Dieu ne joue pas aux dés

Souvent présentées comme inconciliables, la science et la foi ont pour tâche commune d’éclairer notre compréhension du monde. Plutôt que de l’expliquer définitivement, l’une et l’autre s’attellent à guider l’Homme à mesure qu’il explore ses limites.

PAR MYRIAM BETTENS | PHOTOS : FLICKR, PIXABAY, PXHERE, DR

« Pour être scientifique et croyant, il faut faire du bricolage ! » lance Jean-François Bert lorsqu’on l’interroge sur la possibilité d’un mariage heureux entre science et foi. Chargé de cours à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), il propose à ses étudiants d’examiner minutieusement les rapports, souvent conflictuels, entre la recherche scientifique et la religion. Mais de fait, il demeure fermement convaincu qu’il n’est pas de bon augure de chercher à allier l’une et l’autre. Cette position, dite concordiste, lui paraît même dangereuse. « Cette tentative de concordisme élimine la frontière entre science et religion et pour un lecteur non averti, on ne sait plus très bien de quelle vérité on parle », car pour le sociologue « ce débat demeure fondamentalement centré sur la question de la vérité. Finalement, qui possède la légitimité et le pouvoir d’énoncer une vérité sur le monde ou le vivant ? ». Il est donc plus que nécessaire de trouver comment « répartir les modes de questionnement sur le monde ». Dont l’une des plus célèbres répartitions propose : à la religion le champ du « pourquoi » et à la science celui du « comment ».

Avoir réponse à tout

Roland Benz articule sa réflexion de la même manière, « la vérité scientifique et la vérité théologique existent bel et bien. Par contre, elles ne sont pas sur le même registre de langage. Chacun de ces deux domaines d’étude doit garder son rapport spécifique à la vérité ». Le pasteur retraité de l’Eglise protestante de Genève et lui-même ancien professeur de physique au collège (gymnase) ne cache pas son ironie face aux thèses créationnistes. « Elles font des récits de la Genèse des textes scientifiques. Comme si on pouvait décrire la complexité du monde en une seule page ! Ces textes ne donnent aucune information scientifique. Leur fonction est de nous inviter à recevoir le monde comme don d’un Autre, un monde ordonné et dédivinisé. » Par ailleurs, Lydia Jaeger, directrice des études à l’Institut biblique de Nogent, affirme que du côté scientifique il est essentiel « de reconnaître les limites de la science ainsi qu’une méthodologie différente d’avec la théologie ». La physicienne et théologienne soutient qu’« une grande partie du conflit émerge lorsqu’on attend de la science une réponse à tout ».

Une vérité vers laquelle tendre

Astrophysicien retraité, Pierre North va même encore plus loin. Il allègue que la science, pour elle-même, peut devenir une religion. Ses ardents défenseurs lui attribuent « une valeur métaphysique ». Mais « pour dire les choses franchement, la controverse n’a pas d’objet. La société en a fait un sujet de débat pour des raisons idéologiques ». Il est trop dérangeant pour certains d’accepter une possible cohabitation entre la rationalité de la science et l’apparente irrationalité de la foi. D’ailleurs, Pierre North s’insurge : « Dans n’importe quel métier, lorsqu’on se dit croyant, on tâche de pratiquer avec conscience et éthique, mais on ne demande pas à un vendeur de voitures si sa profession est compatible avec sa foi ! » Raphael Märki note tout de même que la science postule l’hypothèse d’un absolu et donc d’une vérité vers laquelle tendre. Ce physicien des hautes énergies nuance néanmoins : « Nous ne connaîtrons jamais complètement cette vérité. » Georges Meynet abonde dans le même sens. L’astrophysicien à l’Observatoire de Sauverny reprend l’analogie attribuée à Albert Einstein à son compte. Celle-ci définit « l’accumulation des connaissances comme une surface circulaire qui s’étend avec le temps et dont le rayon représente l’interface entre le connu et l’inconnu. Cela signifie que lorsque la connaissance s’agrandit, l’interface avec l’inconnu augmente d’autant ». Il faut donc rester humble et « accepter une limite qu’on ne pourra pas dépasser, tout en laissant place à l’inconnu et au mystère ».

Et dans les faits ?

Les scientifiques voient-ils un conflit entre la science et la foi ? Quels facteurs culturels façonnent les attitudes des scientifiques à l’égard de la religion ? Les scientifiques peuvent-ils contribuer à nous montrer une façon d’établir une collaboration entre les communautés scientifiques et religieuses, si tant est que de telles collaborations soient possibles ?

Pour répondre à ces questions, les auteurs de Secularity and Science : What Scientists Around the World Really Think About Religion (2019) ont réalisé une étude internationale d’envergure sur les attitudes des scientifiques à l’égard de la religion, en interrogeant plus de 20’000 scientifiques et en menant des entretiens approfondis avec plus de 600 d’entre eux. A partir des données récoltées, les auteurs essaient d’esquisser la relation qu’entretiennent des scientifiques du monde entier avec la foi. Le livre s’articule sur quatre axes de réflexion : les scientifiques religieux sont plus nombreux qu’on ne le pense ; la religion et la science se chevauchent dans le travail scientifique ; les scientifiques – même athées – voient de la spiritualité dans la science ; et enfin, l’idée que la religion et la science doivent s’opposer est principalement une invention de l’Occident.

Des lieux pour réfléchir et dialoguer

Plusieurs groupes de scientifiques chrétiens existent en francophonie. Sous l’impulsion des Groupes bibliques universitaires (GBU) un Réseau des scientifiques évangéliques a été lancé pour offrir aux chrétiens à profil scientifique un lieu de réflexion. Ce rassemblement profes­sionnel et étudiant poursuit notamment l’objectif de rendre disponible au public une réflexion rigoureuse sur les interactions possibles entre science et foi. Pour ce faire, le réseau organise, au moins une fois par an, un colloque réunissant scientifiques et théologiens pour débattre d’une question spécifique. Depuis une dizaine d’années, une branche romande de ce même réseau s’est aussi développée. Elle a été créée par le professeur émérite
de l’UNIL, Peter Clarke, un neuroscientifique reconnu, décédé des suites d’un cancer en 2015. L’autre réseau francophone a été fondé en 2001 pour susciter la réflexion entre scientifiques, philosophes et théologiens. Les membres du groupe Blaise Pascal (Sciences, Cultures et Foi) sont actifs dans l’enseignement et la recherche des domaines scientifiques, philosophiques ou théologiques en francophonie (Universités, Grandes Ecoles, CNRS, INSERM).

Noël, une fête d’adultes ou d’enfants ?

Dans notre culture chrétienne contemporaine, avec la fête de Noël arrivent les contes pour enfants, les cadeaux du Père Noël… Les fêtes de fin d’année, hormis les traditionnels repas, semblent parfois tournées uniquement vers les petits ou vers ceux qui auraient la foi d’une âme d’enfant.

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Synode sur la synodalité: à votre écoute

Deux ans pour une large concertation, qui veut aboutir à des réformes et à des actes, non pas à des empilements de papiers !

PAR L’ABBÉ ETIENNE CATZEFLIS
PHOTO: FR.ZENIT.ORG

En octobre, le pape François a inauguré le processus synodal qui va durer jusqu’en octobre 2022 : « Pour une Eglise synodale : communion, participation, mission ». Il attend de cela une dynamique d’écoute mutuelle, menée à tous les niveaux de l’Eglise, impliquant tout le peuple de Dieu.
En page 12 de ce bulletin, nous donnons quelques indications sur la manière d’opérer cette concertation dans notre secteur paroissial. Mais voici déjà des mots1 du Pape, qui développent la raison de cette démarche et l’accent particulier sur l’intégration des nonpratiquants.

Accepter le changement
L’Eglise des premiers chrétiens, dès le tout début, a dû évoluer, écouter l’Esprit en s’écoutant mutuellement, oser changer de direction, dépasser certaines croyances.
Il faut surmonter une rigidité, « qui est péché contre la patience de Dieu. »
Lorsque l’Eglise s’arrête, elle n’est plus Eglise, mais une belle et pieuse association parce qu’elle emprisonne l’Esprit Saint.
Rester immobiles ne peut pas être une bonne situation pour l’Eglise. Et le mouvement est une conséquence de la docilité à l’Esprit Saint.

Marcher ensemble
Il ne s’agit pas de récolter des opinions, non. Il ne s’agit pas d’une enquête, mais il s’agit d’écouter l’Esprit Saint.
La synodalité exprime la nature de l’Eglise, sa forme, son style, sa mission.
Le mot « synode » contient tout ce dont nous avons besoin pour comprendre : « marcher ensemble ».
Tous sont protagonistes, personne ne peut être considéré comme un simple figurant. Il faut bien comprendre cela : tous sont protagonistes.

La totalité des baptisés, notamment « les pauvres »
Il y a beaucoup de résistances pour surmonter l’image d’une Eglise qui distingue rigidement entre chefs et subordonnés, entre ceux qui enseignent et ceux qui doivent apprendre, en oubliant que Dieu aime renverser les positions : « Il a renversé les puissants de leurs trônes, il a exalté les humbles » (Lc 1, 52), a dit Marie.
« Mais, Père, que dites-vous ? Les pauvres, les mendiants, les jeunes drogués, tous ceux que la société met au rebut, font-ils partie du synode ? » Oui.
Les voir pour passer un peu de temps avec eux, pour entendre non pas ce qu’ils disent mais ce qu’ils ressentent, même les insultes qu’ils vous adressent, (…).
Le Synode est au-dessus des limites, il inclut tout le monde.

Le regard sur nos pauvretés
Faire place au dialogue sur nos pauvretés, les pauvretés que j’ai en tant que votre évêque, les pauvretés qu’ont les évêques (…), les pauvretés qu’ont les prêtres et les laïcs et ceux qui appartiennent à des associations, prenez toutes ces pauvretés !
Mais si nous n’incluons pas les pauvres – entre guillemets – de la société, ceux qui sont mis au rebut, nous ne pourrons jamais prendre en charge notre pauvreté. Et ceci est important : que dans le dialogue nos propres pauvretés puissent émerger, sans justification. N’ayez pas peur !

En paroisse
L’Esprit Saint, dans sa liberté, ne connaît pas de frontières et ne se laisse pas non plus limiter par les appartenances. Si la paroisse est la maison de tous dans le quartier, pas un club exclusif, je vous le recommande :
Laissez portes et fenêtres ouvertes, ne vous limitez pas à prendre en considération ceux qui la fréquentent ou pensent comme vous (…). Permettez à tous d’entrer… Permettez-vous d’aller à leur rencontre et laissez-vous interroger, que leurs questions soient les vôtres, permettez-nous de marcher ensemble : l’Esprit vous conduira, ayez confiance en l’Esprit. N’ayez pas peur d’entrer en dialogue et de vous laisser impliquer dans le dialogue : c’est le dialogue du salut.

1Extraits de son Discours aux fidèles du diocèse de Rome, salle Paul VI, 18.9.2021

L’art du dialogue

PAR NICOLAS MAURY
PHOTOS : CERN, DR

Souvenir télévisuel : en 1997 Claude Allègre est l’invité de Bernard Pivot. Pour mémoire, c’est lui qui, ministre de l’Education nationale du Gouvernement Jospin, voulait « dégraisser le mammouth ».

Ce soir-là à « Bouillon de culture », il fait la promotion de son livre « Dieu face à la Science ». Le sujet m’intéressant, je me suis rapidement procuré l’ouvrage. Pour n’y trouver, entre Darwin et Galilée, que beaucoup de lieux communs.

Si le titre affiche Dieu en grosses lettres, Claude Allègre ne l’évoque jamais, parlant uniquement de l’Eglise, de la curie, de l’inquisition. Ce qui, même si je ne suis pas spécialiste, n’est pas tout à fait la même chose. Une drôle de manière de clore le débat avant même de l’avoir commencé, non ?

La science et la religion participent de ce que le physicien et philosophe des sciences Etienne Klein nomme « les sphères de la vie de l’esprit ». Pour qu’un dialogue soit possible entre leurs thuriféraires, elles ne doivent ni être confondues, ni mélangées. Un élément que le paléontologue Stephan Jay Gould appelle le principe de non-superposition des magistères.

Sans vouloir étaler encore plus ma science (ndlr. ), il m’est quand même avis que non-superposition ne signifie pas forcément opposition.

Marcher ensemble à l’écoute de l’Esprit

PAR PASCAL ORTELLI
PHOTOS : DR

En octobre, le Pape a ouvert un nouveau Synode… sur la synodalité ! Ce mot barbare qui signifie « marcher ensemble » caractérise le chemin que Dieu attend de l’Eglise du troisième millénaire. Ce processus, d’ordinaire réduit à une simple assemblée d’évêques, est précédé par une vaste consultation du Peuple de Dieu. Cette démarche inédite, aussi importante que le Concile Vatican II, est ouverte à tous. Comment dès lors intégrer les enfants – les premiers dans le Royaume, nous dit Jésus – qui restent les grands oubliés de cette dynamique dont les fidèles peinent encore à voir les tenants et aboutissants.

A votre écoute

Comment se réalise aujourd’hui ce « marcher ensemble » qui nous permet d’annoncer l’Evangile et quels pas de plus l’Esprit nous invite à poser pour grandir comme Eglise de l’écoute et de la proximité, bref comme lieu ouvert où chacun se sent chez lui et peut participer ? Telle est la question de fond posée dans le document préparatoire 1 qui accompagne la phase de consultation locale ouverte jusqu’en avril 2022.

Dans l’Esprit

« La spiritualité du marcher ensemble est appelée à devenir le principe éducatif de la formation humaine et chrétienne de la personne, la formation des familles et des communautés. » La dixième piste évoquée dans ce document propose de mieux se former au discernement. Il y a là une manière intéressante d’associer les enfants à la démarche.

Caroline Baertschi, formatrice
dans l’Eglise catholique de Ge-
nève et auteure du livre Les enfants, portiers du Royaume, explore, dans un autre contexte et sous forme d’acrostiche, des pistes pour inviter les plus jeunes à écouter l’Esprit. En voici un résumé et une invitation à en découvrir davantage dans les bons filons de prierenfamille.ch

 

E comme espace sécurisant pour cultiver sa vie intérieure ;

S comme silence à favoriser dans un monde bruyant ;

P comme processus et invitation à renoncer à vouloir mesurer ce que les enfants savent de Dieu ;

R comme relations dont les quatre fondamentales (à la nature, à soi, aux autres, à Dieu) sont à harmoniser ;

I comme imaginaire dont les enfants débordent, tout comme dans la Bible ;

T comme transcendance pour ne pas oublier qu’ils connaissent Dieu avant de savoir des choses sur lui.

 

1 A découvrir par exemple sur la plateforme mise en place par le Jura pastoral : www.jurapastoral.ch/jura-pastoral/Organisation/Diocese-de-Bale/Itineraire-synodal.html

 

Semaine de prière 2022

Cette année, c’est le Conseil des Eglises du Moyen Orient, basé à Beyrouth, au Liban, qui a organisé le groupe de rédaction du thème de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens 2022. Le thème retenu s’ancre dans la parole suivante : « Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage. » (Mt 2, 2)

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Science et foi (fides et ratio): une réflexion

Heureux de rendre service, c’est avec enthousiasme que Nicolas Donzé a accepté l’invitation de l’équipe de rédaction à porter un regard qu’on sait inspiré sur le sujet. Merci Nicolas, nous te lisons dans ce texte continu , comme si tu t’adressais à chacun de nous.

PAR NICOLAS DONZÉ, BIOLOGISTE, LOC
PHOTO: HÔPITAL DU VALAIS

Saint Jean-Paul II disait que pour permettre le voyage dans le ciel de nos ignorances, nos âmes sont équipées de deux ailes : la science et la foi. Ainsi, dès notre naissance, nous prenons (ou espérons) prendre le contrôle de notre corps, le vaisseau de notre pèlerinage terrestre. Dès notre premier cri, notre premier son entendu, notre premier paysage vu, notre curiosité nous noie de questions qui trouvent des réponses parfois dans des actes de foi, parfois dans des chemins de raisons. Ainsi avançons-nous vers ce « Graal » que nous construisons avec nos réponses.

Pour bien comprendre les univers que sont ces deux mots, une sainte du XIe siècle, Hildegarde von Bingen, nous permet de voir leur complémentarité. Elle pensait que nous étions construits en trois dimensions : un corps, sorte de fantôme d’une éternité recherchée et qui porte en lui ce mystère qu’est la mort. Puis, habite en nous une âme qui agit comme le pilote de ce corps. Enfin, vit un esprit, qui ouvre à notre âme les portes de la contemplation divine. Elle imaginait d’ailleurs que la santé était l’harmonieuse communication de l’esprit, l’âme et le corps, et la maladie que pleure le corps trouvait son origine dans une relation houleuse entre ces trois éléments.

Dans cette conception, il y a un continuum entre la science et la foi qui permet de réfléchir sur une maladie en particulier que la médecine moderne traite avec difficulté : la dépression nerveuse. Les flèches de cette maladie nous clouent au sol, et comme un papillon épinglé, nous empêche de voler. Souvent, la réponse de la science se trouvent dans des médicaments qui retirent ces flèches. Mais, lorsque les épingles ont été retirées, existe-il un médicament pour nous redonner « l’envie de voler » ? Cette envie se cache-telle dans la force que l’esprit donne à notre âme ? Cette question nous fait quitter les chemins battus de la science… On quitte le « comment » traiter une maladie, ses mécanismes pathologiques, pour travailler le « pourquoi » suis-je malheureux, comprendre la cause. On peut donc supposer que la médecine moderne traite les symptômes de la maladie et la foi aide à comprendre l’origine des souffrances du corps.

D’ailleurs, la science se perd dans la foi que l’on a en la science. En effet, souvent j’entends dire, en ces temps de pandémie : « je ne crois pas à ce vaccin », ou l’inverse « j’y crois ». Ou encore, certains annoncent : « je ne me vaccine pas car Dieu me protège ». Est-ce la bonne approche ? La science se caractérise par des méthodes que notre cerveau tente de construire, par des doutes, des remises en question, des échecs et parfois de magnifiques succès qui permettent le développement de nouvelles thérapies. La foi est, elle, un chemin dans une nuit éclairée par une lumière que nos yeux aveuglés par nos peurs, nos colères, nos jalousies, nos égoïsmes ne voient plus. Et malgré elle ou peut-être grâce à elle, osons-nous quand même avancer dans cette nuit. Ainsi, parfois les maladies que la science ne résout pas toujours, nous obligent-t-elles à abandonner nos certitudes, à laver nos yeux et nous tourner vers cette flamme qui devient soleil. Et, la science nous conduit vers la foi, car elles sont toutes deux filles du même père.

Un des plus grands mystères que la science n’a pas encore compris se lit dans une question, la dernière question que posa Pilate à Jésus. On peut lire dans l’évangile de saint Jean, 18 : 36-38 : Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » Pilate lui dit : « Qu’est-ce que la vérité ? » Et à partir de ce moment, Jésus se tait. Il ne répond pas à cette question fondamentale. Probablement, parce qu’Il mesure que Pilate ne comprendrait pas qu’un chemin de foi, un chemin d’amour lui permettrait de compléter les réponses que la science seule ne peut résoudre.

La vie est ainsi très mystérieuse. Peut-être que Dieu inscrit en nous les contours d’un dessin de l’aventure terrestre que nous devons colorier. La foi nous permet de voir ces contours et la science aide au coloriage.

Retrouvez les vidéos de Nicolas Donzé, biologiste chef adjoint à l’Institut Central des Hôpitaux à Sion.
L’infatigable vulgarisateur des sujets aussi cruciaux que la consommation de toxiques et leur action sur la santé des ados en particulier apporte là où on l’invite un regard de scientifique précieux .
Site internet et page facebook de l’hôpital du Valais.

« Vous ne pouvez pas rester »

Voilà, c’est dit, cette phrase toute simple qui tombe entre les deux personnes, celle qui est derrière le bar et celle qui est devant. « Vous ne pouvez pas rester ici », elle est tellement incongrue cette phrase, qu’elle semble d’abord dite dans une langue étrangère. Puis, le voyageur comprend…

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3 questions à… Jésus !

Pourquoi pas ? Le mois de décembre est celui qui pointe vers la célébration de sa naissance – bien qu’Il ne soit pas né un 25 décembre ! Comment voit-il cette période ?

PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY SCHELLING | PHOTO : DR

Cher Jésus, tu vas voir une fois encore les temples et les églises se remplirent de gens qui viendront écouter des concerts, des veillées, des Carols, des messes et des cultes bien préparés, pour familles ou avec chœur… qu’en penses-tu ?

Cela me réchauffe le cœur de voir que c’est par la beauté que l’être humain se laisse émouvoir et mouvoir… Pour ma part, c’était la beauté du lys dans les prés qui m’avait le plus ému. Et mu, car j’ai parcouru des kilomètres dans mon propre pays, jusqu’à ses frontières décriées par les bien-pensants et j’y ai toujours trouvé la beauté de la nature, simple et sobre, à l’image de Dieu…

Comment vis-tu le fait que toi et nous savons bien que tu n’es pas né un 25 décembre ?

Eh bien moi non plus, comme des milliers de personnes aujourd’hui dans le monde, spécialement dans des pays où l’administration est déficiente, je ne sais pas exactement ma date de naissance. Mes parents me disaient que c’est à 12 ans, lors de ma Bar Mistvah, que je suis né véritablement : à la communauté juive, à notre village, aux yeux de Yahvé. Pour ma part, il me semble être né des centaines de fois : quand, au matin, contemplant le soleil se lever de derrière les montagnes – j’aimais bien aller seul, tôt, dans la solitude des collines –, le premier rayon me caressait le visage comme un « Shalom » de Dieu mon Père ; quand, le jour où mon cousin Jean-Baptiste m’immergea dans les eaux du Jourdain ; quand mes disciples revenaient, fatigués et tout heureux d’avoir reçu l’annonce que le Royaume était tout proche et changeaient le cœur des écoutants ainsi que le leur…

Que souhaiterais-tu dire à la communauté de Saint-Joseph ?

Chaque matin est un Noël car je ne dors pas mais veille à tes côtés, ô paroisien.ne ! Chaque jour est un Noël car donner est facile et apprendre à recevoir encore mieux. Chaque soir est un Noël car la nuit n’est point ténèbre, mais appelle à la confiance et à l’espérance car demain me porte vers un nouveau jour… de Noël ! Et puis, fais simple cette année, tu veux bien ?

Ces sourds qui savent écouter

Marlène Pochon vit à Chamoson. Elle est maman et grand-maman. Elle a travaillé plus de 20 ans comme infirmière. Il y a 16 ans, elle a ressenti le besoin de changer d’orientation professionnelle. Marlène donc a choisi de se mettre au service des personnes sourdes et
malentendantes. Elle travaille comme codeuse interprète en LPC, c’est-à-dire langage parlé complété …

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Mosaïque d’Alexandre Blanchet

Eglise Saint-Joseph, Genève

PAR AMANDINE BEFFA | PHOTO : JEAN-CLAUDE GADMER

L’œuvre que je vous présente ce mois-ci est toute particulière pour moi : Saint-Joseph est l’église de mon enfance. J’ai grandi, dimanche après dimanche, en regardant Jésus marchant sur un établi qui ressemblait beaucoup à celui qui se trouvait dans l’atelier de mon papa encadreur. Cette mosaïque nous parle précisément de cela : d’une histoire d’enfance, d’une photo de famille, de quelques instantanés de la vie d’un enfant et de ceux qui ont pris soin de lui.

Chaque année, pendant la période de l’Avent, nous écoutons les mêmes textes. Avec le temps, nous oublions peut-être de nous laisser émerveiller par l’extraordinaire message de l’ange : « Voici que la Vierge concevra et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit: ‘‘Dieu-avec-nous’’. » (Mt 1, 23)

L’œuvre d’Alexandre Blanchet nous invite à nous arrêter sur ce qu’est l’Incarnation. Le Dieu qui a fait le ciel et la terre, celui qui a fait sortir Israël du pays d’Egypte, qui a fait toutes ces grandes choses… nous rejoint sur terre. Il aurait pu venir directement en tant qu’adulte. Il choisit cependant de le faire, non comme Mary Poppins qui apparaît portée par le vent pour aider les familles qui en ont besoin, mais comme un bébé. Et même comme un embryon qui grandit dans le ventre de sa mère. Notre Dieu se remet, fragile parmi les fragiles, entre les mains de ses créatures. Il choisit de tout recevoir de deux êtres humains.

Ici, Jésus apprend à marcher, tenu par les mains de Joseph; la Sainte Famille est rassemblée autour de l’établi où Joseph travaillait. On rétorquera peut-être que ces scènes ne sont pas bibliques. C’est vrai, elles ne font pas partie de celles qu’il a semblé essentiel de transmettre par les Evangiles. Toutefois, elles nous aident à (re)découvrir des aspects auxquels nous ne pensons peut-être pas tous les jours. Cet enfant qui marche sur l’établi, c’est notre Dieu…

Sépulture dans l’intimité

PAR CALIXTE DUBOSSON | PHOTOS : CATH.CH/FLICKR

Paris 9 décembre 2017: le décès de Johnny Hallyday crée une émotion nationale. Lors de ses obsèques, un «hommage populaire» lui est rendu avec une descente des Champs-Elysées en musique, par le cortège funéraire, devant près d’un million de personnes. Suit une célébration religieuse en présence de nombreuses personnalités politiques, de la chanson, du cinéma et des médias. Le tout est retransmis en direct par les chaînes d’information, en continu.

Authon (France), samedi 5 dé­cembre 2020 : une quarantaine de personnes – famille et cercle proche – assistent à la messe de sépulture de M. Valéry Giscard d’Estaing. Une assemblée réduite, imposée par les mesures sanitaires, mais qui correspond au « souhait et à la volonté » d’intimité de l’ancien président de la République.

Sion, 11 janvier 2021 : « Je désire que ma mort soit annoncée et accueillie comme une fête, celle de la rencontre du Père dans les cieux, la troisième naissance », avait écrit le cardinal Henri Schwery dans son testament spirituel. Malgré ce désir, les normes imposées par la pandémie ont drastiquement limité la participation à ses funérailles : cardinal ou pas, c’était 50 personnes, pas plus.

L’intimité, une pratique de notre temps

Trois événements, trois manières différentes de vivre un deuil. La pandémie du Covid a contraint les familles à vivre leur deuil dans l’intimité. Pourtant, cette pratique n’est pas nouvelle. Elle était en progression constante depuis quelques années. Ce phénomène montre une approche totalement inédite de la façon d’appréhender et de vivre l’évènement de la mort. On assiste actuellement à une modification de l’attitude des gens face aux rituels qui accompagnent la mort ; les funérailles sont de plus en plus fréquemment célébrées dans l’intimité de la famille, voire dans la plus stricte intimité, dans une église, dans un centre funéraire ou dans les locaux aménagés des entreprises de pompes funèbres elles-mêmes. La dimension sociale est progressivement écartée. Par ailleurs, on ne fait plus systématiquement appel au prêtre pour la célébration.

Cette évolution est plus particulièrement perçue en milieu urbain. Dans un village où société civile et communauté religieuse se recoupent souvent plus largement, la sépulture est un événement qui revêt à la fois un caractère social et religieux. En effet, de près ou de loin, une large partie de la population se sent concernée par la mort d’un membre de la communauté villageoise, en raison de sa proximité avec lui. Très souvent, beaucoup ont partagé un bout d’histoire avec le défunt ou sa famille.

En ville, il en va autrement. Cela ne fait pas toujours sens de célébrer des funérailles à l’église si le défunt n’était pas croyant ou si sa proche famille ne l’est pas non plus. Après discussion avec les services funèbres, avec le prêtre, on opte alors pour une célébration dans l’intimité ou dans la plus stricte intimité. Cela met en évidence un élément qui m’interpelle : la famille ne prend plus nécessairement en compte le lien social de son défunt, aussi petit soit-il, pour laisser la possibilité aux personnes ayant, d’une manière ou d’une autre, été proches de celui-ci, de lui dire « à Dieu ». Cela n’est pas toujours bien accepté par ces personnes qui expriment parfois leur regret et leur désapprobation.

L’intimité vue par les professionnels

Comment en est-on arrivé là ? Pour un employé des pompes funèbres : « Certaines familles vivent des ruptures, des déchirures en leur sein et n’envisagent pas d’être exposées au regard de tous : comme mises à nu. La célébration dans l’intimité est alors une protection. » Pour un autre : « L’aspect financier pèse lourd : par exemple, l’argent manque et il apparaît impossible d’honorer la présence de chacun à travers une invitation à une agape largement ouverte. » Pour d’autres enfin, la participation importante ou faible aux obsèques risque de mettre à nu les bonnes ou mauvaises qualités relationnelles du défunt. Ils choisissent alors une cérémonie privée de public.

Georges Mottiez, ancien directeur de pompes funèbres, « considère que la perte, ou l’absence, de pratique religieuse parmi les jeunes générations explique en grande partie la demande d’intimité. Il n’y a plus aucun repère. Les gens viennent à l’église avec leur playlist pour la cérémonie, ignorant qu’il y a souvent un chœur pour l’enterrement. On se fait sa propre religion. C’est « à la carte » », précise-t-il. Même si le défunt était pratiquant, il arrive que les enfants changent parfois les dernières volontés du parent, en demandant l’intimité. La célébration n’a plus la même dimension. La famille souhaite une célébration simple, pas trop longue. Par ailleurs, on ne veut plus trop s’afficher à l’église dont on s’est éloigné ou qu’on n’a jamais fréquentée. Les gens ne participent plus à l’assemblée dominicale, notamment après avoir été forcés dans leur enfance ou leur jeunesse.

Citée par le Journal de Cossonay en 2013, la pasteure Christine Nicolet regrette cette situation : « Nous sommes tous touchés par l’individualisme de notre société, et nous nous en plaignons. Alors pourquoi contribuer encore à la montée de la solitude en demandant à partir tout seul ? La mort n’est pas une affaire privée, elle est affaire de société. En tout cas si on veut que cette société continue d’être humaine. »

L’intimité imposée

Voilà ce qui est pour une intimité choisie et assumée. Mais qu’en est-il lorsque celle-ci est imposée par les circonstances ? La pandémie du coronavirus a profondément impacté la façon de vivre de notre société et aussi celle de l’Eglise. Nous avons été contraints d’aller contre nos réflexes naturels de solidarité avec les familles en deuil en les laissant seules assumer une « double » peine : celle de perdre un être cher et celle de ne pas pouvoir célébrer avec la communauté des amis et des connaissances.

De tout temps, la réaction spontanée des personnes humaines a été de présenter à la famille endeuillée ses condoléances soit par une présence physique, soit par des messages et des offrandes de messes. Au temps de Jésus déjà, les sépultures rassemblaient une affluence considérable comme le souligne saint Luc : « Jésus se rendait dans une ville appelée Naïm. Ses disciples faisaient route avec lui, ainsi qu’une grande foule. Il arriva près de la porte de la ville au moment où l’on transportait un mort pour l’enterrer; c’était un fils unique, et sa mère était veuve. Une foule considérable accompagnait cette femme. »

Soit en tant que prêtre, soit en tant que famille, lors des célébrations dans l’intimité, jamais nous n’avons autant cruellement ressenti l’absence de nos proches et connaissances ainsi qu’un désir d’être entourés et consolés par des poignées de main ou des accolades sincères. Il est donc précieux de redire ici le rôle essentiel de la communauté paroissiale dans le processus de deuil. Pourtant, j’ai ressenti que les brèves cérémonies vécues dans un décor plus restreint que l’église paroissiale, avec une approche plus personnalisée notamment avec des textes et des musiques que le défunt appréciait, a mis du baume au cœur des familles. Beaucoup ont quand même trouvé une réelle consolation dans ces moments de prière.

Quel avenir pour le processus de deuil ?

La question se pose donc : verra-t-on une augmentation de l’intimité amorcée avant la pandémie ? Ou au contraire, assistera-t-on à un retour de belles cérémonies vécues par de grandes assemblées ? Verra-t-on les célébrations comme celle de Johnny Hallyday devenir monnaie courante ou alors assistera-t-on à un renforcement de celle vécue pour Valéry Giscard d’Estaing et pour le cardinal Schwery qui auraient, à coup sûr, rempli trois églises ? La réponse est à lire d’ici peu dans les faire-part des familles endeuillées de nos quotidiens.

Une prière exaucée

Une dame de 90 ans, fille unique et célibataire, m’a confié qu’elle priait tous les jours pour qu’il y ait du monde à son enterrement. J’ai accueilli cette confidence sans lui rétorquer que c’était humainement impossible. Le jour de son décès, nous fixons la cérémonie pour le mercredi suivant.
Deux heures après, un autre décès m’est signalé. La famille désire également le mercredi. Je réponds que c’est impossible, la place est déjà prise. La famille insiste :
«Ne peut-on pas s’arranger avec la famille de la dame pour une cérémonie commune?» «Bien sûr», acquiesce le curateur de la nonagénaire. L’église fut remplie et la prière de la dame pleinement exaucée !

La veuve et la foule (Luc 7, 11-17)

PAR FRANÇOIS-XAVIER AMHERDT | PHOTO : DR

Quand il est question de funérailles, dans les évangiles, et que Jésus y est mêlé, la famille du défunt est toujours fort bien entourée: ainsi de nombreux Juifs sont venus auprès de Marie et Marthe, les proches du Christ, pour les consoler de la mort de leur frère (cf. Jean 11, 45). De plus, ils restent avec elles quatre jours après la mise au tombeau de Lazare. Si bien qu’ils peuvent assister au miracle du retour à la vie de ce dernier, grâce à l’intervention priante de Jésus : après avoir vu pleurer Marie et les Juifs qui l’accompagnaient, le Maître frémit, il pleure lui aussi, il invoque le Père et arrache son ami à la mort (cf. 11, 33-44). C’est devant l’assemblée des personnes présentes que le Fils de Dieu opère, si bien d’ailleurs que certains vont le dénoncer auprès des pharisiens pour qu’il soit arrêté et mis à mort.

Quand la veuve de Naïn porte en terre son fils unique, une foule considérable de la ville est là et fait route avec la femme désespérée (cf. Luc 7, 11-17). Les gens deviennent ainsi eux aussi témoins de l’acte de résurrection du Christ, lorsque celui-ci s’approchant, touchant le cercueil, intime l’ordre au jeune homme de se lever et qu’il le rend à sa mère. Le deuil et l’œuvre du Fils de l’homme se vivent en groupe.

C’est en peuple que le Seigneur sauve Israël, c’est en communauté que la populace se laisse alors saisir d’admiration devant l’événement inconcevable et glorifie Dieu pour le prophète qui s’est levé de la sorte et a visité la nation élue. C’est toujours en communauté que la Trinité nous rejoint, lorsque nous sommes frappés d’abattement et de malheur et qu’elle nous remet debout par l’espérance.

Ne restons jamais seuls, dans nos épreuves. L’Esprit nous donne des frères et des sœurs « con-solateurs » (c’est le sens du terme latin cum-solus, être avec ceux qui sont seuls). Laissons-nous porter et soutenir par eux. Et donnons à tous la possibilité de dire adieu à la personne décédée.

Les racines de la fête de saint Nicolas à Fribourg

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, paroisses du décanat de Fribourg (FR), novembre-décembre 2021

Chaque année, le premier week-end de décembre, Fribourg célèbre la Saint-Nicolas, fête du saint patron de la ville et manifestation phare accueillant près de 30’000 personnes venues écouter le discours de l’évêque de Myre. Cette tradition emblématique de la ville de Fribourg a une histoire longue, mais pas linéaire.

PAR SÉBASTIEN DE MICHEL | PHOTOS : EDWARD MEZGER/MUSÉE D'ART
ET D'HISTOIRE FRIBOURG/FRIBOURG TOURISME, DR

Selon les historiens, saint Nicolas est né vers 270 à Patare en Asie Mineure et mort en qualité d’évêque de Myre probablement dans les années 340. Peu d’éléments historiques sur sa vie nous sont parvenus, et il faut constater un grand décalage entre cette lacune et son culte très développé par la suite. On pense toutefois qu’il a été emprisonné et torturé pendant la persécution de Dioclétien (303-313) et qu’il s’est distingué lors du concile de Nicée (325) par sa défense de l’orthodoxie face à Arius. Autour de 650, son corps est transféré dans la cathédrale de Myre pour être protégé des avancées arabes. Durant le haut Moyen Âge, la figure de saint Nicolas se construit, probablement en opposition à la figure païenne Nicchus, divinité des eaux. L’hagiographie forge la tradition d’un saint évêque ayant accompli de nombreux miracles et actions charitables. Le miracle le plus connu est certainement celui des trois jeunes enfants assassinés, découpés et salés par un méchant boucher que saint Nicolas ressuscite du saloir (figure 1). Le saint thaumaturge sauve également un enfant laissé par sa mère dans un bain d’eau bouillante et trois jeunes filles forcées de se prostituer par leur père.

Au XIe siècle, son culte s’implante en Italie et dans le nord-est de l’Europe. Dès 1036, des églises qui lui sont consacrées sont édifiées à Bari dans les Pouilles. En 1087, lorsque la ville de Myre est prise par les Turcs, les gens de Bari vont chercher le corps de saint Nicolas pour l’installer chez eux. On parle alors de translation des reliques. Cet épisode favorise la diffusion du culte de saint Nicolas dans l’Europe médiévale, faisant de lui le saint du peuple, le patron des marchands, hommes de mer, jeunes clercs et écoliers. Dans la Légende dorée, Jacques de Voragine affirme d’ailleurs que son nom vient de nichos
(la victoire) et leos (le peuple).

La Saint-Nicolas à Fribourg

L’origine du culte de saint Nicolas à Fribourg semble remonter aux origines de la ville. En effet, lorsque le duc Berthold IV de Zähringen fonde la ville en 1157, il bâtit une église en l’honneur de saint Nicolas. Ce dernier n’est toutefois pas encore considéré comme patron de la ville. Au XIVe siècle, une chapelle dédiée au saint est
fondée par Guillaume d’Affry au monastère cistercien d’Hauterive. Un de ses descendants, Pierre d’Affry, élu abbé d’Hauterive en 1404, se rend à Rome pour obtenir la confirmation de sa nomination et ramène à cette occasion la relique du bras de saint Nicolas, alors placée à
Hauterive. Le culte du saint prend ensuite son essor à Fribourg au XVe siècle, lorsque la fête est déclarée fériée et que des monnaies sont frappées à l’effigie du saint. En 1505, le pape Jules II autorise le transfert du bras de saint Nicolas d’Hauterive à Fribourg (figure 2), transfert qui a lieu le 2 mars 1506. Dès lors s’organise chaque année une procession qui se confond avec la fête des Fous (fin décembre). En 1512, l’église paroissiale Saint-Nicolas est érigée en collégiale et s’enrichit d’images de son patron.

Dans la seconde moitié du XVIe, la fête populaire est bien implantée et entre en résonance avec la Sainte-Catherine (25 novembre), car les deux fêtes sont l’occasion d’un cortège en ville de Fribourg. Sainte Catherine est aussi considérée comme la patronne de la ville et, à l’instar de saint Nicolas, est censée protéger les jeunes mariés. Elle n’aura cependant pas la même postérité.

Une fête pas toujours approuvée

La Saint-Nicolas n’a pas bonne presse chez les jésuites à qui on confie l’enseignement supérieur à Fribourg à la fin du XVIe siècle. Leur supérieur Pierre Canisius n’écrit-il pas en 1583 : « Comment les Fribourgeois doivent-ils fêter dignement leur patron ? Suffit-il de sonner les grosses cloches ? De jouer de l’orgue ? D’envoyer des enfants à cheval à Hauterive ? D’aller s’enivrer et se remplir le ventre dans les auberges ? Une telle manière de fêter n’intéresse pas notre patron. […] Combien peu souvent vous songez aux grâces que Dieu vous a faites. Restez catholiques, soyez fidèles à la messe et aux sacrements, que saint Nicolas a défendus au concile de Nicée. » La Saint-Nicolas continue néanmoins d’être célébrée jusqu’en 1764, année lors de laquelle le Conseil de ville frappe d’interdit « toute céleste présence parmi les excès des ivrognes et les débordements moraux entraînés par les mouvements d’une foule commerçante en goguette ». La coutume se perd et il faut attendre 142 ans pour que le cortège de la Saint-Nicolas reprenne vie. En 1906, un petit cortège allant de Gambach au Tilleul est organisé par des élèves du collège Saint-Michel avec un saint Nicolas et un père Fouettard. L’organisation a lieu dans le secret par peur de représailles de la direction du collège. Mais c’est un succès et la Saint-Nicolas est totalement relancée. En 1916, le rectorat du collège récupère officiellement l’organisation du cortège, qui par la suite s’allonge et se modernise. Le discours est d’abord prononcé depuis la Grenette puis, dès 1949, depuis la terrasse surplombant le porche de la cathédrale (figure 3).

Actuellement et malgré quelques adaptations liées à la crise sanitaire, la fête se déroule toujours le premier week-end de décembre. Saint Nicolas se rend du collège Saint-Michel à la cathédrale, déambulant sur son âne et saluant la foule, escorté par les pères Fouettards et toute sa troupe. Avançant au son des chœurs de la ville, il ravit la populace par une abondante distribution de biscômes avant d’adresser un discours bilingue depuis la terrasse de la cathédrale Saint-Nicolas. Espérons que la situation sanitaire nous laissera revivre cette tradition dans son intégralité en 2022.

 
 

Sur les pas de saint Joseph

PAR PASCAL ORTELLI | PHOTO : DR

Dans le sillage de sa lettre Patris corde qui commémore le 150e anniversaire de la proclamation de saint Joseph comme patron de l’Eglise et pour marquer les cinq ans d’Amoris laetitia, texte sur l’accompagnement des couples et des familles, le pape François a lancé à quelques mois près une année spéciale dédiée à saint Joseph et une autre dédiée à la famille qui se terminera le 26 juin 2022 avec la 10e rencontre mondiale des familles. Voici une sélection de quelques initiatives pour tirer au mieux parti de ces temps forts.

Une année pour déployer la joie de l’amour

L’objectif premier de l’année « Famille – Amoris laetitia » est d’y approfondir les impulsions données pour les mettre en œuvre dans son vécu familial. En ce sens, le diocèse de Sion invite à (re)découvrir ce texte à l’aide des guides de lecture, synthétiques
et pédagogiques, réalisés par Anne et Marco Mayoraz 1. Il relaie également le parcours très complet proposé par le dicastère romain pour les laïcs, la famille et la vie : une série de dix vidéos chacune accompagnée d’un livret pour envisager la famille comme un don, malgré les défis à affronter.

A Genève, plusieurs événements sont organisés pour « aller à la rencontre de toutes les familles et témoigner ensemble de la joie de l’amour que Dieu nous donne 2 ». Un défi est même lancé aux couples qui sont invités à exprimer par un slogan leur manière de vivre « l’amour dans le mariage ». La plateforme pastorale-familiale.ch relaie de nombreuses autres propositions ailleurs en Romandie.

Avec un cœur de père à l’instar de saint Joseph

Il n’est pas anodin que le Pape ait ouvert cette année sur la famille un 19 mars. Entrelacer les deux thèmes permet d’inscrire nos parcours familiaux dans le sillage de saint Joseph. L’excellent dossier de cath.ch 3 met en lumière les facettes cachées de ce grand taciturne. A Fribourg, les billets hebdomadaires des capucines de Montorge, tout comme le commentaire de Mgr de Raemy publié à l’occasion de la sortie de Patris corde, invitent à s’inspirer du « courage créatif » de Joseph et à faire preuve d’audace pour vivre la famille 4.

1 pastorale-famille-sion.ch

2 geneve.pastorale-familiale.ch/anneefamille/

3 www.cath.ch/newsf/joseph-de-lantichambre-au-pinacle-1-2/

4 decanat-fribourg.ch/annee-speciale-saint-joseph/ et vocations.ch/patris-corde-un-coeur-de-pere/

 

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