Pauvres et Suisses

La mobilisation des gilets jaunes interpelle jusqu’à nos frontières. A travers la parole des «sans voix», de profondes inégalités refont surface. En Suisse aussi, celles-ci existent comme autant de pauvretés cachées. Quelles sont-elles et quelles sont les formes de solidarités mises en place par l’Eglise pour y remédier?

Par Pascal Ortelli
Photos : Ciric, Jean-Claude Gadmer, Pxhere, DR
La pauvreté ne diminue pas en Suisse. Tel est le constat que livre l’Almanach social 2019 de Caritas Suisse. 615’000 personnes – soit 7,5% de la population – vivent dans la précarité, alors qu’autant d’autres risquent d’y tomber. Car ces « juste au-dessus du seuil » ne reçoivent pas d’aide. Les familles monoparentales, les personnes en formation post-obligatoire et les sans-emploi représentent les catégories les plus à risque.

Parmi elles, on compte 140’000 working poor qui exercent une activité professionnelle sans pour autant arriver à boucler leur fin de mois. A cela s’ajoute le problème croissant de l’endettement des jeunes adultes. « Certains n’ont jamais appris à gérer leur salaire », explique Joëlle Renevey de Caritas Fribourg. En 2017, son service a conseillé 1078 ménages, dont 288 plus particulièrement.

Divorce et pauvreté

« ]La pauvreté touche aussi les enfants au travers des divorces, parfois sources de précarité matérielle et humaine : « Lorsque les enfants apprennent que leurs parents divorcent, ils ont peur de perdre leurs amis et leurs repères » constate Marie-France Kilchoer, animatrice au MADEP (Mouvement d’apostolat des enfants et préadolescents). C’est un grand traumatisme pour eux, sans compter que les enfants de migrants peuvent servir d’outils de dialogue  pour les parents qui ne maîtrisent pas le français.

Le cri des pères divorcés commence enfin à se faire entendre. Même avec un bon salaire, certains vivent au seuil de la précarité quand ils ont fini de payer les frais de pension et le loyer élevé d’un grand appartement. La loi leur impose d’avoir suffisamment d’espace pour pouvoir accueillir chez eux leurs enfants… au risque de se ruiner ! 

Un chemin de confiance

Pour la première fois en Suisse romande, plus de 200 personnes en situation de pauvreté et des agents pastoraux se sont réunis à l’Université de Fribourg les 29 et 30 janvier derniers pour se rencontrer et apprendre les uns des autres afin d’ouvrir des chemins nouveaux.

Un intervenant de l’Université de la solidarité et de la diaconie raconte son combat. Marié et père de trois enfants, il est venu en Suisse pour trouver du travail afin d’aider sa famille. Tout a basculé quand il est entré dans la précarité. « J’ai tout perdu, dit-il, au moment où j’avais le plus besoin d’eux. » Comme il ne ramène pas assez d’argent, sa femme demande le divorce.  

Seul et sans-abri, il ne se reconnaît plus dans son rôle de père jusqu’à ce qu’il découvre la Pastorale des milieux ouverts à Genève. « Inès, la responsable, m’a redonné confiance, en me faisant comprendre que je n’avais pas perdu ma dignité. Elle m’a recommandé de faire du bénévolat, alors que j’avais moi-même besoin d’aide » confie-t-il. Il y puise assez de forces pour « récupérer » sa famille. Aujourd’hui, même si les difficultés financières persistent, il a retrouvé la place qui lui revient.

Apprenons les uns des autres

Car, ne l’oublions pas, dans le cœur de Dieu, les pauvres ont la première place. Le Christ s’appuie sur eux pour nous révéler sa tendresse. Ils ont beaucoup à nous enseigner. La pauvreté revêt de multiples visages. D’une certaine manière, nous sommes chacun le pauvre d’un autre. Il est primordial pour l’Eglise de favoriser de tels espaces de rencontre.

Une priorité pour l’Eglise

La diaconie, autrement dit le soin et l’accueil accordés aux plus fragiles, constitue l’une des missions fondamentales de l’Eglise. Pour Pascal Tornay, assistant pastoral à Martigny et responsable du Service diocésain de la diaconie (SDD), « ce n’est pas d’abord un dicastère ecclésial, c’est l’Eglise en train d’aimer et de transformer le monde ». 

Le SDD n’a pas pour but de porter seul ce souci dans le diocèse de Sion. C’est la mission de tous. « Nous cherchons à développer un réseau, assure le Martignerain, pour permettre à chacun d’être acteur dans sa communauté locale. » La proximité y est de mise.

Plus de 200 personnes se sont réunies à Fribourg en janvier, pour parler solidarité et diaconie.
Plus de 200 personnes se sont réunies à Fribourg en janvier, pour parler solidarité et diaconie.

Un « monastère » sur la place publique

Voilà presque sept ans que le Rencar remplit cette mission dans le Jura avec un camping-car transformé en lieu d’écoute. L’accueil y est inconditionnel et gratuit, grâce à une équipe de plus de 30 personnes.

« Certains viennent juste pour un café ; d’autres sur rendez-vous ou d’une manière inattendue pour parler de leurs problèmes. » De plus en plus d’adolescents franchissent la porte. « Ils y trouvent un refuge où ils peuvent déposer leurs problèmes, sans que cela soit balancé sur les réseaux sociaux », confie Isabelle Wermelinger, animatrice au Rencar. 

L’un des défis, pour elle, consiste à mieux habiter l’espace public. « Le Rencar, c’est un peu comme un monastère itinérant. On peut choisir de passer plus loin ou de s’y arrêter, avec la certitude d’y être reçu et écouté. »

Le Rencar fait en quelque sorte office de monastère itinérant.
Le Rencar fait en quelque sorte office de monastère itinérant.

Une attention aimante

Liberté, gratuité et don de soi dans la relation, vécus fraternellement au nom de l’amour du Christ et du prochain. La mission de l’Eglise consiste à être encore là quand toutes les autres portes sont fermées. Aujourd’hui, elle est invitée peut-être à mieux aider ces « 600’000 autres », vivant avec peu et sans aide, juste au-dessus du seuil de pauvreté. Et de leur prêter, selon le vœu du pape François, une « attention aimante qui honore l’autre en tant que personne et recherche son bien ».

Seuil de pauvreté et aide sociale

Le seuil de pauvreté est fixé par la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) à Fr. 2247.– par mois pour une personne seule et Fr. 3981.– pour un ménage de deux adultes et deux enfants au-dessous de 14 ans.

Depuis 2010, les demandes d’aide n’ont cessé d’augmenter. On dénombre 278’345 cas en 2017, soit 5000 personnes de plus qu’en 2016. Or l’aide sociale ne garantit déjà plus le minimum vital. Le montant moyen dépensé par une personne seule (hors primes d’assurance-maladie et loyer) s’élève à Fr. 1082.–, tandis que le forfait moyen d’aide actuellement fixé par la CSIAS est de Fr. 986.–. 

Accompagner les détresses paysannes

Maria Vonnez et Pascale Cornuz, de l’aumônerie agricole vaudoise, assurent une présence d’écoute auprès des paysans en détresse. Le risque de suicide y est en effet 37% plus élevé que dans le reste de la population suisse. Une formation de prévention au suicide, destinée aux professionnels en relation directe avec les paysans, a été mise sur pied, afin de créer un réseau de « sentinelles ». « Mon rôle, dit Maria Vonnez, est d’arriver à ce qu’ils s’accrochent de nouveau à l’espérance. »[thb_image image= »3616″ img_link= »url:%2Fwp-content/uploads/2019/02/Graphique_pauvrete. »]

Carême dans la Ville

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Par Vincent Lafargue
Photo: DRLes frères dominicains de Lille sont très féconds sur internet. Depuis bien des années, ils proposent une retraite en ligne, notamment aux temps privilégiés de l’Avent et du Carême. 

146’000 retraitants
Actif dès le début du Carême, le site « Carême dans la ville » propose une méditation quotidienne liée aux lectures du jour. Elle peut être écoutée ou même visionnée. Un espace nous permet de commenter et de laisser notre prière.

Ainsi, l’an dernier, ce ne sont pas moins de 146’200 personnes qui se sont inscrites à cette « retraite en ligne », méditant tous les jours les perles reçues via leur écran d’ordinateur ou sur leur téléphone portable. 

Aussi sur smartphones
Car une application « Carême dans la ville » existe aussi pour smartphones et permet là encore d’écouter la méditation quotidienne ainsi que la parole de Dieu qui l’inspire.

On peut visiter le site ou l’application chaque jour sans s’inscrire. Mais laisser son adresse email dans le champ prévu à cet effet permet de recevoir quotidiennement, pendant le Carême, un courriel contenant aussi des intentions de prière.

C’est un convaincu depuis bien des années qui vous le dit : votre Carême sera tout différent quand vous aurez découvert « Carême dans la ville » !
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Le site: careme.retraitedanslaville.org

Dignité et Développement

Par Nicole Andreetta
Photo: DRLa plateforme Dignité et Développement, créée en 2015, est une initiative de Mgr Charles Morerod : « Nous avons besoin d’un espace de réflexion, au-delà des urgences, pour inscrire les interventions immédiates dans le long terme… une plateforme à géométrie variable qui réunisse des praticiens et des scientifiques, des acteurs locaux et des personnes engagées sur la scène internationale. »

Formation en ligne
Depuis novembre 2018, une formation en ligne intitulée « L’éthique sociale chrétienne pour nourrir la vie » s’adresse à toute personne intéressée par les défis de notre temps.

Outre un module d’introduction, divers thèmes sont traités : finances, médecine, écologie, communication, politique…

« Il ne s’agit pas de proposer un cours ex cathedra, explique Pascal Ortelli, théologien laïc et coordinateur de la plateforme, mais de permettre aux participants de découvrir l’éthique sociale chrétienne à partir de leur propre questionnement. »

Il poursuit en précisant : « Le christianisme est une religion incarnée. Jésus, par la prière, demeurait en relation étroite avec le Père. Mais il a aussi vécu au cœur de la société. Dans l’Ancien Testament, le message des prophètes avait une dimension politique. L’Eglise doit cheminer avec le monde de son temps. »

Questions complexes
Une participante, Stefanie Losey, témoigne : « Procréation, suicide assisté, migration… nous sommes, aujourd’hui, confrontés à des questions complexes. Cette formation me permet de faire le lien entre qui je suis et ce que je vis. En tant que femme, assistante pastorale, mère de famille et écologiste convaincue, je me retrouve plusieurs fois par jour face à des situations plus ou moins compliquées où je dois faire des choix et définir mes priorités. Prendre le temps d’approfondir une parole telle que « Aime ton prochain comme toi-même » me permet de mieux saisir ce qui a été le centre de mes décisions, de faire le lien entre mes convictions et mes engagements. Je découvre que je fais certaines choses parce que je suis chrétienne. »

La formation rassemble à ce jour près de 80 participants de diverses professions. Une grande majorité habite en Suisse romande, quelques-uns en France, en Belgique, au Togo et au Liban.

Nouveau regard

Par Nicole Andreetta
Photo: PxhereSouvent cachée, la pauvreté reste présente en Suisse. Paradoxalement, 25% à 30% des personnes concernées renoncent à bénéficier de certaines aides sociales 1.

Les causes de non-recours sont multiples et diverses. Un manque d’information, la crainte de perdre son permis de séjour. Mais il y a également des motifs liés aux barrières sociales qui s’élèvent insidieusement à partir du regard de l’autre et du regard que l’on porte sur soi.

Les personnes qui font le pas de demander de l’aide se retrouvent souvent confrontées à une « inhospitalité administrative ». L’avalanche de formulaires à remplir et de justificatifs à fournir suscite chez elles un sentiment de rejet, de non-reconnaissance.

Or, devoir franchir le seuil des services sociaux représente pour beaucoup le deuil de leurs propres valeurs : « Demander de l’aide, ce n’est pas un métier ! J’ai honte ! »

Les droits sociaux représentent un des piliers de notre démocratie.

Ceux que l’on nomme « bénéficiaires » sont d’abord des « ayants droit ». Reconnaître les droits et la dignité de chacun, une piste pour avancer ensemble.

1 Selon une enquête menée par Barbara Lucas, professeur à la HETS-GE.

Il poverello!

Par Thierry Schelling
Photo: Ciric

François a instauré en 2017 une Journée mondiale des pauvres.
François a instauré en 2017 une Journée mondiale des pauvres.

« N’oublie pas les pauvres », lui a glissé dans l’oreille son voisin cardinalice Hummes lors de son élection. Et Jorge s’est fait appelé François ! Il n’habite pas le Palais apostolique mais garde sa chambre à Santa-Marta ; rangés mosette, surplis et camail à bord d’hermine pour ne garder que la soutane blanche pour les bénédictions Urbi et Orbi. En simple habit de service.

Un appel
Ne cessant de dénoncer la « mondialisation de l’indifférence » face aux pauvres, voulant une « Eglise pauvre pour les pauvres », il a instauré en 2017 une Journée mondiale des pauvres : occasion pour bien des communautés catholiques d’organiser du lien avec « leurs » pauvres autour de repas, de célébrations… Le pape François a non seulement dépoussiéré le vieux vocable de miséricorde – le rendant fort attrayant depuis ! – mais il a secoué les communautés endormies quant à leur devoir de service des indigents : « Le vacarme de quelques riches étouffe le cri croissant des pauvres », déclare-t-il lors de la deuxième Journée mondiale des pauvres en novembre 2018.

Réponses
Il répond, lui, à sa façon : le prélat en charge de la charité au nom du pape, l’elemosiniere pontificio, est fait cardinal en 2018. « Tu ne marcheras pas derrière moi aux cérémonies, mais dans les rues de Rome ! » lui avait-il lancé ! Douches, lieux d’aisance et médecins, dentistes et autres professionnels de la santé sont mis à disposition dans l’enceinte de la colonnade du Bernin pour les barboni (mendiants). Il mange avec des pauvres dans la cathédrale de Bologne – idée reprise ailleurs en Europe – et encourage à servir, partager et prier avec eux. Comme trois vœux, plus que religieux mais certainement pas pieux !

Les «pauvres du Seigneur» (Sophonie 2, 3)

Par François-Xavier Amherdt
Photo: DR
Si le pape François réaffirme l’option préférentielle de l’Eglise catholique en faveur des pauvres (voir La joie de l’Evangile, n. 186-216), c’est qu’il s’agit d’une notion biblique et théologique avant d’être sociologique. Dans l’Ancien Testament, les « pauvres du Seigneur » constituent une catégorie au sein du peuple, porteuse des promesses de l’Alliance parce que disponible à l’action de Dieu : « Cherchez le Seigneur, vous tous, les humbles du pays, qui accomplissez sa loi. Cherchez la justice, cherchez l’humilité : peut-être serez-vous à l’abri au jour de la colère du Seigneur. » (Sophonie 2, 3)

Les pauvres (anawim en hébreu) représentent les Israélites fidèles à la volonté de Dieu, les justes comme Marie et Joseph, Anne et Siméon. Ils constitueront le petit reste d’Israël, le germe dont le Seigneur fera sa parure de gloire (Isaïe 4, 2-3). Souvent, ils sont victimes des abus de pouvoir des puissants, des responsables politiques et religieux ou des riches et des magnats, dont le Magnificat chante le renversement (Luc 1, 51-52).

Prophètes et pauvreté
Les prophètes ne cessent de réclamer justice pour les faibles, les petits et les indigents auprès des autorités et de Dieu lui-même (Amos 2, 6-7), et le Deutéronome établit une législation humanitaire pour le respect de leurs droits (24, 10s). Avec les derniers prophètes, comme Sophonie, le vocabulaire de la pauvreté prend une coloration également morale et spirituelle. C’est aux pauvres que sera envoyé le Messie (Isaïe 61, 1). Lui-même sera opprimé (les chants du Serviteur souffrant dans le deuxième Isaïe), doux et humble de cœur (Zacharie 9, 3). Jésus se présente comme tel (Matthieu 11, 29) et il nous invite ainsi à la pauvreté de cœur pour entrer dans le bonheur du Royaume, déployé par les Béatitudes (Matthieu 5, 3).

Face au World Economic Forum de Davos et au G8, l’Evangile et la tradition nous invitent au détachement heureux et à l’abandon dans les bras du Père qui seul peut nous combler.

Communauté solidaire

Dominique Tornay, épouse de Jean-Gabriel et maman de trois enfants, tombe gravement malade. Immédiatement, un réseau de solidarités se mobilise pour les aider. Témoignage. 

Propos recueillis par Bertrand Georges
Photo: DR« Le 18 septembre 2018, j’apprenais que j’avais une tumeur cancéreuse dans un sein. Il a fallu l’enlever au plus vite et attendre les résultats des analyses pour connaître la suite des traitements », explique Dominique Tornay, maman de trois enfants.

« Très vite, nous avons pris cons­cience que nous aurions besoin de soutien spirituel et matériel. Nous avons alors pris l’option d’informer notre entourage de la situation. « Vous pouvez, prier pour nous, et si vous avez quelques disponibilités pour nous donner un coup de main, elles seront les bienvenues. » En deux jours, un réseau incroyable s’est organisé pour nous apporter des repas, faire les lessives, prendre les enfants après l’école, les conduire à leurs activités ! Nous étions ébahis et bouleversés par tant de générosité et d’organisation ! Nous avons alors vécu le fait que la communauté paroissiale n’était pas seulement une communauté du dimanche où l’on vient prier sans se préoccuper des autres, mais une vraie communauté où les membres se soutiennent et s’entraident. Quel cadeau ! De même pour les familles du village rencontrées au travers des enfants : elles n’étaient pas de simples connaissances mais des amis sur qui nous pouvions compter. 

Nous avons expérimenté que le Seigneur ne donne pas la souffrance, Il vient l’habiter de Sa présence et utilise ses enfants, croyants ou non, pour nous le montrer. Quelle grâce ! Cette maladie nous a également permis de vivre cette parole de Jésus : « Demandez et vous recevrez. » Dans notre pays, il y a souvent beaucoup de pudeur, de peur de déranger, de se mêler de ce qui ne nous regarde pas. Mais en même temps, les gens ne peuvent pas deviner nos besoins et souvent ne demandent qu’à aider ! Alors, osons demander du soutien ! Nous contribuerons ainsi à faire grandir la charité.

La joie après l’épreuve
Après un mois de grande inconnue sur l’étendue du cancer, nous apprenions la magnifique nouvelle que tout avait pu être enlevé à l’opération et qu’un traitement hormonal devait suffire à enrayer totalement le mal. 

Pour remercier toutes ces personnes, nous avons organisé une fête ! Quelle joie de voir tous ces visages rassemblés ! Notre cœur était dans l’action de grâce. »

Des jardins de partage

Par Nicolas Maury
Photo: DR

Née de la rencontre de deux Genevoises – la pasteure Anne-Christine Menu et la responsable de la pastorale des milieux ouverts de l’Eglise catholique Inès Calstas – l’idée d’un potager urbain à Montbrillant s’inspire directement de « Demain ». « Ce film a confirmé des intuitions profondes chez les gens et leur a montré que s’engager, c’est possible », raconte Anne-Christine Menu. 

Sorti de terre en 2017, ce jardin de vie avait planté ses racines un an plus tôt. « Les personnes qui vivent l’exclusion et la misère au quotidien ont beaucoup à donner à la société », note Inès Calstas. « Nous avions participé à la création de potagers urbains au parc des Franchises à Pâques 2016, avec des voisins, des personnes de l’Hospice et de différentes associations. Un grand gaillard, Moussa, est venu vers moi à la fin et m’a dit : «  Hier j’avais plein de problèmes. Aujourd’hui, je sens que je peux les surmonter. Il faut mettre ces jardins partout à Genève !  » »

Beauté de la Création
Le rêve s’est concrétisé à Montbrillant. « Le but est aussi de créer une présence hors les murs pour rencontrer les passants dans leurs préoccupations, témoigner de la beauté de la Création et de la nécessité de la préserver », commente Anne-Christine Menu.

Après un travail préparatoire fourni, un cerisier est planté, accompagné de framboisiers et de potagers en carré. Les bacs commencent à se remplir et les légumes et tomates sortent de terre. Le terrain est propice à l’initiative qui voit collaborer les membres de la paroisse protestante, des sourds et des malentendants, des handicapés et des personnes en situation d’exclusion.

Développement durable
Si ces potagers se multiplient en Romandie, ils sont rarement liés à un contexte ecclésial. Ainsi, Fribourg propose de « Semer dans les jardins de demain » et les « Plantages lausannois » essaiment dans la capitale vaudoise. A Sion, une initiative un peu similaire a vu le jour pour l’action de Carême 2017, sous le titre « Cultiver la vie ».  L’animateur pastoral hors-les-murs Emmanuel Theler, qui en a été la cheville ouvrière, souligne : « Les potagers urbains sont liés à un sentiment éthique plus
que religieux, qui a trait avant tout au développement durable et
au partage. »

En librairie – mars 2019

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

les-meilleurs-citationsLes meilleures citations du monde

David Nolent et Sabrina Mary

« Nourris ta foi et tes doutes mourront de faim », c’est l’une des 100 citations de ce recueil qui fait parler les plus grands hommes et femmes de l’histoire qui ont changé le monde. A déguster sans modération en espérant que ces petites merveilles auront une influence positive sur votre vie.

Quality Dots

Acheter pour 22.40 CHFcomment-reussir-ta-vieComment réussir ta vie

Jeanne Larghero

S’il n’existe pas de plan tout tracé pour réussir sa vie, une boussole est néanmoins nécessaire. Ce livre présente l’équipement indispensable pour avancer vers le bonheur. Dans un langage parfaitement adapté aux jeunes, l’auteure offre de nombreux exemples qui illustrent son propos. Son expérience pédagogique, mise au service d’une profonde réflexion sur les repères d’une vie réussie, donne au texte un ton sympathique, bourré d’anecdotes et d’humour.

Artège

Acheter pour 25.40 CHFla-pensee-sociale-du-pape-francoisLa pensée sociale du pape François

Bertrand Hériard Dubreuil

Ce fascicule met en lumière l’option préférentielle pour les pauvres si chère à notre Saint Père. Elle ne doit pas rester un principe éthique qui caresse notre intellect mais se traduire par des démarches concrètes. Le pape François montre souvent l’exemple par des actions pour les pauvres qui défrayent la chronique. Il nous invite ainsi à reconnaître que les pauvres ont beaucoup à nous enseigner et qu’ils sont une source d’inspiration, notamment pour la foi.

Lessius

Acheter pour 14.30 CHFkerannaKeranna, l’histoire de Sainte Anne d’Auray

René le Honzec

Cette bande dessinée raconte l’histoire de la sainte patronne de la Bretagne et du lieu où elle s’est manifestée à un laboureur, Yvon Nicolazic, et lui a dit en breton : « Je suis la mère de Marie ». Sainte-Anne-d’Auray est devenu un lieu de pèlerinage très fréquenté et saint Jean-Paul II s’y est arrêté en 1996. Ouvrage à conseiller à nos amis de Collonges en Valais ou de Montenol dans le Jura qui la célèbrent comme leur patronne.

Ar Gedour

Acheter pour 23.90 CHF

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. +41 24 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, +41 26 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch) aussi disponible sur librairie.saint-augustin.ch

Une demande du Notre Père

Le Christ a résisté à la tentation, comme le représente ici Duccio.
Le Christ a résisté à la tentation, comme le représente ici Duccio.

Par François-Xavier Amherdt
Photo: DR
Placée désormais après la version nouvelle de l’intercession « Ne nous laisse pas entrer en tentation », la demande finale du Notre Père trouve une couleur « inédite ». C’est grâce à la miséricorde divine que nous pouvons résister aux tentations. Le Seigneur ne veut pas nous faire tomber, mais il permet que nous soyons « mis à l’épreuve », de manière à ce que notre foi croisse, notre espérance s’affermisse et notre amour se fasse plus généreux. Et pour que nous le réalisions, il nous comble de sa fidèle assistance et de sa tendresse.

La grâce de l’Esprit nous confère la force d’entrer dans le combat spirituel qui marque l’ensemble de nos existences. Entre désolations et consolations, l’Esprit de discernement nous permet de choisir la voie sur laquelle nous évitons de tomber, nous pouvons nous relever si nous chutons et nous parvenons à réaliser la volonté de Dieu sur nous. La spiritualité jésuite de saint Ignace est donc pétrie des formules finales de la grande prière chrétienne.

L’Esprit nous garde du Diviseur
Le Notre Père se termine ainsi par une « prière de délivrance » contre toute forme de fascination du Mauvais et de piège du mal.
Le terme grec poneros, qui clôt l’oraison baptismale et dominicale, peut se comprendre autant au masculin qu’au neutre. C’est donc du Malin que nous supplions Dieu de nous libérer, tant nous savons son action redoutable dans notre monde déchiré et dans le champ de bataille qu’est notre cœur. Quand nous nous sentons habités par le Tentateur ou que nous rencontrons une personne se disant possédée par le Diabolos, commençons toujours par prier avec elle les mots que Jésus nous a laissés afin que nous soyons préservés des influences néfastes. 

Tentation et mal : soyons réalistes, ne repoussons pas ces concepts comme s’ils étaient dépassés. Et joignons notre vigilance à l’œuvre de Dieu : la vie est rude, elle est une lutte, mais l’Esprit nous garde du Diviseur et assure notre unité intérieure.

Pontifex en images

Par Vincent Lafargue
Photo: DRSur www.pontifexenimages.com on trouve, comme son nom l’indique, des images liées au Pape (pontifex, en latin). Photos de François comme tant de médias en font ? Vous n’y êtes pas du tout. Ce site met en images les petites phrases fortes de notre Pape. « Aiguisez vos yeux pour voir les signes de Dieu dans la réalité », le tout écrit derrière une grosse paire de lunettes, ou encore « Dieu fait pousser ses fleurs les plus belles au milieu des terres les plus arides », illustré d’une jolie fleur au milieu d’un sol craquelé, ou également « Portons la flamme de l’amour du Christ » écrit par-dessus un joli feu dont les flammes forment un cœur, voilà le style d’images que vous trouverez sur le site « Pontifex en images ». 

Puissance supplémentaire
Les paroles du pape François sont fortes en elles-mêmes. Mais mises ainsi en images, elles acquièrent manifestement une puissance supplémentaire. Le message passe mieux auprès d’autres catégories de récepteurs, notamment les jeunes.

Les messages sont classés par année, mais aussi par thème. On peut ainsi les retrouver facilement.

A l’origine de cette initiative ? Olivier, un père de famille de cinq enfants, catholique engagé en France. Sa proposition est déjà reprise en langue allemande (pontifexinbildern.com) et s’élargit à d’autres produits que l’on trouve sur son site : livre, livre pour enfants, t-shirts, calendriers perpétuels, cartes postales…

Vers une exposition ?
Olivier a également illustré l’encyclique « Laudato si’ », réalisé un abécédaire et posté quelques messages en vidéo.

Le prochain projet du concepteur de « Pontifex en images » est une exposition qui pourrait tourner dans les paroisses.

En attendant, allez vite surfer sur « Pontifex en images », vous n’allez pas en croire vos yeux !
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Le site: pontifexenimages.com

Diable versus Pape!

Par Thierry Schelling
Photo: DRLe pape François a décidé d’inviter les fidèles du monde entier à prier le Rosaire chaque jour pendant le mois d’octobre afin de protéger l’Eglise contre le diable, indique un communiqué du Saint-Siège le 29 septembre 2018. 

Prier contre le diable
D’aucuns se sont réjouis car la piété populaire a été en quelque sorte redorée… alors que d’autres, plus sceptiques, se sont posé la question : la tourmente des affaires de pédophilie, les attaques ouvertes de prélats contre ce pontife, la lenteur des réformes souhaitées – « Cinq ans déjà, et quelles nouveautés nouvelles au sein du gouvernement de l’Eglise ? », se lamentait un chanoine fribourgeois récemment… – ne sont-elles pas des raisons (ou prétextes ?) pour utiliser une bonne vieille recette de grand-mère, une prière composée par Léon XIII à la suite d’une extase et qui était récitée à la fin de chaque messe jusqu’au Concile Vatican II…

Ange et démon
La prière, composée en un beau latin – Papa Pecci était un fin latiniste – dit : « Saint Michel Archange, défends-nous dans le combat, sois notre secours contre la Malice et les embûches du démon. Nous le demandons en suppliant : que Dieu lui impose son pouvoir ; et toi, Prince de la milice céleste, par la Puissance divine, repousse en enfer Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde pour la perte des âmes. »

Combat spirituel
La seule arme que le croyant possède face « aux turbulences de ces temps » est « la prière sous la protection de Marie ». C’est donc la foi en Dieu nourrie par la prière : celle, spontanée, du cœur, personnelle, et celle, plus formelle car communautaire, qui permet tant pour soi qu’en Eglise de devenir encore plus conscients de ses manquements, erreurs, péchés, conclut le communiqué cité ci-dessus. La récente correction du Notre Père, que Dieu « ne nous laisse pas entrer en tentation », mais peut nous en délivrer, est le cadre sans faille de toutes dévotion, pratique et prière contre le mal, le diable, les démons… L’imagerie populaire et médiévale, voire militaire (cf. le texte de la prière précitée), peut parler à d’aucuns, et en gêner d’autres. L’important, dit le Pape, c’est d’être unis dans l’effort en pensées, paroles et actes contre le mal et pour le bien. « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair » (Lc 10, 18), dira Jésus… Parfois, le mal, c’est aussi le bien que je ne fais pas…

Le mal du désespoir

Par le chanoine Calixte Dubosson
Photo: pxhere.comLa dépression, ce mal du siècle, que j’ai vécue, est une addition de petits détails douloureux, au premier regard insignifiants, mais qui mis ensemble provoquent une explosion dévastatrice. La personne malade se retrouve perdue, incapable de réagir. Commence alors un temps long et indéfini vers un horizon qui pour certains est inatteignable et ils mettent fin à leurs jours. 

D’autres, de médicaments en médecins, parcourent un itinéraire cruel où une éclaircie retourne vite dans le brouillard. Pour le croyant que je suis, il faut supporter le regard inquisiteur de gens malveillants qui pensent que si on a la foi, il n’est pas possible de tomber dans ce trou. Dieu devient tout à coup muet parce que la dépression empêche de voir qu’il est plus actif que jamais à travers des personnes qui soignent, accueillent, prient, compatissent. 

Pourtant, heureusement, beaucoup s’en sortent, presque miraculeusement, après de longs mois d’errance. C’est une sorte de résurrection mais non fulgurante. Comme un accidenté qui retrouve peu à peu l’usage de ses jambes, le malade en voie de guérison doit apprendre à reconquérir toutes ses facultés. Et cela prend du temps. Celui ou celle qui a plongé dans les ténèbres sait le prix de la lumière. C’est peut-être le seul mérite de ce mal sournois et imprévisible.

Un secteur, trois diocèses

De Salvan à Chamonix, le chanoine Jean-Pierre Liaudat exerce son ministère entre la France et la Suisse et dépend de trois évêques. Rencontre.

Texte et photos par Nicolas MauryDans la sacristie de l’église de Finhaut, le chanoine Jean-Pierre Liaudat désigne un document officiel. Au bas de celui-ci figurent trois paraphes : ceux de Mgr Roduit, de Mgr Brunner et de Mgr Boivineau. « J’ai trois patrons vu que je dépends de trois diocèses, sourit le Fribourgeois d’origine. Il y a quelques années, les évêques de Sion, d’Annecy et l’abbé de Saint-Maurice ont signé cet accord qui a donné naissance au Secteur des Glaciers. » Lequel s’étend aussi bien en Suisse qu’en France. « En période normale, cela représente un bassin de population de 13’000 âmes. Durant les fêtes, ce nombre avoisine les 100’000, car il y a Chamonix… »

Pour couvrir ce périmètre, Jean-Pierre Liaudat se lève tôt. « A 6h, je vais prier et méditer à l’église. » A 9h suivent les laudes et la messe avec les communautés, qui n’est pas toujours au même endroit. « Nous nous partageons le secteur avec mon confrère français Georges Vigliano. Aimant beaucoup l’Abbaye, il est devenu chanoine honoraire et peut porter le camail. Moi, je suis coopérateur de la paroisse Saint-Bernard du Mont-Blanc en France. Aidés par notre confrère Paul Mettan, prêtre auxiliaire de 81 ans, nous essayons d’être actifs de part et d’autre de la frontière. Je vais à Vallorcine, Argentière et Chamonix, Georges vient à Salvan, Trient et Finhaut. Comme ça les paroissiens ne voient pas toujours la même tête (rires). »

Le document qui a instauré le secteur est paraphé par Mgr Brunner, Mgr Roduit et Mgr Boivineau.
Le document qui a instauré le secteur est paraphé par Mgr Brunner, Mgr Roduit et Mgr Boivineau.

Souvent au volant

Une partie de sa journée, Jean-Pierre Liaudat la passe en déplacement. « Je fais 20’000 kilomètres par an en voiture. Je la prends pour me rendre en France, sauf quand le col des Montets est fermé en raison d’un danger d’avalanche. Pour aller à Salvan, le train est plus pratique. On y est en dix minutes. En auto, il m’est arrivé de mettre plus de 90 minutes. Il faut descendre jusqu’à Martigny et la route n’est pas toujours bonne. »

Vers 10h30, le chanoine commence ses visites aux malades ou se dirige vers l’un de ses points de chute régulier : Vallorcine. « C’est une petite communauté de 450 habitants située entre deux cols. Un groupe biblique s’y est monté, étudiant les textes du dimanche. On finit par une tasse de thé. »

A midi, le repas est parfois partagé avec le Père Vigliano. « Les horaires varient en fonction des journées. C’est très français… Il n’y a pas d’heure fixe. » 

L’après-midi est à nouveau destiné aux rencontres. « Je m’occupe aussi du catéchisme des communiants et des confirmands, jusqu’à Chamonix. Cela commence aux alentours de 17h après l’école. » 

Un autre élément ajoute au particularisme du secteur. « Vu l’importante population, il y a beaucoup d’enterrements au-delà de la frontière. Plus de 60 par an depuis Vallorcine… Plus une quinzaine ici. Cela demande pas mal de préparation. »

Jamais sans passeport

Jean-Pierre Liaudat remarque quelques différences de comportement de part et d’autre de la douane. « La France est laïque, avec une séparation claire Eglise/Etat. A Vallorcine, où l’église est en réparation, j’ai dû passer par le maire qui a lui-même dû en référer au préfet pour avoir une salle. Comme l’utilisation est cultuelle et non culturelle, il y a un loyer à payer. Mais les relations avec le politique sont très bonnes. » Celles avec les paroissiens aussi. « Côté tricolore, l’église est un endroit de rencontre hebdomadaire pour beaucoup. Les discussions se multiplient avant la messe. Comme les paroissiens sont mobiles, ça commence à être pareil ici. C’est très sympa. Ce n’est pas un hasard si nous avons instauré l’after-messe,  un apéro après la cérémonie. »

A force de franchir la frontière, Jean-Pierre Liaudat connaît bien les douaniers. « Surtout les anciens. Mais certains jeunes en fin de formation semblent avoir avalé le règlement. Il faut alors montrer le passeport et le permis de conduire. Parfois la soutane aide, parfois pas… » 

Sur son pare-brise, le chanoine arbore la vignette « rien à déclarer ». « Une fois, je véhiculais un secrétaire communal. Nous transportions trois cartons de bouteilles. Le douanier a fait les comptes et décrété que nous avions un litre et demi en trop. Il nous a laissés passer, mais quand même un peu sermonnés ! »

Une journée bien rythmée

6h –> Lever aux aurores et prière à l’église
9h –> Laudes et messe
10h30 –> Début des visites aux malades
Vers 12h –> Repas, souvent avec Georges Vigliano
15h30 –> Rendez-vous avec les paroissiens
17h –> Catéchisme
19h30 –> Fenêtre de l’Avent en période de fête

Délivre-nous de tout mal…

Face à l’horreur du mal, qui ne s’est jamais dit: Mon Dieu, pourquoi? Le piège est alors grand de tomber dans le désespoir. Comment pouvons-nous sortir de ce mauvais trou?

Par Pascal Ortelli
Photos : LDD, pxhere.com
Malgré de fulgurants progrès, le XXe siècle a été le plus sanglant. A l’ère du numérique, on ne manque pas non plus de maux : attentats à répétition, catastrophes écologiques, maladies toujours plus résistantes aux antibiotiques, mensonges érigés en politique d’Etat… Certes, des scandales, comme les abus sexuels, sont sortis de l’ombre grâce à une prise de conscience collective. Mais comme l’hydre, le mal – quand on le coupe – se ramifie sans cesse.

Une victoire en clair-obscur

Pourtant, la foi chrétienne affirme que le Christ, par sa mort sur la croix et sa Résurrection, a déjà remporté la victoire. Elle sera pleinement manifestée à la fin des temps. 

A chaque messe, la dernière demande du Notre Père est répétée, comme un rappel : « Délivre-nous de tout mal et donne la paix à notre temps. » Cette prière s’appelle l’embolisme, du grec : « placer entre ». Elle est en effet placée entre le Notre Père et le rite de la paix. Se libérer du mal est un passage obligé pour parvenir à la paix. Oui, mais comment s’y prendre ?

Le mal est comme un trou

L’étymologie de cette prière donne une piste. Le mal, lui aussi, est ce qui se place entre. Il n’est pas le contraire du bien, car pour exister, il a besoin du bien qui le soutient. Le mal n’a pas de texture. « Il est un rien dans les choses, une fêlure dans la vie, un désordre moral, une rupture des projets d’amour », précise le professeur de philosophie François-Xavier Putallaz.

Et de continuer : « L’immense paradoxe, c’est qu’il existe dans les choses, sans être une chose. Prenons un trou dans une carrosserie de voiture. C’est un défaut réel, pas une illusion. Néanmoins, ce n’est pas une option supplémentaire. C’est plutôt quelque chose de moins. » Le mal est donc une privation. Il est dangereux du coup de commencer par réciter le Notre Père à l’envers, en faisant du mal l’élément premier. On risque alors de tomber dans le néant !

Le chrétien ne peut rester sur le banc de touche et laisser le mal gagner du terrain. Il a une lourde responsabilité.

Le mal est comme un trou dans une carrosserie de voiture.
Le mal est comme un trou dans une carrosserie de voiture.

Que faire?

Marthe Robin.
Marthe Robin.

Marthe Robin, l’initiatrice des Foyers de Charité, l’avait bien compris. Jeune, elle a basculé dans la souffrance. Paralysée et totalement alitée dès l’âge de 25 ans, elle a connu la privation jusque dans l’intime de sa chair. 

Sa seule perspective : attendre l’issue d’une maladie imprévisible. « Je me sens brisée physiquement, moralement et serais bien mieux dans la terre que dessus. La vie s’est chargée de détruire mes plans. »

Pourtant, unie à Dieu, elle devient l’une des femmes les plus consultées de son temps : plus de 100’000 visiteurs accourent dans sa chambre. Ils y trouvent du réconfort ; certains vivent une expérience de conversion. Sa douleur se transforme en empathie pour les autres, alors que le mal objectif – sa maladie – reste présent. Mystérieusement, Dieu peut en tirer un plus grand bien.

Témoin du mystère pascal

« Attention cependant à ne pas plaquer ce genre de réponse trop vite », rétorque Christelle Devanthéry, agente pastorale dans le milieu de la santé à Neuchâtel. La souffrance n’a jamais sauvé personne. Avant d’y trouver un sens, le mal est à combattre. Dans mon rôle d’accompagnante, je n’amène pas d’abord des réponses toutes faites. »

Comme Marie-Madeleine, elle est avant tout témoin du mystère pascal. « J’essaie de porter ce témoignage ; parfois aussi, je le recueille auprès des personnes accompagnées. Mon rôle est alors de le présenter à l’Eglise. » Beaucoup, en effet, ont une grande foi : « Ils m’apprennent à prier et j’en ressors grandie. »

Tracer des chemins de lumière

La journaliste belge Geneviève de Simone-Cornet le mesure dans son métier. Catholique, elle sait que l’ivraie pousse avec le bon grain. D’où le soin qu’elle met à contextualiser les actes de violence pour éviter les jugements hâtifs qui attisent la haine et creusent un fossé encore plus grand. Tout en poussant son lectorat à s’interroger. Tant dans l’angle adopté que dans le choix de ses interlocuteurs, elle donne droit à des initiatives grosses d’avenir «pour tracer des chemins de lumière et éveiller la graine d’humanité qui sommeille en chacun».

La force du pardon

Joël Bielmann, aumônier fribourgeois à la prison de Bellechasse, estime que le mal, en prison, n’est pas plus présent qu’ailleurs. Certes, il y a des actes répréhensibles qui ont été commis, ceux pour lesquels les prisonniers purgent une peine. Mais on ne peut réduire la personne à cela.

Souvent, les détenus ont eux-mêmes été blessés dans leur parcours de vie. « Il faut distinguer le mal commis du mal subi, dit-il. Je suis témoin d’incroyables cheminements de délivrance ; le pardon occupe une grande place. » Parfois donné, parfois reçu – ou pas – il s’agit toujours d’une démarche vécue dans la foi car, sans l’aide de Dieu, on y arrive difficilement.

L’amour comme ultime réponse

Au-delà de ces initiatives reste la question du pourquoi. Dans son dernier livre, l’abbé valaisan Michel Salamolard l’affronte à rebours. En effet, le mal, par définition, est un non-sens. La seule piste éclairante se prend dans l’amour, car, dit-il, « le mal, c’est de ne pas aimer ». 

Le « délivre-nous du mal » en vient alors à signifier : « apprends-nous à aimer ».

Dieu et le mal ?

Pour François-Xavier Putallaz Dieu ne veut, ni ne cause le mal.
Pour François-Xavier Putallaz Dieu ne veut, ni ne cause le mal.

Comment comprendre Dieu face au mal ? Voici la réponse du philosophe valaisan François-Xavier Putallaz : « Ne faites pas du mal une « chose », sans quoi il faudrait que Dieu en soit la cause. N’ayant pas de consistance, le mal ne peut avoir Dieu Créateur pour auteur. Deux inquiétudes se trouvent aussitôt bannies : Dieu ne veut pas le mal. Dieu ne cause pas le mal. 

Absurde et sans raison, le mal peut néanmoins être l’occasion d’un bien plus grand. Combien de malades ont-ils pris occasion de leur maladie pour renouer des liens familiaux, pour pardonner et se réconcilier ! Un malheur ou un deuil peuvent être au principe d’un renouvellement de vie ; l’injure peut appeler le pardon.

Mais que faire quand le bien reste caché ? Alors on espère dans la nuit. »

Illustrer le mal

Avec « Les Tricheurs », Le Caravage donne une vision très humaine du mal.
Avec « Les Tricheurs », Le Caravage donne une vision très humaine du mal.

Comment voir ce « rien dans les choses » ? L’abbé Pascal Bovet, visage bien connu de L’Essentiel, évoque une piste au travers du tableau « Les Tricheurs ». Si les images violentes ou provocantes ne manquent pas pour exprimer le mal moral, Le Caravage (1571-1610) nous en donne ici une version très humaine.

En apparence, une parfaite innocence : on joue aux cartes, mais on y triche chacun à sa manière : dissimulation dans le dos, regard par-dessus l’épaule, manipulations… autant de faces du mal que l’on retrouve sans éclat au quotidien.

Un curé au resto!

Par Nicolas Maury
Photo: DR

Vincent Roos travaille à 20% au Bla Bla.
Vincent Roos travaille à 20% au Bla Bla.

C’est le coup de feu de midi. « Vous cherchez Vincent ? Evidemment, c’est lui la star », sourit Estelle Mayer, la patronne de l’établissement. Si quelque chose différencie Vincent Roos du reste du personnel, c’est son âge – la cinquantaine – et son catogan. Comme les autres employés du Bla Bla à Vevey, il porte un tablier bleu sur une chemise blanche. « Tout le monde imagine que je suis le patron », plaisante l’intéressé. « Mais non. Je ne suis même pas sommelier. J’aide au service. » Il ne pratique cette activité qu’à 20%. Sa vraie profession : curé de la paroisse du Sacré-Cœur à Ouchy depuis un peu plus d’une année. « Je ne cache pas que je suis prêtre, mais je ne l’affiche pas non plus. Je reste discret. » 

Etonner et détonner
« C’est un homme d’Eglise qui sort du commun », confirme Estelle Mayer. Qui indique l’avoir engagé comme gage d’une amitié de longue date. « Elle a compris que je voulais aussi m’insérer hors du milieu pastoral », commente l’intéressé. « Ma démarche est de prendre ce qui vient. Parfois, cela débouche sur des rencontres fantastiques. Ça ne veut pas dire que ceux avec qui je parle viendront à la messe le dimanche. Quand les gens apprennent que je suis prêtre, cela étonne. C’est ce qui parfois manque un peu dans notre mission: étonner, voir détonner. »

Travailler dans la restauration, Vincent l’a déjà vécu lorsqu’il était à Los Angeles à la fin des années quatre-vingt. « Le Times avait même fait un article sur moi », rigole-t-il, coupure de presse à l’appui. « C’était après mon passage à la Garde suisse du Vatican. Je me posais des questions… »

A la fin des années 80, un article dans le Times de Los Angeles…
A la fin des années 80, un article dans le Times de Los Angeles…

 

Au milieu du monde
Les réponses qu’il a trouvées tournent autour d’une même thématique : « Etre au milieu du monde, simplement, en partageant. C’est ce que faisait le Christ. » Et d’interroger : « Vous connaissez Maurice Zundel ? Il fut longtemps vicaire au Sacré-Cœur à Ouchy. Un grand penseur, trop méconnu. Pour lui, il ne s’agit pas de parler de Dieu, mais de le vivre. Idem pour la joie. C’est ce que je tente de faire ici. » 

S’il travaille à la création d’un centre Maurice Zundel dans sa paroisse, Vincent Roos sait déjà où il passera ses vacances d’été. « Ici à Vevey, au cœur de la Fête des Vignerons. Car c’est aussi le moyen de côtoyer les personnes qui ne se tournent pas forcément vers l’Eglise. »

Se souvenir ensemble

Par Nicole Andreetta
Photo: DR

L’arbre aux 4 saisons, fil rouge de la célébration de décembre 2018.
L’arbre aux 4 saisons, fil rouge de la célébration de décembre 2018.

La mort d’un enfant reste encore un sujet tabou dans notre société. Des groupes de partage permettent aux parents et aux proches de rompre l’isolement du chagrin et de la douleur.

Chaque début décembre, l’aumônerie du CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois) propose aux familles endeuillées un temps de célébration pour se souvenir ensemble. Quelques parents et trois assistants spirituels participent à sa préparation.

Ouverte à tous
Cette cérémonie à caractère interreligieux est ouverte à toutes et à tous, quelles que soient leurs convictions ou leurs croyances. Le directeur de l’hôpital (ou un médecin) accueille chaque fois les participants. Des membres du personnel soignant sont également présents.

Il y a six ans, Viviane et son mari Dimitri ont vécu le décès de leur petite fille, le jour même de sa naissance.

« J’aurais tout donné pour que notre petite Elyne grandisse dans mes bras, mais le mauvais sort avait pointé. D’abord la tristesse nous envahit, la colère nous submerge, l’incompréhension se fait sentir. Puis un jour, cet arbre meurtri au plus profond de nous se remet gentiment à bourgeonner. On continue. On avance. C’est à ce moment que l’on m’a tendu la main. J’ai rencontré un groupe de parents qui avaient, eux aussi, subi la perte de leur enfant. »

Fil conducteur
Depuis, Viviane s’implique activement dans la préparation des célébrations du CHUV. « Plusieurs réunions, parsemées de rires, de pleurs et d’échanges sont nécessaires pour trouver le fil conducteur qui aidera les parents à se recueillir. Ces moments de partage m’ont permis de me reconstruire, de vivre de belles rencontres et de soutenir à mon tour d’autres personnes. »

Isabelle, la grand-mère d’Elyne, assiste, elle aussi, aux célébrations.

« Lors du décès de notre petite-fille, nous étions décalés. Nous ne pouvions pas nous permettre de nous laisser aller. Il fallait consoler nos enfants. C’est après, lorsqu’ils allaient mieux, que nous avons pu commencer notre deuil. Les célébrations nous ont remis au diapason. Nous pouvions vivre la même chose ensemble et en même temps. »

En librairie – février 2019

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

au_diableAu diable les superstitions
Gilles Jeanguenin

« Je ne suis pas superstitieux, cela porte malheur ! » C’est par cette boutade que le père Gilles Jeanguenin ouvre son propos en constatant que si l’homme de Cro-Magnon était superstitieux, l’homme supposé rationnel d’aujourd’hui ne l’est pas moins. Il rappelle que la Bible, pas plus que l’Eglise, n’accepte les superstitions qui brident la liberté de l’homme, le conditionnent et l’éloignent de Dieu. Cet ouvrage, qui ne manque pas d’humour, s’adresse à un large public.

Salvator

Acheter pour 29.20 CHFshawnShawn la Baleine
Jean-Claude Alain

Shawn est décidé ! Il sera marin, comme son père. Et voilà l’orphelin embarqué comme mousse sur un baleinier, à l’âge de treize ans. Au milieu des matelots, il va vivre le fabuleux périple de la chasse à la baleine. Comme eux, il va risquer sa vie pour un salaire de misère. Comme eux, il va parcourir mers et océans, connaître d’effroyables tempêtes, puis le calme plat dans la fournaise des Tropiques. Beau et passionnant roman pour les jeunes.

Delahaye

Acheter pour 22.40 CHFlucLuc, mon frère
Michael Lonsdale

Michael Lonsdale nous emmène à la découverte de Frère Luc, moine de Tibhirine et martyr avec ses frères en 1996. L’auteur partage un tête-à-tête posthume, fraternel et bouleversant avec Frère Luc, celui dont il a brillamment interprété le rôle. Un livre qui atteindra chacun et qui délivrera une parole d’amour apaisante et puissante à la fois. La parole de Celui, qui est présent à chacune des pages : le Christ.

Philippe Rey

Acheter pour 27.20 CHFictusIctus – Une Aube Nouvelle
L. Borza – B. Martineau

Une bande dessinée qui nous conduit de l’apparition de l’ange à Zacharie jusqu’à l’adoration des bergers à Bethléem. Les dessins à la fois délicats et expressifs illustrent avec soin le récit de l’évangile, la succession des événements et les sentiments parfois douloureux par lesquels sont passés Joseph et Marie. Ils sont ici romancés avec un accent particulier sur les trois mois que Marie a vécu chez sa cousine Elisabeth.

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Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. +41 24 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, +41 26 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch) aussi disponible sur librairie.saint-augustin.ch

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