Bénédictions

Les bénédictions sont omniprésentes dans la prière et la vie des chrétiens. On bénit le Seigneur, on récite le bénédicité avant les repas, on porte volontiers sur soi une petite médaille miraculeuse, et il ne se passe pas une seule inauguration sans que le curé soit appelé à bénir les nouveaux bâtiments ou les nouvelles installations. Que signifie bénir?

Par Olivier Roduit
Photos: Olivier Roduit, Jacques Robyr, Fabienne Theytaz, Georges losey, DR

Bénédictions individuelles de chaque animal présenté avec son « petit nom » par son maître.
Bénédictions individuelles de chaque animal présenté avec son « petit nom » par son maître.

Bénir des animaux

Depuis quelques années, certaines paroisses de villes organisent des cérémonies de bénédiction pour les animaux de compagnie : chiens, chats, poissons… L’abbé Claude Pauli déclare vouloir « permettre aux gens de réfléchir à leur relation avec leur animal, et donc de s’interroger sur la soif affective et spirituelle qui les habite. » (Le Matin, 9.10.2006)

Le chanoine Gilles Roduit a lui aussi célébré des bénédictions d’animaux, bien plus traditionnellement. Ayant été de longues années curé dans le val de Bagnes, il a plus d’une centaine de fois béni les vaches dans les alpages. Ce rituel a lieu au début juin et marque la joie de l’inalpe. « Il s’agit d’une très longue tradition, fortement ancrée dans le profond des êtres. Cela touche le cœur des bergers qui vont aller cent jours dans les montagnes et qui ne savent pas trop bien comment cela va se dérouler. Cela touche les propriétaires de bétail qui vont pouvoir passer à la saison des foins, alors que leurs bêtes sont à la montagne, ces paysans qui sont fiers de voir leurs vaches qui se battent pour le titre de reine. Et cela touche aussi notre âme de terriens à nous tous. C’est un signe du religieux au cœur de la nature. »

Qu’est-ce qu’une bénédiction ?

Le mot bénir vient du latin benedicere, littéralement dire du bien sur quelqu’un ou sur quelque chose au profit de quelqu’un. Le catéchisme de l’Eglise catholique enseigne que « bénir est une action divine qui donne la vie et dont le Père est la source. Sa bénédiction est à la fois parole et don. Appliqué à l’homme, ce terme signifiera l’adoration et la remise à son Créateur dans l’action de grâce ». (N° 1078)

La bénédiction est d’abord l’œuvre de Dieu nous comblant de tout bien. Et pour l’homme, « toute bénédiction est louange de Dieu et prière pour obtenir ses dons ». (N° 1671)

Quand les hommes bénissent, ils louent celui qu’ils proclament bon et miséricordieux.

Que bénir ?

On l’aura compris, on bénit d’abord le Seigneur Dieu. Mais on peut aussi bénir des personnes et des choses. La bénédiction d’une personne a pour but de mettre filialement entre les mains de Dieu nos soucis et nos peines et de demander au Seigneur que nous soyons à la hauteur de nos responsabilités. On bénit une chose pour rendre grâce à Dieu pour sa bonté créatrice, et pour avoir donné à l’intelligence humaine de pouvoir s’associer au plus d’utilisation de la création.

Comment faire une bénédiction ?

Le Livre des bénédictions propose des bénédictions tant pour des personnes que pour des activités humaines et des objets (objets de culte et de dévotion, mais aussi instruments de travail, véhicules, maisons, etc.). Il ne s’agit pas d’exprimer ou d’assumer un sentiment religieux marqué par le fétichisme, ou de s’assurer la protection divine. Au contraire, quand l’Eglise célèbre une bénédiction, c’est avant tout pour glorifier l’initiative de Dieu au cœur de toute réalité humaine et inviter à l’action de grâce.

Pour bien célébrer une bénédiction, on veillera à faire en sorte qu’elle soit perçue avant tout comme une expression authentique de la foi en Dieu, dispensateur de tous biens. Toute démarche de bénédiction doit trouver son origine dans la foi et la faire grandir.

Le rituel prévoit toujours deux moments importants. Après la proclamation de la parole de Dieu, qui donne un sens au signe sacré, vient la prière par laquelle l’Eglise loue Dieu et l’implore de lui accorder ses bienfaits.

La bénédiction des objets de culte peut prendre des formes surprenantes. Lors de la bénédiction d’un orgue, le prêtre invite l’organiste à jouer. Et à chaque sollicitation, il répond par une improvisation qui en illustre le contenu. L’orgue est invité à s’éveiller pour entonner la louange de Dieu, célébrer Jésus, chanter l’Esprit, élever la prière vers Marie, et apporter le réconfort de la foi à ceux qui sont dans la peine.

Spécimen mars 2017: BénédictionsA Estavayer-le-Lac, la fête patronale de la Saint-Laurent, le 10 août, est marquée par la spectaculaire bénédiction des bateaux, des pêcheurs et des usagers du lac. Après la messe célébrée sur la place du port, le curé Jean Glasson prononce une prière tirée du Livre des bénédictions. Il monte ensuite sur une barque à rames à fond plat et s’en va sur le lac avec son goupillon bénir les bateaux et les gens qui s’y trouvent. « C’est une fête religieuse paroissiale, à laquelle participent les fidèles paroissiens, mais on y rencontre beaucoup d’autres personnes qui viennent dans une démarche de foi ou par attachement à la coutume. Ces personnes ne sont pas des pratiquants mais tiennent à la tradition. »

Des demandes bizarres…

Ce prêtre de la région lausannoise nous affirme être souvent sollicité pour des phénomènes étranges qui se passent chez des paroissiens. Ce sont des portes qui claquent toutes seules, des ombres qui bougent ou des bruits inexpliqués. « Ces personnes souffrent d’un grand vide intérieur, meurent de soif et vont boire à des puits d’eau sale… » Lorsqu’il les reçoit, ce prêtre dit ne rien faire de spécial : « J’essaie de leur faire comprendre la réalité. Je fais tout simplement le prêtre en les accompagnant s’ils se laissent aider, en leur expliquant les choses et parfois en faisant une prière de bénédiction. »

Signe de la gloire de Dieu

Les bénédictions sont des signes visibles qui signifient et réalisent la sanctification de l’homme et la glorification de Dieu. Les effets, surtout spirituels, sont obtenus par la prière de l’Eglise. Les bénédictions servent donc au bien des âmes, directement ou indirectement. Et les objets bénis sont donc des signes, c’est-à-dire qu’ils indiquent quelque chose : ils signifient un don de Dieu.

N’hésitons pas à user des grâces de Dieu.

Qui peut bénir ?

Ce sont les évêques, les prêtres et les diacres qui peuvent habituellement bénir. Cependant, les laïcs peuvent aussi le faire à certaines occasions, à commencer par les parents qui sont invités à bénir leurs enfants. En famille aussi, il convient de bénir les repas. Et quel beau geste que de marquer le pain d’une croix avant de le partager.

Les évêques français ont récemment eu la bonne idée d’éditer « Dieu nous bénit. Bénédictions de l’Eglise à l’usage des laïcs » (Mame 2016). Ce petit livre présente une vingtaine de bénédictions à célébrer en famille pour appeler la bénédiction de Dieu lors des grandes étapes de la vie ou lors de moments plus quotidiens.

Des eucharisties festives

Une fois par mois à Fribourg, des eucharisties festives mettent en route des familles. Rencontre avec Claire et Philippe Becquart, un des couples engagés.

Par Bertrand Georges
Photo : Ldd
Comment cela a-t-il commencé ?
Au départ, il y avait le désir de plusieurs familles de proposer une eucharistie au cours de laquelle les enfants auraient de la joie à vivre une expérience de foi, d’amitié et de rencontre. Ceux qui ont commencé se sont sentis appelés, bénéficiaires d’un don. Avec un peu de recul, nous ressentons que l’Esprit Saint est à l’œuvre dans cette aventure. Nous sommes les témoins d’une sorte de fécondité non maîtrisée.

Quelles sont les caractéristiques de ces temps forts ?
Nous y vivons des choses toutes simples : une eucharistie fervente servie par des chants joyeux et priants et une bonne catéchèse pour les enfants.

Le repas est un autre élément essentiel. On y passe de la célébration à la rencontre. Les échanges et l’amitié vécus sont importants pour les adultes, les ados et les enfants. Parfois un « Ciné catho » ou des jeux en famille prolongent la soirée.

Quel accueil avez-vous reçu ?
Il y a bien eu un peu de réticence au début, comme souvent lorsque la nouveauté se présente. Mais après un temps d’observation, les prêtres ont montré beaucoup de bienveillance. Alors qu’au départ un engagement financier de certains était nécessaire, notamment pour la communication, l’eucharistie festive fait maintenant partie des actions pastorales soutenues par la paroisse. Les fidèles semblent apprécier cette messe qui, en attirant des personnes parfois plus éloignées, revêt aussi une dimension missionnaire.

Comment avez-vous motivé les personnes à s’y engager ?
Avec quelques personnes constituant le noyau stable d’animation, d’autres participent librement selon leurs charismes et leur disponibilité, sans engagement fixe. Cette manière de faire, simple et souple, demande un acte de foi permanent pour constituer les équipes. D’ailleurs, à chaque messe, un appel est lancé pour que des volontaires se joignent aux animateurs. Ceux qui y servent apprécient la dimension communautaire qu’ils y trouvent. Il y a un esprit d’équipe où chacun est partie prenante. Et la joie est au rendez-vous !

Bénir les maisons

Par Vincent Lafargue
Photo : DR« Monsieur le Curé ? Pourriez-vous passer bénir ma maison ? »

Voilà une demande qui est faite quasiment chaque semaine au curé de montagne que je suis.

Maison neuve ou bruits bizarres, les motivations sont diverses.

Demeure la tradition de bénir chaque année un lieu de vie, en ornant ensuite la maison du fameux sigle 20*C+M+B+17. Le chiffre de l’année est décliné au début et à la fin, l’étoile est celle des Mages, car cette bénédiction a lieu en tout début d’année, CMB signifie « Christus Mansionem Benedicat » (que le Christ bénisse cette maison) et les trois croix sont celles de la bénédiction au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Je ne refuse jamais ces demandes. Quelle que soit la croyance qui les motive, c’est toujours l’occasion d’une rencontre et d’une catéchèse. J’explique notamment la vision catholique de ce geste qui rappelle que ce que l’on bénit en réalité, au travers des lieux ou des objets, ce sont les personnes qui les utilisent.

Bénédiction, bene dicere, dire du bien. Cela n’a rien de magique, mais comment refuser de dire du bien d’un lieu au nom du Seigneur ?

La Réforme, cinq siècles d’histoire

Première partie – Les «mentors» de Martin Luther

En 2017, comme nous avons sûrement déjà pu le lire ou l’entendre à plusieurs occasions, la Réforme fête ses 500 ans. Nous n’en connaissons fort souvent que peu de choses, ce qui par conséquence nous porterait parfois, nous chrétiens catholiques romains, à ne pas avoir sur elle un regard bienveillant. Plutôt que de nous lancer dans une analyse théologique, nous pourrions faire un peu plus ample connaissance avec ceux qui ont joué un grand rôle dans son avènement.

Par Fabiola Gavillet Vollenweider
Photos : DRup_martin_lutherBien que Martin Luther semble en être la figure proéminente, voire fondatrice, les noms de Desiderius Erasme et de Philippe Mélanchton ne peuvent en être dissociés, tout comme celui de Frédéric III de Saxe, Grand Electeur du Saint Empire Romain Germanique. Les deux premiers eurent une influence énorme sur le parcours et la pensée de Martin Luther, alors que le dernier eut un rôle politique capital.

Quelle est l’origine de cette Réforme, qu’est-ce qui l’a motivée ?
Contrairement à ce qu’une majorité croit, elle ne trouve pas sa source dans le schisme anglican datant de 1532. Et ce n’est pas le roi Henri VIII en décidant d’annuler son mariage avec Catherine d’Aragon pour épouser son nouvel amour, Anne Boleyn, qui en est à l’origine. Plus qu’un événement ponctuel, c’est tout une évolution de pensée qui lui a servi d’écrin. Il faut remonter un peu à la fin du XVe siècle, grande période d’un renouveau philosophique où les humanistes bourgeonnèrent. Parmi eux ressort la figure du prêtre catholique romain Desiderius Erasme.

Erasme (1469-1536)

Originaire des Pays-Bas, Erasme (1469-1536) fut relevé par le Pape de ses vœux monastiques afin de lui permettre d’entamer une carrière d’enseignant. Profondément ancré en lui, c’est le besoin de faire un retour aux manuscrits originaux qui l’aura porté tout au long de son étude. Car selon lui, la Foi ne peut être véritablement vécue qu’en ayant accès à une vraie connaissance des textes. Et c’est cette Foi qui permettrait à l’homme de collaborer avec Dieu à son propre salut.

Quel fut le facteur qui motiva l’étude d’Erasme ?
Tout simplement la voie dans laquelle l’Eglise catholique romaine et surtout sa hiérarchie s’étaient engagés à la fin du XVe siècle. Loin de dépareiller avec les mœurs de la société de l’époque, elle se perdait dans une course au pouvoir afin de contrôler l’échiquier des influences politiques, ainsi que dans des projets dont l’importance (Basilique Saint Pierre) exigeait de plus en plus de rentrées pécuniaires, manquant ainsi à sa mission première. La superstition et le souci du salut de leur âmes dans lesquels les chrétiens étaient maintenus sont devenus, grâce au système des indulgences, une source de revenus intarissable. Ce n’était plus Dieu qui offrait le pardon, mais l’Eglise qui marchandait la réconciliation.

Depuis des siècles l’Occident ne connaît alors que la version latine de la Bible
traduite au Ve siècle par saint Jérôme (Vulgate). Des manuscrits grecs de la Bible rapportés d’Orient aux XIVe et XVe siècles laissent apparaître, après un travail comparatif, des divergences importantes. Erasme s’engage dans cette analyse méticuleuse des textes grec et latin afin de produire le meilleur texte source. En 1516, il publie une nouvelle version du Nouveau Testament en grec, il offre aussi une traduction latine qui « détrône » la version Vulgaris utilisée jusqu’alors. Cette nouvelle édition de la Bible deviendra le texte de référence pour les humanistes et les réformateurs et servira de fondement pour la tolérance religieuse et l’œcuménisme. Ce travail n’est pas entériné par Rome. Pourtant sa démarche n’avait pas du tout l’intention de provoquer un schisme à l’intérieur de l’Eglise, ni de désavouer la primauté du Pape. Raison pour laquelle il refusait les invitations de Martin Luther. Il voulait simplement ramener l’Eglise à sa mission première.

Philippe Mélanchton (1497-1560)

Philippe Mélanchton (1497-1560) forma le tandem idéal avec Martin Luther. Le premier, leader intellectuel de la Réforme, apportait la réflexion, la profondeur et l’analyse. Le deuxième, plus exalté, usait de son charisme pour communiquer et convaincre.

S’étant basé sur la nouvelle édition de la bible d’Erasme, Philippe Mélanchton va plus loin dans son analyse et dénonce le sacrement de pénitence, non garant de salvation, le culte exagéré des Saints et leurs reliques, et rejette la transsubstantiation (la présence du corps du Christ dans le pain). Il fait clairement la distinction entre les lois de l’Eglise et les Evangiles. Seule la Foi en Jésus Christ peut apporter la grâce divine.

Sous l’impulsion du pape Clément VII et suite à l’excommunication de Luther lors de la diète de Worms en 1521, l’empereur Charles V convoque en 1530 la Diète à Augsburg afin de comprendre ce mouvement de réforme qui touchait une partie de son empire et auquel certains de ses princes semblaient adhérer. Mélanchton et Luther présentent la Confession de Foi (Confession d’Augsburg), texte reflétant la pensée théologique de ce dernier, modérée par Mélanchton. Cette confession de Foi repose donc sur les Ecritures et la tradition de l’Eglise des premiers siècles. Elle aborde deux points importants : le premier concerne le respect de l’Eglise Chrétienne Universelle s’appuyant sur les écritures et les Pères de l’Eglise. Le deuxième présente une remise en question des pratiques à modifier telles la Sainte Cène, le mariage des prêtres, la messe, la confession, les vœux monastiques et le pouvoir des évêques. Etonnamment, les indulgences, l’autorité du pape et la doctrine du purgatoire n’y sont pas abordées à ce moment-là.

up_charles_quintLes princes réformés ne veulent pas créer de conflit avec les princes catholiques et demandent un Concile Chrétien qui leur est refusé. Les princes catholiques se coalitionnent et demandent à Charles Quint en tant que souverain catholique romain de rejeter la Confession de Foi nouvelle. Il est à noter que Charles Quint n’avait pas pris de position radicale contre cette nouvelle Foi. Malheureusement, aux questions d’ordre théologique, Charles Quint et ses princes catholiques donnent une réponse d’ordre politique qui aboutira quelques années plus tard à une guerre fratricide puisant sa source dans ce qui divisait un camp de l’autre, ainsi que leurs ambitions politiques.

Frédéric III de Saxe (1463-1525)

Frédéric III de Saxe (1463-1525), Grand Electeur, est pressenti par le pape Léon X comme candidat au trône du Saint Empire Romain Germanique. Il refuse et accorde son appui à Charles Quint en échange d’avantages politiques. Il tiendra tête à Charles Quint en adoptant une attitude assez indépendante. Le jour même où Luther accroche ses 95 thèses sur la porte de l’église, Frédéric de Saxe fait un rêve qui fera de lui un protecteur de Luther. Dans son rêve il voit :

« Luther écrivant avec une plume si grande que son extrémité atteignait Rome et faisait chanceler la triple couronne du Pape. Il y voit le Saint Pontife appeler tous les princes de l’Empire à s’allier afin de détruire ce moine et s’adresse surtout à Frédéric car il héberge Luther sur ses terres. Luther dit alors qu’il tenait la plume d’oie de Bohême d’un ancien maître (allusion à Jean Hus) et que tout ce qu’il écrivait découlait de la volonté de Dieu. Tous les princes essayaient de rompre la plume, mais il finit par en sortir toute une multitude de nouvelles plumes. »

Ce rêve provoqua un tournant dans la vie religieuse du prince, grand collectionneur de reliques. A partir de là, il prit parti pour Luther et le protégea. Ce mouvement eu un impact politique fort sur ses pairs allemands, qui virent dans l’adhésion à la nouvelle Foi une façon de s’affranchir du pouvoir de Charles Quint et de Rome.

Mise dans son contexte historique, la révolte et l’espoir exprimés par Erasme, Mélanchton et Luther pouvaient trouver une certaine légitimité. Mais dans ce conflit de Foi, l’essentiel a été oublié : nous avons tous le même Père, nous sommes tous issus du même Père, nous sommes tous aimés par le même Père. N’oublions pas qu’il nous invite à aimer nos prochains comme il nous aime. Malheureusement l’œcuménisme allait devoir attendre quelques siècles de controverses avant de voir la Parole mettre en œuvre une réconciliation entre Chrétiens.

Info

Dans le prochain numéro, j’aborderai l’histoire de la Réforme en Suisse.

Fêter la joie d’aimer

Amoris Laetitia, la joie d’aimer ! c’est le programme du pape François pour les familles d’aujourd’hui. Mais cela ne va pas de soi. La flamme a besoin d’être ravivée, la joie d’être cultivée. L’occasion vous en est offerte par les pastorales familiales romandes qui ne manquent pas d’idées pour fêter la Saint-Valentin.

Par Bertrand Georges
Photo : DR

Valais 
Une soirée romantique autour d’un repas. Découverte des « Couple cards », un nouveau moyen de favoriser la communication dans le couple.
Sion, Maison Notre-Dame du Silence, vendredi 3 février de 19h30 à 22h30.
Fr. 80.– par couple.
Anne et Marco Mayoraz, 079 250 00 12.
mayoraz.foyer@bluewin.ch

Vaud
Une soirée sur le thème de « la joie de l’amour » qui propose aux couples de vivre un échange en profondeur sur leur façon d’aimer avec tout leur être et tous leurs sens. Pour les couples de tous âges. Il n’est jamais trop tôt, il n’est jamais trop tard pour prendre soin de son couple.
Samedi 11 février de 17h30 à 22h à la salle paroissiale Saint-Amédée, route du Pavement 97, 1018 Lausanne.
Fr. 50.– par personne.
Pascal et Monique Dorsaz, 079 139 03 29.
pascal.dorsaz@cath-vd.ch

Neuchâtel 
Pour le canton de Neuchâtel, la soirée Saint-Valentin aura lieu le samedi 4 février, à 18h30 à Paroiscentre au Locle. Thème de la soirée : « La joie d’aimer ».
Marie-Christine Conrath, 079 425 99 47.
pastorale-familles@cath-ne.ch

Fribourg 
Une sympathique soirée alliant gastronomie, réflexion, dialogue conjugal, spiritualité et rencontres.
Mardi 14 février à la Cité Saint-Justin, rue de Rome 3 à Fribourg.
L’eucharistie présidée par le prévôt Claude Ducarroz réunira ceux qui le souhaitent à 18h. Elle sera suivie d’un apéritif et d’un bon repas aux chandelles.
Fr. 50.– par personne.
Françoise et Bertrand Georges, 026 426 34 84.
pastorale.familiale@cath-fr.ch

Mais aussi…
– Tout sur la semaine qui valorise le couple :
http://marriageweek.ch.amphora.sui-inter.net/fr/

– Un petit clip pour se motiver…
https://youtu.be/WoXW7huviFo

Prendre le temps de se poser, de confier à Dieu nos soucis, de rencontrer d’autres familles, de bénéficier d’un accompagnement… c’est toute l’année avec les pastorales familiales de l’Eglise catholique en Suisse romande.
http://pastorale-familiale.ch

«Lumen Gentium»

Par Jean-Luc Wermeille« Nul n’a été baptisé prêtre ou évêque, nous avons été baptisés laïcs », a déclaré le pape François. En cela, il est fidèle aux intuitions du Concile Vatican II qui souligne l’importance de la vocation baptismale, commune à tous les chrétiens. En 1964, Lumen Gentium, l’un des quatre grands textes du Concile, consacre tout un chapitre aux laïcs. Malgré la diversité des vocations, tous les baptisés sont appelés à la sainteté. Lumen Gentium rappelle l’importance du témoignage et de l’apostolat des laïcs. « Ce que l’âme est dans le corps, il faut que les chrétiens le soient dans le monde. » Ainsi, les laïcs sont appelés à assurer la présence et l’action de l’Eglise dans les lieux où elle ne peut devenir autrement qu’à travers eux le sel de la terre. A l’image du Christ, ils peuvent aussi être prophètes et serviteurs. La vocation baptismale peut se résumer ainsi : non pas commander mais servir ; ne jamais s’éloigner de la vie concrète des gens au profit d’un certain élitisme. Bien sûr, les documents du Concile Vatican II ont été écrits à une époque où l’on percevait principalement le rôle des laïcs au travers de mouvements comme l’Action catholique, très présente dans les années 1960. Mais ces textes audacieux n’appartiennent pas qu’à l’histoire. Ils appartiennent aussi au présent et à l’avenir. Voilà pourquoi ils continuent à nous interpeller.

En librairie – février 2017

Par Claude Jenny, avec Sœur Franciska Huber, libraire à la Librairie Saint-Augustin de Saint-Maurice

A lire…

charles_morerod_okMgr Morerod et la recherche humaine de la vérité

Mgr Charles Morerod aime s’exprimer avec humour en de nombreuses circonstances. Lorsqu’il manie la plume du théologien, il livre par contre des recherches profondément réfléchies, mais qui ne sont pas forcément d’une lecture aisée. Dans son dernier livre, «L’Eglise et la recherche humaine de la vérité», il apporte une réflexion sur la quête de Dieu dans un environnement difficile, qui voit de nombreuses personnes chercher leur bonheur en dehors de l’Eglise.

douze_musulmans_parlent_de_jesus« Douze musulmans parlent de Jésus »

Avec la vague d’exactions de l’Etat islamique, le fossé entre islam et Oc­cident s’est fortement creusé. Ils se sont mis à douze musulmans, comme autant d’apôtres, pour unir leurs plumes et nous livrer la parole du Christ telle qu’elle est portée par ces écrivains d’horizons divers.

Là-haut sur la montagne, au-delà de la légende

Le dernier livre sur l’abbé Joseph Bovet ne fait pas mentir la popularité dont est gratifié le célèbre chantre gruérien. Le livre de Jean Winiger, « Là-haut sur la montagne, au-delà de la légende »,  évoque la contribution majeure du prêtre-compositeur.

Catholique, divorcée et remariée

Le sujet qui divise, mais un peu moins depuis que le pape François a entrouvert la porte aux divorcés-remariés. Béatrice Bourges relate son itinéraire personnel, fait de révolte et d’incompréhension face à l’exclusion. Jusqu’à trouver l’infini amour de Dieu et une belle liberté intérieure.

L’intranquillité de Marion Muller-Colard

A la tranquillité et à une vie réglée, cette aumônière d’hôpital et maman qui a soigné un de ses enfants malades préfère l’intranquillité de l’existence, comme pour nous ouvrir à tous les possibles. Un petit livre coup de poing qui secoue utilement.

* A lire : une belle interview de Marion Muller-Colard dans l’édition de L’Essentiel du secteur de Saint-Maurice de janvier 2017 (consultable sur le site www.staugustin.ch). Elle sera en conférence à Genève le 2 mars de 12h45 à 13h30 à l’Espace Fusterie.

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. 024 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, 026 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch)

Yohan Bandelier

Propos recueillis par Vincent Lafargue
Photos : LDD

T’es-qui?
Yohan Bandelier, 20 ans, de Courfaivre (JU).
 Tu t’engages où?
Je suis actuellement l’année de discernement à la Maison des séminaires de Suisse romande à Givisiez (FR). Je m’engage aussi pour les servants de messe de ma paroisse ainsi qu’au pèlerinage du Jura pastoral à Einsiedeln.

Yohan, pour toi, l’Eglise de de­main sera… ?
Vivante, j’espère, et déployant toute sa richesse.

Qu’est-ce que l’année de discernement ?
C’est la première année à suivre lorsque l’on veut entrer au séminaire. On vit déjà dans la maison des séminaires, mais avec un programme à part. C’est une année pour poser des bases spirituelles et humaines, une année importante dans le cheminement vers le sacerdoce.

Quel est ton engagement au pèlerinage du Jura pastoral à Einsiedeln ?
J’ai découvert ce pèlerinage annuel il y a plusieurs années comme enfant puis ado participant. Devenu trop vieux pour le groupe des jeunes, j’ai d’abord aidé ma maman qui s’occupe du groupe des enfants, puis l’an dernier, j’ai plutôt secondé liturgiquement le cérémoniaire Sylvain.

Et vis-à-vis des servants de messe dans ta paroisse de Courfaivre ?
Dès ma première communion je me suis engagé au service de l’autel. Cela m’a toujours plu. Actuellement je m’occupe d’organiser les répétitions et les camps des servants. C’est beau de voir tous ces jeunes motivés pour servir la messe.

Qu’aimerais-tu dire aux jeunes, justement ?
Pour ce qui est de servir la messe, je ne peux que les encourager : cela permet de mieux comprendre ce qui s’y passe et d’y être plus actif. Concernant l’année de discernement, j’aimerais leur dire qu’il n’est pas nécessaire d’être sûr de sa vocation pour la suivre, il suffit de se poser des questions. Cette année nous rend libres de bien choisir. Et même si l’on discerne que nous ne sommes pas appelés au sacerdoce, cette année apporte beaucoup pour notre vie baptismale.

Pour aller plus loin

Deux sites internet existent au sujet de la maison des séminaires, l’entrée du diocèse de Sion et celle du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg :

www.seminaire-lgf.ch

www.seminaire-sion.ch

Tous apôtres (1 Pierre 2, 9-10)

Par François-Xavier Amherdt
Photo : Pascal tornay
Si Jésus-Christ est la « Lumière des nations » (Lumen Gentium, soit le titre de la constitution de Vatican II sur l’Eglise), tous les baptisés sont chargés de répandre cette bonne nouvelle à la face de la terre.

La Première Epître de Pierre l’affirme de manière somptueuse : « Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. » (2, 9)

Combinant des citations du prophète Isaïe (43, 20-21) et de la Loi dans le Livre de l’Exode (19, 5-6), ce passage dit la dignité de chaque membre de l’Eglise, configuré à l’image du Christ « prêtre, prophète et roi » : par l’onction baptismale (qui se dit en grec « Christ »), chaque fidèle est :

• Prêtre, exerçant son sacerdoce en s’offrant lui-même et toute son existence au Père.

• Roi, au sein du nouveau peuple élu, chargé de rassembler des communautés et de servir les plus petits.

• Prophète, porte-parole du Seigneur, « responsable » (il en répond) de la Parole divine devant le monde.

C’est la raison pour laquelle le dernier concile consacre un document entier à « l’apostolat des laïcs » (Apostolicam Actuositatem) : tous les membres de la nation sainte sont « apôtres », successeurs des Douze appelés par Jésus, mandatés pour témoigner de la joie de l’Evangile (Evangelii gaudium) et de l’amour (Amoris Laetitia) dans leur couple et leur famille, pour reprendre le titre de deux exhortations récentes du pape François.

Car, poursuit la lettre de Pierre, « autrefois nous n’étions pas un peuple et maintenant nous sommes le peuple de Dieu, nous n’obtenions pas miséricorde et maintenant nous avons obtenu miséricorde » (2, 10).

Ainsi, nous sommes des pierres vivantes autour du Christ, pierre d’angle, pour la construction du Royaume de justice, de lumière et de paix.

Iris Andrey et Luc Ruedin: écouteurs de rue

« L’écouteur de rue est une présence gratuite de l’Eglise, avec la gare à Fribourg, comme circonscription. Nous ne portons pas de signe distinctif. Les jeunes
qui nous connaissent savent que c’est à la gare qu’ils nous trouvent. » Iris Andrey et le Père Luc Ruedin sj, œuvrant dans la pastorale de rue, témoignent de cette présence de l’Eglise auprès des jeunes.

Propos recueillis par Véronique Benz
Photos : Véronique Benz, Dominique Grobety
Il est 15h. Avant de partir pour la gare de Fribourg, Iris prend un petit temps de prière dans l’oratoire du Centre Sainte-Ursule. « J’aime confier au Seigneur les gens que je vais rencontrer, ce dont nous allons parler. Nous n’allons pas seuls auprès des jeunes. Nous sommes envoyés. » Après ce petit temps de prière, nous nous dirigeons vers la gare. C’est là qu’Iris, trois jours par semaine – lundi, jeudi et vendredi durant trois heures (de 15h à 18h environ) –, se met à l’écoute des autres.

Devant la gare, une jeune femme s’approche de nous. Iris la salue et me présente. Si la conversation débute par des banalités, très vite, la jeune femme aborde l’essentiel. Elle confie son chagrin suite à la perte d’un de ses animaux. Plus loin, Iris voit un jeune qu’elle connaît, elle va à sa rencontre. Elle se promène partout dans la gare, devant, derrière et sur les quais. Tout se vit dans la spontanéité. « Je viens d’entamer ma troisième année, parmi tous les jeunes que j’ai rencontrés, un seul m’a dit qu’il n’avait pas besoin de mon écoute. » La plupart du temps, elle soutient les jeunes dans le domaine de la relation à l’autre, parfois au Tout Autre, mais aussi dans le domaine de l’estime de soi. Elle leur transmet des valeurs qui peuvent les aider à se construire. Il y a aussi des jeunes en situation de précarité et certains qui ont des problèmes liés à la consommation d’alcool ou de drogue.

« L’une des prémisses de notre travail à la pastorale de rue est le non-jugement. Ce principe est fondamental. Sans le non-jugement nous ne pouvons pas réellement accueillir l’autre tel qu’il est là où il en est de son parcours de vie, dans un mouvement d’empathie et de bienveillance authentiques. » Iris avoue que les jeunes font confiance et sont souvent très reconnaissants. « Je me nomme, je dis que je viens de la part de l’Eglise. C’est important qu’ils sentent que nous sommes là comme représentants de quelqu’un de plus grand. C’est un témoignage évangélique en soi. »

Iris me confie : « Nous sommes là gratuitement pour écouter les jeunes. » « Le fait qu’ils ne nous doivent rien est quelque chose de particulier pour eux, car souvent ils sont passés dans des lieux où il n’y avait rien de gratuit », poursuit le Père Luc Ruedin.

Soudain Iris regarde sa montre. Elle a rendez-vous avec une jeune qu’elle suit de manière plus régulière. « Ces jeunes-là, je leur donne rendez-vous autour d’un verre. J’ai la joie d’avoir pu voir de belles évolutions. »

Le Père Luc Ruedin a lui aussi son petit rituel lorsqu’il se rend à la gare. Il s’assied sur un banc et prend 10 à 15 minutes pour méditer, afin d’être disponible à l’accueil de l’autre. Le but est de pouvoir offrir une écoute bienveillante et bien-aimante essentiellement aux jeunes. « Je commence par saluer les personnes que je croise. J’entre en contact avec elles, par des moyens détournés. Tout à coup, on ne sait pas pourquoi, les gens abordent les questions existentielles. » Le Père Luc pratique aussi un accompagnement spirituel dans la rue. « Il y a un travail d’écoute et de prise de conscience. Je me rends compte que cela marque les personnes. » Pour Luc Ruedin, être aumônier de rue, c’est écouter la rue, écouter ceux qui sont dans la rue, écouter le travail des esprits et ouvrir un espace de parole.

Pour Iris, être écouteuse de rue, engagée par l’Eglise, c’est monter dans le char de l’autre comme l’eunuque dans la Bible. « Dans la rue, nous n’allons pas pour donner ; dans la relation à l’autre, nous sommes d’égal à égal. Nous recevons tout autant que nous donnons. Je suis habitée par une joie qui me dépasse. Ces rencontres provoquent un élargissement de mon cœur et ça me permet de grandir en humanité. »

A côté d’Iris et du Père Luc, plusieurs bénévoles assurent une présence à la gare. Ce jour-là, je fais la connaissance de Sœur Véronique, religieuse de Saint-Vincent de Paul.

« A l’aube quand s’éteint la nuit,
dans l’immensité perdue au creux du vide, vient enfin l’aurore,
là se trouve et s’éprouve, zébrant l’espace, la lumière qui luit. »
Luc Ruedin sj,
poème composé dans la rue

Luc Ruedin et Sœur Véronique.
Luc Ruedin et Sœur Véronique.

Biographies

Iris Andrey est maman de trois enfants. Psychologue, elle suit, à temps partiel, des études de théologie à l’Université de Fribourg. Elle est au service de la pastorale jeunesse durant la pause de midi au Centre Sainte-Ursule et écouteuse de rue à la gare de Fribourg.

Neuchâtelois d’origine, Luc Ruedin est prêtre. Il a été travailleur social avant d’entrer dans la Compagnie de Jésus sj. Après plusieurs expériences autour du monde, il est en Suisse, à Notre-Dame de la Route, depuis cinq ans. Il est accompagnant spirituel au CHUV, écouteur de rue à la gare de Fribourg et formateur d’adultes, notamment pour les Exercices spirituels selon saint Ignace.

Revisiter le fondement de son baptême

Par Thierry Schelling
Photo : CIRIC
Crise des vocations sacerdotales et religieuses, vraiment ? Que dire de leur regain dans le Chemin néocatéchuménal, les séminaires indiens ou certaines communautés monastiques, quand ce n’est pas à Ecône ou à Saint-Martin…

Du latin vocare, « appeler », le mot vocation a été reprécisé au Concile Vatican II, qui affirme que tout baptisé (le laïc) a une vocation générale : « chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu ». Ils sont appelés à être « apôtres », ni plus ni moins, dans la société et leur communauté. Nos paroisses respirent par ces vocations-là : conseillers, chantres, enfants de chœur, catéchistes, secrétaires, sacristains et même fleuristes  peuvent (et devraient) se concevoir comme des appelés à des ministères bénévoles à la portée de tous, moyennant au préalable quelques qualités et disponibilités et, si nécessaire, une formation ad hoc. C’est la vocation de base en Eglise au nom du baptême commun !

Mais il y a une vocation spécifique : au sacerdoce ou à la vie religieuse contemplative ou active (sœurs, moines…). C’est aussi une vocation à déploiement universel qui procède (ou du moins devrait procéder…) d’un appel personnalisé, particulièrement fort – Dieu choisit sans mérites ni prédispositions spéciales mais juste par amour – et qui va engager toute la vie de la personne au rythme d’étapes officielles : noviciat, séminaire, vœux, ordination… Mais cette vocation spécifique ne saurait servir – restant sauve la liberté de Dieu ! – sans le vécu préalable de la vocation générale au nom de son baptême.

Alors oui, moins de prêtres, mais toujours plus de laïcs qui s’engagent lorsqu’un curé est sensible aux charismes et aux besoins d’une communauté. Certes, il est plus ardu aujourd’hui de « vendre » la vie religieuse ou sacerdotale, avec son abstinence sexuelle alors que nous côtoyons des pasteurs, des prêtres mariés (la tradition orientale) ou d’ex-confrères passés à la Réforme « juste » parce qu’ils ont une famille de chair. Il n’empêche, éveiller les vocations générales à s’incarner au service de l’église-bâtiment et/ou de l’Eglise-communauté, est un défi constitutif de la vie de l’Eglise ! Ne nous lassons pas de réveiller la vocation de chaque baptisé, car Dieu, Lui, les a déjà pour le service de nos communautés particulières ; discernons où le vent souffle…

Autel de verre à Mézières (FR)

Par Pascal Bovet
Photo : Jean-Claude Gadmer
L’église de Mézières permet de rencontrer en une visite une brochette d’artistes, dont une partie appartenait au groupe Saint-Luc.

Outre l’architecte Fernand Dumas, Eugenio Beretta et Marcel Feuillat ont contribué à la beauté de cette église.

Le mobilier liturgique est en verre, avec primitivement table de communion aujourd’hui disparue. Un nouvel autel, fidèle au verre, a pris place devant l’ancien. Le fond du chœur est une immense représentation de saint Pierre en prison, peinte sur verre.

La verrière représente saint Pierre  en prison, réveillé par l’ange libérateur. La technique est une peinture sur verre : ce que l’on voit est l’envers de l’original. On connaît peu d’exemples de cette technique, surtout en grande surface. Cette réalisation passe pour la plus grande du monde…

Il en ressort une impression d’infini, de transparence : comme si l’on voyait l’invisible.

Eglise de Mézières (FR), consacrée par Mgr Besson en 1939.

Architecte : Fernand Dumas, vitraux : Yoki, peinture sur verre : Eugenio Beretta… et bien d’autres artistes.

Les laïcs et les femmes

Par Jean-Luc Wermeille
Photo : Jean-Claude GadmerLa place des laïcs, le partage des missions entre femmes et hommes sont des questions fondamentales qui se posent dans toutes les Eglises et sur tous les continents. Certaines Eglises n’ont pas de clergé et ne s’en portent pas si mal ! Regardez chez les mennonites par exemple : ce sont les anciens (ou conseillers de paroisse) qui animent les cultes. Le résultat est parfois excellent : prêche proche des réalités vécues, intégration des femmes et des plus jeunes, sensibilité sociale forte, etc. Il est fondamental de promouvoir des communautés fraternelles.

Dans l’Eglise catholique, l’apostolat des laïcs est plutôt censé s’incarner au quotidien, du lundi au samedi notamment. Un témoignage précieux mais pas toujours compris dans nos sociétés de plus en plus sécularisées. Les grandes ouvertures du Concile ont permis des réalisations magnifiques. Parfois cependant, ces légitimes aspirations ont été canalisées, voire resserrées. La culture catholique n’est pas toujours habituée à confier des pouvoirs à des laïcs, encore moins à des femmes. Les prendre davantage au sérieux donnerait à notre Eglise un supplément d’âme. J’en suis convaincu.

L’apostolat des laïcs

Une participation à la mission de l’Eglise

En vertu de son baptême et de sa confirmation, tout chrétien est appelé à participer à la mission salvatrice de l’Eglise. En dehors des nombreux services que chacun peut rendre, c’est d’abord par sa vie et ses actions que l’on témoigne de sa foi. Pour nous aider à vivre notre foi dans le quotidien, il y a différents mouvements, dont la plupart en Suisse romande font partie de la Communauté romande de l’apostolat des laïcs.

Par Véronique Benz
Photos : Jean-Claude Gadmer, Pascal Tornay, Ldd

 C’est le Concile Vatican II qui a rappelé de manière insistante le rôle spécifique des laïcs au sein de l’Eglise en vertu de leur baptême. « La vocation chrétienne est aussi par nature vocation à l’apostolat. […] Le propre de l’état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes, ils sont appelés par Dieu à exercer leur apostolat dans le monde à la manière d’un ferment, grâce à la vigueur de leur esprit chrétien. » (Apostolicam Actuositatem 2, 1965)

Servants de messe, sacristains, lecteurs, auxiliaires de la communion, animateurs liturgiques, fleuristes, organistes, choristes, catéchistes, visiteurs des malades, membres d’un Conseil pastoral ou paroissial, conférences Saint-Vincent de Paul… ils sont nombreux et variés, les engagements que prennent les laïcs au service de l’Eglise. « Les mouvements d’apostolat des laïcs permettent aux chrétiens de vivre leur foi avec l’aide d’une spiritualité ou d’une mission particulière », affirme l’abbé Christophe Godel, vicaire épiscopal pour le canton de Vaud et délégué à la Communauté romande de l’apostolat des laïcs (CRAL).

Une communauté de mouvements au service de l’Eglise

« La Communauté romande de l’apostolat des laïcs (CRAL) a pris naissance en 1968. Ses statuts ont été adoptés en 1984 », explique Melchior Kanyamibwa, actuel secrétaire de la CRAL. « La CRAL a pour buts de soutenir et de développer l’action des mouvements de laïcs engagés dans le monde et dans l’Eglise, de promouvoir le laïcat, d’éviter la dispersion des forces apostoliques et d’être un répondant auprès des évêques et dans l’Eglise. La CRAL ne s’immisce pas dans la vie de ses membres », précise son secrétaire. Actuellement, la CRAL compte 23 mouvements reconnus par les évêques et actifs en Suisse romande. Chaque mouvement a ses options particulières, sa méthode de réflexion et de travail, son terrain d’action spécifique. Mais tous partagent une tâche commune d’évangélisation. (Cf. encadré Les membres de la CRAL)

Vitalis

« Actuellement font partie de la CRAL des mouvements qui ont une présence assez ancienne dans l’Eglise et nous aimerions rejoindre ceux qui sont arrivés récemment », remarque l’abbé Christophe Godel. « En tant qu’organe faîtier, nous devons valoriser les mouvements laïcs en Suisse romande bien au-delà de nos membres, relève Pascal Tornay, membre du bureau de la CRAL. Au sein du bureau, nous avons essayé de redéfinir les valeurs et les objectifs fondamentaux de la CRAL. Nous avons également constaté que les mouvements d’apostolat des laïcs se connaissent peu entre eux et qu’ils ont tendance à rester repliés sur eux-mêmes. » Ainsi est né le projet Vitalis qui a pour but la revitalisation des liens entre les mouvements et les organisations de laïcs catholiques en Suisse romande. « Ce projet comporte trois temps. Premièrement : partir à la recherche et à la rencontre de nouveaux mouvements laïcs. Ensuite : créer de nouveaux liens de communion, valoriser le travail des laïcs aux yeux du monde et trouver un chemin d’unité dans le Christ. Enfin : manifester ensemble au monde la joie qu’il y a à être les disciples du Christ Jésus et à vivre en ressuscités ! », note Pascal Tornay. Ce projet, qui a débuté il y a un peu plus d’une année, se clôturera en 2018 par une grande fête à Lausanne.

« L’Eglise est communion, la CRAL est au service de cette communion des mouvements entre eux et avec l’Eglise locale », souligne l’abbé Christophe Godel. La CRAL est une partie de l’apostolat des laïcs, un morceau d’un tout infiniment plus grand, que son bureau a essayé de résumer à travers cette petite charte :

Un monde humain : une tâche pour les chrétiens.

La Parole de Dieu comme source.

L’autre comme visage.

La prière comme relation.

La justice comme condition.

L’espérance comme moteur.

L’à-venir comme défi.

La communion comme but.

Dimanche de l’apostolat des laïcs

Chaque année, en Suisse romande, le premier dimanche de février est dédié à l’apostolat des laïcs. L’objectif est de nous sensibiliser, nous chrétiens, à notre vocation et mission de baptisés. Cette journée est également une occasion d’établir des liens entre paroisses et mouvements, de sensibiliser à la vie des mouvements, à l’engagement du laïcat, ainsi qu’aux événements importants dans l’Eglise.

Cette année, le dimanche des laïcs sera célébré le 5 février. Il aura pour thème : « Sel de la terre, lumière du monde : Quelle est notre mission ? »

dessin_lumieremondeLes membres de la CRAL

Selon leurs spécificités, les mouvements de la CRAL se regroupent dans trois coordinations :

• L’ORMAC regroupe les mouvements de l’Action catholique. Il y a : l’Action chrétienne agricole romande (ACAR), l’Action catholique générale (Vie et Foi), l’Action catholique des milieux indépendants, la Communauté de travailleurs chrétiens et le Mouvement d’apostolat des enfants et préadolescents – Action catholique des enfants (MADEP – ACE). Les mouvements d’action catholique sont soucieux de porter l’Evangile dans leur milieu, de former des militants engagés dans le monde. Le Christ et son Evangile sont révélés à partir du vécu des personnes.

• Font partie de l’éducation de la foi les mouvements comme : le Centre de préparation au mariage (CPM), Espérance et Vie, Foi et Lumière, la Fédération romande des organisations catholiques des malades et infirmes, le laïcat missionnaire en Suisse romande, le Mouvement chrétien des retraités – Vie montante, le Mouvement franciscain laïc, Pax Christi et Vivre et Aimer. Ces Mouvements ont pour vocation de développer un accompagnement, un service, une formation, une attention à des conditions ou des états particuliers, en vue de mieux comprendre la signification de la foi engagée.

• Le troisième groupe comprend les mouvements de spiritualité tels que : l’Apostolat de la prière, l’Association des retraitants paroissiaux, la Communauté Fontaine de la miséricorde, les Communautés laïques marianistes (ou Fraternités marianistes), les Fraternités des laïques du Carmel et les FOCOLARI. Ces mouvements aident leurs membres à vivre selon des spiritualités diverses et particulières.

Adresse

Secrétariat de la CRAL :
026 321 26 88, rue des Alpes 7
1700 Fribourg – www.lacral.ch

La Passion

Par Pascal Bovet
Photo : Jean-Claude Gadmer
Voilà bien un thème commun aux Eglises chrétiennes. La tradition protestante et réformée a lutté contre les images religieuses et a souvent produit des temples dépourvus d’images. Or voilà une réalisation imposante dans une église protestante ; pratiquement entièrement peinte.

Dans la création romande, l’Eglise catholique a connu son renouveau au groupe Saint-Luc ; une amorce d’un mouvement semblable a existé dans l’Eglise protestante. Avec des artistes comme le Neuchâtelois Charles l’Eplattenier et le Vaudois Théophile Robert.

Par exemple, la fresque de l’Eglise de Coffrane (NE). Charles l’Eplattenier l’a illustré avec une œuvre qui a pour titre « La Passion ». Cette dernière comprend : une descente de la croix, une résurrection et la gloire de Jésus. De plus, Jésus « qui est vivant aux siècle des siècles » trône au-dessus de la porte.

Le mystère de Pâques est donc représenté, dans un genre descriptif à la mode au temps de l’Art Nouveau. Il a l’avantage d’être facilement compris, comme une prédication simple et limpide.

Eglise protestante de Coffrane (canton de Neuchâtel). Peinture de Charles l’Eplattenier (1874-1946) lors de la restauration de 1932-1933.

Virginie Gaspoz

Propos recueillis par Vincent Lafargue
Photos : LDD

T’es-qui?
Virginie Gaspoz, 28 ans, mariée, future maman, d’Evolène (VS).

 Tu t’engages où?
Nouvelle présidente de la commune d’Evolène (parti chrétien-social), membre de l’association « Arc-en-Ciel ».

Virginie, pour toi, l’Eglise de demain sera… ?
Ouverte… elle continuera le chemin entamé, s’engageant dans la modernité, étant beaucoup plus sur une approche d’amour de son prochain, d’aide et de pardon plutôt que de faire peur et de sanctionner les comportements.

Tu viens de devenir la plus jeune et la première femme présidente de ton village, Evolène. Comment abordes-tu le fait d’avoir été élue ainsi ?
Je suis très enthousiaste, j’ai envie de me mettre au travail. Le très bon résultat de l’élection me montre que les gens sont derrière moi. Je compte sur leur compréhension et leur soutien.

Dans le nom de ton parti, il y a « chrétien » et il y a « social ». Que mets-tu derrière ces mots ?
Avec le mot « social », les fondateurs ont voulu jadis se démarquer des conservateurs. Ce terme me convient bien, il rappelle que l’on doit être au service de la société. Quant au mot « chrétien », il fait écho aux valeurs inculquées par notre éducation, tant par nos parents, par l’école que par l’Eglise.

Qu’est-ce que le groupe « Arc-en-Ciel » dont tu fais partie ?
C’est le groupe d’art traditionnel de la commune d’Evolène, créé pour mettre en avant notre costume traditionnel et les autres arts de notre région, en particulier la musique et la danse. On forme une belle famille tous ensemble.

Tu es une personne à la fois attachée aux traditions et en même temps novatrice. Que dirais-tu aux jeunes qui hésitent à s’engager pour la défense de certaines valeurs ou traditions ?
Je crois qu’il faut se connaître soi-même, savoir ce qui nous rend heureux. Si c’est une tradition, une religion, un enracinement, il faut se donner les moyens de concilier nos ambitions et ce cadre de vie qui nous épanouit et s’y engager.

Pour aller plus loin

Une vidéo du festival CIME organisé par l’Arc-en-Ciel :

Le site de la commune d’Evolène :
www.commune-evolene.ch

En librairie – janvier 2017

Par Claude Jenny, avec Sœur Franciska Huber, libraire à la Librairie Saint-Augustin de Saint-Maurice

Une revue

quelle_vie_apres_la_mortQuelle vie après la mort ?

Le dernier hors-série de « Famille chrétienne » est tout entier consacré au thème de l’après-mort. Un sujet délicat traité sous de nombreux angles par les divers chroniqueurs de ce fascicule présenté de manière très attractive. Tout y abordé. Notamment ce qu’il y a après la mort. Ou encore : faut-il communiquer avec les morts ? Si oui, comment hormis par la prière ? Un document un peu racoleur, mais intéressant s’il est lu avec un regard aiguisé.

Un livre 

plus-grand-amourIl n’est jamais trop tard…
de Michael Lonsdale

Chacune des productions artistiques de ce grand monsieur qu’est Michael Lonsdale est attendue parce que d’une qualité rare. Son dernier livre « Il n’est jamais trop tard pour le plus grand Amour – Petit traité d’espérance » ne fait que confirmer la règle ! Il raconte, partage avec le lecteur, ce lien d’amour qu’il a tissé avec Dieu.

Editions Philippe Rey, 2016

Un livre 

christiane-ranceLes carnets spirituels
de Christiane Rancé

Suivant Saint-Exupéry (« On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux »), Christiane Rancé, bien connue des lecteurs croyants, nous offre des méditations qui célèbrent la beauté du monde, de ses paysages et de nos rencontres. Un petit livre truffé de lumière, hautement bénéfique. Un régal !

« En pleine lumière », Editions Albin Michel, 2016

Un CD

choeur-du-seminaireLe Chœur du Séminaire français de Rome

Seize compositions réunies sous le label « Misericordia in Aeternum » ou quand le chant choral religieux porte une dimension sublimement vivifiante. C’est le cas avec ce CD de haute tenue d’un ensemble peu connu, celui du Choeur du Séminaire français de Rome qui apporte un prolongement vocal à la récente Année de la Miséricorde.  Une belle découverte.

Editions Jade, www.boutiques-theophile.com ou excultet.net ou jade-music.net

Un livre 

ulf-ekmanDe la megachurch à l’Eglise catholique 

Ulf Ekman était l’un des gourous les plus écoutés au nord de l’Europe. Il avait réussi à réunir un quart de million de fidèles dans un réseau de communautés évangéliques. Puis il a viré de bord, devenant catholique.  Dans ce livre-entretien, il raconte le chemin de sa conversion, de sa trajectoire atypique. Un livre témoignage.

Editions du Cerf, 2016

La Réforme en Suisse

Par Jean-Luc WermeilleLa critique du trafic des indulgences par Luther (1517) aboutit à son excommunication (1521). Les idées nouvelles circulent néanmoins en Helvétie via Zurich et Bâle. Le passage à la Réforme de Zurich (1525) les fait progresser en Suisse orientale tout d’abord. L’abolition de la messe à Berne (1528) marque ensuite une étape décisive pour la Réforme car des villes alliées lui emboîtent rapidement le pas : Bienne, Mulhouse, Bâle, Schaffhouse, Neuchâtel. Par l’intermédiaire de Farel, Berne fait également pression pour imposer la Réforme à tous les bailliages sur lesquels elle exerce une influence politique (Aigle, Morat, Grandson, Orbe, Echallens). En 1536, en venant libérer Genève qui vient d’adhérer à la Réforme, Berne contribue à l’abolition de la messe dans de vastes territoires appartenant jusqu’alors à la Savoie comme le Pays de Vaud, le Pays de Gex et la région de Thonon. Dans les villes épiscopales (Genève, Lausanne), une partie des bourgeois espérait gagner en influence en se débarrassant de l’évêque. Par contre, les résistances à la Réforme sont particulièrement vives dans des régions montagneuses comme Les Ormonts (VD) ou le Hasli (BE). Dans certaines villes comme Grandson, Orbe, Echallens, Le Landeron, Sion, Loèche, Porrentruy, le débat entre les deux camps est vif et perdure de longues années.

La justification par la foi

Par François-Xavier Amherdt
Photo : CIRIC
« Ainsi Abraham crut-il en Dieu, et cela lui fut compté comme justice. » (Galates 3, 6) Ce ne sont pas les œuvres que nous faisons qui nous « obtiennent » le salut, comme on « mérite » un diplôme en accumulant les points crédits. Nous ne le dirons jamais assez, avec Paul et Thérèse d’Avila : « Ma grâce te suffit », nous confie le Seigneur, « Sola gratia », proclamait déjà Luther, il y a 500 ans.

La thématique court à travers toute la Lettre aux Galates à propos de l’attitude répréhensible de Pierre : celui-ci en effet renonce à prendre ses repas avec les païens à Antioche, sous la pression de chrétiens de l’entourage de Jacques à Jérusalem issus du judaïsme et réticents à abandonner les pratiques de la Loi de Moïse, comme la circoncision ou l’interdiction de partager la table avec des non-circoncis (cf. Galates 2, 11-14). Paul fait alors de vifs reproches au « chef des apôtres » et réaffirme son évangile : « Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. Je n’annule pas le don de Dieu : car si la justice vient de la Loi, c’est donc que le Christ est mort pour rien. Ainsi, ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » (Galates 2, 20-21) « Sola fide », clame également Luther, hélas pas entendu en 1517 : c’est la foi seule qui sauve, développe l’apôtre des nations en Galates 3-4. C’est elle qui nous ouvre à l’action de la grâce et à l’œuvre de l’Esprit Saint et nous fait entrer dans le monde de la promesse.

Après l’Année sainte de la Miséricorde, au cours de laquelle il s’agissait de recevoir l’indulgence plénière du Père, et non de la « gagner », cette question de la justification par la foi, cœur de la Réforme prônée par le moine de Wittenberg, demeure – hélas pourrait-on dire – plus actuelle que jamais. Et dire qu’il a fallu près de 500 ans pour que la Fédération luthérienne mondiale et l’Eglise catholique signent un accord à ce propos en 1999 ! Nous sommes sauvés non par nos œuvres, mais en vue de poser des œuvres de miséricorde !

Réformes et transitions!

Par Pascal Bovet
Photos: DR, Jean-Claude Gadmer


La Réforme du XVIe siècle
La grande division de 1054 a donné naissance à une Eglise chrétienne divisée en Eglise orthodoxe, surtout orientale, et en Eglise latine dite romaine, surtout occidentale.

Cette Eglise latine a connu des réformes locales (cathares, Vaudois, hussites) mais la grande remise en question est celle initiée au XVIe siècle par les thèses de Martin Luther, suivies par des Réformateurs.

Quelques causes

Une pensée prenant en compte l’Antiquité païenne se développe à la Renaissance ; les mythes antiques sont à la mode. Le retour aux origines semble répondre aux questions du moment, et en même temps, le passé est mis à l’épreuve des découvertes.

Une dimension mondiale élargie : Christophe Colomb ouvre la porte à la mondialisation. Copernic annonce Galilée avec sa compréhension du cosmos.

L’Eglise contrôle la pensée qui doit répondre à celle de Dieu. Devant la mort si présente avec les épidémies de peste, une inquiétude : qu’est-ce que l’homme ? Qui est Dieu ?

L’invention de l’imprimerie rend possible et rapide la propagation de la pensée nouvelle.

Des pratiques devenues courantes dans l’Eglise ajoutent à la confusion: la conduite de ses ministres, grands et petits, est critiquable et leur formation fort légère. Les indulgences qui semblent acheter la grâce de Dieu et le salut, la commande qui permettait aux princes de placer leurs pions dans les évêchés avec cumul des prébendes… Martin Luther a bien su les relever. Il prône un retour aux origines pures de l’Eglise et rejette ce qui apparaît comme des ajouts : vénération des saints, sacrements, hiérarchie, etc.

S’appuyant rapidement sur les pouvoirs en place, la Réforme a eu pour effet paradoxal de renforcer le pouvoir civil sur celui de l’Eglise. Le principe « telle région, telle religion » a mis sur les routes bien des chrétiens, catholiques et protestants.

500 ans plus tard

En ce début du XXIe siècle, Galilée a eu raison ; on a même visité ces régions lointaines et on s’est rendu compte que l’univers est encore plus vaste que ce qu’on avait imaginé. On scrute l’infiniment grand comme l’infiniment petit. La pensée a connu sa révolution et des « Lumières » lui ont redonné un éclat. L’homme est mieux connu, jusque dans son psychisme et son corps. Menacé par la maladie, il tend à se protéger jusqu’au refus de la mort.

La communication est à portée de chacun, rapide, sans secret. Des royaumes se sont mués en démocraties qui s’unissent et se laïcisent. Les populations tendent à s’agglutiner dans les cités, laissant aux campagnes une vocation écologique; on délocalise en mondialisant. L’homme en est-il plus heureux? A-t-il encore un lien nécessaire avec Dieu ?

Réaction catholique

L’Eglise du XVIe siècle a entendu en partie les contestations et y a répondu par différents moyens, dont le Concile de Trente que l’on appelle quelquefois la Contre-Réforme.

A la fin du XIXe siècle, elle a tenu concile et a consolidé le pouvoir du pontife de Rome, allant ainsi à l’opposé des vues de la Réforme. A la fin du XXe siècle, un nouveau concile lui permit cette fois-ci d’avoir un regard plus vaste sur son rapport au monde et sur son propre fonctionnement.

Mais les grandes déclarations officielles n’épuisent pas les aspects pratiques qui subsistent quand de nouvelles problématiques naissent : le vaste domaine de la procréation avec ses possibilités techniques, les relations interhumaines mises en évidence lors du dernier Synode sur la famille, l’universalité de l’Eglise de plus en plus difficile à gérer pratiquement, la place des laïcs et spécialement des femmes dans l’Eglise, les relations de l’Eglise avec les autres communautés de foi reviennent régulièrement en discussion.

Réforme perlée?

L’Eglise est toujours à réformer (Ecclesia semper reformanda) : l’adage traverse l’histoire chrétienne de saint Augustin à Karl Barth. Une réforme aujourd’hui ? Un contexte nouveau s’est façonné. Il met au premier rang non plus la référence à Dieu, mais la liberté de pensée et de croyance. Contester Dieu était encore une manière de lui laisser une place ; l’indifférence l’ignore. A chacun sa foi et sa liberté de conscience, si possible éclairée.

Pourtant on a des raisons de regarder en avant avec confiance. La pratique du gouvernement de l’Eglise donne des signes de renouveau. La démission surprise du pape Benoît XVI tord le cou au concept d’un pape « à vie », lui qui a reconnu, dans ses dernières conversations, que l’Eglise doit trouver une nouvelle forme de présence. Le choix d’un pape « venu d’ailleurs », la manière de François de se présenter comme évêque de Rome avant d’être pape permet un autre ton dans le dialogue œcuménique. Son initiative de sonder les catholiques durant le dernier Synode sur la famille va dans le sens d’un décentrement de la seule curie romaine au profit du peuple de Dieu. Sa détermination à mettre de l’ordre dans les dossiers de la banque du Vatican ne déplairait pas à Luther et le remaniement de la curie est en voie de réalisation. Symboliquement, son refus de loger dans les appartements traditionnels du palais et l’abandon de certains signes pontificaux montrent son souci d’une image renouvelée de l’Eglise catholique.

Dans nos communautés

La réforme de nos communautés se fait-elle au même rythme ? La désertion des Eglises dans l’Eglise catholique, en Europe notamment, l’absence des jeunes dans les pratiques, le manque de prêtres sont des réalités figurant dans la liste des difficultés. La vie de famille inquiète beaucoup de monde, le mariage, la procréation dans des contextes difficiles, l’accompagnement en fin de vie interrogent les fidèles – pour combien de temps encore ? Le canton de Fribourg entreprend une démarche pour mieux entendre les désirs des fidèles, on cherche comment renouveler le dimanche et toucher les périphéries… Mission possible ?

J’ai fait un rêve…

Dans un contexte dominé par l’individualisme, j’ai vu naître, non pas une réforme solennelle et universelle, mais des réformes comme des gouttes de pluie, perlées, par régions, suivant les besoins du Peuple de Dieu. A l’écoute de la Parole de Dieu et des enseignements de la tradition de l’Eglise, chaque fidèle est responsable à l’intérieur d’une Eglise particulière, l’Eglise de Rome présidant comme autrefois à la communion de l’ensemble. Il a fallu un siècle pour que la Réforme s’installe ; combien de temps pour une Réforme perlée ? Pas de délai mais une réforme permanente.

Origine et avenir d’une révolution

Interview de Gabriel de Montmollin, directeur du Musée de la Réforme
Par Dominique-Anne Puenzieux

Pourquoi la Réforme ?
La Réforme de l’Eglise s’inscrit dans un mouvement plus large d’émancipation culturelle et politique en Europe. On redécouvre la richesse des philosophies antiques et avec elle la grammaire des langues anciennes. On aspire à lire la Bible dans ses idiomes originels pour les traduire en mots compréhensibles.

Que veut Luther ?
Martin Luther lance un mouvement pour réformer l’Eglise et recoller avec sa source originelle qui souligne l’absolue transcendance de Dieu par rapport aux activités humaines. Sa révolution réussit au-delà de ses vœux grâce à l’imprimerie et à la soif d’autonomie des populations.

Quelle réaction des catholiques ?
La Contre-réforme catholique participe aussi à l’essor de l’individu en rapprochant les prêtres de leurs paroissiens et en favorisant l’éducation, à l’instar des protestants. En Suisse, les querelles confessionnelles sont moins sanglantes qu’ailleurs. La paix religieuse profite, tout en la consolidant, de la capacité des cantons à mettre en place des compromis.

Et demain ?
L’avenir de ces deux confessions dépend de leurs capacités à emprunter à l’autre ce qu’elle a de meilleur : pour les protestants, l’inclination catholique à sacraliser  la nature à l’heure des désastres écologiques, pour les catholiques, l’inclination protestante à combiner solidarité et liberté alors que l’injustice sous toutes ses formes crée de nouvelles disparités.

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