Une interview virale

Le dernier ouvrage de Shafique Keshavjee, La Couronne et les virus – Et si Einstein avait raison ? propose un autre éclairage sur la crise actuelle en convoquant les trésors de sagesse des grandes religions. A cette occasion, le pasteur et théologien, nous livre aussi son regard sur la pandémie, la grâce divine et la fin du (d’un) monde.

PAR MYRIAM BETTENS | PHOTOS : JEAN-CLAUDE GADMER

Ce que nos contemporains demandent «c’est une spiritualité universelle soft», selon vos propos. N’est-ce pas un peu ce que vous proposez avec ce livre?
Une « spiritualité soft » met toutes les convictions sur un plan d’égalité. Tel n’est pas mon propos. Je cherche à rejoindre des personnes en recherche constatant qu’il existe des éléments de sagesse dans toutes les traditions. Mon intention n’est pas de faire un peu de taoïsme, un peu de Jésus et un peu d’hindouisme. L’affirmation très claire qui traverse tout le livre, c’est la centralité du Christ !

Il est beaucoup question de virus (péché) et de couronnes (grâce) dans votre livre, mais vous dites détester les discours sur une «grâce à bon marché».
Cette grâce, critiquée par le théologien Bonhoeffer, est celle d’un Dieu qui aime tout le monde, pardonne tout, accepte tout sans aucune exigence. Il n’y a là aucun appel à dire que la grâce nous met en route. Je crois profondément que le Christ nous accueille tels que nous sommes, et que cette grâce nous entraîne dans un processus radical de changement.

Vous revenez dans cet ouvrage sur les propos tenus dans L’Islam conquérant, ce qui vous a valu beaucoup de critiques virulentes…
Il y a eu des critiques très virulentes, surtout de réformés libéraux et de certains acteurs du dialogue interreligieux. Par ailleurs, j’ai reçu beaucoup plus de soutien que ce que les médias laissent penser. Le sujet me tient à cœur. Je continue de penser qu’un des très grands défis à venir pour l’Occident, parmi d’autres, concerne l’islam politique et je persiste à croire que beaucoup de personnes ne le voient pas encore.

La pandémie nous a donné le souci des plus faibles. Vous évoquez la sélection surnaturelle comme étant la réussite des plus fragiles. C’est-à-dire?
Dans une perspective darwi­nienne, les plus forts gagnent, donc aucune raison de sauver les plus faibles. Notre société est tiraillée entre cette logique et la tradition judéo-chrétienne qui dit tout autre chose. Il y a un renversement des valeurs dans la tradition biblique. Dans la Bible, Dieu choisit les plus faibles pour confondre les forts et il protège les plus faibles pour les rendre forts.

Quels sont selon vous, aujour­d’hui, les virus qui détruisent l’Amour et la Vie?
L’autocentrement est un virus très dangereux. Nous peinons à nous décentrer pour aller vers plus grand que soi, ou vers autre que soi. Concernant l’Occident, le plus grave danger serait de perdre le trésor qu’est la foi chrétienne. L’héritage judéo-chrétien a fait vivre l’Occident et, bien vécu, il peut guérir nos sociétés. Cette intuition d’Einstein a inspiré ce livre.

Biographie express

Les dates qui ont marqué Shafique Keshavjee.

1955 : Naissance au Kenya dans une famille indienne ismaélienne.

1963 : Arrivée en Suisse.

1974 : Adhésion au Christ lors d’un voyage en Inde.

1983 : Mariage avec Mireille, puis naissance de quatre garçons.

1991 : Consécration comme pasteur à la cathédrale de Lausanne.

1993-2010 : A côté de l’engagement pastoral (ministère œcuménique
et interreligieux), enseignement dans divers milieux universitaires.

1998-2021 : Travail d’écriture.

La pandémie, signe de fin du (d’un) monde ?

Certains croyants entrevoient dans la pandémie les signes de fin du monde décrits dans l’Apocalypse. Une position que Shafique Keshavjee peine à partager complètement. « Il y a certes un processus similaire à ce qu’on trouve dans l’Apocalypse, mais il demeure toute la question de son interprétation. Nos sociétés ont vécu de nombreux bouleversements (guerres mondiales, crises), mais de là à dire qu’un nouveau monde a réellement commencé après eux… Des prises de conscience fortes ont lieu dans de multiples milieux. Cela dit, le mystère de la liberté humaine subsiste : dès que le monde ira mieux, retournerons-nous à nos travers ou entendrons-nous l’appel à respecter la sainteté de la vie ? Les crises sont toujours un appel à nous arrêter et à revenir à la Source de la vie. » Quant à l’Apocalypse, le « mystère de Dieu s’y exprime. A la fois dans son amour et la mise en lumière de nos dysfonctionnements. D’une certaine manière, Dieu se retire pour laisser à l’humanité le loisir d’aller jusqu’au bout de ses orientations déviantes. Cela afin de mieux révéler le vide qui appelle sa Présence ». Le théologien relève que ce processus de mise en lumière de nos péchés (virus) comporte toujours un horizon de libération et de révélation de la grâce de Dieu (la Couronne).

Icône pèlerine

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, décanat Sion (VS), juillet-août 2021

Les personnes recevant l’icône itinérante de la mère pèlerine à Uvrier et à Saint-Léonard se sont rencontrées pour un moment de prière au mois de mai en présence de sœur Marie-Angeline de la communauté de Schönstatt.
Marie-Renée Clivaz, responsable d’un des groupes, nous en parle.

PROPOS RECUEILLIS PAR L'ABBÉ DAVID RODUIT | PHOTO : MARIE-RENÉE CLIVAZ

Dans la démarche que vous vivez chaque mois, pourquoi parle-t-on de mère pèlerine ou de sanctuaire itinérant ?

Oui, c’est un sanctuaire itinérant, car l’icône de Marie va de famille en famille trois jours par mois.

Avec Marie, on apporte Jésus pour le faire connaître et aimer, pour prier et abandonner entre leurs mains nos joies et nos peines. Marie nous met en contact avec la prochaine famille qui reçoit l’icône et nous invite ainsi à la rencontre, à l’écoute et au partage.

Comment s’est passée votre rencontre de la mi-mai ?

Le Covid nous ayant freinés dans nos visites, nous nous sommes réunis le mercredi 19 mai avec tous les groupes de Saint-Léonard et d’Uvrier pour y vivre l’eucharistie et un temps de méditation avec sœur Marie-Angeline. A la veille de la Pentecôte, elle nous a introduits au moment de prière qui suivait la messe par des questions :

– Quel est mon désir personnel pour cette Pentecôte ?

– L’Esprit Saint est déjà à l’œuvre dans nos vies. Comment puis-je le remarquer ?

Ensuite, nous avons médité avec elle les mystères glorieux.

Voici sa réflexion pour le 5e mystère glorieux, celui du couronnement de la Vierge :

« Toi, l’humble servante de Nazareth qui t’en es allée à la fontaine chercher l’eau comme toutes les autres filles de ton temps, tu es maintenant élevée ! »

A partir du beau chant « Une porte ouverte sur le Ciel » que sœur Marie-Angeline a découvert ce jour-là, elle nous a conduits à une réflexion missionnaire :

– ouvrir les yeux pour voir où Dieu m’ouvre une porte et la franchir

– ouvrir la porte du cœur pour laisser entrer Dieu et le laisser agir en nous

– ouvrir la porte de la maison pour aller vers les personnes et vers le monde

Ce fut une soirée très riche en grâces ! Alléluia, merci Marie !

Lire aussi la page 12.

 

Sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur Haut-Lac (FR), juillet-août 2021

La présidente de paroisse de Cressier nous raconte en exclusivité ses magnifiques parcours pédestres…

TEXTE PAR ASTRID MULLER | PHOTO : DR

Avec mon amie Prisca, co-autrice de ce texte, nous avions déjà l’envie de parcourir ce chemin vers Saint-Jacques depuis de nombreuses années. Les raisons
ont été multiples tout en sachant que la principale était de dire humblement MERCI.

Nos vies professionnelles et familiales nous proposaient un voyage par étapes.

Parées de notre Credencial encore vierge et d’un sac à dos d’environ 9 kg, le 27 juin 2005, notre tout premier jour débute par une prière à la Cathédrale Saint-Pierre à Genève, le cœur en fête, la tête libre et heureuses de ce partage futur. Notre chemin peut commencer…

Les premiers kilomètres sous un soleil de plomb et un sac de plus en plus lourd ne nous découragent pas, même si le balisage des coquilles Saint-Jacques n’est pas au top. Entre les montées et les descentes, nos muscles n’ont pas le temps de se relâcher. Une moyenne journalière de 20 km encourage notre dos à supporter le poids du sac qui, parfois plus léger, semble être porté par saint Jacques lui-même ! Une allergie sournoise contractée par mon amie nous oblige à écourter notre séjour. On s’arrête à regret à Seyssel !

2e étape du 5 au 9 juin 2006 (Culoz – Grand-Lemps) : le sac s’est allégé de
2 kg et les parcours journaliers restent aux environs de 20 km. Dans mon journal j’écris « on s’améliore au niveau du paquetage mais géographiquement ce n’est pas encore ça (!) 4 km de détour… la rumeur sur les femmes est confirmée ! ». Le vent souffle mais le soleil est avec nous. La nature est magnifique, le chant des oiseaux nous accompagne… Les journées s’alternent entre soleil de plomb et pluie battante… parfois en fin de journée notre sac à dos semble avoir ramassé autant de kilos que nos jambes de kilomètres… !

Notre rythme de marche nous permet de jouir de ces moments uniques de recueillement et de vide pour écouter le silence et notre cœur… accompagnées par une ribambelle de papillons silencieux !

3e étape du 25 au 29 juin 2007 (vu nos papotages dans le train on oublie de sortir à Grenoble !) (La Côte-Saint-André – Saint-Julien) : dès le 2e jour, des douleurs foudroyantes de la jambe droite m’obligent à consulter un médecin qui diagnostique une sciatique. Complètement épuisées, nous cherchons un endroit pour se restaurer dans ce village, vide de ses habitants et ses restaurants tous fermés, de Saint-Julien-Molin-Mollette. Notre bonne étoile nous guide vers la porte d’un restaurant, normalement fermé, où le patron-cuisinier a eu pitié de nous et nous a offert le couvert. Notre mésaventure l’a ému et il nous propose de passer la nuit chez des amis de Saint-Jacques. Merci à Jacques et Odile.

4e étape du 24 juillet au 3 août 2008 (Le Puy-en-Velay – Conques) : 9 jours et 210 km. Conques ville moyenâgeuse, juste magnifique avec son Abbaye ; la citadelle est splendide avec ses ruelles en pavés. Les rencontres avec d’autres pèlerins venus des 4 coins de l’Europe sont toujours intéressantes et enrichissantes avec des bouts de chemin parcourus ensemble. Chaque département traversé est autant un plaisir pour les yeux que pour nos papilles !

Notre 5e étape du 28 septembre au
5 octobre 2009 (Figeac – Moissac) et notre 6e étape du 5 au 11 octobre 2010 (Lecoultre – Saint-Jean-Pied-de-Port) : les villages sont autant de baume au cœur que les fleurs aux fenêtres qui les embellissent. Notre sac à dos a été remplacé par une valise qui se laisse emporter de gîte en gîte. Les chemins de forêt, les montées et les descentes sont ainsi plus agréables avec juste un « petit » sac à dos pour la journée !

« Aimer, ce n’est pas faire de belles choses ni rendre service. Aimer c’est révéler la beauté, révéler à l’autre qu’il est précieux, qu’il a une valeur et qu’il a un sens à sa vie. Aimer quelqu’un c’est lui dire : je me réjouis de ta présence. »

Prochain départ prévu le 6 septembre 2021…

 

Fratelli tutti…

PAR THIERRY SCHELLING | PHOTO : CIRIC

e sorelle, cela va sans dire. Dans sa dernière encyclique sur la fraternité et l’amitié sociale (2020), François liste parmi les ombres d’un monde fermé le mauvais traitement des migrants, considérés comme « second class ». Or, « une personne et un peuple ne sont féconds que s’ils savent de manière créative s’ouvrir aux autres » (n. 41). C’est le leit­motiv du Pape dans toutes ses prises de position, lui le fils de migrants italiens hébergés en Argentine…

Droits et devoirs

Et de rappeler notre tâche en tant que chrétiens vis-à-vis des migrants : « accueillir, protéger, promouvoir et intégrer » (n. 129) en visant la notion de citoyenneté pour ces personnes, leur donnant la dignité de « donneur » et « receveur », c’est-à-dire respectant leurs droits et devoirs selon le droit à migrer pour une vie meilleure…

« Inter-rencontre » fructifère

Dans la rencontre interculturelle qui suit l’accueil d’un migrant, il faut y « faire jaillir quelque chose de nouveau […] (pour ne pas risquer) de se retrouver victime d’une sclérose culturelle » (n. 134).

La peur du migrant, du voyageur, de l’allophone, peut en partie s’expliquer par le non-enracinement dans un substrat local : « Il n’est possible d’accueillir celui qui est différent et de recevoir son apport original que dans la mesure où je suis ancré dans mon peuple, avec sa culture. » (n. 143) Un appel à mieux se connaître, pour mieux (re)connaître l’autre…

La piété itinérante

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur Aigle (VD), juillet-août 2021

PAR PATRICK MULAMBA | PHOTO : F. THEYTAZ

Oser croire en Dieu comme valeur essentielle de nos vies n’est pas un acte banal. Il suppose un enracinement dans un contexte de valeurs qui sous-tendent toute notre existence. L’on ne peut sauter cette étape ni en faire l’économie, sans compromettre la qualité de la relation que le « Tout Autre » vient établir avec l’homme dans la diversité de contextes et les itinéraires historiques de ce dernier.

Acte risqué, le fait de croire suppose un bouleversement de toutes nos échelles de valeurs et nos références vitales. Il en faut de l’audace pour dépasser la tentation du narcissisme culturel, et parfois cette tendance naturelle à vivre en autarcie, en prenant soin de garder un terrain conquis où le poids de l’habitude et le confort du statu quo nous empêchent de nous aventurer en terre inconnue, fermant la porte de nos vies à toute nouveauté et au mouvement. Le migrant, l’itinérant spirituel et le nomade sont souvent suspectés et perçus comme une menace, un danger pour la survie d’une foi qui ne s’interroge plus sur ce qui la fonde et la motive. Le risque à prendre est d’autant plus grand qu’il s’agit de nous laisser interpeller par des voix venues d’ailleurs, et pas toujours en phase avec nos canons d’interprétation du rapport intime au Transcendant, ni la façon de l’entretenir. Ce mouvement d’ouverture aux autres devrait s’inscrire dans une vraie dynamique d’échange qui est à l’origine de tout acte de « croire » authentique. Car la foi, de par son essence même, naît et s’épanouit à partir de l’écoute des « autres » comme témoins privilégiés et situés du donné révélé, une « Fides ex auditu ».

Il s’agit là, pour nos Eglises, d’un risque majeur qui devient un défi important pour notre foi et sa cohérence. Il faut absolument relever ce défi dans un monde devenu un « village global » où les discours du « tout sécuritaire », les intégrismes de tout bord, et les vents des nationalismes véhiculés par les extrémismes galopants, imprègnent et inondent la vie de nos sociétés.

Je crois que la vitalité et le dynamisme révolutionnaire de notre foi en Jésus résident dans ce mouvement d’échanges incessants de nos expériences de vie, dans le respect et l’acceptation de nos différences. Nos expressions diverses de la même foi feront de nous des « pèlerins » audacieux, humbles et lucides, en route pour la « montagne de Dieu ».

 

Tous·tes en itinérance (Hébreux 13, 14)

PAR FRANÇOIS-XAVIER AMHERDT | PHOTO : DR

« Car nous n’avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous recherchons celle de l’avenir. » (Hébreux 13, 14) Dans la récapitulation inscrite dans son Appendice final, l’auteur de l’épître aux Hébreux nous invite à suivre le Christ grand-prêtre, à « sortir » de notre habitat confortable et de la maison de notre monde, à l’exemple de Jésus qui a souffert sa Passion hors de la porte et des murailles de Jérusalem (13, 12).

C’est à cette « sortie en Eglise » que nous convie sans cesse le pape François, notamment dans son exhortation apostolique La joie de l’Evangile (n. 20-24). Ainsi, nous pourrons offrir le véritable sacrifice en tout temps, le fruit des lèvres et du cœur qui confessent le nom du Fils, avec la mise en commun des ressources terrestres pour les partager avec l’ensemble de nos frères et sœurs (cf. Hébreux 13, 15-16 ; l’encyclique Fratelli tutti).

Notre vraie patrie « se trouve dans les cieux », précise Paul (Philippiens 3, 20), là où l’ancre du salut a pénétré, au-delà du voile du saint des saints, dans le temple définitif, que notre précurseur Jésus a solidement établie et plantée sur le rivage de la vie éternelle (cf. Hébreux 6, 19-20).

Celles et ceux dont l’existence est une perpétuelle itinérance nous rappellent ainsi à tous, par leur mode de vie paradoxal, que même si la terre est splendide (voir Loué sois-tu du pontife argentin), nous y sommes en exil. Notre vraie demeure est dans le sein du Père, avec l’Esprit (cf. Hébreux 11, 11.14-16). Nous pouvons déjà anticiper cet état ultime en demeurant dans le Fils, par l’amour, la prière et l’observation de sa Parole, pour que le Père et le Fils viennent faire leur demeure en nous (Jean 14, 23).

Mais rien ne sert d’accumuler des richesses, des villas et des Rolls Royce : nous ne les emporterons pas au-delà de notre trépas (cf. Luc 12, 13-21). Quand nous réfléchissons à la condition des gens du voyage, nous constatons qu’ils emmènent avec eux, dans leurs humbles roulottes, tous leurs biens et leurs possessions. Et que leur fortune est constituée par leurs compétences, leur esprit de famille et leurs enfants. De pays en pays, de place en place, jusqu’en la ville éternelle.

Puissent les voyages estivaux – s’ils peuvent avoir lieu – nous exhorter à y tendre !

En chemin…

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Sacré-Cœur, Ouchy-Lausanne (VD), juillet-août 2021

PAR MARC DONZÉ
PHOTO : MARIELLA HEINZMANN

« Mon père était un Araméen errant », disait-on d’Abraham, et aussi de Jacob, son petit-fils. Pour suivre les appels du Dieu unique et miséricordieux, Abraham entreprit un long voyage. Parti d’Ur, au bord du golfe Persique, il remonta toute la Mésopotamie, traversa le désert de Syrie pour arriver enfin dans la terre de Canaan, aux alentours de Jérusalem. Il dut même aller jusqu’en Egypte. Jacob aussi dut entreprendre la marche jusqu’aux bords du Nil.

« Marche en ma présence et sois droit. » C’était l’appel de Dieu et Abraham mit toute sa foi et toute son énergie pour le vivre.

Si Abraham est le père de tous les croyants, comme l’affirme saint Paul, le chrétien d’aujourd’hui ne doit-il pas être un homme en marche ? Le pape François y tient beaucoup. Il aime à parler d’une Eglise en sortie, d’une Eglise en campagne, d’une Eglise qui va vers les autres avec amour, respect, douceur et générosité. Une Eglise qui se referme sur elle-même, qui protège ses acquis, qui regarde le monde avec méfiance, voire avec mépris, ce n’est pas une Eglise digne d’Abraham, ni de Jésus-Christ.

La paroisse devrait être un point de départ pour « aller vers ». D’ailleurs, suivant l’étymologie, le mot « paroisse » signifie le lieu où l’on passe, un lieu de transit, une halte sur le chemin. Mais, à travers les âges, elle est souvent devenue le lieu où l’on s’installe, le lieu de la stabilité sociale et morale. « L’église au milieu du village », c’est peut-être bien… mais pour aller où, pour aller vers qui ?

Alors, la paroisse du Sacré-Cœur : un sympathique refuge ? ou un point de départ pour aller à la rencontre des hommes d’aujourd’hui, avec leurs soifs de justice, d’amour et d’infini ?

« Viens voir les comédiens, voir les musiciens, voir les magiciens, qui arrivent… », chantait Aznavour. Ils viennent en offrant des beautés et des rires. Et nous, marchant en présence du Seigneur, qu’allons-nous offrir ?

 

Un déplacement intérieur

PAR MGR JEAN-MARIE LOVEY, ÉVÊQUE DE SION

PHOTOS : VÉRONIQUE BADER ET CATH.CH

Les gens du voyage, comme on peut continuer aimablement de les appeler sont donc des itinérants. D’étape en étape ils établissent leur camp, à la merci de notre accueil. Mais leur vie est comme un mouvement perpétuel.

Chaque année, le pèlerinage est attendu comme une expérience spirituelle forte. Et, paradoxe, tandis que le terme pèlerinage renvoie à la notion de déplacement, de pérégrination, eux les itinérants s’arrêtent, une semaine durant à l’ombre de l’abbaye d’Einsiedeln. Le pèlerinage perdrait-il son sens en se figeant ainsi sur la prairie ? Certainement pas. C’est à un autre niveau que ça bouge. L’expérience habituelle de leurs déplacements leur a appris à organiser d’autres déplacements, tout intérieurs. Quand une démarche se substitue à la marche, on est en plein registre de pèlerinage. C’est la Parole de Dieu qui les met ainsi en route. Faudrait-il nous en étonner ? Comme nous ils sont enfants d’Abraham, l’itinérant ; fils d’un Dieu qui s’est fait voyageur à la merci de notre accueil.

Alors, quand ils frappent à la porte des municipalités, des cantons, pour une place de stationnement, savons-nous leur reconnaître le droit d’être accueillis ?

Communauté Yéniche en Suisse

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP Sainte-Claire (FR), juillet-août-septembre 2021

PAR JEAN-FÉLIX DAFFLON ET BERNARD AEBISCHER
PHOTO : VÉRONIQUE BADER

La communauté Yéniche en Suisse comprend environ 30’000 personnes, dont 3’000 sont restées nomades. Elle forme une minorité nationale reconnue en Suisse. La Confédération écrit dans son 4e rapport sur la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales: « Le 15 septembre 2016, le Conseiller fédéral et Chef du Département fédéral de l’intérieur Alain Berset, dans son discours d’ouverture de la fête traditionnelle Yéniche, Senti et Manouche, a exprimé que ces minorités suisses sont reconnues comme minorités nationales au sens de la Convention-cadre. » Il a aussi reconnu comme légitime la demande des Yéniches et Senti d’être nommés selon leurs propres dénominations et renonce au terme générique de « Gens du Voyage ». Il a ajouté qu’il ne s’agissait pas de jouer avec les mots, car c’est avec la langue que l’on crée la réalité.

De plus, la culture nomade des Yéniches est inscrite dans la liste des traditions vivantes de Suisse. La culture des Gens du Voyage fut également inscrite dans l’inventaire du patrimoine culturel immatériel des Pays-Bas et de la Belgique.

Origine : on trouve des traces qui indiquent la présence des Yéniches en Suisse dès le
XIe siècle. Leur langue est avant tout orale, mais d’autant plus colorée et vivante. De nos jours, de nombreux clans familiaux sont sur les routes les mois d’été, vivent et travaillent en caravanes.

Cette communauté est très croyante et beaucoup sont catholiques. Les moments forts du calendrier religieux sont importants pour elle. Ce sont les pèlerinages aux Saintes-Maries-de-la-Mer et à la Vierge noire d’Einsiedeln, considérée comme la Mère des Tsiganes. Les Yéniches se rendent en pèlerinage dans cette petite ville de Suisse Centrale et passent plusieurs jours à prier, chanter et exprimer leur foi.

Comme jamais, cette période de pandémie et surtout de confinement, a impacté ces familles déjà en situation précaire. Les plus démunies ont bénéficié d’actions spécialement organisées par la fondation Le Hérisson en relation avec La Chaîne du Bonheur.

 

Une foi en mouvement

Souvent mal aimés, car méconnus, les Yéniches, Sinti et Manouches ont subi nombre de discriminations durant des siècles. En 2016, afin de vaincre les préjugés, le Conseil fédéral leur a promis d’être reconnus en tant que minorités nationales sous leurs appellations correctes et non plus en tant que « gens du voyage ». Mais la route reste longue pour cette population empreinte d’une piété hors du commun.

PAR MYRIAM BETTENS
PHOTOS: VERA RÜTTIMAN, VERONIQUE BADER, DR, CIRIC

« Il est réellement présent avec nous tous les jours. C’est une lumière d’espoir qui nous fait avancer. » Vivre sans Dieu est impensable pour Patrick Birchler et la majorité des membres de sa communauté. Une constatation que partagent Christoph Al­-
brecht et sa collègue Aude Morisod, tous deux engagés dans l’Aumônerie catholique suisse des gens du voyage. Qui fut créée en 2003 par la Conférence des évêques suisses en tant que « paroisse non territoriale », afin de s’adapter au mode de vie des voyageurs. L’aumônerie propose des formations bibliques pour adultes, des parcours catéchétiques – selon leur culture, qui fait naturellement des liens –, offre une
présence sur les aires de stationnement, organise les traditionnels pèlerinages annuels et s’occupe de maintenir un lien vivant avec les paroisses sédentaires. « L’expérience de coexistence et d’accueil dans de nombreuses paroisses de Suisse est très positive », affirme Christoph Albrecht. Il note néanmoins que cette intégration dans la vie paroissiale reste très souvent associée aux liens d’amitié noués avec le prêtre du lieu.

L’étincelle divine

Luc de Raemy, prêtre à Payerne, en témoigne. « J’ai noué une amitié avec une famille yéniche lorsque j’étais jeune curé. C’était il y a vingt-cinq ans. Depuis, ils m’ont suivi dans chacune de mes affectations. Aujourd’hui, ils fréquentent la messe dominicale et m’appellent pour des sacrements ou des funérailles. » Mais ce n’est un secret pour personne, la relation entre la communauté yéniche de Suisse et l’Eglise demeure lestée d’un passif « douloureux et honteux », selon Christoph
Albrecht. Jusque dans les années 1970, les autorités ont tenté d’éradiquer la culture nomade, en utilisant massivement la violence et les placements forcés. « Retirés systématiquement de leurs familles (les enfants) étaient placés dans des institutions catholiques, des ordres […] qui travaillaient étroitement avec l’œuvre d’entraide des Enfants de la grand-route », mentionne la fondation « Assurer l’avenir des gens du voyage suisses ». Malgré cela, Patrick Birchler porte un tout autre regard sur ces événements. « L’Eglise est faite d’êtres humains. Ils sont fautifs, mais pas Dieu. L’Eglise reste ce qu’elle est. Il y a des moments où elle nous plaira et d’autres moins. Par contre, la foi restera la même. La confiance en Dieu persistera. Elle est l’étincelle qui brûle tout au long de votre vie et qui nous fait sentir que nous sommes accompagnés, quoi qu’il se passe. »

En chemin avec le Christ

En effet, pour Ludovic Nobel, prêtre et enseignant à l’Université de Fribourg, l’Eglise reste toujours perçue positivement. Lui-même originaire de la communauté yéniche, il réaffirme la centralité de la pratique de foi dans leur quotidien, avec toutefois quelques différences. « La spontanéité occupe une place prépondérante. Lors d’une demande de baptême, il est toujours sous-entendu que cela doit se faire rapidement. » Les signes et rituels revêtent aussi une grande importance. Luc de Raemy présume que cela tient au fait que la communauté a conservé les traditions qui avaient cours pour tous les catholiques, mais qui se sont perdues avec la sécularisation.

Vincent Roos, ancien prêtre de Versoix et actuel curé d’Ouchy, dont les contacts avec les gens du voyage étaient réguliers, avance une autre supposition. « Ces signes sont des balises sur la route. Ils constituent une stabilité dans un quotidien toujours en mouvement. » Il poursuit le fil de sa pensée : « Les horizons qui sont les leurs changent à tout instant. Avancer signifie aussi changer ses horizons. Ces itinérants sont proches de la marche dont parle Jésus. Ils sont dans le mouvement, dans cette dynamique de l’inattendu. Et qu’est-ce que la résurrection du Christ si ce n’est de l’inattendu ! Les voyageurs sont perpétuellement sur la route, et qui mieux que le Christ nous parle du chemin ? Il le personnifie même, en disant : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Je crois que nous avons bien des choses à apprendre d’eux. »

« Nous faisons partie de l’Eglise »
Une des préoccupations de la communauté des voyageurs concerne l’offre d’aires de séjour et de passage. Comme en témoignent les enquêtes réalisées par la fondation « Assurer l’avenir des gens du voyage suisses », le nombre de places s’est massivement réduit. Cela surtout en Suisse romande, en Suisse orientale et en Suisse italienne. Et Patrick Birchler ne manque pas de le souligner : « Nous faisons partie intégrante de l’Eglise et souhaitons trouver des emplacements stables. Cela nous permettrait d’y vivre et aussi de nous rassembler au nom de notre foi et de notre Eglise. » Déjà soutenu dans cette démarche par Mgr Lovey, évêque accompagnateur des gens du voyage au sein de la CES, le voyageur réitère son appel à la population : « Si des gens nous lisent et possèdent un terrain à louer avec un accès à l’eau et à l’électricité, ils peuvent prendre contact avec l’aumônerie. Cela nous serait d’une aide précieuse. » Une manière d’une part, d’aller à la rencontre de cette communauté et d’autre part, de leur donner les moyens de pérenniser leur culture.

Lexique terminologique
Yéniches, Sinti, Roms, Tsiganes, Manouches, Kalé, Gitans, voyageurs, sont autant de termes pour définir les personnes qui se rattachent à la grande famille « tsigane ».
Yéniche : ils constituent un groupe en soi parlant sa propre langue et vivent dans toute l’Europe, principalement en Allemagne, en Belgique, en Hollande, en Suisse, en Autriche et en France.
Sinti et Manouches : les Manouches (régions d’Europe francophones) et les Sinti (dans les régions germanophones et italophones) sont les descendants des Roms qui ont émigré en Europe centrale au XVe siècle.
Kalé et Gitans : présents en Espagne, au Portugal, dans le Sud et le Sud-Ouest de la France.
Roms : les Roms sont originaires d’Inde, qu’ils quittent au Xe siècle environ, puis ils émigrent principalement vers l’Europe. La langue romani a des racines sanskrites.
Tsiganes : terme générique désignant l’ensemble de ces familles de peuples.
Voyageurs : synonyme employé pour « gens du voyage ».

Qui sont les « gens du voyage » ?
En Suisse, la population d’origine yéniche est estimée à 35’000 personnes, dont la plupart sont sédentaires. Depuis la fin du XIXe siècle, les autorités, avec parfois la complicité de l’Eglise, ont tenté de réprimer leur mode de vie itinérant en les contraignant à se sédentariser. Ce n’est qu’en 1995 que la Suisse a reconnu les Yéniches, les Sinti et Manouches en tant que minorités nationales. Aujourd’hui, environ 5000 personnes ont conservé ce mode de vie itinérant. Cependant, le nomadisme joue un rôle identitaire essentiel pour ces communautés. La plupart de ceux qui se déplacent encore passent l’hiver sur une aire de séjour, leurs enfants vont à l’école du lieu et les familles sont enregistrées à la commune. Au retour de la belle saison, ils parcourent la Suisse pour rencontrer leurs clients. Les Yéniches, les Sinti et Manouches suisses exercent souvent des métiers traditionnels à titre indépendant. Toutefois, la fondation « Assurer l’avenir des gens du voyage suisses », souligne que la crise du coronavirus a affecté durement ces communautés : le manque de travail « ne leur permet plus de garantir suffisamment de revenus pour couvrir leurs frais courants ».

Une quête Dieu point zéro

Fini de fouiller ses poches à la recherche de pièces à glisser dans le panier de la quête. La paroisse Saint-François de Sales, à Genève, propose à ses ouailles de dégainer leurs smartphones durant la messe… pour faire un don. Depuis cette proposition innovante, le paiement sans contact est devenu « monnaie courante » !

PAR MYRIAM BETTENS
PHOTO : DR

Pionnière en Suisse romande, la paroisse Saint-François de Sales s’est appuyée sur une application développée par une start-up française. L’application La Quête, disponible en version Androïd ou Iphone compte déjà soixante diocèses et plus de 12’000 paroisses à son actif. En Suisse, l’application intéresse d’autres paroisses mais demande plus de temps pour s’implanter qu’en France. A la différence de notre voisin, où la totalité des dons sont gérés par le diocèse, chaque Eglise romande doit faire une demande d’adhésion individuelle destinée à la récolte de ses propres dons.

Les paroissiens de Saint-François de Sales sont encouragés à sortir leurs téléphones durant la messe. Une hérésie ? Que nenni ! Le smartphone sert, depuis l’été 2018, une juste cause : la diversification des moyens de dons. Gregory de Foy, trésorier de la paroisse, en dresse d’ailleurs un bilan plutôt encourageant : « Les paroissiens ont réalisé que l’application est facile à installer et à utiliser. Nous sommes passés d’une quinzaine de familles qui l’utilisent de manière régulière à une trentaine. » Autre point positif, « nous avons aussi amorcé un réel dialogue avec les paroissiens sur l’état des finances de la paroisse », clarifie Gregory de Foy. Il ajoute, « parler d’argent reste souvent un tabou et cette application nous a donné l’opportunité d’aborder ce sujet ouvertement ». Aujourd’hui, outre la quête via smartphone, la paroisse propose aussi de faire des dons par le bais d’un module online permettant d’utiliser une carte de crédit. « Cette révolution numérique a vraiment facilité l’accès aux dons. En plus, les donateurs peuvent, comme avec le traditionnel panier, rester totalement anonymes », avance le trésorier de Saint-François de Sales. Pour ceux, au contraire, ne sollicitant pas l’anonymat, il est possible de déduire de la déclaration fiscale l’obole faite à la paroisse. « Cette nouveauté a donné une réelle impulsion à la récolte de dons. »

La traditionnelle sortie des servants de messe…

… de l’UP Saint-Barnabé retrouve la « normalité »

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP Saint-Barnabé (VD), juillet-août 2021

TEXTE ET PHOTO PAR LAZARE PRELDAKAJ

Depuis des années (à l’exception de 2020, fortement perturbée par le COVID-19), la fête de l’Ascension a été privilégiée par l’unité pastorale Saint-Barnabé comme une bonne occasion pour dire MERCI à tous les servants de messe qui s’engagent dans nos quatre paroisses.

Ce 14 mai, nous étions 49 participants pour la sortie (43 servants et 6 accompagnateurs). Les quatre paroisses étaient bien représentées et nous les remercions pour leur participation. La sortie a été harmonieusement organisée en trois temps : ludique, spirituel et historico-culturel. Le ludique, très apprécié par les enfants, a eu lieu dans le grand parc de jeux d’Evionnaz (Labyrinthe aventure) suivi par le pique-nique ; le spirituel a culminé avec la célébration de la messe à l’abbaye de Saint-Maurice et enfin le troisième temps, soit l’historico-culturel, a eu lieu dans cette même abbaye moyennant une visite autoguidée.

Chers servants, merci à tous d’être là pour S-ervir E-nsemble l’Eglise et la communauté, de nous aider à R-encontrer le vrai V-isage du Christ dans l’eucharistie qui se donne sans cesse pour chacun chacune d’entre nous, à A-ccueillir et accompagner les N-ouveaux venus qui désirent servir à la table du Seigneur et à T-émoigner par votre présence de l’image d’une église jeune et S-aine.

Avec tous les servants de messe, nous remercions la paroisse de Surpierre pour l’organisation, et en particulier Mme Ludmilla Bongard qui a su harmoniser en une seule journée le ludique, le spirituel et l’historico-culturel. Merci également à toutes les accompagnatrices et accompagnateurs de nos paroisses qui ont répondu présent et donné de leur temps pour accompagner les jeunes et vivre avec eux cette belle sortie.

 

Une année avec saint Joseph

Il y a quelques mois, le Pape a ouvert une année consacrée à saint Joseph, patron des familles et des travailleurs. Méconnu, ce grand saint est un soutien particulier pour traverser les périodes troublées.

PAR BÉNÉDICTE DROUIN-JOLLÈS | PHOTO : DR

Le Pape veut « dépoussiérer » saint Joseph ; sa décision de le remettre à l’honneur est le fruit d’une méditation mûrie pendant le premier confinement. Il nous la partage dans la lettre Patris corde. Beaucoup comme Mgr Alain de Raemy l’ont remarquée et saluée. « Comme toutes les lettres, elle pourra être lue et relue, ce ne sera pas du temps perdu, je n’ai jamais vu en si peu de pages un si grand condensé de sagesse chrétienne… Il est tout sauf compliqué, écrit aux jeunes l’évêque auxiliaire du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. »

Le pape François présente Joseph, un peu comme un grand-père livre ses trésors à ses enfants et petits-enfants. « Chaque malade, chaque pauvre, chaque père de famille soucieux, chaque époux inquiet est un enfant dont Joseph se préoccupe… » Il est tellement discret qu’on peut l’oublier. « Il nous rappelle que tous ceux qui sont apparemment en « deuxième ligne » jouent un rôle inégalé dans l’histoire du salut. » Joseph, père adoptif du fils de Dieu est aussi l’époux et protecteur de la Vierge Marie. Dommage d’aller vers l’un ou l’autre sans le rencontrer.

A une époque où la paternité est parfois difficile à assumer sereinement, le Pape propose celle de cet homme qui reçoit sa force et sa tendresse de Dieu. Malgré les contrariétés, il avance confiant et obéissant et les surmonte avec un « courage créatif ». A l’heure où les relations entre hommes et femmes sont parfois tourmentées, le Pape montre en exemple cet homme empreint de respect et de délicatesse, fidèle et présent malgré les difficultés. Tout comme Marie à l’annonciation, il croit à l’appel reçu de Dieu. Qu’il nous aide à avancer avec la même confiance au cœur de nos familles.

Renaissance de la Jeunesse de Cressier

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur Haut-Lac (FR), juillet-ao û t 2021

TEXTE ET PHOTO PAR PIERRE-CLÉMENT SCHMIDT

La société de Jeunesse de Cressier est un groupe de jeunes dès l’âge de 16 ans. Son but est de permettre aux jeunes Cressiacois de rester en contact alors que leurs études ou apprentissages tendent à les éloigner. C’est pourquoi la Jeunesse se retrouve tous les jeudis soir dans son local mis à disposition gracieusement par la commune. Ce local est appelé La Cave et se situe dans le bâtiment de l’école primaire.

En plus de se voir chaque semaine, les jeunes de Cressier organisent une fois par an une sortie de jeunesse et participent aux rencontres des Jeunesses Fribourgeoises.

La société de Jeunesse tente de briser la monotonie du quotidien en organisant diverses manifestations telles que, selon les années, la tournée du Premier mai, le pique-nique villageois, la soirée-pizza, la Bénichon, la Saint-Nicolas, le service de la soupe de Carême et celui du thé après la messe de minuit.

Elle ouvre également son local à la population à différentes occasions.

Après les actions solidaires suite au Covid-19, proposées aux personnes à risque ou dans le besoin, la Jeunesse est malheureusement restée en stand by.

Malgré la pandémie qui n’est pas encore terminée, elle désire se remobiliser pour organiser différentes manifestations au village dès que l’autorisation sera donnée.

Un nouveau président sera élu ; il souhaite que les jeunes de Cressier le rejoignent pour former une joyeuse équipe dans une belle et dynamique société.

Pour tout renseignement : Tristan Deiss, route de la Pâla 33, tél. 079 896 29 01, courriel : tristan.deiss@gmail.com

 

Emaux de la Création, Jean Prahin…

…église Saint-Victor, Ollon

PAR AMANDINE BEFFA | PHOTO : JEAN-CLAUDE GADMER

« Au commencement, Dieu créa… »

Ces quelques mots ouvrent le champ de tous les possibles. Et ce sont eux qui ont guidé Jean Prahin : l’œuvre qu’il a réalisée pour l’église d’Ollon est un extraordinaire hymne à la création. Elle nous invite à ouvrir notre Bible et à méditer le récit fondateur.

Tourné vers l’extérieur

Le deuxième jour, Dieu sépare les eaux du dessus et les eaux du dessous. Ces eaux du ciel et de la terre sont représentées par les bandes bleutées en haut et en bas.

Le troisième jour, Dieu fait paraître la terre ferme et fait pousser les arbres et les buissons. A première vue très similaires, les végétaux de Prahin révèlent peu à peu leurs différences.

Le quatrième jour, Dieu crée les grands luminaires qui rythment les jours et les années. Ils sont fixés à gauche et à droite dans la bande de ciel.

Le cinquième jour, Dieu remplit le ciel et la mer d’une myriade d’êtres vivants. Poissons, coquillages, étoiles de mer pour les eaux de la terre ; oiseaux pour les eaux du ciel. L’œuvre de Prahin commence à prendre vie.

Le sixième jour, Dieu crée ceux qui habitent la terre ferme : les animaux et l’être humain. L’être humain est au cœur de l’œuvre, comme il est au cœur de la création. Le mouvement n’est pas égocentrique, mais tourné vers l’extérieur. Il semble que la vie part du centre pour se répandre dans chaque coin, réponse à l’invitation du Créateur : « Remplissez la terre. » (Gn 1, 28) L’être humain est béni pour bénir à son tour.

Harmonie des origines

Le cercle qui entoure les êtres vivants semble symboliser cette harmonie des origines, lorsque chacun avait sa place et son rôle à jouer. Mais il résume aussi le mouvement Créateur, partant de la main de Dieu pour y retourner. Tel le souffle qui planait sur les eaux (Gn 1, 2), souffle qui ne retourne pas au Père sans avoir porté du fruit.

« Cela était beau »

En hébreu, le même mot signifie à la fois beau et bon. « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait ; et voici : cela était très bon. » (Gn 1, 31) Et l’artiste vit que cela était beau.

Livres

Yéniches les derniers nomades d’Europe

Christian Bader

Venus des pays de langue germanique, où leur présence est attestée depuis plusieurs siècles, les Yéniches ou « Tsiganes blonds » constituent aujourd’hui, en France, le groupe le plus nombreux au sein de la communauté des Gens du voyage. Pour autant, ils restent très peu connus du grand public, qui ignore parfois jusqu’à leur existence. Ils s’efforcent aujourd’hui d’en savoir davantage sur leurs origines mystérieuses et sur leur histoire, s’interrogent sur une spécificité qui les distinguerait autant des sédentaires que des Tsiganes, et cherchent à rassembler les vestiges de leur langue secrète, depuis longtemps vouée à l’oubli.

Ce livre est dédié au peuple yéniche, dont les questions trouveront ici, non pas tant des réponses définitives, mais des éléments susceptibles de conforter la démarche identitaire dont beaucoup de ses représentants, qui se disent volontiers intégrés mais non assimilés, se réclament aujourd’hui avec fierté. Il contient également le premier recueil, en français, de plusieurs centaines de mots yéniches encore employés de nos jours par les derniers Yéniches d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse alémanique.

Contes nomades; sur les chemins des peuples nomades du monde entier

Mongols, Tsiganes, Touaregs ou Sioux, à cheval, en traîneau ou en
roulotte…
Voici 18 contes des peuples nomades, un jour ici, l’autre ailleurs,
glanés sur les chemins du monde entier.

6-9 ans
Catherine Gendrin

Le difficile chemin vers l’amour

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur de l’Entremont (VS), juillet-août 2021

Créé par amour pour aimer… Ces quelques mots tirés de la prière du pèlerin de la montagne résument tant l’origine que le but de chaque existence. Mais derrière la simplicité des mots se cache la complexité de la vie. Car l’amour a des concurrents, sérieux, innombrables et actifs. Entretien avec Mme Marylou Del Sordo Voutaz, aumônier à l’ERVEO d’Orsières, depuis 10 ans.

Par Michel Abbet | Photos : Annelyse Bérard, DR

Quelle est votre activité au sein de l’ERVEO ?

Je rencontre les jeunes tous les mardis sur le temps de midi. Ces échanges sont facultatifs. Les thèmes abordés sont l’amitié, apprendre à se connaître, du coup de foudre au grand amour, est-ce important de croire en Dieu, la mort, le spiritisme, les jeux vidéo, les addictions, les témoignages, etc. 

Des thèmes que vous proposez ?

Non, ce sont les jeunes qui me les demandent, et la sexualité est le sujet le plus récurrent. Je trouve ça normal, c’est à cet âge qu’on se pose beaucoup de questions. J’essaie de témoigner, quand je peux, que Dieu est le créateur de l’homme, donc de l’amour qui émane de l’homme.

Parler d’amour, c’est difficile…

Cela ne devrait pas, puisqu’il fait vivre le cœur de chacun. Dès son plus jeune âge, l’enfant se nourrit de l’amour de ses parents. Puis, progressivement, il est appelé à construire sa propre histoire d’amour.

Magnifique programme…

C’est sûr… si cette construction peut se dérouler dans de bonnes conditions. D’où le désir de donner au jeune des bases saines pour qu’il puisse faire son chemin de manière harmonieuse.

Qui dit chemin dit aussi durée…

Oui, l’amour se prépare, il a besoin d’une lente maturation pour s’épanouir. Laissons aux jeunes ce temps d’apprentissage si important.

Vous avez l’impression qu’ils n’ont plus ce temps ?

C’est plus qu’une impression, c’est une conviction et même une certitude.

Qu’est-ce qui vous fait penser cela ?

L’évolution de la technique a complètement modifié notre façon de vivre. Tout s’est accéléré. Il y a une satisfaction quasi immédiate des besoins. Si du point de vue matériel on peut y trouver des avantages, en amour c’est une tout autre question. L’amour a besoin de temps. De plus, il est exigeant et demande souvent des efforts. On est loin du plaisir tout de suite assouvi.

La technique a modifié les habitudes ?

Pas besoin de se cacher la face ni de prendre des chemins détournés. Cela fait longtemps que je côtoie les jeunes, j’ai pu me rendre compte que la transformation ne touche pas seulement leurs habitudes, mais aussi leur personnalité. Aujourd’hui, on donne presque un Natel à chaque jeune, alors qu’il n’est même pas encore adolescent. Et souvent, on le laisse se débrouiller, sans contrôler ce qu’il en fait. Avec ce qu’on trouve sur Internet, cela me semble irresponsable.

Vous n’exagérez pas un peu ?

Malheureusement non. Très tôt, les jeunes sont confrontés à la pornographie. Pour la construction de leur personnalité, ces images sont destructrices. De plus, elles créent très vite un sentiment d’addiction et une image perverse de l’amour. C’est exactement ce que recherchent les auteurs de ces films.

Qu’est-ce qu’il faudrait faire ?

Se révolter ! Ne pas accepter qu’on malmène ainsi notre jeunesse et l’ensemble des gens. La pornographie ne trouble pas seulement les jeunes, elle a un effet considérable aussi sur les adultes qui sont les plus grands consommateurs. 

Quel effet ?

D’abord, la pornographie réduit l’acte sexuel à un simple jouissance physique. C’est un mensonge. L’acte sexuel est le sommet d’une relation humaine, il exige une confiance et un amour absolus entre les deux partenaires. Ensuite, elle crée chez les individus une dépendance toujours plus forte. Toujours plus souvent, plus longtemps, plus violent, plus salace : ce sont les quatre règles du porno. La personne qui se laisse prendre va s’isoler toujours davantage et devenir dépendante de ces images : sa vie sociale et sa relation à l’autre vont s’en trouver très perturbées. Information importante : les filles sont autant touchées par ce phénomène que les garçons. 

Que faut-il faire pour lutter contre ce fléau ?

D’abord en parler : beaucoup, souvent, librement. Trop longtemps on a confondu intimité et silence. Aujourd’hui, il faut communiquer aussi sur le thème de l’amour, c’est une urgence. Avec ses enfants surtout ! Avant l’âge d’entrée au cycle, il est pratiquement certain que la plupart des élèves ont déjà vu des images pornographiques voire des films. Or, les professionnels sont unanimes : des images pornographiques vues avant l’adolescence sont assimilables à un viol visuel. Il faut les prémunir, les préparer, car pour eux, la première fois qu’ils verront ces images, ce sera comme une agression. Et c’est important qu’ils sachent que ce qu’ils ont vu ne correspond pas à la réalité. Formons-les. Les moyens existent. Utilisons-les ! 

Quelques mots avec M. Josué Lovey, directeur du CO d’Orsières

M. le directeur, quand on évoque la pornographie…

De plus en plus de jeunes y sont confrontés. Notre école, comme n’importe laquelle d’ailleurs, n’échappe pas aux problèmes de société. Nous devons en être conscients.

Alors…

Alors, il faut dire que les jeunes du CO dans leur ensemble vont bien. Mais la multiplication du temps sur les écrans mène à des dérives, dont celle que vous traitez dans cet article.

Ensuite…

Il est préférable de ne pas se focaliser sur ce seul aspect mais d’aborder la personne dans son ensemble. L’école met en place passablement d’activités  de prévention (ateliers SIPE, programme « Sortir ensemble et se respecter », cours sur les dangers liés à internet,…). A travers sa charte et la médiation par les pairs, notre école promeut des valeurs qui favorisent une vie commune agréable et un respect mutuel.

Ce qu’en disent les jeunes

Je trouve que le monde a évolué de façon négative. Tout le monde peut avoir accès à des vidéos ou photos pornographiques. Tout est livré au public, même les petits peuvent avoir accès, ce qui ne devrait pas se faire. Le porno ne respecte pas l’image des femmes ou de l’humain.

Je trouve cool de pouvoir parler à l’aumônerie de sujets que l’on n’aborde pas forcément à la maison et de pouvoir donner son avis. 

J’apprécie d’avoir une heure comme l’aumônerie où l’on peut parler de tout. Au sujet de la pornographie, c’est dommage qu’il y en ait tant, partout. Mais si ça fait plaisir aux gens, pourquoi pas, mais sans abus.

A l’aumônerie, on peut parler de tout, c’est bien. Pour moi, la pornographie est faite pour les garçons et pas pour les filles. 

Lourdes autrement… aussi en Suisse !

PAR CHANTAL SALAMIN | PHOTOS : BERNARD HALLET

Toutes les infos sur pele-ete-lourdes.ch

Quand vous demandez à une personne qui revient d’un pèlerinage à Lourdes: « Alors, raconte ? », vous vous entendrez probablement répondre: « Lourdes cela ne se raconte pas, cela se vit ! Viens avec nous l’année prochaine. »

Alors que les trois derniers pèlerinages interdiocésains à Lourdes ont dû être annulés en 2020 et mai 2021, qu’un pèlerinage en juillet 2021 comme avant ne peut pas avoir lieu, la commission pastorale qui prépare les célébrations et veille à ce que l’esprit du Christ souffle dans le cœur des pèlerins a pris la décision de proposer « Lourdes autrement » : à Lourdes, en pérégrinant dans les différents cantons romands et même depuis chez soi !

Des rencontres en présence-ciel

S’il est impossible de raconter Lourdes, c’est qu’on y goûte déjà le ciel. L’été, toutes les générations se rencontrent autour des malades… avec eux nos visages s’illuminent.

Chaque « groupe » – enfants de 7 à 12 ans, ados de 12 à 15 ans et jeunes de 16 à 25 ans, familles avec des enfants en bas âge, hospitalier-ères, chanteur-ses, pèlerin-es, malades – vit des moments qui lui sont propres, de petits pèlerinages adaptés, et se retrouvent pour célébrer ensemble dans une grande famille qui chemine avec le Christ, Marie et Bernadette.

Un pèlerinage depuis chez soi

A l’heure où paraît cet article les inscriptions sont closes pour aller à Lourdes ou participer aux journées en Suisse.

Mais vous pouvez le vivre avec des amis, en famille, en visite à l’hôpital ou dans un home… grâce au carnet de route du pèlerin et à la diffusion des principales célébrations sur internet.

Les liens de téléchargement et de visionnage sont disponibles sur le site du pèlerinage pele-ete-lourdes.ch

Lourdes autrement… depuis là où vous serez, ne manquez pas l’occasion de faire découvrir
l’esprit de Lourdes en le vivant en famille et avec vos amis !

Jeux, jeunes et humour – juillet-août 2021

Par Marie-Claude Follonier

Question d’enfant

Dieu prend-il des vacances ?
Dieu, cotrairement à nous qui devons prendre des temps de repos, est disponible 24h sur 24 chaque jour de l’année.
Il ne prend pas de vacances et demeure tout le temps là au fond de ton cœur pour t’écouter. A chaque instant, tu peux donc lui confier tes joies et tes peines, le remercier pour ce que tu vis de beau et lui demander de t’aider dans les situations difficiles.

par Pascal Ortelli

Humour

Un monsieur passait deux fois par semaine la frontière franco-suisse en vélomoteur.
Interpellé par le douanier pendant près de vingt ans, notre gaillard avait toujours la même réponse : « Rien à déclarer ! » Le douanier avait tout contrôlé : les sacoches, l’intérieur de la fourche, les pneus, la chambre à air, le dessous de la selle.
En vain ! Parvenu à un jour de la retraite, le douanier demanda au frontalier, en lui promettant de ne pas l’amender : « Allez, dites-moi, qu’est-ce que vous faisiez passer en douce ? » « Des vélomoteurs ! »

par Calixte Dubosson

Présence auprès des Gens du Voyage

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP Sainte Marguerite Bays (FR), juillet-août 2021

En Suisse, les Gens du Voyage font partie d’une longue tradition. Ils sont appelés Yéniches; l’analyse linguistique de leur langue montre une base de rotwelsch, dialecte germanophone parlé dans la région de Bâle – Aarau – Zurich au 11e siècle déjà (cf. Ch. Bader, Yéniches, les derniers nomades d’Europe, éd. l’Harmattan, 2007).
Cela prouve leur présence sur notre territoire déjà avant la création de la Confédération.

PAR CR ET AUDE MORISOD
PHOTOS : AUDE MORISOD

Aujourd’hui, une partie d’entre eux se sont sédentarisés, tandis que d’autres sont toujours nomades ou semi-nomades.

S’ils voyagent dans le pays, jusque dans la Glâne, c’est d’abord pour des raisons de travail. Leurs métiers varient : ils sont rémouleurs, brocanteurs, vanniers, merciers, récupérateurs de métaux, etc. Nous avons interviewé Aude Morisod qui les accompagne depuis de nombreuses années dans le cadre de l’Aumônerie catholique suisse des Gens du Voyage :

Pourriez-vous nous dire ce qui vous a motivée à ce type d’engagement ecclésial ?

J’ai commencé par être marraine de confirmation d’une femme yéniche de mon âge environ. C’était en 1995. Un chef de famille avait demandé la confirmation pour nombre de personnes de sa parenté, et le frère Jean-Bernard Dousse OP avait préparé le groupe à recevoir le sacrement. Tout de suite je me suis sentie bien parmi eux. Avec le frère Jean-Bernard et une Petite Sœur de Jésus qui avait vécu parmi les Nomades, nous avons commencé à les accompagner, mais d’emblée dans une réciprocité, c’est-à-dire que tout de suite il y a eu parmi les Yéniches des personnes engagées en Eglise : nous avons grandi ensemble « à hauteur du regard ».

Pourriez-vous nous dire quelque chose de leur identité ?

Les Yéniches sont des Tsiganes. Cependant ils sont d’origine européenne.

Ont-ils des traditions ?

Oui bien sûr, et très importantes, car elles soudent leur appartenance au groupe familial.

Ont-ils une appartenance identitaire au pays, ou font-ils partie de l’ensemble des Gens du Voyage présents en Europe ?

On peut dire les deux ! Dans le sens qu’ils se sentent pleinement suisses, à juste titre, si l’on considère leurs origines (voir plus haut). J’ai coutume de dire qu’ils furent suisses avant moi, dont le canton d’origine, le Valais, n’est entré qu’en 1815 dans la Confédération. Mais encore davantage, si l’on sait que les chants populaires de notre Suisse profonde ont été composés par des musiciens yéniches. Je songe par exemple à Grüezi wohl, Frau Stirnimann ! Et oui encore, d’autre part, ils revendiquent une appartenance à l’ensemble des familles tsiganes qui sont en Europe. Nous en faisons la belle expérience en participant aux CCIT (Comité catholique international tsigane), qui rassemblent des Rom, des Manouches, des Sinti, des Travellers, des Gitans, bref, différents Tsiganes de toute l’Europe, engagés en Eglise.

Pourriez-vous nous décrire leur situation civique aujourd’hui dans notre pays ?

Leurs conditions de vie se sont sans doute améliorées dans leur quotidien, mais cependant le grave problème est le manque drastique de places de stationnement. En Suisse, à peine 50% des besoins en places est couvert. Pour ce qui est du canton de Fribourg, une action est en cours auprès du Conseil d’Etat, plus spécialement auprès du Département de l’Aménagement du Territoire, pour obtenir une seconde place permanente pour l’hiver, car la place de la Pila sur la commune d’Hauterive ne suffit plus. Les familles s’agrandissent très vite, on se marie jeune chez les Yéniches. Les citoyens suisses doivent faire de la place, au sens propre comme au sens figuré, à leurs concitoyens nomades. C’est juste une attitude civique envers d’autres concitoyens.

Pourriez-vous nous décrire le ministère de l’Aumônerie au sein de ce groupe ?

Par membres de l’Aumônerie, nous entendons à la fois des Sédentaires, – dont notre aumônier national, le Père Christoph Albrecht SJ –, et aussi des Voyageurs, qui désormais assurent les catéchèses d’enfants, leur préparation aux sacrements de la première communion, ou qui accompagnent les adultes en leurs partages bibliques, selon leur culture. L’Aumônerie assure donc le lien à l’institution Eglise catholique, dans les deux sens : à la fois en permettant aux Voyageurs de se retrouver comme catholiques inclus dans la communauté ecclésiale, et, dans un sens réciproque, en ouvrant les autres catholiques à la culture yéniche, en se laissant renouveler, rafraîchir, en quelque sorte, par leur manière sans doute plus directe, plus immédiate, de considérer la religion, la relation à Dieu et aux autres. Nous avons tous à apprendre des autres en leur différence.

Auriez-vous un message à donner au peuple glânois en leur nom ?

Oui bien volontiers ! Quand vous rencontrerez des Yéniches, si c’est à l’intérieur de votre église, laissez-vous interpeller par leur sens inné du sacré, par leurs chants
si joyeux, par leurs familles qui rassemblent 4 ou 5 générations. Et si c’est à la porte de votre maison, parce qu’ils vous demanderaient un travail que vous pourriez leur offrir, ne le leur refusez pas, accueillez-les : en ce temps de pandémie, ils ont grand besoin de gagner leur vie. Merci pour eux !

 

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