Une foi en mouvement

Souvent mal aimés, car méconnus, les Yéniches, Sinti et Manouches ont subi nombre de discriminations durant des siècles. En 2016, afin de vaincre les préjugés, le Conseil fédéral leur a promis d’être reconnus en tant que minorités nationales sous leurs appellations correctes et non plus en tant que « gens du voyage ». Mais la route reste longue pour cette population empreinte d’une piété hors du commun.

PAR MYRIAM BETTENS
PHOTOS: VERA RÜTTIMAN, VERONIQUE BADER, DR, CIRIC

« Il est réellement présent avec nous tous les jours. C’est une lumière d’espoir qui nous fait avancer. » Vivre sans Dieu est impensable pour Patrick Birchler et la majorité des membres de sa communauté. Une constatation que partagent Christoph Al­-
brecht et sa collègue Aude Morisod, tous deux engagés dans l’Aumônerie catholique suisse des gens du voyage. Qui fut créée en 2003 par la Conférence des évêques suisses en tant que « paroisse non territoriale », afin de s’adapter au mode de vie des voyageurs. L’aumônerie propose des formations bibliques pour adultes, des parcours catéchétiques – selon leur culture, qui fait naturellement des liens –, offre une
présence sur les aires de stationnement, organise les traditionnels pèlerinages annuels et s’occupe de maintenir un lien vivant avec les paroisses sédentaires. « L’expérience de coexistence et d’accueil dans de nombreuses paroisses de Suisse est très positive », affirme Christoph Albrecht. Il note néanmoins que cette intégration dans la vie paroissiale reste très souvent associée aux liens d’amitié noués avec le prêtre du lieu.

L’étincelle divine

Luc de Raemy, prêtre à Payerne, en témoigne. « J’ai noué une amitié avec une famille yéniche lorsque j’étais jeune curé. C’était il y a vingt-cinq ans. Depuis, ils m’ont suivi dans chacune de mes affectations. Aujourd’hui, ils fréquentent la messe dominicale et m’appellent pour des sacrements ou des funérailles. » Mais ce n’est un secret pour personne, la relation entre la communauté yéniche de Suisse et l’Eglise demeure lestée d’un passif « douloureux et honteux », selon Christoph
Albrecht. Jusque dans les années 1970, les autorités ont tenté d’éradiquer la culture nomade, en utilisant massivement la violence et les placements forcés. « Retirés systématiquement de leurs familles (les enfants) étaient placés dans des institutions catholiques, des ordres […] qui travaillaient étroitement avec l’œuvre d’entraide des Enfants de la grand-route », mentionne la fondation « Assurer l’avenir des gens du voyage suisses ». Malgré cela, Patrick Birchler porte un tout autre regard sur ces événements. « L’Eglise est faite d’êtres humains. Ils sont fautifs, mais pas Dieu. L’Eglise reste ce qu’elle est. Il y a des moments où elle nous plaira et d’autres moins. Par contre, la foi restera la même. La confiance en Dieu persistera. Elle est l’étincelle qui brûle tout au long de votre vie et qui nous fait sentir que nous sommes accompagnés, quoi qu’il se passe. »

En chemin avec le Christ

En effet, pour Ludovic Nobel, prêtre et enseignant à l’Université de Fribourg, l’Eglise reste toujours perçue positivement. Lui-même originaire de la communauté yéniche, il réaffirme la centralité de la pratique de foi dans leur quotidien, avec toutefois quelques différences. « La spontanéité occupe une place prépondérante. Lors d’une demande de baptême, il est toujours sous-entendu que cela doit se faire rapidement. » Les signes et rituels revêtent aussi une grande importance. Luc de Raemy présume que cela tient au fait que la communauté a conservé les traditions qui avaient cours pour tous les catholiques, mais qui se sont perdues avec la sécularisation.

Vincent Roos, ancien prêtre de Versoix et actuel curé d’Ouchy, dont les contacts avec les gens du voyage étaient réguliers, avance une autre supposition. « Ces signes sont des balises sur la route. Ils constituent une stabilité dans un quotidien toujours en mouvement. » Il poursuit le fil de sa pensée : « Les horizons qui sont les leurs changent à tout instant. Avancer signifie aussi changer ses horizons. Ces itinérants sont proches de la marche dont parle Jésus. Ils sont dans le mouvement, dans cette dynamique de l’inattendu. Et qu’est-ce que la résurrection du Christ si ce n’est de l’inattendu ! Les voyageurs sont perpétuellement sur la route, et qui mieux que le Christ nous parle du chemin ? Il le personnifie même, en disant : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Je crois que nous avons bien des choses à apprendre d’eux. »

« Nous faisons partie de l’Eglise »
Une des préoccupations de la communauté des voyageurs concerne l’offre d’aires de séjour et de passage. Comme en témoignent les enquêtes réalisées par la fondation « Assurer l’avenir des gens du voyage suisses », le nombre de places s’est massivement réduit. Cela surtout en Suisse romande, en Suisse orientale et en Suisse italienne. Et Patrick Birchler ne manque pas de le souligner : « Nous faisons partie intégrante de l’Eglise et souhaitons trouver des emplacements stables. Cela nous permettrait d’y vivre et aussi de nous rassembler au nom de notre foi et de notre Eglise. » Déjà soutenu dans cette démarche par Mgr Lovey, évêque accompagnateur des gens du voyage au sein de la CES, le voyageur réitère son appel à la population : « Si des gens nous lisent et possèdent un terrain à louer avec un accès à l’eau et à l’électricité, ils peuvent prendre contact avec l’aumônerie. Cela nous serait d’une aide précieuse. » Une manière d’une part, d’aller à la rencontre de cette communauté et d’autre part, de leur donner les moyens de pérenniser leur culture.

Lexique terminologique
Yéniches, Sinti, Roms, Tsiganes, Manouches, Kalé, Gitans, voyageurs, sont autant de termes pour définir les personnes qui se rattachent à la grande famille « tsigane ».
Yéniche : ils constituent un groupe en soi parlant sa propre langue et vivent dans toute l’Europe, principalement en Allemagne, en Belgique, en Hollande, en Suisse, en Autriche et en France.
Sinti et Manouches : les Manouches (régions d’Europe francophones) et les Sinti (dans les régions germanophones et italophones) sont les descendants des Roms qui ont émigré en Europe centrale au XVe siècle.
Kalé et Gitans : présents en Espagne, au Portugal, dans le Sud et le Sud-Ouest de la France.
Roms : les Roms sont originaires d’Inde, qu’ils quittent au Xe siècle environ, puis ils émigrent principalement vers l’Europe. La langue romani a des racines sanskrites.
Tsiganes : terme générique désignant l’ensemble de ces familles de peuples.
Voyageurs : synonyme employé pour « gens du voyage ».

Qui sont les « gens du voyage » ?
En Suisse, la population d’origine yéniche est estimée à 35’000 personnes, dont la plupart sont sédentaires. Depuis la fin du XIXe siècle, les autorités, avec parfois la complicité de l’Eglise, ont tenté de réprimer leur mode de vie itinérant en les contraignant à se sédentariser. Ce n’est qu’en 1995 que la Suisse a reconnu les Yéniches, les Sinti et Manouches en tant que minorités nationales. Aujourd’hui, environ 5000 personnes ont conservé ce mode de vie itinérant. Cependant, le nomadisme joue un rôle identitaire essentiel pour ces communautés. La plupart de ceux qui se déplacent encore passent l’hiver sur une aire de séjour, leurs enfants vont à l’école du lieu et les familles sont enregistrées à la commune. Au retour de la belle saison, ils parcourent la Suisse pour rencontrer leurs clients. Les Yéniches, les Sinti et Manouches suisses exercent souvent des métiers traditionnels à titre indépendant. Toutefois, la fondation « Assurer l’avenir des gens du voyage suisses », souligne que la crise du coronavirus a affecté durement ces communautés : le manque de travail « ne leur permet plus de garantir suffisamment de revenus pour couvrir leurs frais courants ».

La famille dans tous ses états

Une approche biblique

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), juillet-août 2021

Ce que nous vivons dans nos familles nous met parfois dans tous nos états, nous agite, nous déplace, nous dépasse, nous fait souffrir. C’est alors que l’on peut s’ouvrir à l’inattendu, à l’autre, au Tout Autre.

PAR MONIQUE DORSAZ | PHOTOS : PIXABAY

Le terme « famille »

Dans la Bible, on ne trouve pas exactement le mot « famille ». On parle plutôt de maison, clan ou tribu. La famille biblique est une entité plus large que la famille nucléaire à laquelle nous pensons spontanément aujourd’hui. Dans les Écritures, la famille est une réalité concrète et ouverte qui évoque la cohabitation et la mise au monde.

Diversité des situations et états de vie

Dans la Bible on trouve beaucoup de diversité. Dieu intègre toutes sortes de situations familiales dans son projet. Les prophètes de l’Ancienne Alliance, ou même les ascendants de Jésus ne sont pas toujours dans une situation « normale » ou « idéale » : stérilité (Genèse 18), veuvage (Ezéchiel 24,
15-27), infidélité (Osée 1-3), manipulation (2e livre de Samuel 11), prostitution
(Josué 2) sont finalement des situations assez communes. Et c’est peut-être ce que l’on peut retenir en premier : la famille dans la Bible n’est pas un idéal, mais plutôt le réel de situations alambiquées, souffrantes, et en fait assez ordinaires. Justement, Dieu vient à la rencontre de ces réalités, il fait avec et se révèle au travers. Dieu assume nos plans B ! Souvent même c’est dans les épreuves que tout se joue, que Dieu se dit, se laisse rencontrer et peut agir.

Intérêt de la Bible pour la relation

homme-femme

Dès le début et jusqu’à la fin, la Bible s’intéresse de façon très particulière à la rencontre entre l’homme et la femme et à leur relation. « Dieu créa l’homme à son image, homme et femme il les créa » (Genèse 1, 27). Dieu dit encore : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je vais lui faire un secours, comme un vis-à-vis. » (Genèse 2, 18) Une rencontre homme-femme, c’est mystérieux : elle dit quelque chose de Dieu, comme témoigne saint Paul (Epître aux Éphésiens 5, 22-23). Ça c’est l’objectif, le plan d’ensemble. Reste que dans la réalité concrète des histoires des personnages bibliques, c’est moins évident : Abraham peine à reconnaître que Sara est sa femme (Genèse 12, 20), Jacob est fou amoureux de Rachel, mais se retrouve avec deux femmes (Genèse 9, 18ss), la femme de Potiphar tombe amoureuse de Joseph (Genèse 39, 7ss), Elqana aime sa femme qui est stérile (1er livre de Samuel 1, 5), Abigaïl est mariée avec un fou puis rencontre David (1er livre de Samuel 25, 3). David commet l’adultère avec Bethsabée (2e livre de Samuel 11, 2-4), Joseph le juste est invité à épouser une femme enceinte et la Samaritaine que Jésus rencontre et qui évangélise tout son village a déjà eu plusieurs maris… Dieu assume même les plans C !

Les parents et les enfants

Dans la Bible, on parle aussi volontiers de « fécondité ». C’est d’ailleurs la première Parole que Dieu adresse à l’homme et à la femme : « Fructifiez et multipliez-vous » (Genèse 1, 28). Mais quand on lit la suite, on voit que cela se passe difficilement. Les matriarches sont presque toutes stériles. Qu’y a-t-il à apprendre à travers toutes ces histoires de stérilité ? Peut-être que Dieu veut venir remplir nos incapacités humaines et leur donner une perspective que lui seul peut donner.

On voit aussi des parents qui luttent pour la vie de leur enfant. Hagar doit fuir au désert et pleure pour son fils Ismaël (Genèse 21). La Cananéenne lutte pour sa fille malade (Matthieu 15, 21-28), le Centurion pour son enfant-serviteur (Matthieu 8, 5-13). Jésus dira d’eux qu’ils ont une grande foi. Avoir la foi ce serait donc lutter pour la vie de l’autre et laisser Dieu en placer une ! La Bible nous montre comment les parents font tout pour leur enfant et aussi comment ils doivent les laisser aller. Nous trouvons à répétition la scène d’un père qui « envoie » son fils : Abraham renvoie Ismaël (Genèse 21, 10 ss), Isaac envoie Jacob (Genèse 28, 5), Jacob envoie Joseph (Genèse 37, 13), Jessé envoie David (1er livre de Samuel 17, 17).

La relation avec nos propres parents est aussi un défi ; Joseph, par exemple, va prendre soin du vieux Jacob pendant 17 ans
en Égypte (Genèse 37, 2 ; 47, 28). Ruth s’occupe de sa belle-mère et Tobie de son père âgé. Les parents, il faut aussi s’en détacher, ceci est affirmé depuis le texte de la création : « l’homme abandonnera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme » (Genèse 2, 24). Jésus lui-même aura des paroles difficiles par rapport aux personnes de sa famille et aux parents (Luc 14, 26). Quant à avoir des frères, on voit bien que là aussi, c’est parfois compliqué, et ce depuis le début avec Caïn et Abel, mais encore avec Isaac et Ismaël, Jacob et Esaü, Joseph et ses frères, David et ses frères,… Quant à Jésus, il pose la question de « qui sont mes frères ? » (Matthieu 12, 48)… et il nous dit ensuite que nous sommes tous frères (Matthieu 23, 8).

Dans la Bible, il y a un parti pris pour la réalité. Les relations homme-femme, les relations entre frères sont considérées dans leur complexité et dépeintes avec réalisme. On n’a pas peur d’évoquer ces réalités difficiles, c’est justement là que Dieu devra être convoqué. Dans les Évangiles, Jésus va au-devant des uns et se laisse aborder par les autres quelle que soit leur situation matrimoniale et familiale. Il offre un accueil inconditionnel aux personnes blessées par la vie. Dieu veut venir à notre rencontre pour nous sauver. Il vient là où l’on pourrait avoir envie qu’il ne vienne pas, ces lieux que l’on penserait indignes de Dieu. C’est justement là qu’il veut aussi nous rejoindre.

Les mêmes mots sont utilisés pour parler de Dieu

Si les mêmes mots sont utilisés pour dire la réalité des relations humaines, « père », « fils », « époux-épouse », « frères » et les réalités de Dieu, c’est parce que tout amour humain trouve en Dieu sa source et sa deuxième naissance. Les choses humaines sont habitées par ce qui se vit en Dieu. Celui qui écoute la Parole est amené à comprendre encore plus profondément ce que signifie être fils, être père, mère, épouse, etc.

– Que la relation parent-enfant soit belle ou difficile, elle nous ouvre à un autre Père qui veille sur nous.

– Les relations fraternelles ou de cousinage ne constituent pas le tout de notre vie, nous pouvons être amenés à découvrir des liens de fraternité plus forts que les liens du sang. C’est une réalité très présente dans le Nouveau Testament. Nous avons une multitude de « plus que frères ».

– Si nous accordons tant de prix aux « noces humaines », c’est parce qu’elles sont habitées par un projet plus grand. Elles s’intègrent dans le grand projet des noces de Dieu avec l’humanité. Jésus le célibataire s’est souvent présenté comme « l’époux », nous sommes faits pour entrer avec lui dans ces noces éternelles auxquelles tous sont largement invités : « Heureux les invités aux noces de l’agneau .» (Apocalypse 19, 9)

 

Une quête Dieu point zéro

Fini de fouiller ses poches à la recherche de pièces à glisser dans le panier de la quête. La paroisse Saint-François de Sales, à Genève, propose à ses ouailles de dégainer leurs smartphones durant la messe… pour faire un don. Depuis cette proposition innovante, le paiement sans contact est devenu « monnaie courante » !

PAR MYRIAM BETTENS
PHOTO : DR

Pionnière en Suisse romande, la paroisse Saint-François de Sales s’est appuyée sur une application développée par une start-up française. L’application La Quête, disponible en version Androïd ou Iphone compte déjà soixante diocèses et plus de 12’000 paroisses à son actif. En Suisse, l’application intéresse d’autres paroisses mais demande plus de temps pour s’implanter qu’en France. A la différence de notre voisin, où la totalité des dons sont gérés par le diocèse, chaque Eglise romande doit faire une demande d’adhésion individuelle destinée à la récolte de ses propres dons.

Les paroissiens de Saint-François de Sales sont encouragés à sortir leurs téléphones durant la messe. Une hérésie ? Que nenni ! Le smartphone sert, depuis l’été 2018, une juste cause : la diversification des moyens de dons. Gregory de Foy, trésorier de la paroisse, en dresse d’ailleurs un bilan plutôt encourageant : « Les paroissiens ont réalisé que l’application est facile à installer et à utiliser. Nous sommes passés d’une quinzaine de familles qui l’utilisent de manière régulière à une trentaine. » Autre point positif, « nous avons aussi amorcé un réel dialogue avec les paroissiens sur l’état des finances de la paroisse », clarifie Gregory de Foy. Il ajoute, « parler d’argent reste souvent un tabou et cette application nous a donné l’opportunité d’aborder ce sujet ouvertement ». Aujourd’hui, outre la quête via smartphone, la paroisse propose aussi de faire des dons par le bais d’un module online permettant d’utiliser une carte de crédit. « Cette révolution numérique a vraiment facilité l’accès aux dons. En plus, les donateurs peuvent, comme avec le traditionnel panier, rester totalement anonymes », avance le trésorier de Saint-François de Sales. Pour ceux, au contraire, ne sollicitant pas l’anonymat, il est possible de déduire de la déclaration fiscale l’obole faite à la paroisse. « Cette nouveauté a donné une réelle impulsion à la récolte de dons. »

Des vacances ressourçantes?

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), juillet-ao û t 2021

PAR L’ABBÉ ALEXIS MORARD, DOYEN
PHOTOS : PIXABAY, AM

Comment abordons-nous ces deuxièmes vacances d’été sous l’ère Covid? Avons-nous fait émerger une liberté qui s’épanouit en dépit des contraintes? Un philosophe romain, qui n’est autre que l’empereur Marc Aurèle, a des paroles de sagesse qui nous font redire que tout n’est pas dans la plage ou la balade : c’est un pèlerinage en direction du cœur qui nous ressourcera…

Nulle part l’homme ne trouve de retraite plus tranquille que dans sa propre âme.

« Ils se cherchent des retraites, chaumières rustiques, rivages des mers, montagnes : toi aussi, tu te livres d’habitude à un vif désir de pareils biens. Or, c’est là le fait d’un homme ignorant et inhabile, puisqu’il t’est permis, à l’heure que tu veux, de te retirer dans toi-même. Nulle part l’homme n’a de retraite plus tranquille, moins troublée par les affaires, que celle qu’il trouve dans son âme, particulièrement si l’on a en soi-même de ces choses dont la contemplation
suffit pour nous faire jouir à l’instant du calme parfait […]. Donne-toi donc sans cesse cette retraite, et, là, redeviens toi-même. Trouve-toi de ces maximes courtes, fondamentales, qui, au premier abord, suffiront à rendre la sérénité à ton âme et à te renvoyer en état de supporter avec résignation tout ce monde où tu feras retour. » *

Bel été !

* Marc Aurèle, Pensées, in Les Stoïciens, trad. E. Bréhier, Paris, La pléiade, Gallimard, 1962, IV.

Une année avec saint Joseph

Il y a quelques mois, le Pape a ouvert une année consacrée à saint Joseph, patron des familles et des travailleurs. Méconnu, ce grand saint est un soutien particulier pour traverser les périodes troublées.

PAR BÉNÉDICTE DROUIN-JOLLÈS | PHOTO : DR

Le Pape veut « dépoussiérer » saint Joseph ; sa décision de le remettre à l’honneur est le fruit d’une méditation mûrie pendant le premier confinement. Il nous la partage dans la lettre Patris corde. Beaucoup comme Mgr Alain de Raemy l’ont remarquée et saluée. « Comme toutes les lettres, elle pourra être lue et relue, ce ne sera pas du temps perdu, je n’ai jamais vu en si peu de pages un si grand condensé de sagesse chrétienne… Il est tout sauf compliqué, écrit aux jeunes l’évêque auxiliaire du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. »

Le pape François présente Joseph, un peu comme un grand-père livre ses trésors à ses enfants et petits-enfants. « Chaque malade, chaque pauvre, chaque père de famille soucieux, chaque époux inquiet est un enfant dont Joseph se préoccupe… » Il est tellement discret qu’on peut l’oublier. « Il nous rappelle que tous ceux qui sont apparemment en « deuxième ligne » jouent un rôle inégalé dans l’histoire du salut. » Joseph, père adoptif du fils de Dieu est aussi l’époux et protecteur de la Vierge Marie. Dommage d’aller vers l’un ou l’autre sans le rencontrer.

A une époque où la paternité est parfois difficile à assumer sereinement, le Pape propose celle de cet homme qui reçoit sa force et sa tendresse de Dieu. Malgré les contrariétés, il avance confiant et obéissant et les surmonte avec un « courage créatif ». A l’heure où les relations entre hommes et femmes sont parfois tourmentées, le Pape montre en exemple cet homme empreint de respect et de délicatesse, fidèle et présent malgré les difficultés. Tout comme Marie à l’annonciation, il croit à l’appel reçu de Dieu. Qu’il nous aide à avancer avec la même confiance au cœur de nos familles.

Le difficile chemin vers l’amour

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur de l’Entremont (VS), juillet-août 2021

Créé par amour pour aimer… Ces quelques mots tirés de la prière du pèlerin de la montagne résument tant l’origine que le but de chaque existence. Mais derrière la simplicité des mots se cache la complexité de la vie. Car l’amour a des concurrents, sérieux, innombrables et actifs. Entretien avec Mme Marylou Del Sordo Voutaz, aumônier à l’ERVEO d’Orsières, depuis 10 ans.

Par Michel Abbet | Photos : Annelyse Bérard, DR

Quelle est votre activité au sein de l’ERVEO ?

Je rencontre les jeunes tous les mardis sur le temps de midi. Ces échanges sont facultatifs. Les thèmes abordés sont l’amitié, apprendre à se connaître, du coup de foudre au grand amour, est-ce important de croire en Dieu, la mort, le spiritisme, les jeux vidéo, les addictions, les témoignages, etc. 

Des thèmes que vous proposez ?

Non, ce sont les jeunes qui me les demandent, et la sexualité est le sujet le plus récurrent. Je trouve ça normal, c’est à cet âge qu’on se pose beaucoup de questions. J’essaie de témoigner, quand je peux, que Dieu est le créateur de l’homme, donc de l’amour qui émane de l’homme.

Parler d’amour, c’est difficile…

Cela ne devrait pas, puisqu’il fait vivre le cœur de chacun. Dès son plus jeune âge, l’enfant se nourrit de l’amour de ses parents. Puis, progressivement, il est appelé à construire sa propre histoire d’amour.

Magnifique programme…

C’est sûr… si cette construction peut se dérouler dans de bonnes conditions. D’où le désir de donner au jeune des bases saines pour qu’il puisse faire son chemin de manière harmonieuse.

Qui dit chemin dit aussi durée…

Oui, l’amour se prépare, il a besoin d’une lente maturation pour s’épanouir. Laissons aux jeunes ce temps d’apprentissage si important.

Vous avez l’impression qu’ils n’ont plus ce temps ?

C’est plus qu’une impression, c’est une conviction et même une certitude.

Qu’est-ce qui vous fait penser cela ?

L’évolution de la technique a complètement modifié notre façon de vivre. Tout s’est accéléré. Il y a une satisfaction quasi immédiate des besoins. Si du point de vue matériel on peut y trouver des avantages, en amour c’est une tout autre question. L’amour a besoin de temps. De plus, il est exigeant et demande souvent des efforts. On est loin du plaisir tout de suite assouvi.

La technique a modifié les habitudes ?

Pas besoin de se cacher la face ni de prendre des chemins détournés. Cela fait longtemps que je côtoie les jeunes, j’ai pu me rendre compte que la transformation ne touche pas seulement leurs habitudes, mais aussi leur personnalité. Aujourd’hui, on donne presque un Natel à chaque jeune, alors qu’il n’est même pas encore adolescent. Et souvent, on le laisse se débrouiller, sans contrôler ce qu’il en fait. Avec ce qu’on trouve sur Internet, cela me semble irresponsable.

Vous n’exagérez pas un peu ?

Malheureusement non. Très tôt, les jeunes sont confrontés à la pornographie. Pour la construction de leur personnalité, ces images sont destructrices. De plus, elles créent très vite un sentiment d’addiction et une image perverse de l’amour. C’est exactement ce que recherchent les auteurs de ces films.

Qu’est-ce qu’il faudrait faire ?

Se révolter ! Ne pas accepter qu’on malmène ainsi notre jeunesse et l’ensemble des gens. La pornographie ne trouble pas seulement les jeunes, elle a un effet considérable aussi sur les adultes qui sont les plus grands consommateurs. 

Quel effet ?

D’abord, la pornographie réduit l’acte sexuel à un simple jouissance physique. C’est un mensonge. L’acte sexuel est le sommet d’une relation humaine, il exige une confiance et un amour absolus entre les deux partenaires. Ensuite, elle crée chez les individus une dépendance toujours plus forte. Toujours plus souvent, plus longtemps, plus violent, plus salace : ce sont les quatre règles du porno. La personne qui se laisse prendre va s’isoler toujours davantage et devenir dépendante de ces images : sa vie sociale et sa relation à l’autre vont s’en trouver très perturbées. Information importante : les filles sont autant touchées par ce phénomène que les garçons. 

Que faut-il faire pour lutter contre ce fléau ?

D’abord en parler : beaucoup, souvent, librement. Trop longtemps on a confondu intimité et silence. Aujourd’hui, il faut communiquer aussi sur le thème de l’amour, c’est une urgence. Avec ses enfants surtout ! Avant l’âge d’entrée au cycle, il est pratiquement certain que la plupart des élèves ont déjà vu des images pornographiques voire des films. Or, les professionnels sont unanimes : des images pornographiques vues avant l’adolescence sont assimilables à un viol visuel. Il faut les prémunir, les préparer, car pour eux, la première fois qu’ils verront ces images, ce sera comme une agression. Et c’est important qu’ils sachent que ce qu’ils ont vu ne correspond pas à la réalité. Formons-les. Les moyens existent. Utilisons-les ! 

Quelques mots avec M. Josué Lovey, directeur du CO d’Orsières

M. le directeur, quand on évoque la pornographie…

De plus en plus de jeunes y sont confrontés. Notre école, comme n’importe laquelle d’ailleurs, n’échappe pas aux problèmes de société. Nous devons en être conscients.

Alors…

Alors, il faut dire que les jeunes du CO dans leur ensemble vont bien. Mais la multiplication du temps sur les écrans mène à des dérives, dont celle que vous traitez dans cet article.

Ensuite…

Il est préférable de ne pas se focaliser sur ce seul aspect mais d’aborder la personne dans son ensemble. L’école met en place passablement d’activités  de prévention (ateliers SIPE, programme « Sortir ensemble et se respecter », cours sur les dangers liés à internet,…). A travers sa charte et la médiation par les pairs, notre école promeut des valeurs qui favorisent une vie commune agréable et un respect mutuel.

Ce qu’en disent les jeunes

Je trouve que le monde a évolué de façon négative. Tout le monde peut avoir accès à des vidéos ou photos pornographiques. Tout est livré au public, même les petits peuvent avoir accès, ce qui ne devrait pas se faire. Le porno ne respecte pas l’image des femmes ou de l’humain.

Je trouve cool de pouvoir parler à l’aumônerie de sujets que l’on n’aborde pas forcément à la maison et de pouvoir donner son avis. 

J’apprécie d’avoir une heure comme l’aumônerie où l’on peut parler de tout. Au sujet de la pornographie, c’est dommage qu’il y en ait tant, partout. Mais si ça fait plaisir aux gens, pourquoi pas, mais sans abus.

A l’aumônerie, on peut parler de tout, c’est bien. Pour moi, la pornographie est faite pour les garçons et pas pour les filles. 

Jeux, jeunes et humour – juillet-août 2021

Par Marie-Claude Follonier

Question d’enfant

Dieu prend-il des vacances ?
Dieu, cotrairement à nous qui devons prendre des temps de repos, est disponible 24h sur 24 chaque jour de l’année.
Il ne prend pas de vacances et demeure tout le temps là au fond de ton cœur pour t’écouter. A chaque instant, tu peux donc lui confier tes joies et tes peines, le remercier pour ce que tu vis de beau et lui demander de t’aider dans les situations difficiles.

par Pascal Ortelli

Humour

Un monsieur passait deux fois par semaine la frontière franco-suisse en vélomoteur.
Interpellé par le douanier pendant près de vingt ans, notre gaillard avait toujours la même réponse : « Rien à déclarer ! » Le douanier avait tout contrôlé : les sacoches, l’intérieur de la fourche, les pneus, la chambre à air, le dessous de la selle.
En vain ! Parvenu à un jour de la retraite, le douanier demanda au frontalier, en lui promettant de ne pas l’amender : « Allez, dites-moi, qu’est-ce que vous faisiez passer en douce ? » « Des vélomoteurs ! »

par Calixte Dubosson

Via Jacobi: Fribourg – Payerne

Texte et photos par Pascal Ortelli

Le mythique chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle traverse la Suisse romande, de Fribourg à Genève. Au-delà des sentiers battus, la Via Jacobi regorge de curiosités. Chaque mois, L’Essentiel prend son bâton de pèlerin et en réalise un tronçon sous forme d’une balade familiale à faire sur la journée. Aujourd’hui, cap sur Payerne à la découverte d’une variante officielle entre aqueduc et château.

Départ depuis la gare de Fribourg, 6h aller simple, 23, 7 km

1. Sortez en direction de la gare de bus pour rejoindre les escaliers du Guintzet. A leur sommet, poursuivez en direction de l’hôpital cantonal jusqu’à Villars-Vert. Entrez dans le bois de Belle-Croix par la sortie sud-est du double rond-point.

2. Continuez dans le bois de Moncor puis prenez à gauche au triage forestier pour rejoindre Village Suisse et la forêt de Verdilloud. Un sentier raide vous conduit sur les crêtes forestières de Seedorf.

3. Rejoignez le village de Noréaz puis au milieu de la descente, prenez la route agricole à droite et descendez jusqu’aux Moulins-de-Prez dans le magnifique vallon de l’Arbogne. Vous y découvrirez peut-être les vestiges d’un ancien aqueduc romain.

4. L’arrivée à Montagny-les-Monts avec son imposante tour médiévale ne manque pas de souffle. Poursuivez le long de la route principale jusqu’à Cousset. Prenez sur votre droite jusqu’à la STEP où, après une courte montée, il vous sera facile de rejoindre le sanctuaire Notre-Dame de Tours

5. Suite à la décision de détruire la chapelle, on raconte que la statue de la Vierge de Tours déplacée à Montagny serait revenue miraculeusement et à plusieurs reprises à son emplacement d’origine.

6. Continuez en direction de Corcelles pour rejoindre Payerne en ne manquant pas de visiter la collégiale.

Le retour se fait aisément en train. Il est possible de réaliser cette étape à vélo en sortant du bois de Verdilloud par la gauche pour prendre la route de Seedorf et non les crêtes, moyennant un passage plus technique avant les Moulins-de-Prez.

Curiosité

La tour médiévale de Montagny pour son panorama.

Coup de cœur

La place de pique-nique au-dessus de Seedorf pour une grillade en famille.

En librairie – juillet-août 2021

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

Si je n’annonce pas l’Evangile…
Odile Pruvot

« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ! » Depuis le soir même de leur mariage, il y a 25 ans, Mawa et son mari Tobie suivent à la lettre ces mots de saint Paul. Contre vents et marées, le week-end ou pendant leurs vacances, Tobie est juché sur sa caisse, Mawa distribuant des versets de la Bible dans les rues, sur la plage et autour d’eux. A travers un journal sincère et plein d’humour, Mawa partage les souvenirs d’une année d’évangélisation. Joies, difficultés, rencontres ou désillusions s’égrènent au fil des pages, livrant un portrait touchant des missionnaires des rues. Un livre délicat, profond et drôle, qui donne envie de se lancer sur les chemins et de rejoindre ces messagers du Christ au XXIe siècle.

Mame

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Les catholiques, c’est pas automatique
Jean-Pierre Denis

Que nous arrive-t-il ? Quel est le sens de cette pandémie ? Que reste-t-il de nos visions de la vie, du monde, de l’homme ? Où allons-nous ? Et où est passé Dieu dans tout ça ? Répondant du tac au tac à son contemporain dépressif ou dubitatif, Jean-Pierre Denis lui oppose les leçons de la Bible. Lui déniant de réduire la foi à un fidéisme ou à un fanatisme, il montre la fulgurante actualité de l’Evangile. Un dialogue enlevé, lumineux, frappant. Un essai ravageur d’humour et pétillant de profondeur. L’irrésistible appel à la lucidité d’une grande voix spirituelle d’aujourd’hui.

Cerf

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Les grands-parents, trésors irremplaçables
Guy Gilbert

Guy Gilbert, prêtre-éducateur, met en lumière la joie et l’utilité qu’il y a à être grands-parents dans la société actuelle. Il explique que ces personnes sont en pleine forme, pouvant ainsi mettre leur énergie au service de leurs petits-enfants et qu’elles ont tout le loisir de raconter l’histoire des familles ou des villages tout en prêtant une oreille attentive à leurs petits-enfants. Un livre fort sur l’utilité et la joie d’être grands-parents aujourd’hui. 

Philippe Rey

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L’Odyssée de saint Paul
Dominique Bar

Connaissant parfaitement les écritures, Saul veut défendre la doctrine juive contre les enseignements de ces illuminés qui se prétendent prophètes et messies, le pire étant bien sûr ce Jésus, crucifié il y a quelques années. Intransigeant, Saül participe aux persécutions des premiers chrétiens. C’est sur le chemin de Damas, où il devait purifier la ville des sectes chrétiennes que Saul est terrassé par le Christ. Toute son énergie et sa force de conviction vont être maintenant au service de l’annonce de l’Evangile. Cette BD entraîne le lecteur à la suite de l’apôtre des gentils, sur le chemin de Damas de la conversion aux routes de l’évangélisation.

Editions du Triomphe

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Lourdes autrement… aussi en Suisse !

PAR CHANTAL SALAMIN | PHOTOS : BERNARD HALLET

Toutes les infos sur pele-ete-lourdes.ch

Quand vous demandez à une personne qui revient d’un pèlerinage à Lourdes: « Alors, raconte ? », vous vous entendrez probablement répondre: « Lourdes cela ne se raconte pas, cela se vit ! Viens avec nous l’année prochaine. »

Alors que les trois derniers pèlerinages interdiocésains à Lourdes ont dû être annulés en 2020 et mai 2021, qu’un pèlerinage en juillet 2021 comme avant ne peut pas avoir lieu, la commission pastorale qui prépare les célébrations et veille à ce que l’esprit du Christ souffle dans le cœur des pèlerins a pris la décision de proposer « Lourdes autrement » : à Lourdes, en pérégrinant dans les différents cantons romands et même depuis chez soi !

Des rencontres en présence-ciel

S’il est impossible de raconter Lourdes, c’est qu’on y goûte déjà le ciel. L’été, toutes les générations se rencontrent autour des malades… avec eux nos visages s’illuminent.

Chaque « groupe » – enfants de 7 à 12 ans, ados de 12 à 15 ans et jeunes de 16 à 25 ans, familles avec des enfants en bas âge, hospitalier-ères, chanteur-ses, pèlerin-es, malades – vit des moments qui lui sont propres, de petits pèlerinages adaptés, et se retrouvent pour célébrer ensemble dans une grande famille qui chemine avec le Christ, Marie et Bernadette.

Un pèlerinage depuis chez soi

A l’heure où paraît cet article les inscriptions sont closes pour aller à Lourdes ou participer aux journées en Suisse.

Mais vous pouvez le vivre avec des amis, en famille, en visite à l’hôpital ou dans un home… grâce au carnet de route du pèlerin et à la diffusion des principales célébrations sur internet.

Les liens de téléchargement et de visionnage sont disponibles sur le site du pèlerinage pele-ete-lourdes.ch

Lourdes autrement… depuis là où vous serez, ne manquez pas l’occasion de faire découvrir
l’esprit de Lourdes en le vivant en famille et avec vos amis !

PASAJ de témoin

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP Nyon-Founex (VD), juillet-août 2021

Cet été, une page se tourne pour la Pastorale d’animation jeunesse (PASAJ) de Nyon-Terre Sainte. Après six ans en tant qu’animateur du groupe de jeunes, Stéphane Ernst passe le témoin à Charlotte Obez. Il avait succédé à Roberto De Col, aujourd’hui responsable cantonal de PASAJ. Témoignages.

Par Roberto De Col, Stéphane Ernst et Charlotte Obez
Photos : Audrey Boussat, Roberto De Col, Charlotte Obez et DR

Des amitiés pour la vie

Pour Roberto De Col, les jeunes d’aujourd’hui ont pour mission d’être la lumière du monde.

Par Roberto De Col

J’ai été animateur jeunesse dans l’Unité pastorale Nyon-Terre Sainte de septembre 2006 à août 2015. J’en garde des souvenirs incroyables. Parmi les plus mémorables, il y a la rencontre de Taizé à Genève, le Festi’Flash, les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) à Madrid, une aventure solidaire au Togo, un camp de marche en Islande, les rencontres de groupes de jeunes et la mise sur pied de dimanche 19h, la messe mensuelle des jeunes à la Colombière. Mais ce qui m’a le plus marqué, ce sont les relations humaines et les amitiés nouées pour la vie !

Le défi pour aujourd’hui ? Celui de toujours, mais plus d’actualité que jamais : « Etre la lumière du monde ». En ce temps d’incertitude, nous avons tous besoin de nous projeter vers l’avenir avec confiance. Les jeunes chrétiens, remplis d’espérance, ont un rôle central à jouer dans ce projet.

Des expériences inoubliables

C’est dans le cadre d’une reconversion professionnelle que Stéphane Ernst est devenu animateur jeunesse.

Par Stéphane Ernst

Après 23 ans dans l’univers de l’informatique bancaire, j’ai décidé d’effectuer un changement de cap drastique dans ma vie professionnelle. C’est ainsi qu’en 2014 j’ai vécu une année de discernement avec Roberto De Col à Nyon et avec le groupe de jeunes (dont Charlotte faisait déjà partie).

J’ai vécu durant toutes ces années des moments magnifiques. Certains m’ont particulièrement marqué : tout d’abord, le voyage à Cracovie (Pologne) pour les JMJ 2016, ma première grosse expérience en tant qu’animateur; dans la foulée, l’organisation des JMJ romandes en 2017 à la Colombière, une rencontre qui a attiré plus de 250 participants ! Nous avons repoussé nos limites sportives lors d’un pèlerinage sur le chemin de Compostelle en 2017 et d’un itinéraire à vélo de Delémont à Nyon, accompagnés en partie ou entièrement par notre évêque, Mgr Charles Morerod. Je garde enfin un souvenir indélébile du voyage incroyablement enrichissant que nous avons effectué en 2019 en Arménie avec une guide locale.

Durant ces années, j’ai rencontré des jeunes super motivés et motivants. Je suis reconnaissant à Dieu pour les richesses qui se vivent et qui sont encore à vivre !

Une vocation à explorer

Charlotte Obez souhaite se mettre au service de Dieu. Où et comment ? Elle va vivre une année de discernement.

Par Charlotte Obez 

Il y a quelques années, lors d’une retraite, une femme s’est approchée de moi pour me bénir. Elle a dit ces mots dans sa prière : « Seigneur, donne-lui la grâce de témoigner dans le monde et de rayonner auprès des jeunes ». Pendant de nombreuses années, cette phrase est restée dans un coin de ma tête sans prendre une véritable importance.

Le temps a passé et je n’ai cessé de grandir dans ma foi. Je me posais toujours la même question : « Quel projet Dieu a-t-il pour ma vie ? Quelle est ma vocation ? ».

Mon parcours m’a toujours orientée vers la jeunesse. J’ai d’abord souhaité être éducatrice de la petite enfance, puis pédiatre ou encore psychologue scolaire. J’ai finalement choisi l’enseignement et je termine ma formation cette année. Etant engagée dans le groupe de jeunes depuis presque dix ans et ayant pris part activement à la vie de notre Eglise toutes ces années, j’ai eu le sentiment que je devais faire davantage. Dieu m’a fait comprendre, de bien des manières, que je devais lui faire confiance et répondre à ses appels. J’ai alors eu la conviction que je devais consacrer une année à discerner ma vocation dans l’Eglise.

Par mon engagement auprès des jeunes, je souhaite que le groupe qui m’a accompagnée dans la foi continue de porter des projets qui nous rapprochent du Christ. Je veux permettre aux jeunes d’approfondir leur foi et de découvrir l’amour intense que Dieu porte à chacun d’entre nous. C’est un grand défi, mais je suis pleine d’enthousiasme et prête à le relever. Je me réjouis de vivre des moments intenses et enrichissants avec les jeunes.

PASAJ en bref

La Pastorale d’animation jeunesse (PASAJ) existe depuis 2002. Elle fêtera ses 20 ans lors des JMJ romandes à Lausanne les 7 et 8 mai 2022.

• PASAJ emploie une vingtaine d’agents pastoraux principalement répartis dans deux secteurs d’activité : la coordination et l’animation jeunesse dans les unités pastorales du canton de Vaud et l’aumônerie dans les gymnases, les écoles professionnelles, l’EPFL, les universités et l’Ecole hôtelière de Lausanne.

• PASAJ organise aussi divers événements qui rassemblent les jeunes au niveau cantonal : les JMJ (romandes, suisses ou internationales), des voyages à Taizé, les montées vers Pâques pour les jeunes de 13 à 25 ans.

Le groupe de pèlerins qui s’est rendu à Saint-Jacques-de-Compostelle tout sourire au départ de Porto.
Le groupe de jeunes à la découverte de Karahunj, un ancien site d’observation des astres en Arménie.
Une partie des bénévoles des JMJ 2017 portant un tee-shirt dont le logo a été réalisé par Charlotte (à gauche sur l’image).

Présence auprès des Gens du Voyage

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP Sainte Marguerite Bays (FR), juillet-août 2021

En Suisse, les Gens du Voyage font partie d’une longue tradition. Ils sont appelés Yéniches; l’analyse linguistique de leur langue montre une base de rotwelsch, dialecte germanophone parlé dans la région de Bâle – Aarau – Zurich au 11e siècle déjà (cf. Ch. Bader, Yéniches, les derniers nomades d’Europe, éd. l’Harmattan, 2007).
Cela prouve leur présence sur notre territoire déjà avant la création de la Confédération.

PAR CR ET AUDE MORISOD
PHOTOS : AUDE MORISOD

Aujourd’hui, une partie d’entre eux se sont sédentarisés, tandis que d’autres sont toujours nomades ou semi-nomades.

S’ils voyagent dans le pays, jusque dans la Glâne, c’est d’abord pour des raisons de travail. Leurs métiers varient : ils sont rémouleurs, brocanteurs, vanniers, merciers, récupérateurs de métaux, etc. Nous avons interviewé Aude Morisod qui les accompagne depuis de nombreuses années dans le cadre de l’Aumônerie catholique suisse des Gens du Voyage :

Pourriez-vous nous dire ce qui vous a motivée à ce type d’engagement ecclésial ?

J’ai commencé par être marraine de confirmation d’une femme yéniche de mon âge environ. C’était en 1995. Un chef de famille avait demandé la confirmation pour nombre de personnes de sa parenté, et le frère Jean-Bernard Dousse OP avait préparé le groupe à recevoir le sacrement. Tout de suite je me suis sentie bien parmi eux. Avec le frère Jean-Bernard et une Petite Sœur de Jésus qui avait vécu parmi les Nomades, nous avons commencé à les accompagner, mais d’emblée dans une réciprocité, c’est-à-dire que tout de suite il y a eu parmi les Yéniches des personnes engagées en Eglise : nous avons grandi ensemble « à hauteur du regard ».

Pourriez-vous nous dire quelque chose de leur identité ?

Les Yéniches sont des Tsiganes. Cependant ils sont d’origine européenne.

Ont-ils des traditions ?

Oui bien sûr, et très importantes, car elles soudent leur appartenance au groupe familial.

Ont-ils une appartenance identitaire au pays, ou font-ils partie de l’ensemble des Gens du Voyage présents en Europe ?

On peut dire les deux ! Dans le sens qu’ils se sentent pleinement suisses, à juste titre, si l’on considère leurs origines (voir plus haut). J’ai coutume de dire qu’ils furent suisses avant moi, dont le canton d’origine, le Valais, n’est entré qu’en 1815 dans la Confédération. Mais encore davantage, si l’on sait que les chants populaires de notre Suisse profonde ont été composés par des musiciens yéniches. Je songe par exemple à Grüezi wohl, Frau Stirnimann ! Et oui encore, d’autre part, ils revendiquent une appartenance à l’ensemble des familles tsiganes qui sont en Europe. Nous en faisons la belle expérience en participant aux CCIT (Comité catholique international tsigane), qui rassemblent des Rom, des Manouches, des Sinti, des Travellers, des Gitans, bref, différents Tsiganes de toute l’Europe, engagés en Eglise.

Pourriez-vous nous décrire leur situation civique aujourd’hui dans notre pays ?

Leurs conditions de vie se sont sans doute améliorées dans leur quotidien, mais cependant le grave problème est le manque drastique de places de stationnement. En Suisse, à peine 50% des besoins en places est couvert. Pour ce qui est du canton de Fribourg, une action est en cours auprès du Conseil d’Etat, plus spécialement auprès du Département de l’Aménagement du Territoire, pour obtenir une seconde place permanente pour l’hiver, car la place de la Pila sur la commune d’Hauterive ne suffit plus. Les familles s’agrandissent très vite, on se marie jeune chez les Yéniches. Les citoyens suisses doivent faire de la place, au sens propre comme au sens figuré, à leurs concitoyens nomades. C’est juste une attitude civique envers d’autres concitoyens.

Pourriez-vous nous décrire le ministère de l’Aumônerie au sein de ce groupe ?

Par membres de l’Aumônerie, nous entendons à la fois des Sédentaires, – dont notre aumônier national, le Père Christoph Albrecht SJ –, et aussi des Voyageurs, qui désormais assurent les catéchèses d’enfants, leur préparation aux sacrements de la première communion, ou qui accompagnent les adultes en leurs partages bibliques, selon leur culture. L’Aumônerie assure donc le lien à l’institution Eglise catholique, dans les deux sens : à la fois en permettant aux Voyageurs de se retrouver comme catholiques inclus dans la communauté ecclésiale, et, dans un sens réciproque, en ouvrant les autres catholiques à la culture yéniche, en se laissant renouveler, rafraîchir, en quelque sorte, par leur manière sans doute plus directe, plus immédiate, de considérer la religion, la relation à Dieu et aux autres. Nous avons tous à apprendre des autres en leur différence.

Auriez-vous un message à donner au peuple glânois en leur nom ?

Oui bien volontiers ! Quand vous rencontrerez des Yéniches, si c’est à l’intérieur de votre église, laissez-vous interpeller par leur sens inné du sacré, par leurs chants
si joyeux, par leurs familles qui rassemblent 4 ou 5 générations. Et si c’est à la porte de votre maison, parce qu’ils vous demanderaient un travail que vous pourriez leur offrir, ne le leur refusez pas, accueillez-les : en ce temps de pandémie, ils ont grand besoin de gagner leur vie. Merci pour eux !

 

Catholique et franc-maçon ?

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur des Deux-Rives (VS), mi-juin – août 2021

PAR JUDITH BALET HECKENMEYER

(SOURCES/INSPIRATION :
WWW.MASONIC.CH ET WWW.JEPENSE.ORG)

PHOTOS : JUDITH BALET HECKENMEYER, PIXABAY

La Franc-Maçonnerie est un ordre initiatique traditionnel et universel fondé sur la fraternité.

Elle constitue une alliance d’hommes et de femmes libres et de bonnes mœurs, de toutes races, toutes nationalités et de toutes croyances. Le but est d’aider au perfectionnement de l’individu et de l’humanité.

Longtemps, les relations entre la Franc-Maçonnerie et le catholicisme ont été houleuses. Pourtant les sources de la Franc-Maçonnerie sont authentiquement chrétiennes. Mais comme dans leur pratique, ils utilisent d’autres outils de connaissance comme la philosophie, les mythes et les religions antiques ou des références à d’autres religions, cela a déplu au Vatican.

Au XIXe siècle (dans le sillage de la révolution française) certaines loges maçonniques sont devenues anticléricales avec la même virulence que des catholiques s’opposaient à la Franc-Maçonnerie. L’affaire Léo Taxil a jeté de l’huile sur le feu : entre 1885 et 1887 il a monté un canular anti-maçonnique de grande ampleur en faisant croire qu’ils s’adonnaient à des cultes sataniques. Cette intox a fortement encouragé les diffamations, les injures, les tensions dans les deux camps.

Un retour à un dialogue se fera après la Deuxième Guerre mondiale. Le concile Vatican II appelle alors à l’œcuménisme.

Pourtant, si la nature des démarches maçonnique et catholique est différente, elle n’est pas incompatible et peut même être vue comme complémentaire.

La quête de sens, du sens de sa vie et du sens de la vie met en route de nombreuses personnes. Cette noble quête ne pourrait-elle prendre diverses formes, divers « emballages » ?

Si des tensions émergent entre différents courants, différentes idéologies, différentes religions, ne seraient-elles pas tout simplement des luttes de pouvoir bien humaines ?

Pourtant, à y regarder de plus près, ne poursuivons-nous pas tous un même but : aimer mieux : soi-même, les autres et le monde qui nous entoure ?

 

Jésus, seul chemin ? (Jean 14, 6)

PAR FRANÇOIS-XAVIER AMHERDT PHOTO : PXHERE

J’ai discuté parfois avec des connaissances affiliées de près ou de loin à la franc-maçonnerie. Pour elles, Jésus est-il LA voie, LA vérité et LA vie, tel qu’il se présente lui-même au début de son testament laissé aux apôtres ? (Jean 14-17) Ou alors le chemin franc-maçon est-il compatible avec le message chrétien et peut-il se combiner avec lui ?

Le discernement est délicat dans nos conversations, nos fréquentations comme notre accompagnement pastoral : comment demeurer à la fois totalement respectueux de l’orientation spirituelle de chacun·e et affirmer clairement notre enracinement dans le Fils de Dieu comme « unique voie de salut » ? L’enjeu est donc bien celui-ci : comment vivre un dialogue vrai et inclusif ?

Le Christ invite les Douze à ne pas se troubler, il leur promet
de les prendre là où il est sur le point de s’en aller et de leur préparer une place (Jean 14, 1-4). C’est lorsque Thomas lui objecte : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin ? » qu’il lui répond : « Nul ne vient au Père sans passer par moi. » (14, 5-6)

L’exégèse et la traduction chrétiennes interprètent ce verset comme, d’une part, l’affirmation de l’unicité salvifique de Jésus-Christ en tant que « passage obligé » vers le Royaume définitif. Mais, d’autre part, cette perspective est inclusive, et non exclusive. C’est-à-dire qu’elle ne signifie pas que seuls ceux qui adhèrent explicitement au Christ et le reconnaissent comme seul Maître seront associés au salut, mais que même ceux qui ne connaissent pas le Christ, ou le refusent, ou choisissent une autre orientation spirituelle, ou sont indifférents envers lui, ou combinent leur foi en lui, parfois vague, avec une autre tradition religieuse, tous et toutes passent par le Christ pour aller vers le Père dans l’Esprit, s’ils sont reconnus dignes de partager le bonheur éternel. Même sans le savoir.

D’où une perspective de dialogue interreligieux lui aussi inclusif, y compris avec les francs-maçons : il s’agit de prendre en considération les parts de vérité lumineuse qui existent réellement dans cet univers initiatique, selon l’action mystérieuse de l’Esprit Saint qui nous échappe. Et de leur montrer en même temps qu’une double appartenance totale et plénière s’avère, en réalité, théologiquement impossible. C’est le Seigneur qui démêlera le tout.

Montée vers Pâques des enfants de Charrat

Une trentaine d’enfants se sont réunis durant le Triduum pascal. Ils ont mis toute leur imagination et tout leur cœur à vivre ces 3 moments. Le jeudi saint avec l’aide des animatrices et du chanoine Jean-Michel Girard, ils ont approfondi l’eucharistie. Le vendredi, la communauté les a rejoints pour le chemin de croix qu’ils ont animé. Le samedi, ils ont réalisé chacun une mini-tenture de Carême.

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Un ancien franc-maçon

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur des Deux-Rives (VS), mi-juin – août 2021

INTERVIEW RÉALISÉE PAR UN MEMBRE DE L’ÉQUIPE DE RÉDACTION,
AVEC MARCO, ANCIEN FRANC-MAÇON (PRÉNOM MODIFIÉ)

PHOTO : PIXABAY

Pourquoi as-tu rejoint la maçonnerie ?

Je pressentais qu’il existe un autre monde au-delà du monde terrestre et matériel. J’étais à la recherche de spiritualité, d’une certaine profondeur. Et l’idée d’avoir accès à certains «secrets» était excitante.

Qu’est-ce qui t’a attiré ?

L’idée de suivre une tradition me plaisait, de même que le sentiment de faire partie d’une communauté existant tout autour du monde… Autant d’éléments que je retrouve pleinement dans l’Eglise, et de manière approfondie !

Y a-t-il des similitudes avec la foi catholique ?

Ce sont deux univers très différents. En principe, la franc-maçonnerie est adogmatique et respecte chaque croyance religieuse de ses membres. Cela dit, certaines loges, en particulier en France, se sont montrées, et continuent de se montrer hostiles au catholicisme. La Franc-Maçonnerie propose de travailler à la gloire du «Grand architecte de l’univers», qui est un dieu éloigné du Dieu chrétien, beaucoup plus abstrait et distant, un dieu assurant l’ordre cosmique. La Trinité, la rédemption par la Croix ou les Sacrements ne font pas partie du système de pensée maçonnique. En définitive, la maçonnerie propose à l’Homme de travailler sur lui-même pour accéder à la Lumière: chacun peut se sauver lui-même par une démarche d’effort, de méditation et d’approfondissement de la connaissance. Au sein de l’Eglise catholique, les choses sont très différentes puisque sans Dieu, l’homme ne peut rien.

Pourquoi l’as-tu quitté à un moment donné ?

Au fond de moi-même, j’ai senti assez vite que je n’étais pas sur le bon chemin: sans doute le Seigneur m’a-t-il guidé et a-t-il agi en silence en moi? La maçonnerie est une démarche intéressante, notamment au niveau des méthodes de travail, mais c’est une voie de garage, car elle ne mène pas au Christ, qui est le chemin, la vérité et la vie. Certains éléments me posaient problème : la maçonnerie prétend apporter la Lumière, mais les enseignements sont marqués par un certain secret, les rituels se déroulent dans une ambiance sombre; cette incohérence m’a frappé. Au fond, mon cœur restait froid et le vide que je ressentais n’a été comblé qu’en présence du Christ.

La théologie en ateliers

PAR CHANTAL SALAMIN

PHOTOS : DR

L’AOT ?… une sacrée aventure à vivre ! L’ayant vécue moi-même de l’intérieur, c’est avec d’autant plus de force que je vous invite à vous poser la question de votre participation à la prochaine volée. Les Ateliers œcuméniques de théologie (AOT) proposent une formation théologique de qualité sur deux ans pour toute personne quelles que soient sa formation de base et sa confession. Une seule condition : être motivé.

Un thème qui questionne

Le prochain parcours aura lieu de septembre 2021 à juin 2023 à Genève sur le thème « Dieu aujourd’hui ? Entre incertitudes et confiance ». Chaque semaine des cours donnés par des tandems multiconfessionnels de théologiens, chaque mois des rencontres en petits groupes autour d’un enseignant pour se questionner. Et quelques samedis pour nouer des amitiés et célébrer ensemble.

Une nouvelle fois, le thème est choisi pour provoquer le questionnement qui fait avancer : Le temps de Dieu n’est-il pas très différent du temps humain ? Et comment penser, agir, vivre dans notre monde, alors que les changements climatiques nous rattrapent ? que la cause des femmes et des minorités piétine ? que la crise sanitaire nous inquiète ? Est-il encore possible de croire en Dieu ?

Une sacrée aventure humaine

La dimension humaine, fraternelle et œcuménique de cette formation est essentielle. Au fil des rencontres dans les groupes, en questionnant notre foi, nous apprenons à nous connaître. Les différences de confessions partagées sur les mêmes questions ainsi que la participation autant à la messe qu’au culte ensemble nous enrichissent.

Au milieu de la première année, l’occasion nous est donnée de revoir notre vie à la lumière de notre foi et de partager cette expérience aux autres. Accueillir nos vies dans la foi, des vies faites de blessures et de joies, de doutes et de confiance… ce sont des cadeaux inestimables, des moments indescriptibles, surtout quand des récits se rejoignent, s’auto-éclairent et nous rapprochent les uns des autres.

Alors convaincu ? Plus d’informations et inscriptions sur le site de l’AOT aotge.ch

Pour pouvoir voir toutes les vidéos en lien avec l’article, cliquez sur l’icône liste en haut à droite de la vidéo.

Survol historique

PAR THIERRY SCHELLING | PHOTO : DR

Depuis 1738 – avec la bulle In eminenti de Clément XII – à 1983 – date de la Declaratio de associationibus massonicis, de la Congrégation pour la doctrine de la foi 2, on compte une trentaine de textes officiels du Saint-Siège condamnant l’appartenance de catholiques à la franc-maçonnerie. On y décèle trois axes quant à la critique du Saint-Siège à son égard : le secret, le complot et le relativisme.

L’hostilité entre la Rome catholique et la franc-maçonnerie culmine en 1884 avec l’encyclique de Léon XIII Humanum genus, y dénonçant le libéralisme, le relativisme, le comparatisme, le naturalisme, le laïcisme… tous menaçant la société chrétienne comme encore rêvée par le Pontife qui vivait reclus dans son Palais du Vatican après la fin des Etats pontificaux (1870) et la non-résolution de la Question romaine (quel statut donner à la ville de Rome en fin d’unification de la Péninsule italienne ?)…

Après Vatican II

A la suite du Concile Vatican II et de la demande du pape Paul VI, notamment aux Jésuites, de dialoguer avec l’athéisme et les autres doctrines autrefois pourfendues pour leur anticatholicisme, certains épiscopats demandent une révision de l’article du Code de droit canon 3, permettant à un laïc converti au catholicisme…de demeurer membre de sa loge !

Rome suffoque devant une telle ouverture et le cardinal Ratzinger, nouvellement nommé préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (1981), fait ajouter un article au nouveau Code de droit canon (1983) greffé sur le précédant mais… étrangement plus laconique : « Celui qui s’inscrit dans une association qui complote contre l’Eglise sera puni d’une juste peine ; celui qui promeut ou dirige une telle association sera puni d’interdit. » (Canon 1374)

Interconnaissance

On reconnaissait que l’excommunication était trop lourde comme peine, et que la franc-maçonnerie varie de pays en pays 4… Le dialogue et l’inter-rencontre, plutôt que le « duel des préjugés », a porté du fruit dans l’interconnaissance des deux entités… Un modus procedendi issu du Concile, justement…

1 Une présentation des rapports est consultable sous : http://expositions.bnf.fr/franc-maconnerie/arret/03-8.htm (consulté le 1er février 2021).

2 A ce jour le dernier document romain traitant de la question franc-maçonne.

3 Le premier Code de droit canon (1917) contient déjà un article excommuniant qui appartiendrait à l’Eglise et à la Franc-maçonnerie (canon 2335).

4 Il en fut de même pour les formes de communisme reconnues différentes entre Pologne, Viêtnam ou Amérique latine…

 

Ces catholiques francs-maçons qui interpellent

L’Eglise catholique romaine est l’une des rares confessions à considérer l’appartenance à une loge maçonnique comme incompatible avec la foi chrétienne. Comment expliquer une telle position, alors que des catholiques francs-maçons expérimentent l’inverse ?

PAR PASCAL ORTELLI | PHOTOS : JEAN-CLAUDE GADMER, DR

De prime abord, franc-maçonnerie et Eglise catholique ne font pas bon ménage. Au-delà de l’anticléricalisme de certaines loges et des condamnations papales à replacer dans leur contexte, le fidèle qui adhère à la maçonnerie est en état de péché grave. Certes, il n’est plus excommunié comme par le passé, mais l’incompréhension demeure.

Roma locuta, causa finita ?

Le dialogue reste compliqué depuis la dernière déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi en 1983. L’incompatibilité y est réaffirmée. Tenir les deux engagements reviendrait à « vivre une relation avec Dieu selon deux modalités, en la scindant en une forme humanitaire – supra-confessionnelle – et une forme intérieure chrétienne ». Aux yeux de Rome, la franc-maçonnerie se place comme au-dessus des religions révélées avec ses rites ésotériques et sa discipline du secret.

En 2020, des loges françaises approchent à nouveau le Vatican avec un dossier nourri de témoignages de catholiques francs-maçons qui insistent sur la compatibilité des deux approches : « Je considère mon engagement maçonnique comme une complémentarité active et comme une mise en pratique de ma foi catholique. C’est cette complémentarité qui a fait engager mon couple dans la vie paroissiale, puisque ma femme était franc-maçonne. » La Congrégation pour la doctrine de la foi refuse de reconsidérer les choses.

Progrès et Vérité

En Suisse romande, des francs-maçons cherchent aussi le dialogue avec les autorités politiques et religieuses. L’historien Robert Giroud, auteur du livre 250 ans de franc-maçonnerie à Bex et Claude Oreiller, membre de la loge bellerine Progrès et Vérité ont coécrit en avril un dossier sur la maçonnerie dans le Confédéré pour tordre le cou aux idées reçues. La loge de Bex, par sa situation et son histoire, a accueilli les Valaisans qui ne pouvaient entrer en maçonnerie dans leur canton catholique. Parmi eux, il n’y avait pas que des anticléricaux ! « Aujourd’hui encore, confie Claude Oreiller, il y a d’authentiques chrétiens. Je connais un frère maçon engagé dans sa paroisse qui apporte la communion à domicile. »

Ce Valaisan, ancien député PLR, a reçu une éducation catholique. Il ne s’est jamais vraiment lancé dans une introspection spirituelle durant sa jeunesse. C’est en entrant en loge, il y a bientôt quarante ans, qu’il a approfondi ces questions, car l’Eglise remettait en cause les fondements de son appartenance chrétienne, bien qu’il ait prêté serment sur le Volume de la Loi Sacrée, la Bible ouverte sur l’Evangile de Jean.

Pour lui qui s’exprime à titre personnel, la franc-maçonnerie reste un acteur majeur de la culture judéo-chrétienne : « Elle n’a aucun grief contre l’Eglise, elle laisse libre ses membres de partager leur foi dans la confession de leur choix. » Et de rappeler qu’en loge, toute prise de position d’ordre politique ou religieux est interdite.

Un secret incompatible ?

Serge Abad-Gallardo, haut fonctionnaire français, n’est pas de cet avis. Il quitte la franc-maçonnerie après sa conversion au catholicisme. Son dernier livre Secret maçonnique ou vérité catholique met en lumière les intentions hostiles à l’Eglise véhiculées dans certains hauts grades du Rite écossais ancien et accepté. La base ignore ce qui se décide au sommet : « Durant tout mon parcours initiatique, je n’ai jamais réellement été à même de mesurer le conditionnement mental subi. Il me fallut par conséquent retrouver la foi et porter un regard neuf pour en comprendre le danger : j’étais réellement utilisé, plus ou moins consciemment, au service de l’Ordre. » A ses yeux, le Magistère a vu juste en faisant porter son interdit sur l’ensemble de la franc-maçonnerie sans distinguer les obédiences plus ou moins chrétiennes.

Pour l’abbé François-Xavier Amherdt, le problème se situe davantage au niveau de la foi. La connaissance gnostique dispensée est-elle compatible avec le Credo que nous professons ? « D’après les maçons, il n’y a pas de salut par grâce et miséricorde de Dieu en Jésus-Christ, mais une initiation progressive par degrés à un système symbolique. L’homme peut se perfectionner lui-même par étapes en accédant progressivement à une gnose (une connaissance cachée) réservée à des initiés. » Très tôt, l’Eglise a écarté une telle approche du salut. « Ce qui n’empêche pas de conserver le souci du dialogue », ajoute-t-il.

Le primat de la conscience

Le jésuite Etienne Perrot qui s’intéresse de près à la question est néanmoins d’avis qu’aujourd’hui « une condamnation de principe n’est plus de mise au regard de la diversité des engagements et des interprétations des symboles et rites maçonniques ». L’Eglise regarde la maçonnerie comme si elle se voyait dans un miroir : « Elle demande au Grand Architecte de l’Univers [auquel se réfèrent les francs-maçons] d’assumer toutes les qualités théologiques du Dieu personnel chrétien, comme si un catholique franc-maçon ne pouvait pas l’investir d’une expérience religieuse personnelle. »

En ce sens, comme le déclare un témoin cité dans le rapport transmis à Rome, « la franc-maçonnerie ne se substitue en aucun cas à la vie ecclésiale, ni à l’action des sacrements, mais peut constituer une préparation de tout l’être à l’actualisation en soi de la Parole, et de la communion intérieure au Verbe Divin, que les sacrements réaliseront ».

Evêques à l’appui

La Conférence des évêques de France a délégué Mgr Jean-Charles Descubes et Mgr Michel Dubost pour rencontrer entre 2017 et 2020 les représentants des loges françaises régulières (Grande Loge nationale française ; Grande Loge traditionnelle et symbolique Opéra ; Grande Loge traditionnelle et moderne de France) pour appuyer leur démarche auprès de Rome et dans le but de rendre compte de la diversité d’approches se référant à un Dieu personnel, compatible avec la foi chrétienne.

Tailler sa pierre pour devenir un homme meilleur

Pour Maurice Badoux de la loge Progrès et Vérité, le franc-maçon, à l’aide des outils et symboles des bâtisseurs de cathédrale, « doit accomplir un travail sur lui-même. Passer de la pierre brute à la pierre cubique. On y retrouve des liens avec le christianisme : le Christ, en donnant à Simon le nom de Pierre, a reconnu le fait que son disciple a réussi cette transformation ». La franc-maçonnerie n’est pas une religion ; elle offre un lieu pour se perfectionner moralement.

Compatible ?

PAR FRANÇOIS-XAVIER AMHERDT | PHOTOS : JEAN-CLAUDE GADMER, DR

C’est vrai que depuis le nouveau Code de droit canon, publié en 1983 à la suite du concile Vatican II, le Magistère de l’Eglise catholique a supprimé la mention des francs-maçons parmi ceux qui se mettaient «automatiquement» hors de la communion de l’Eglise, ce que l’on appelle aussi «l’excommunication». Et les textes officiels valorisent les collaborations possibles au service de la paix et de la justice sociale avec les francs-maçons, considérés comme des personnes estimables, des hommes et des femmes de bonne volonté, dont la quête spirituelle et symbolique mérite d’être prise en considération dans sa part de vérité.

Il n’en reste pas moins que la question demeure : est-il vraiment possible d’appartenir totalement à la maçonnerie et de croire pleinement au Christ qui, par sa Résurrection, nous comble de son Esprit, nous sauve par sa grâce et nous conduit au Père ? La foi en la Trinité ne se situe-t-elle pas au-delà des rites initiatiques maçonniques ? Et en christianisme, aucun «secret» ne se justifie en rigueur de terme: c’est à tous, surtout aux petits, que Jésus-Christ se révèle.

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