achève sur le rappel de l’aide qui devrait légitimement être apportée à celui quittant son Institut et la responsabilité inhérente à chacun : « Celui qui abandonne doit se poser des questions sérieuses sur les raisons de la perte de son choix vocationnel. Celui qui reste, sur la cohérence de son demeurer et ses éventuelles implications dans les causes de l’éloignement et de refroidissement de la persévérance de qui est parti. »

Le regard des autres

Outre l’aspect financier, ce changement de statut a aussi impliqué une grande part de culpabilité pour chacun des témoins. « Revenir sur une parole donnée est extrêmement violent », relève André. Echec, désaveu, infidélité sont quelques exemples d’expressions employées à l’encontre de ces « démissionnaires », tous reconvertis professionnellement. Sœur Marie-Brigitte souligne « qu’on s’imagine parfois la vie religieuse comme quelque chose de trop statique », un idéal de perfection remis en question depuis Vatican II. « L’habit ne fait pas le moine, mais fait l’image qu’on a de lui », abonde Geneviève. Aujourd’hui, elle se dit témoin du « Verbe fait frère » et peut le transmettre sans avoir cette couleur religieuse qui la précède dans toute relation. Comme les autres, elle est convaincue que le chemin emprunté n’est pas une rupture, mais une continuité de sa vocation initiale.

«En congrégation, nous osons parler des questions de sortie, de fidélité à notre vocation ou de changement de communauté..»

Soeur Marie-Brigitte, supérieure des Ursulines de Fribourg

L’après de la vie religieuse

En France, le Réseau Véro (reseauvero@gmail.com), fondé en 2014, accompagne ces « ex » religieux. Il fonctionne essentiellement par le bouche-à-oreille, mais est connu des instances ecclésiales. Il favorise la rencontre amicale et apporte aussi un soutien matériel. Rien de similaire en Suisse. Plusieurs témoins relatent le recours aux conseils de Maxime Morand, appelé en renfort par les instances ecclésiales ou les religieux eux-mêmes. Le consultant accompagne, notamment, les personnes dans la négociation de « conventions de sortie ». Il a d’ailleurs publié en 2020 avec deux pasteurs, Cultures chrétiennes et pratiques ressources humaines, un manuel d’accompagnement dans les situations de la vie ecclésiale.

Une messe radiodiffusée riche d’harmoniques

La messe radiodiffusée sur RTS Espace 2 du dimanche 16 janvier était retransmise de l’église Saint-Robert de Founex. Une célébration tournée vers la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens célébrée par l’abbé Jean-Claude Dunand, curé modérateur.
La prédication était assurée par la diacre Christel Hofer.

PAR GENEVIÈVE DE SIMONE-CORNET
PHOTOS : ELISABETH HAUSER

C’est la communauté de Founex qui, dimanche matin 16 janvier, rejoignait par les ondes les auditeurs de Suisse romande. Une messe célébrée par l’abbé Jean-Claude Dunand, curé modérateur, et concélébrée par l’abbé André Fernandes, curé répondant. Elle était animée par Nathalie Breault avec à l’orgue Olivier Borer. Quelques paroissiens de Nyon s’étaient joints à la communauté pour apporter leur soutien dans les parties chorales. L’homélie avait été confiée à la diacre Christel Hofer, de la paroisse de Terre Sainte-Céligny de l’Eglise évangélique réformée vaudoise. L’occasion pour elle de souligner la diversité des dons ou charismes, des ministères et des modes d’action.

Ensemble dans nos différences

Dans son homélie, Christel Hofer a commenté la deuxième lecture, tirée de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens, rappelant la diversité dans l’unité de l’Esprit. Les gens à qui Paul s’adresse vivent dans une ville riche « où règnent le pluralisme et le syncrétisme religieux. Au sein même de la communauté des croyants, il existe des divergences d’opinions », a-t-elle précisé en ouverture. Il en est de même aujourd’hui, à l’intérieur de nos communautés et entre nos Eglises, « qu’elles soient protestantes, catholique, évangéliques ou orthodoxe », dans lesquelles nous vivons notre foi de diverses manières : les attentes diffèrent et la difficulté à communiquer est une réalité – sur certains points, comme la Covid-19, cela peut être source de discorde.

Mais la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens nous invite, a poursuivi la diacre, « avec nos similarités et nos différences, à vivre quelque chose ensemble dans l’unité de la foi qui nous anime ». Ainsi, « prenons le temps de partager ce que nous vivons dans nos différentes communautés, de partager sur nos différences et sur nos similarités, et rappelons-nous que nous croyons au même Dieu ». Et que chacun reçoit un ou des dons de la grâce qui « proviennent tous du même et seul Esprit ». Pour Paul, « la diversité des dons de la grâce, la diversité des ministères et la diversité des modes d’action sont offertes à chacun et chacune dans l’unité de l’Esprit pour le bien de tous ».

A l’exemple de la Trinité

Diversité des dons de la grâce, d’abord. Ce sont les charismes, « des dons offerts à tous par l’Esprit. Il n’y en a pas un qui domine les autres. Ils sont tous importants. Ils sont là pour le bien de tous, pour le bien commun de notre communauté, de nos communautés ». Diversité des ministères ensuite : loin d’être « l’apanage des ministres du culte », « ils concernent aussi tous les chrétiens. Et ces ministères sont des services. Chacun d’entre nous est capable de mettre ce qu’il a reçu du Seigneur au service des autres ». Pour cela, il est invité à « suivre l’exemple du Christ, lui qui s’est mis au service des autres et surtout des plus petits ».

Diversité des modes d’action enfin : « Nous avons chacune et chacun des capacités différentes et c’est grâce à cette diversité que nous agissons pour le bien de notre communauté, de nos communautés ». Cette diversité nous est « donnée en vue du bien de tous » : les dons que nous avons reçus « sont nécessaires pour la communauté ». « Il y a diversité des dons de la grâce, mais un même Esprit. Il y a diversité des ministères, mais un même Seigneur Jésus-Christ. Il y a diversité de modes d’action, mais un même Dieu », a affirmé Christel Hofer. Et ces diversités « nous rendent capables, chacun à sa façon, de manifester l’amour de Dieu ».

« La Trinité est pour nous un exemple de la diversité dans l’unité de Dieu, lui qui est à la fois Père, Fils et Saint-Esprit. Et c’est à l’exemple de leur modèle de relation que nous pouvons, nous chrétiens, trouver la juste articulation entre la diversité et l’unité », a relevé la diacre en conclusion.

A l’issue de la messe, un apéritif a été servi dans la salle de paroisse. Une initiative bienvenue pour mieux se connaître entre paroissiens de Founex et de Nyon.

 
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