En librairie – février 2024

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

Jésus – Approche historique
José Antonio Pagola

Un nouveau livre sur Jésus ! Est-ce bien utile ? Quel personnage l’auteur va-t-il nous donner à voir : un sage ? un prophète ? un réformateur social ? un religieux ? un « sauveur » ? le « Fils de Dieu » ? Les évangiles ne suffisent-ils pas à notre information et faut-il toujours de nouveaux livres ? Déjà les évangiles sont quatre, signe que oui, il est utile et sera toujours légitime d’écrire sur Jésus. Mais il y faut beaucoup de science et d’humilité. Ces deux qualités, l’auteur les possède et les met en œuvre ici en y joignant un rare sens pédagogique. L’auteur veut mettre à la portée de n’importe quel lecteur ce que la recherche contemporaine peut dire avec certitude sur Jésus, de sa naissance à sa mort. 

Editions du Cerf

Acheter pour 18.00 CHF

Décoder un tableau religieux – Nouveau Testament
Eliane et Régis Burnet

Comment différencier une Annonciation d’une Assomption ? Que signifie le bleu du manteau de la Vierge Marie ? Pourquoi les premiers chrétiens ont-ils représenté le Christ sous la figure d’un berger ? Nous sommes entourés de tableaux religieux, mais savons-nous encore les lire ? Des catacombes romaines et des tableaux de Fra Angelico ou de Bruegel, les scènes du Nouveau Testament les plus fréquentes de l’histoire de l’art sont ici décryptées avec grande pédagogie et remises dans leur contexte biblique. A partir d’éléments facilement reconnaissables – un ange à genoux, une corbeille de pain ou une barque de pêcheurs –, Eliane et Régis Burnet élaborent une grille d’identification des épisodes de l’Evangile et décodent pour nous les symboles du christianisme. 

Editions du Cerf

Acheter pour 43.50 CHF

Jésus par l’art
Eliane Gondinet-Wallstein

De l’Annonciation à la Pentecôte, retrouvez 21 épisodes du Nouveau Testament illustrés par une cinquantaine d’œuvres d’art du IIIe au XXe siècle. Pour chaque épisode, le commentaire d’une peinture ou d’une sculpture est accompagné du texte de l’Evangile et d’œuvres qui approfondissent le thème. A travers une iconographie variée et originale, c’est une invitation pour toute la famille à découvrir comment, depuis deux mille ans, les artistes expriment la foi chrétienne et le mystère du Christ. 

Editions Mame

Acheter pour 22.30 CHF

L’Evangile de Jésus-Christ en BD
Olivier Drion – Clotilde Gaborit

Suivez les pas de Jésus le Christ comme si vous y étiez, partagez le quotidien de ses disciples, revivez les miracles, les oppositions, écoutez les paraboles, les discours. Et si vous aviez pu voir ce que bien des yeux ont voulu voir, entendre ce que bien des oreilles ont voulu entendre ? Après quatre années de travail, Olivier Drion, illustrateur, nous propose ici une vision contemporaine de l’Evangile de Jésus Christ. 

Certains témoins de ce récit sont des personnages fictifs, mais la bande dessinée suit fidèlement le récit des Evangiles.

Editions Artège

Acheter pour 46.40 CHF

Pour commander

La représentation du Christ dans l’histoire

La fresque du Jugement dernier de l’abbaye de Saint-Jean-des-Sœurs, dans le Val Müstair, fait partie des plus anciennes peintures murales de l’Europe médiévale.

Voir le Christ sur une œuvre d’art est presque banal pour nous aujourd’hui. Pourtant, cela n’a pas toujours été une évidence. 

Le possible visage de Jésus selon des chercheurs britanniques.

Par Amandine Beffa | Photos: DR, cath.ch/Maurice Page

De l’interdit vétérotestamentaire de faire une « image de ce qui a la forme de ce qui se trouve au ciel » (Dt 5, 8) jusqu’aux débats du XXe siècle autour de l’art sacré contemporain, s’intéresser aux représentations du Christ, c’est étudier « comment on croit ». Ce que l’on représente, et peut-être plus encore ce que l’on ne représente pas, dit beaucoup. 

Donner ou ne pas donner de visage au Fils de Dieu

Aux premiers siècles, le Christ est évoqué par des symboles : poisson, chrisme (initiales du Christ), ancre, agneau… Dans les catacombes, il y a plus d’une centaine d’images du Bon Pasteur. Ce n’est toutefois pas encore une figuration du Christ à proprement parler. C’est la mise en image d’une parabole. Or, les paraboles sont des récits allégoriques. Ainsi, on évoque une histoire qui relate quelque chose du Fils de Dieu.

Des scènes bibliques sont observables, mais il s’agit surtout d’exprimer une espérance. Ce sont avant tout les miracles et la résurrection qui sont figurés. 

Si le Christ est ressuscité, s’Il a ramené à la vie Lazare, alors, ceux qui sont morts peuvent espérer la vie.

Pour le frère Philippe Lefebvre : « Si l’on ne peut s’empêcher de se faire des images de ce en quoi on croit, quelles sont les images qui correspondent à la révélation de Dieu Lui-même ? »1

L’enjeu de l’art est aussi ce que l’on souhaite transmettre. Les évangiles ne disent rien de l’apparence de Jésus. Pour le représenter, il est impératif d’imaginer ce à quoi il ressemble. Mais, est-ce si anodin ? Pas forcément. En effet, l’image que nous avons de Lui provient en partie des œuvres que nous avons vues depuis que nous sommes enfants. 

Ainsi que le développe Robert Will, il n’est pas possible de trouver une image qui exprime à elle seule le tout du Christ. Elle ne dira jamais « la plénitude de la vie divine en lui »2. Toute représentation est nécessairement réductrice.

Jésus enfant a parfois les traits d’un adulte miniature ou d’un « enfant vieillard ».

Définir les traits du Christ

Les traits du Christ ont été progressivement définis pour arriver à une forme d’art canonique. Aujourd’hui, si on demande à des personnes prises au hasard de dessiner Jésus, il y a fort à parier qu’il y aura beaucoup de points communs.

C’est au Ve siècle que se fixe l’apparence du Jésus que nous connaissons. 

Par la suite, « […] depuis le XVIe siècle, les tendances artistiques se sont dispersées dans la mesure où la vie religieuse s’est individualisée »3.

Parfois, les débats se trouvent là où nous ne les attendrions pas. Au XIe siècle, Jésus enfant a les traits d’un adulte miniature ou d’un « enfant vieillard ». Cela repose sur la conviction qu’il est impossible à Dieu de changer, de vieillir, de mourir. 

Aujourd’hui, certains chercheurs essaient de retrouver ce à quoi le « Jésus historique » ressemblait réellement, en utilisant des crânes de l’époque et toutes les informations dont nous disposons. Les images 3D sont certes impressionnantes, mais nous pouvons nous demander ce qu’elles apportent à notre foi.

Le Beau Dieu

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les critères esthétiques sont prépondérants. Saint Augustin ou saint Thomas d’Aquin insistent sur le fait que Jésus ne peut qu’avoir une apparence parfaite.

La beauté physique est comprise comme reflet de la beauté de l’âme. Le Psalmiste ne dit-il pas : « Tu es beau comme aucun des enfants de l’homme, la grâce est répandue sur tes lèvres : oui, Dieu te bénit pour toujours. » (Ps 44, 3) ?

Le Christ mort et souffrant

Si la Résurrection a été fêtée dès le début du christianisme, il faut attendre le IVe siècle pour voir apparaître les premières crucifixions. Elles restent malgré tout très symboliques. Longtemps, ces scènes ne sont pas réellement défigurantes, les traits restent harmonieux. C’est le cas par exemple du Retable des Cordeliers à Fribourg.

Au centre du Retable des Cordeliers, à Fribourg, le Christ conserve des traits harmonieux malgré la crucifixion.

Le glissement est progressif : « Vers la fin du Moyen Age, ce fut surtout le Crucifié que l’on représenta dans l’horreur de l’agonie, tandis que l’ancienne Eglise éprouvait une certaine répugnance pour ce spectacle. »4

Dès le XIVe siècle, se développe une obsession pour la mort et la passion. Elle va de pair avec une spiritualité doloriste. On cherche à éveiller la pitié, une forme de culpabilité aussi : le Christ est mort pour nous, à cause de nous.

Le Christ défiguré

Représenter le Christ souffrant ne revient pas nécessairement à représenter le Christ laid. Pourtant, le prophète Esaïe déclare : « La multitude avait été consternée en le voyant, car Il était si défiguré qu’Il ne ressemblait plus à un homme ; Il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme. […] Il était sans apparence ni beauté qui attirent nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, Il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. » (Es 52, 14-53, 3)

Que nous dit la souffrance du Christ ? Elle nous rappelle que la crucifixion n’est pas banale. Paul ne nous parle-t-il pas du scandale de la croix (1 Co 1, 22-23) ?

Parmi toutes les œuvres, deux sont incontournables : le Retable d’Issenheim de Mathias Grünewald et le Christ de Germaine Richier. Les deux ont en commun d’avoir été réalisés pour des malades, au cours de périodes d’épidémies. Grünewald et Richier, chacun à son époque, ont voulu montrer un Christ défiguré par la souffrance.

Une œuvre exilée

Au Plateau d’Assy, les malades des sanatoriums ont tout de suite apprécié ce Jésus illustrant si bien les paroles du prophète : « En fait, c’étaient nos souffrances qu’Il portait, nos douleurs dont Il était chargé. Et nous, nous pensions qu’Il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’Il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’Il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur Lui : par ses blessures, nous sommes guéris. » (Es 53, 4-5) Mais, la multitude est consternée si bien que le crucifix de Germaine Richier est exilé de 1951 et 1969.

Pour le frère Philippe Lefebvre, l’idole est une « projection sur le divin de son propre imaginaire, de sorte qu’elle enferme sur soi au lieu de favoriser la rencontre »5. Rejeter certaines représentations du Christ serait-il finalement une forme d’idolâtrie ? Nous pouvons ainsi nous demander quelle rencontre nous manquons lorsque nous rejetons une œuvre.

1 Lefebvre Philippe. Peut-on représenter Dieu ? Un questionnement dans la Bible. In : Etudes, n° 4225. mars 2016. p. 63.
2 Will Robert. Le symbolisme de l’image du Christ. Essai d’iconographie chrétienne. In : Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 16e année n° 3-5, Mai-octobre 1936. Cahier dédié à la mémoire de G. Baldensperger. p. 403.
3 Ibid, p. 148.
4 Ibid, pp. 415-416.
5 Lefebvre, op. cit., p. 63.

Le Christ icône

Représentation du Christ créateur, par Giusto de Menabuoi.

Par François-Xavier Amherdt | Photo : DR

« Il est l’image du Dieu invisible », eikôn en grec, qui donne le terme français « icône ». Le cantique qui ouvre la lettre de Paul aux Colossiens et que nous chantons régulièrement à l’office des vêpres (du soir) célèbre d’abord le Christ créateur, le Premier-Né en qui toutes choses ont été faites, autant les créatures visibles qu’invisibles, puissances, principautés, souverainetés, dominations, pour reprendre les quatre mots employés par l’hymne afin de désigner les êtres non-visibles et spirituels, mais soumis au Christ. « Tout est créé par lui et pour lui », ajoute Paul, car il est engendré de toute éternité dans le sein du Père, « il est avant toute chose et tout subsiste en lui ».

Reflet éternel de la grandeur de Dieu, il nous offre le visage de la bonté et de la tendresse divine. Jésus-Christ est notre Sauveur et notre Roi, la tête de l’Eglise, son Corps. Il est établi à ce titre par sa Résurrection dans l’Esprit Saint. Il est le premier-né d’entre les morts, le commencement de toute réalité. Il a en tout la primauté, parce qu’en lui habite la plénitude de vie et de vérité. C’est par lui que le Père s’est réconcilié toute chose. Par le sang de sa croix, il a offert au cosmos et à l’humanité la paix, le shalom, l’harmonie, sur la terre et dans le ciel. Il nous a donné d’avoir part dans la lumière à l’héritage promis avec tous les saints, les vivants et les défunts. Lui le Bien-Aimé, il nous a arrachés au pouvoir du mal, il nous a associés à son Royaume, il nous a offert la rédemption et le pardon de tous nos péchés.

Il vaut la peine de contempler ce chant et les métaphores qu’il déploie, de les déguster l’une après l’autre, de manière à ce que nous puissions toujours mieux habiter notre propre corps fait à l’image de la Trinité, l’univers qui nous est confié, et de façon à ce que nous parvenions à vivre dans la sérénité avec nos frères et sœurs dans l’Eglise et dans le monde, de toutes races, nations, peuples et religions.

Le Christ se donne à voir pour que nous puissions le représenter et l’offrir aux autres.

« Faire sentir le regard de Jésus »

Par Thierry Schelling
Photo : DR

C’était à Marseille, en septembre 2023. Le pape François encourageait les prêtres et consacrés en ces termes éloquents : faire sentir le regard de Jésus. Et de rappeler que sur les images de Marie, il convient de fixer notre regard sur le sien, qui souvent porte soit vers son Fils, soit vers nous. Idem pour le regard de l’Enfant dans ses bras : il se pose sur nous ou sur sa mère. Une invitation à contempler les images pieuses non pas en tant que talismans ou idoles, mais comme vecteurs d’une relation à Dieu et au prochain tout intérieure, qui passe par le regard…

Joli coup d’œil

En nous laissant regarder par le Christ, nous devenons – continue le Pape – nous-mêmes des observateurs aux caractéristiques suivantes : « Proximité, compassion et tendresse. » En nous laissant ainsi portés par son regard, nous devenons celles et ceux qui, de par notre étreinte, traduisons l’encouragement de Dieu aux blessés de la vie et de par notre caresse, incarnons la proximité d’un Dieu de miséricorde pour qui en a besoin.

Œil pour œil…

Mais il y a également, précise le Pape, le regard des priantes et des priants envers l’icône, l’image, le visage du Christ. L’adoration se fait aussi par le regard : sur l’ostensoir, sur le Saint ou la Sainte peinte, sur le visage même du Christ en croix, ou en gloire. « Portons à nos frères et sœurs le regard de Dieu », et « portons à Dieu leur soif », leur cécité, leurs aveuglements, en une chaîne bienfaisante qui délie de la mièvrerie et relie au Regardant qu’est le Christ, du haut de la croix.

L’Eglise n’est plus en soins palliatifs

Chaque mois, L’Essentiel propose à un ou une représentant(e) d’un diocèse suisse de s’exprimer sur un sujet de son choix. Céline Ruffieux, représentante de l’évêque à Fribourg, est l’auteure de cette carte blanche. 

L’Eglise est morte ; vive l’Eglise !

Par Céline Ruffieux, représentante de l’évêque à Fribourg
Photo: cath.ch

L’Eglise de nos paroisses, parfois millénaires (dès le VIe siècle), ne peut que constater qu’elle est en décalage de quelques centaines d’années avec le monde d’aujourd’hui, autant par rapport aux besoins qu’aux réalités de nos contemporains. Le rythme de vie des familles, les offres et les besoins dans le domaine de la spiritualité, l’éco-anxiété des jeunes adultes, l’individualisme de la société…

Il y a une rupture de confiance générale : même les plus grands sont mis à terre publiquement, accusés d’abus et d’emprise, jouissant de leur position asymétrique dans leurs relations ; l’institution s’est autoprotégée au détriment des victimes et aujourd’hui, nous nous retrouvons à devoir chercher l’Essentiel. 

Le sol s’effrite sous les pieds des gens engagés dans cette Eglise-institution. Et pourtant… nous sommes toujours là ! Prêtres, agent-es pastoraux-ales laïcs-ques, diacres, conseillers-ères de paroisse, collaborateurs-trices administratifs-ves, sacristains-ines, chantres… représentant-e de l’évêque, évêque, et vous, surtout vous, baptisé-e-s, paroissien-ne-s, curieux-ses… Nous sommes toujours là, avec Jésus, présent au milieu de nous, parce que c’est bien Lui qui nous engage à mettre nos vies sur son chemin et non pas un contrat ou un salaire.

Chaque matin, j’ai la petite discipline de me poser la question de mon « Oui » à Le suivre. Je prends le temps de prendre conscience et de m’émerveiller de ce monde encore une fois créé pour nous. J’aurai une journée chargée, avec des conflits à gérer, des solutions à construire pour des problèmes qui semblent pourtant parfois insolubles, des décisions à prendre, réjouissantes ou effrayantes quant à leurs conséquences, des séances à animer ou à amender. Ma journée sera surtout l’occasion de laisser le souffle de l’Esprit créer l’improbable, l’amour du Christ infuser chacune de mes rencontres, chacune de mes décisions, chacun de mes silences.

Nous avons célébré la naissance du Fils de Dieu il y a à peine quelques semaines. Cette naissance n’a pas eu lieu il y a environ 2000 ans, mais bien dans « l’aujourd’hui » de nos vies, aujourd’hui de Dieu. Nous avons peut-être rangé le sapin et la crèche, ne rangeons pas la lumière de Noël hors de nos cœurs et vivons l’Eglise ensemble !

Jeux, jeunes et humour – février 2024

Par Marie-Claude Follonier

Question jeune

Pourquoi, après la prière du « Je confesse à Dieu » et la formule d’absolution du prêtre, nous demandons encore au Seigneur de prendre pitié ? *
Tel est le sens du Kyrie eleison (en grec ancien) : « Seigneur, prends pitié. » Il nous permet d’élargir notre prière et de proclamer la miséricorde de Dieu pour nos frères et sœurs en humanité. Le Kyrie est donc une acclamation du Seigneur ressuscité, victorieux de la mort sous toutes ses formes, y compris le péché et qui vient nous relever.

Par Pascal Ortelli

* Nous vous proposons cette année de décrypter la messe, en lien avec le livre de Pascal Desthieux : Au cœur de la messe. Tout savoir sur la célébration, illustrations Hélène VDB, Editions Saint-Augustin.

Humour

Un frère d’un monastère avait des problèmes psychiques. On lui confiait des petits travaux comme donner à manger aux poules. Un jour, il refusa d’aller dans le poulailler, car il s’était mis dans la tête qu’il était un grain de riz. Le supérieur l’hospitalisa et après trois semaines de soin, il retourna au couvent guéri de sa certitude d’être un grain de riz. Le supérieur lui confia à nouveau la tâche de donner à manger aux poules. Il y alla, mais au dernier moment, il renonça. Le Père-Abbé lui dit :
– Voyons, frère Antoine, vous n’êtes plus un grain de riz. Vous pouvez y aller sans peur !
– Moi je sais que je ne suis pas un grain de riz, mais les poules ne le savent pas !

Par Calixte Dubosson

En suaire et en os

La question de la représentation des images de Dieu est légitime et traverse toutes les traditions chrétiennes. Une multitude de visages ont été prêtés au Christ. Chaque artiste lui en a façonné un avec ce qu’il comprenait de Lui théologiquement. Entre le Christ historique et celui de nos mémoires rétiniennes, décryptage avec Daniel Marguerat.

Pour l’exégète, les auteurs du Nouveau Testament mettent en avant l’intelligence de la foi.

Par Myriam Bettens | Photos : Jean-Claude Gadmer

La quête du Jésus historique fait-elle peur dans la mesure où le résultat de ces recherches pourrait contredire le contenu de la foi ?
Lorsqu’elle ne coïncide pas avec l’image que l’on s’est faite de Jésus, autant empreinte de tradition doctrinale que d’imaginaire, elle peut faire peur. Cette image qui nous désoriente doit être vue comme une chance pour la foi, car elle nous rapproche des Ecritures. Notre compréhension de Jésus vient s’affiner, s’enrichir et s’approfondir. Tous les auteurs du Nouveau Testament mettent en avant ce que l’on appelle l’intelligence de la foi et celle-ci doit grandir, sans quoi, elle se sclérose.

Risquerait-elle de rendre Jésus trop humain ?
Il faut éviter de penser que Jésus serait en partie humain et en partie divin. Tout en lui est à la fois humain et « divin », dans le sens où il s’est fait médium de Dieu. Il est l’icône de Dieu comme nul humain ne l’a été. Mais il est vrai que dans la foi traditionnelle, un peu plus du côté catholique, la part « divine » a été majorée par rapport à la part humaine et c’est un déséquilibre qu’il faut éviter.

C’est justement sur l’humanité (ou l’incarnation) qu’est fondée la permission des représentations du Christ. Un peu paradoxal, non ?
La sacralisation du personnage a commencé extrêmement tôt dans la foi chrétienne, mais toute la recherche sur le Jésus de l’histoire est au service de notre foi en l’incarnation. Il faut avouer que l’ambivalence de la liturgie fausse notre compréhension du Christ, car elle nous fait adresser nos prières autant à Dieu qu’à Jésus. Pourtant, ce dernier n’a jamais été que celui qui nous oriente vers Dieu, il n’a jamais réclamé qu’on le prie. Ni celui de l’histoire, ni celui des Evangiles. Ce flou est théologiquement regrettable, car on en vient à majorer la part divine de Jésus de telle manière qu’il en perd son humanité.

On reproche à la recherche historico-critique d’être incapable de comprendre qui était vraiment Jésus…
La recherche historico-critique n’a qu’un objectif : celui de reconstruire la biographie de Jésus de Nazareth par les moyens de l’histoire. Elle va donc décrire l’humain Jésus et n’a absolument pas pour but de légitimer la foi en Jésus. Ce n’est pas son rôle. Par contre, elle a permis d’énormes avancées dans la compréhension de ce que fut le monde de Jésus et a évité ainsi d’énormes contresens.

Jésus a généré plusieurs lectures, les quatre Evangiles en sont la preuve, mais l’exégèse canonique gomme parfois toute cette diversité, à quelles fins ?
A la fin du IIe siècle, il y a eu une tentative de rédiger une « harmonie » des quatre Evangiles, mais l’Eglise a été bien inspirée de refuser. Cela nous montre que personne ne peut mettre la main sur le Christ en le définissant par une parole unique. Il nous faut absolument respecter cette diversité, car elle nous permet également d’accueillir la diversité chrétienne. Légitimer une seule approche croyante est une posture sectaire. Les événements que représentent la venue de Jésus, son action et ses paroles sont d’une telle richesse qu’aucun courant théologique ni aucune spiritualité ne peuvent les capter tout entier. Dieu, merci !

« Messianique » intelligence artificielle

La start-up AvatarLabs vient de développer un robot conversationnel à l’image du Christ. Cette intelligence artificielle (IA) capable de répondre à des questions théologiques et spirituelles laisse Daniel Marguerat quelque peu… dubitatif. « Ce Personal Jesus a été construit par des ingénieurs ayant leur propre image de Jésus. L’IA n’est que la vitrine de la spiritualité de ses concepteurs. Ce Jésus n’est donc ni neutre, ni scientifique, ni objectif. Une icône en fin de compte, qui ne sert qu’une seule spiritualité et une unique approche. »

Bio express

Daniel Marguerat a enseigné le Nouveau Testament à l’Université de Lausanne de 1984 à 2008. Il est notamment spécialiste de la question du Jésus de l’histoire et de la théologie paulinienne. Auparavant, pasteur dans l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), il est désormais retraité et divise son temps entre la rédaction de nouveaux ouvrages, ses petits-enfants et… les vacances.

La médaille de saint Benoît

« La piété populaire est un trésor pour l’Eglise », affirme le pape François. L’Essentiel décrypte cette année ce qui se cache derrière les principales médailles que nous portons. Regard sur la médaille de saint Benoît, qui remonte au Moyen-Age et est utilisée pour se protéger des embuches des démons.

Par Pascal Ortelli | Photos : DR

En librairie – janvier 2024

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

Le management… selon Jésus
Florian Mantione – Hervé Ponsot

Qui a dit que, dans l’Evangile, il n’était question que de religion ? Incroyable mais vrai, c’est également un excellent manuel de management ! Voici le livre qu’il nous fallait pour réconcilier l’attaché-case avec l’encensoir, l’homme d’affaires et le prêtre. Le livre qui nous fait comprendre, à la relecture de la vie de Jésus, son rôle de leader et l’efficacité de son discours et de sa stratégie pour convertir le monde.

Editions du Cerf

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Ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde
Jean-François Chemain

La vieille Europe, la chrétienté, est-elle en train de mourir après avoir rempli sa mission d’ensemencer le monde du christianisme ? On peut s’interroger sur la nécessité d’un tel pessimisme. L’Occident se trouve désormais au banc des accusés. A l’extérieur, on conteste son hégémonie, invoquant des griefs présents et passés. A l’intérieur, les uns, surenchérissant sur le monde, exigent qu’il fasse repentance de ce qu’il a été – conquérant, dominateur, homogénéisateur… tandis que d’autres, nostalgiques de la « chrétienté », lui font grief de ce qu’il ne serait plus assez « chrétien ». A l’heure du doute, Jean-François Chemain livre ici une réflexion puissante et originale sur les apports civilisationnels du christianisme et la légitimité de leur devenir.

Editions Artège

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Madeleine Delbrêl
Elisabeth de Lambilly

Madeleine Delbrêl, née dans une famille peu croyante, perd la foi à 15 ans. Elle rencontrera à nouveau le Christ grâce à des amis chrétiens et, à 20 ans, est « éblouie par Dieu », lors d’un passage en l’église Saint-Dominique de Paris. Sa conversion la pousse à s’engager dans le scoutisme puis à travailler comme assistante sociale auprès des plus pauvres, annonçant la Bonne Nouvelle de l’Evangile dans les banlieues rouges de la capitale. Avec des amies, elle fonde une communauté qui s’attache à rencontrer les gens où ils vivent, devenir leur ami, les recevoir chez soi, s’entraider. Une biographie qui se lit comme un roman, pour nourrir l’âme des jeunes et moins jeunes.

Editions Emmanuel Jeunesse

Acheter pour 19.40 CHF

Les plus beaux Récits de la Bible
Katleen Long Bostrom

Ce n’est pas toujours aisé d’initier les enfants à la Bible. Ce livre est l’outil idéal, car il narre, à l’aide d’une langue simple et de magnifiques images, 17 histoires fameuses tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Editions Bayard Soleil

Acheter pour 27.80 CHF

Pour commander

Réalisme et mesure

Par Paul H. Dembinski
Photo: cath.ch

L’activité financière au sens étroit du terme recouvre les transactions intertemporelles, celles qui font le pont entre aujourd’hui et demain à l’instar d’un crédit, d’un contrat d’assurance ou d’un investissement boursier ou immobilier. Dans chacun de ces cas, la somme payée ou reçue aujourd’hui est connue, alors que la valeur future de l’actif est incertaine. C’est la raison pour laquelle l’activité financière est parfois qualifiée, de manière imagée, de « commerce de promesses ». Ainsi, comme toute promesse, la finance repose sur la confiance. Sans confiance, pas de finance.

L’attitude chrétienne, en finance, exige de toutes les parties, comme préalable à la confiance, une bonne dose de prudence et de circonspection. Le vendeur de services doit faire attention à ne pas promettre plus qu’on ne peut raisonnablement attendre, alors que l’acheteur doit veiller à ne pas céder au chant des sirènes – aussi doux soit-il – et ne pas se dessaisir de son bon sens. Prudence et circonspection impliquent donc l’humilité et la capacité de renoncer à ce qui apparaît comme trop beau pour être vrai. En un mot – du réalisme et de la mesure. Tout un programme.

Etre à contre-courant… signe du temps ?

Par Fabienne Gigon, représentante de l’évêque à Genève | Photo : DR

Chère Lectrice, cher Lecteur, 

Il n’y a que les poissons morts qui vont dans le sens du courant.

Ce proverbe chinois, tel que je l’ai retenu, était à choix comme thème de dissertations lors de mon collège. Il fait corps avec moi depuis. Nul souvenir des arguments de mes thèse et antithèse de l’époque… pourtant l’interpellation demeure. Comment être « un vivant » dans notre monde ?

Je pense à ce passage énigmatique de l’évangile de Luc où Jésus « passant au milieu d’eux, allait son chemin » (Lc 4, 30). Il va littéralement à contre-courant de cette foule voulant le jeter en bas d’un escarpement. Quand et comment le Seigneur nous invite-t-il à l’imiter ?

Toujours dans l’association d’idées émerge cette injonction de la constitution pastorale Gaudium et Spes (« Joie et espoir », 1965, art. 4) « l’Eglise a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Evangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée, à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques. » Le discernement des signes des temps est demandé par Jésus lui-même (Mt 16, 2-3 ; Lc 12, 54-57) et les évangiles nous montrent le caractère subversif de la Bonne nouvelle, de la Parole de Dieu. 

En écho encore, cette formule de la célébration eucharistique juste avant la communion, prononcée par l’assemblée et le prêtre : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole, et je serai guéri ». Elles reprennent les paroles du soldat de l’évangile de Matthieu (Mt 8, 5-11) : l’humilité et la confiance de ce centurion romain ne sont-elles pas un exemple de contre-courant total ? Comment cette parole offerte par la liturgie, dimanche après dimanche, jour après jour, peut-elle nous fortifier à oser un contre-courant en examinant les signes du temps ?

En ce début d’année, je demande au Seigneur, pour son Eglise, le discernement, afin de participer à la lecture du temps présent et aller par les voies qu’Il souhaite, sans crainte de ne pas se conformer à « l’air du temps ». Je sollicite la grâce de sa Parole pour guérir tout ce qui empêche d’en être des témoins vivants et d’annoncer sa présence, son royaume déjà de ce monde.

Puisse-t-Il, en cette année qui s’ouvre devant nous, nous bénir et nous faire don de ses grâces afin de poser nos pas dans ceux du Christ qui nous précède. 

Meilleurs vœux pour vos proches et vous !

Finance chrétienne

Les dons : une source de financement pour l’Eglise. Qui prendra soin de ne pas blesser autrui par son action financière.

La finance chrétienne catholique encadre des opérations de nature bancaire et financière par des principes moraux directement issus de l’interprétation des textes religieux chrétiens (Ancien et Nouveau Testament) et de la doctrine de l’Eglise catholique romaine (Doctrine sociale de l’Eglise).

Par Pierre Guillemin | Photos : DR, Flickr, PxHere

Le Vatican dispose d’un Conseil pontifical Justice et Paix.

Si l’on cherche le fil directeur de la pensée chrétienne appliquée à la finance, ce sera la volonté constante de ne pas blesser autrui par son action financière directe (l’usure par exemple) ou indirecte (environnement, pollution, conditions de travail…).

Le taux d’intérêt

Les taux d’intérêt sont les piliers de la vie économique : ils affectent l’ensemble des agents économiques comme les entreprises, les banques, les administrations et les individus. 

Historiquement, le crédit à intérêt est présent dès 3000 ans av. J.-C. : on retrouve trace de telles pratiques dans la civilisation sumérienne. Les taux d’intérêt sont de 33.3 % pour les prêts en grains et 20-25 % pour les prêts en argent-métal. Mais à cette époque, la monnaie n’existe pas encore, on pratique alors l’échange de marchandises, le troc comme base des transactions.

Dès 325 après J.-C., le premier Concile de l’Eglise chrétienne interdit le prêt à intérêt en se référant au texte du Deutéronome 23 : 19-20 : « Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt ni sur l’argent, ni sur les denrées, ni sur aucune chose qui se prête à intérêt. Tu pourras tirer un intérêt de l’étranger, mais tu n’en tireras point de ton frère, afin que l’Eternel, ton Dieu, te bénisse dans tout ce que tu entreprendras au pays dont tu vas prendre possession. » Ce texte pose un problème au point de vue économique en ne rendant pas égaux les acteurs économiques : on crée ainsi une distorsion entre chrétiens et non-chrétiens, juifs et non-juifs très illustrative du comportement des populations du Moyen Age. Les banquiers lombards contournent la règle en instituant des « contrats de change » et des « contrats de société ». 

Conscients des déviations de la règle et des blocages qui en résultent, Luther, Calvin et Zwingli légitiment les prêts à intérêt au XVIe siècle donnant un avantage considérable aux pays protestants en favorisant le financement des entreprises et des projets économiques leur permettant ainsi de grandir, de se fortifier et de développer plus vite de nouveaux produits et technologies. Au XVIIIe siècle, les pays catholiques lèveront petit à petit cette réprobation morale sur le sujet, mais la culture de ces pays reste encore de nos jours très marquée par cette notion d’argent « péché ».

Pourtant, les Evangiles abordent cette question de l’emprunt d’une manière claire et sans en nier l’existence, bien au contraire. Par exemple, la parabole des talents souligne l’importance d’employer les ressources de manière productive et responsable. 

« Son maître lui répondit : Serviteur méchant et paresseux, tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé et que j’amasse où je n’ai pas vanné ; il te fallait donc remettre mon argent aux banquiers, et, à mon retour, j’aurais retiré ce qui est à moi avec un intérêt. » Matthieu 25 : 26-27

D’une préférence à l’autre

Les théories économiques justifient l’existence de l’intérêt. En économie néo-classique, par exemple (fin XIXe et XXe siècles), les agents ont une prédilection pour le présent : ils préfèrent consommer immédiatement plutôt que dans un futur toujours incertain. De ce fait, l’intérêt représente la rémunération pour ne pas consommer immédiatement. En économie keynésienne1, le taux d’intérêt exprime la préférence pour la liquidité : les agents peuvent conserver leur épargne soit sous forme de dépôts monétaires non rémunérés, soit sous forme d’actifs rémunérés. Il faut donc offrir un intérêt positif aux agents qui acceptent de détenir une partie de leur épargne sous une forme moins liquide, notamment en obligations permettant un financement des entreprises.

L’avertissement de saint Paul

Pourtant, la véritable question ne vient pas tant du taux d’intérêt en lui-même, mais de l’exagération qui découle d’une situation jugée avantageuse par les agents économiques aujourd’hui et demain, car elle conduit, du fait d’un excès de confiance, à l’usure et au surendettement et finit par des krachs économiques et financiers (parmi les plus récents : 1929, 1987, 2001-2002, 2008, 2022). D’un point de vue académique, cette exagération a fait l’objet de nombreuses études comportementales et mathématiques : citons les travaux du Professeur Didier Sornette, à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich, qui démontre, par la modélisation mathématique, que tout système physique, économique, démographique lié à une notion de croissance, génère des situations extrêmes (exagération) et finit inévitablement par subir des chocs, parfois brutaux, qui font « éclater la bulle ».

Saint Paul nous met en garde contre cette exagération dans sa lettre aux Romains 13 : 7-8 : « Rendez à tous ce qui leur est dû : l’impôt à qui vous devez l’impôt ; le tribut à qui vous devez le tribut ; la crainte à qui vous devez la crainte; l’honneur à qui vous devez l’honneur. Ne devez rien à personne, si ce n’est de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime les autres a accompli la loi. »

Saint Paul met ainsi l’accent sur les responsabilités des chrétiens envers les autres, au sens le plus large du terme, encourageant l’évitement de l’endettement et le respect des engagements financiers. Ce verset souligne l’importance de l’amour envers son prochain, considéré comme une dette constante et éternelle. Il rappelle également la nécessité de remplir ses obligations financières, comme payer les impôts et éviter de s’endetter.

L’éthique chrétienne du financement

La finance et ses acteurs doivent avant tout se préoccuper de l’objet de leurs actions. De nombreuses déclarations, articles et livres sur le sujet ont été publiés ces dernières années et notamment par les Conseils Pontificaux 2.

En 1996, le Conseil Pontifical Cor Unum écrivait : « La destination universelle des biens implique que l’argent, le pouvoir et la réputation soient recherchés comme des moyens pour : a) Construire des moyens de production de biens et de services qui puissent avoir une réelle utilité sociale et promouvoir le bien commun. b) Partager avec les plus défavorisés, qui incarnent aux yeux de tous les hommes de bonne volonté le besoin de bien commun : ils sont en effet les témoins vivants de la carence de ce bien. Mieux encore, pour les chrétiens, ils sont les enfants chéris de Dieu qui, par eux et en eux, vient nous visiter. […]. »

En juin 2013, le Conseil pontifical Justice et Paix publiait une note intitulée Postures chrétiennes face à la finance dans laquelle il écrivait : « La finance n’est plus organisée autour des défis à relever pour faire avancer le bien commun en favorisant des projets réels et socialement bénéfiques, mais repose sur la logique d’un marché d’actifs perçus comme autant de produits à commercialiser, d’un risque qu’il faut réduire à zéro et du plus grand profit individuel sur le court terme. […] Les choix financiers sont-ils au service d’une dynamique globale ou de notre seule promotion, du bien commun ou de notre seul intérêt privé ? »

Ethique et morale

Enfin dans son livre intitulé Finance catholique, Antoine Cuny de la Verryère présente sept principes financiers catholiques (« princificats ») : prohibition du court-termisme, prohibition des investissements non vertueux, obligation de privilégier l’épargne vertueuse, prohibition des profits injustes, obligation de partage des profits, obligation de transparence, obligation d’exemplarité financière. « La finance chrétienne est une finance éthique qui cumule, à la fois, les critères de la finance durable ou « finance ISR » (ISR = Investissement Socialement Responsable) et ceux de la finance solidaire. En outre, elle ajoute d’autres critères éthiques spécifiques à la religion chrétienne. »

Les questions soulevées par la « finance chrétienne » sont complexes mais, dans tous les cas, il s’agit d’abord de répondre à toute forme d’exagération génératrice de crises et d’appauvrissement. Dans cette optique, concluons avec Clives Staples Lewis : « On ne peut pas rendre les hommes bons par la loi et sans hommes bons, on ne peut pas avoir une bonne société. C’est pourquoi nous devons poursuivre en réfléchissant à la seconde chose : la moralité à l’intérieur de l’individu. »

1 D’après John Maynard Keynes (1883-1946), économiste britannique considéré comme le fondateur de la macroéconomie moderne.

2 Les conseils pontificaux sont devenus des dicastères en 2022 avec la nouvelle constitution de la Curie romaine Praedicate Evangelium.

La bourse de New York, symbole de l’excès de confiance, fut au centre de plusieurs krachs financiers.

Une individualité catho-compatible

Marie-Laure Durand était invitée à Genève dans le cadre de la formation des agents pastoraux de l’ECR.

Aujourd’hui, le concept de gouvernance fait débat, aussi au sein de l’Eglise. Récemment de passage à Genève, la théologienne Marie-Laure Durand a proposé quelques pistes pour repenser la gouvernance en Eglise, à la lumière de la Bible, lors d’une conférence organisée par l’Eglise catholique à Genève (ECR). 

Marie-Laure Durand.

Texte et photos par Myriam Bettens

Depuis une cinquantaine d’années, la société a évolué d’une masse homogène vers une communauté d’individus. Cette émancipation change radicalement la dynamique du pouvoir et la façon de l’exercer. Elle soulève également de nombreuses questions et pose de nombreux défis à ceux qui étaient communément considérés comme la hiérarchie. A ce propos, Marie-Laure Durand souligne l’importance de la prise en compte des singularités de chaque individu pour « faire communauté ». Elle rappelle encore la « catho-compatibilité » de cette compréhension de l’individuation en revenant à la Bible. 

« La singularité est un processus anthropologiquement biblique, car il n’y a de révélation que dans une situation particulière de préoccupations ». Autrement dit, il n’y a de révélation dans la Bible qu’à partir de la singularité. « Lorsque les gens acceptent d’avoir leurs problèmes, leurs questionnements identitaires, alors la révélation peut avoir lieu. C’est parce que Moïse ne sait pas s’il est juif ou égyptien que Dieu se révèle à lui ». L’enseignante à l’Institut catholique de la Méditerranée (Marseille) estime qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur de cette singularité, « au contraire il faut s’appuyer dessus. La participation n’est jamais en contradiction avec la synodalité. Ce que l’Eglise a mis en mouvement n’est qu’un retour à la Tradition ». La théologienne a tenté de rassurer son auditoire sur la possibilité, malgré tout délicate, de gouverner des individus. Néanmoins, un changement de paradigme s’impose où la gouvernance ne serait plus un rapport de force entre imposant et subissant, mais l’adhésion entre un proposant et un acceptant. La construction de décisions demandera, certes, plus de temps et de patience, mais ouvrira une porte où l’opposition entre singularité et vivre-ensemble n’aurait plus lieu d’être. 

Toutefois, un participant à la conférence s’étonne des propositions de l’oratrice. « Les pistes que vous proposez sont déjà connues depuis le pape Léon XIII dans le Rerum Novarum. Pourquoi sont-elles restées confinées à un cercle très restreint ? ». Celle-ci répond que l’Eglise a fait des choix en préférant insister sur la Doctrine morale aux dépens de la Doctrine sociale, car « ces questions-là doivent être sous-tendues par des mises en œuvre pratiques en termes de gouvernance. Or, ce que l’on vivait dans la pratique risquait de contredire les concepts. » Face à ce constat, la théologienne propose de sortir d’un mode de pensée où transcendantalité rime encore trop souvent avec gouvernance, pour se tourner vers une vraie prise en compte de la communauté dans une manière de gouverner plus horizontale.

Le roi déçu… et déchu

Dans Le roi déçu : l’exercice compliqué de la gouvernance (Cerf, 2021), Marie-Laure Durand relit la parabole matthéenne de l’invitation à la noce (Mt 22, 1-14). Dans cette version, le roi veut fêter le mariage de son fils, or il ne se contente pas de lancer les invitations, mais force des inconnus à participer aux festivités et envoie même ses troupes exécuter les invités récalcitrants. L’auteure propose dans ce petit ouvrage (83 p.) une relecture de cette parabole sur le plan de la gouvernance des organisations et les dégâts causés par un exercice trop vertical du pouvoir. Celui-ci ne laissant aucunement la possibilité de s’exprimer librement et brise, de fait, tous les liens de confiance.

Les talents à faire fructifier

La parabole des talents, vue par Andreï Mironov.

Par François-Xavier Amherdt | Photo: DR

La plupart du temps, quand nous entendons parler de la « parabole des talents », nous pensons spontanément aux qualités dont les uns seraient dotés (les talentueux) plus que les autres. Or, à l’époque, un talent équivalait à une importante somme d’argent que le maître de la parabole remet à ses serviteurs, afin qu’ils en tirent ample profit et la lui rendent avec des bénéfices. En effet, les questions financières sont omniprésentes dans l’Evangile, car c’est souvent le nerf de la guerre : la survie individuelle et la subsistance collective en dépendent.

Si les richesses constituent un danger (cf. Matthieu 19, 23-26), si nous ne pouvons pas servir à la fois Dieu et l’argent (cf. Matthieu 7, 24), et si Jésus nous invite à nous en détacher pour pouvoir le suivre, comme il le demande au jeune homme fortuné (Matthieu 19, 16-22.27-30), l’essentiel est de les faire fructifier dans l’honnêteté pour le bien commun. Peu importe combien de talents nous recevons, ce qui compte, c’est que nous soyons créatifs et pleins d’allant avec ce dont nous disposons. D’ailleurs, les deux premiers serviteurs se voient attribuer la même récompense, alors qu’entre eux, la différence de mise de départ est importante (5 et 2 talents). Cela vaut pour la gestion intelligente, habile et respectueuse des capitaux économiques, politiques et sociétaux, mais aussi pour les biens ecclésiaux. Cela concerne surtout le trésor du Royaume, là où se trouve notre cœur (cf. Matthieu 7, 19-21).

Si nous désirons que le Seigneur nous dise un jour : « Viens, entre dans la joie de ton maître » et nous étreigne pour l’éternité, il convient que nous prenions des risques pour l’annonce de la Bonne Nouvelle. Le seul reproche qui est fait au troisième serviteur, c’est d’avoir méconnu le visage de son patron et d’avoir eu peur en enterrant son petit magot sous terre. Il l’aurait mis en jeu et se serait donné corps et âme à sa tâche, envers Dieu, ses frères et sœurs et lui-même, avec son unique talent, il aurait aussi vu les portes du ciel s’ouvrir à deux battants devant lui. Donnons-nous donc aux autres sans retenue !

Fin des privilèges

Par Thierry Schelling | Photo : DR

En mars 2023, un tremblement de terre a secoué les parois des palais pontificaux du Vatican. Passée inaperçue sauf dans la presse spécialisée, la mesure est de taille et pourtant si… ordinaire : les cardinaux et autres chefs de dicastères de la Curie romaine devront payer un… loyer !

Ainsi en a décidé François, par le Secrétariat à l’Economie de l’organisme curial. Un rescrit du Préfet, l’Espagnol Maximino Caballero, a ordonné la fin de l’utilisation gratuite des biens immobiliers du Saint-Siège (logements) « pour faire face aux engagements croissants que l’accomplissement du service à l’Eglise universelle et aux nécessiteux exige dans un contexte économique comme celui d’aujourd’hui, d’une gravité particulière », précise le décret.

Comme tout le monde

Désormais, prélats et laïcs engagés par la Curie Romaine et qui logent dans les nombreux édifices appartenant au Saint-Siège, devront s’acquitter d’un loyer, comme tout locataire. Cela ne concerne pas les religieuses et religieux qui eux demeurent dans les maisons des Ordres auxquels ils appartiennent.

Solidarité

En 2021, suite au Covid, le Pape avait réduit le salaire des responsables curiaux, car le budget du Saint-Siège avait été grevé par la pandémie. Le Pape décrit cette mesure comme un « sacrifice extraordinaire ». A noter que le Pape, lui, n’a aucun salaire, mais chaque année fait acte de charité lors de la quête dite « du Denier de Saint-Pierre », qui lui permet d’envoyer de l’argent auprès des nécessiteux du monde entier par l’entremise de son (nouveau) Dicastère du Service de la Charité (l’ancienne Aumônerie Apostolique).

Il y a 10 ans, le pape François était mandaté par les Cardinaux qui l’élurent d’assainir les finances du Saint-Siège et de la Cité du Vatican ; cette mesure est un point (presque) final à cette réussite de mandat. Comme quoi, quand on veut, on peut : il n’y a pas de petites économies…

Un nouveau logo pour le diocèse de Sion

Chaque mois, L’Essentiel propose à un ou une représentant(e) d’un diocèse suisse de s’exprimer sur un sujet
de son choix. Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion, est l’auteur de cette carte blanche. 

Par Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion | Photo : cath.ch

A partir de janvier 2024, le diocèse de Sion introduit une nouvelle identité visuelle : un nouveau logo et une nouvelle charte graphique.

Le logo reprend les éléments de la vision pastorale diocésaine : « Ensemble en chemin pour annoncer l’amour de Dieu… C’est cela la joie de l’Evangile. »

Valère et Tourbillon représentent l’ancrage territorial. 
La croix invite à lever les yeux. Elle est en mouvement vers l’extérieur et donne un nouvel élan à ce symbole.
Le cercle ouvert manifeste l’unité du diocèse et son ouverture aux autres. Il est signe de communion.

Le bleu évoque visuellement la sérénité, la confiance, couleur de l’eau, du ciel et de la Vierge Marie.
Le jaune manifeste la joie qu’il y a à connaître le Christ, soleil, vie et lumière. 

Le logo est un élément d’identité important pour un diocèse. Il sera progressivement introduit dans les communications, les supports écrits et visuels du diocèse. 
Le logo est accompagné d’un ensemble de déclinaisons, notamment pour les services diocésains qui sont invités à l’employer progressivement. Il permet ainsi de mieux rendre compte des propositions diocésaines, tout en les rassemblant et en les fédérant.
Les paroisses qui n’ont pas de logo pourront également utiliser le logo diocésain. Les organisateurs d’évènements d’Eglise, pèlerinages, conférences ou autres manifestations reconnus par le diocèse sont invités, s’ils le souhaitent, à employer le logo diocésain. Cette utilisation illustrera un lien mutuel entre l’évènement et le diocèse. D’une part, l’évènement pourra se réclamer du soutien moral du diocèse. D’autre part, le diocèse exercera un droit de regard sur l’évènement et son contenu, afin d’en vérifier la cohérence avec les orientations pastorales diocésaines. Toute utilisation de l’identité graphique diocésaine, et en particulier du logo, devra donc au préalable être validée par le Service diocésain de la communication ou l’autorité diocésaine.

Jeux, jeunes et humour – janvier 2024

Par Marie-Claude Follonier

Question jeune

Pourquoi au début la messe, le prêtre dit : « Le Seigneur soit avec vous » ? *
Après le baiser de l’autel, symbole du Christ point de jonction entre Dieu et les hommes, et le signe de croix, le prêtre prononce cette formule au début ainsi qu’à trois reprises au cœur de la célébration. Il s’agit d’une très ancienne bénédiction rappelant que Dieu vient demeurer en nous.
La réponse de l’assemblée « Et avec votre Esprit » rappelle en quelque sorte le rôle du prêtre : « Que l’Esprit qui t’a été donné le jour de ton ordination soit avec toi et agisse en toi pour que tu accomplisses bien ton ministère ! »

Par Pascal Ortelli

* Nous vous proposons cette année de décrypter la messe, en lien avec le livre de Pascal Desthieux : Au cœur de la messe. Tout savoir sur la célébration, illustrations Hélène VDB, Editions Saint-Augustin.

Humour

Un touriste arrive à Paris et s’adresse à un passant : 
Sprechen Sie deutsch ? 
– Non, répond le Parisien.
Do you speak English ?
– Non, non.
Voce fala portugues ?
– Non.
Hablas espagnol ?
– Non, non, désolé Monsieur, je ne parle que le français.

Le touriste s’éloigne. Notre Parisien se tourne vers son ami et lui dit : « Tu vois, il sait quatre langues, mais ça ne lui sert à rien ! »

Par Calixte Dubosson

Missionnaire du continent numérique

Pour le missionnaire du web, le meilleur communicant reste le Christ.

Le continent sur lequel évolue ce missionnaire hors norme est… numérique. Cofondateur de l’association Lights in the Dark, Jean-Baptiste Maillard veut évangéliser internet. Pour cela, il prend la communication religieuse sur le web à bras de corps. Une conversion…à triple sens.

Par Myriam Bettens
Photos : Jean-Claude Gadmer

Qu’est-ce que l’évangélisation du « continent numérique » implique concrètement ?
Cela implique d’aller à la rencontre des personnes qui vont sur Internet en mettant en contact des e-missionnaires et les internautes. Ce n’est pas seulement être présent sur le web, mais à l’écoute des aspirations, questions et préoccupations de ceux qui sont loin de l’Eglise, de la foi et même de Dieu. D’ailleurs, les papes ont toujours parlé de l’importance d’utiliser les nouvelles technologies pour annoncer que nous sommes aimés de Dieu.

Elle est également source d’une triple conversion…
En effet, il y a les conversions à proprement parler, mais aussi celles des e-missionnaires que nous sommes. Sans un cœur brûlant d’amour pour Dieu, pas d’évangélisation. Impossible de transmettre l’essence de ce que nous n’avons pas nous-mêmes expérimenté. Nous avons mis en place une plateforme pour les personnes dépendantes à la pornographie. Ce n’est pas un sujet dont nous avons spontanément envie de parler. Nous devons donc nous « convertir » à plus de compassion et d’écoute pour ces personnes. L’évangélisation se trouve aussi sur ces terrains-là. Outre cela, il y a aussi une conversion à la culture du numérique à mener. Les mots ont une importance et le « jargon catho » est à oublier !

Pourquoi avoir choisi spécifiquement ce terrain de mission ?
J’ai commencé à évangéliser sur Internet avec l’avènement du numérique, en 1994. Je me suis vite rendu compte que les gens étaient intéressés par Dieu. Ils avaient plein de questions. Internet pour atteindre les gens fonctionnait ! Pourtant, j’étais loin d’imaginer qu’un jour, je monterai avec d’autres amis, une mission à part entière pour investir ce continent numérique et envoyer des e-missionnaires.

Aujourd’hui nous avons des « communicants » dans tous les domaines. Savons-nous pour autant mieux communiquer ?
Non ! Le meilleur communicant que nous n’ayons jamais eu, c’était le Christ. Tant que nous ne sommes pas à l’école de Jésus, on ne communique pas encore assez bien. Comme on le voit avec la Samaritaine, à qui Il commence par demander à boire, Il est toujours dans la posture de Celui à qui on peut apporter quelque chose et non le contraire. Jésus était à l’écoute des questions et préoccupations des gens. On doit s’en inspirer non pas pour devenir des pros de la communication, mais pour rejoindre l’autre dans ce qu’il est et vit.

On pense souvent que l’évangélisation via le numérique est plutôt l’apanage des évangéliques, à tort ?
C’est vrai qu’ils avaient, et ont peut-être encore, une grande longueur d’avance sur nous. Ils ont toujours eu comme principe de garder la rencontre au cœur d’internet et on ne parle pas de rencontre virtuelle. Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à l’évangélisation sur Internet, en 2011, je m’étais rendu dans les bureaux de TopChrétien, en région parisienne [un précurseur dans l’évangélisation sur internet, ndlr.]. Ils m’avaient expliqué qu’ils travaillaient avec 400 églises partenaires, cela afin de rediriger les personnes rencontrées virtuellement vers des chrétiens de communautés locales. L’Eglise dit depuis plus de vingt ans que la rencontre doit être au cœur de tout processus d’évangélisation, mais c’est aux chrétiens de mettre cela en œuvre. De ce côté, les évangéliques nous interpellent et cela doit nous encourager à aller de l’avant !

Vous avez le code du Li-Fi ?

Le Li-Fi (ou Light Fidelity) est une technologie de communication sans fil reposant sur l’utilisation de la lumière visible pour coder et transmettre des données. 

L’association Lights in the Dark repose sur la lumière de l’Evangile pour décoder et transmettre un message de Vie. Fondée en 2015, elle trouve son nom dans la prophétie d’Isaïe (9, 3) : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. » Ses e-missionnaires sont une présence qui « écoute, dialogue, encourage » (cf. pape François) à travers un chat mutualisé à des plateformes thématiques. Quant à son cofondateur, Jean-Baptiste Maillard, il est marié, père de trois enfants et également coauteur du livre Evangéliser sur Internet, mode d’emploi (EDB 2019).

Vitrail de la vie de saint Joseph, Adrien Mastrangelo, église Saint-Hyppolite, Grand-Saconnex (Genève)

Adrien Mastrangelo propose quatre scènes de la vie de Joseph : la nativité, la fuite en Egypte, son mariage et son rêve.

Par Amandine Beffa | Photo : Jean-Claude Gadmer

Si saint Joseph prend une place importante dans le temps de Noël, habitant toutes nos crèches et marquant de sa présence le récit de la nativité, il est aussi celui dont on ne sait pas grand-chose. Tout au plus, savons-nous qu’il est de la descendance du Roi David, que c’est un homme bon et qu’il est charpentier. 

Adrien Mastrangelo propose quatre scènes de sa vie : le mariage de Marie et Joseph, le rêve de Joseph, la nativité et la fuite en Egypte. 

L’Evangile nous dit que Marie avait été accordée en mariage à Joseph (Matthieu 1, 18). La coutume voulait qu’après la promesse, les jeunes femmes vivent encore un an chez leurs parents avant de rejoindre leur époux. En bas à gauche du vitrail, l’artiste a choisi de mettre cette promesse en image. Marie est représentée la main droite levée, en signe d’acceptation. C’est elle qui semble prendre la main de Joseph.

« Or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par l’action de l’Esprit Saint » (1, 18) poursuit l’évangéliste. Joseph choisit de répudier Marie en secret. Décision étonnante puisque seule une répudiation publique pourrait le libérer des liens du mariage. Sur le vitrail, Joseph semble bien accablé (partie en bas à droite). L’ange s’approche, lui touchant délicatement le genou de la main gauche et indiquant le ciel de la droite : « Ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint. » (1, 20)

En haut à gauche se trouve la nativité. Les représentations plus anciennes – notamment médiévales – ont tendance à mettre Joseph à l’écart, dans une position de protection. Ici, l’époux de Marie est un « père comme les autres », penché sur le berceau de l’enfant qui vient de naître. Point de bergers ni de mages, la scène est familiale et intime.

La dernière scène est celle de la fuite en Egypte. Joseph ne parle pas dans l’Evangile, mais il a des songes et à chaque fois, il écoute et agit en conséquence. Bâton en main, Joseph guide la famille vers la sécurité. On ressent une forme de détermination dans la façon dont l’artiste l’a représenté.

Le nombre 40

Par Pierre Guillemin | Photo : DR

Dans l’Ancien et le Nouveau Testament, le nombre 40 est souvent associé à des périodes de test, de préparation ou de transformation. Par exemple, il a plu pendant 40 jours et 40 nuits lors du Déluge et Jésus a jeûné pendant 40 jours dans le désert. 

Mais pourquoi 40 ? Y a-t-il une signification à ce nombre ? 

On serait tenté d’interpréter ce nombre 40 en utilisant les codes de la numérologie telle que pratiquée actuellement. Mais ce serait une erreur : le zéro, au moment où, selon les archéologues et historiens, commence l’écriture de la Bible (l’Ancien Testament) sous le règne du roi Josias (640-609 avant Jésus-Christ), ne fait pas partie des connaissances mathématiques de l’époque (il sera introduit au VIIIe siècle par les mathématiciens indiens et sera utilisé en Europe à partir du XIVe siècle – voir L’Essentiel janvier 2023). 

Cependant, en hébreu, les lettres ont une valeur numérique et peuvent être utilisées pour compter. Elles ont aussi une symbolique particulière que les exégèses de la kabbale savent interpréter. 

Le nombre 40 correspond à la lettre Mem. Le symbolisme de Mem est l’Eau ou la Mère. 

Mem évoque le changement, les cycles de la mort (la symbolique des mouvements de l’eau, par exemple, comme le perpétuel mouvement de sac et de ressac de l’eau sur une plage) et de la renaissance (d’où la symbolique de la mère). 

Active ou passive

L’eau est une matière instable, changeante, ressemblant en cela à l’âme humaine. L’eau peut être active ou passive, destructrice ou au contraire porteuse de vie. Solide (emprisonnée par la matière), liquide (libre) ou gazeuse (spiritualisée), elle peut donc aussi bien être attirée vers le bas, c’est-à-dire vers la matière (l’ego, les instincts naturels, l’inconscient), que vers le haut (l’esprit supérieur). 

L’eau peut aussi évoquer la source, la femme qui donne vie, pourvoit, nourrit, aime ses enfants. Le nombre 40 ou son équivalent, la lettre Mem, c’est donc la Nature ou le « Tout » qui est régi par la loi d’Amour, puisque tout dans l’Univers est lié et solidaire.

Le nombre 40 constitue cet appel à retourner à la source, aux eaux matricielles qui diffusent partout la vie et le progrès par-delà la mort, afin de nous redécouvrir comme les enfants de l’Univers créé par Dieu.

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