Carême

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP La Seymaz et UP Champel / Eaux-Vives, Saint-Paul / Saint-Dominique (GE) mars 2021

PAR JOEL AKAGBO | PHOTO : DR

« Seigneur, avec toi, nous irons au désert… »

Ce chant de Carême nous révèle le sens profond du Carême. Que signifie pour nous chrétiennes, chrétiens, « aller au désert ? ».

Le Carême est souvent associé à la notion du « désert » à cause des 40 ans du peuple élu au désert avant d’entrer en terre promise (Nb 11, 1-25, 18), aussi des 40 jours de jeûne et de prière de Jésus au désert après son baptême ( Mt 4, 1-11).

« Aller au désert » est perçu par le prophète Osée comme un temps de fiançailles : « Voici que moi je la séduis et la conduirai au désert et je parlerai à son cœur… Et je te fiancerai à moi pour toujours. » (Os 2, 14.16)

Si la période du désert est donc envisagée chez le prophète Osée comme une préparation au mariage, durant le Carême Dieu attend son peuple comme un fiancé attend avec impatience sa future épouse. Le désert est donc le temps d’attente et de préparation en vue d’un événement magnifique. En hébreu, le mot « désert » ressemble au mot « parole », c’est pourquoi durant le Carême, nous sommes appelés à ouvrir notre cœur pour écouter la voix du Seigneur et à manger sa parole.

Ces quarante jours sont le temps de grâce, le moment favorable que l’Eglise met à notre disposition afin de repartir d’un bon pas, réorienter notre marche, purifier notre cœur et secouer notre torpeur.

Le Carême nous invite à une démarche de réconciliation avec Dieu et avec notre prochain (2 Co 5, 20), à la prière persévérante, au partage généreux, à la miséricorde et à la compassion.

Il n’est rien d’autre qu’un chemin d’amour vers le Père. Ce temps fort commence le Mercredi des cendres et s’achève avec la Semaine sainte et le dimanche de Pâques.

En ce temps de crise généralisée, il nous faut simplement nous tourner vers notre Père, vers nos frères et sœurs avec une grande charité par l’intercession de saint Joseph.

Le pape François nous rappelle que notre vocation chrétienne est de faire connaître l’amour miséricordieux que le Christ porte à chacune et chacun de nous : « Tant de cœurs ont besoin d’être réchauffés à la flamme de son amour ! »

Bon et fructueux Carême et bonne Montée vers Pâques !

La Sagesse, notre divine Compagne pour 2021 ?

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP La Seymaz et UP Champel / Eaux-Vives, Saint-Paul / Saint-Dominique (GE), mars 2021

PAR MARIE VERENNE

« La sagesse de ce monde est folie auprès de Dieu. » (1 Co 3, 19)

La sagesse, voilà un mot qu’on n’utilise plus guère. Sait-on encore ce qu’il signifie ? On parle plutôt intelligence, performance, compétitivité…, dans notre culture athée, qualités requises pour prospérer sur terre en vue du succès et de la richesse. Jésus le dit, dans le domaine profane, « les fils de ce monde-ci sont plus avisés envers leurs propres congénères que les fils de la lumière ». (Lc 16, 8)

« Yahvé prend les sages au piège de leur ruse ; leurs habiles conseils se trouvent dépassés. Ils butent en plein jour contre l’obscurité, tâtonnant dans la nuit, alors qu’il est midi. » (Jb 5, 13-14)

La Sagesse avec un grand S, le Don le plus élevé de l’Esprit, n’a rien de commun avec cette « habileté » qui dévie trop souvent vers la malignité. Elle s’y oppose même, requérant les Vertus premières de la Foi : humilité, charité, pureté, douceur, obéissance…

« … mettez-vous à Mon école, car Je suis doux et humble de Cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. » (Mat 11, 29)

Etre sage selon la Bible, c’est se reconnaître créature pécheresse, entièrement redevable au Dieu d’Amour et au Sacrifice Rédempteur de Jésus, puis travailler à se soumettre toujours plus authentiquement à Sa Volonté très parfaite, exprimée par Sa Loi, avec le cœur d’un enfant aimant. Pourquoi ? Parce que l’homme est fait pour le bonheur et que c’est là l’unique voie qui y conduise. Il faudrait être fou pour se condamner à l’horreur éternelle ou même à un dur Purgatoire, quand Jésus nous propose les Félicités indicibles du Royaume !

Si nous nous confions corps et âme à Marie, Trône de la Sagesse, Elle nous rendra disponibles à l’accueil de ce Trésor divin et nous ramènera au Bien quand nous dévierons, tentés par les suggestions alléchantes de Satan.

La Sagesse est plus précieuse que tout l’or de la terre, préférable à la santé et à la beauté 1, car Elle est « un effluve de la Puissance de Dieu, émanation toute pure de la Gloire du Tout-Puissant » (Sg 7, 25) qui éclaire l’esprit et le cœur, conseille et console, sanctifie et apporte le Salut.

« Elle enseigne la modération, le discernement, la justice et la force. Dans la vie, il nest rien de plus utile aux humains. »
(Sg 8, 7)

Dans Sa grande Tendresse, le Père a voulu qu’Elle « se laisse trouver par ceux qui la cherchent » (Sg 6, 12), afin que les plus petits n’aient pas de peine à La prendre pour Maîtresse : « Elle se laisse facilement contempler par ceux qui Laiment… Elle va au-devant d’eux et… leur apparaît avec bienveillance. » (Sg 6, 12-16)

Y a-t-il plus beau et noble projet pour l’année nouvelle que de convoiter l’intimité avec la Sagesse ?

« Cest Elle que jai chérie et recherchée dès ma jeunesse ; jai désiré faire d’Elle mon épouse et je suis devenu amoureux de sa beauté. » (Sg 8, 1-2)

1 Cf. Sg 7, 10-11.

 

 

Le Notre Père, ses traductions

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP La Seymaz et UP Champel / Eaux-Vives, Saint-Paul / Saint-Dominique (GE), mars 2021

Dans le cycle de cours publics de la faculté de théologie de l’Unige, Anne-Catherine Baudoin, maître d’enseignement et de recherche en Nouveau Testament et christianisme ancien, a proposé une lecture du Notre Père sous trois angles : la transmission, la traduction et la transposition. Voici un bref aperçu de sa vision des traductions de cette prière.

PAR PASCAL GONDRAND | PHOTOS : WIKIMEDIA COMMONS

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP La Seymaz et UP Champel / Eaux-Vives, Saint-Paul / Saint-Dominique (GE), mars 2021

 

Le Notre Père est connu dans le christianisme indépendamment de sa position dans le Nouveau Testament, a rappelé Anne-Catherine Baudoin. Cette prière appartient tant à la culture orale qu’à la culture écrite, à la culture liturgique et spirituelle autant qu’à la Bible. La professeure a posé l’hypothèse que ce statut particulier la place dans une situation stratégique et facilite sa pénétration dans des domaines très divers. Un de ces domaines est sa traduction.

Au XVIe siècle, le premier savant à avoir recueilli des traductions de cette prière dans le but d’étudier et de présenter chacune d’entre elles est le Zurichois Conrad Gessner (1516-1565), un savant contemporain de Zwingli, qui a publié en 1555 un traité sur les différences entre les langues intitulé Mithridate. Sur les différences entre les langues.

Conrad Gessner a rappelé dans son introduction que Mithridate, celui que nous connaissons par la mithridatisation, roi de 22 peuples, était, selon Pline l’Ancien, capable d’haranguer chacun d’entre eux dans sa langue respective. On notera que dans la Zurich de la Réforme le multilinguisme était une arme pour diffuser le christianisme. D’ailleurs, dans son introduction, Conrad Gessner précisait que « Dans notre cité, toute limitée qu’elle soit, c’est en latin, en grec, en hébreu, en allemand, en italien, en français, en anglais et dans certaines autres langues qu’on lit, à la gloire de Dieu, les Saintes Ecritures, qu’on en acquiert la connaissance, qu’on les célèbre. » Comme on le voit dans le titre de son ouvrage, Differentis Linguarum, il met l’accent sur les différences entre les langues alors que d’autres humanistes, à la même époque, se lancent dans des études pour trouver une langue originelle, la langue d’avant Babel. Conrad Gessner présente dans son recueil 110 langues, par ordre alphabétique, en donnant pour 27 d’entre elles, celles dans lesquelles le christianisme s’est implanté, le Notre Père, à savoir son texte, ou sa transcription. Il pose ainsi les fondements de la linguistique comparée, sans faire lui-même œuvre de linguiste mais plutôt d’encyclopédiste. Cette pratique de la présentation des langues du Notre Père, accompagnée de ses traductions, a fait école et s’est étendue au XVIIe et au XVIIIe siècles. L’un des recueils qui a eu beaucoup d’influence est celui d’Andreas Müller (1630-1694), orientaliste berlinois spécialiste de la langue chinoise, qui a publié en 1680, sous un pseudonyme, un recueil de 83 versions du Notre Père, Oratio Orationum s s. Orationis Dominicae Versiones. Il n’a pas classé ces versions par ordre alphabétique comme l’avait fait Gessner mais par zones géographiques : langues asiatiques, langues africaines, langues européennes, etc. L’ouvrage fut notamment réédité en 1715 et cette dernière édition, due à John Chamberlayne (c. 1668-1723) est la plus étoffée – plus de 140 langues. Cet ouvrage conserve la présentation par régions, qui va permettre à Gottfried Hensel (1687-1765), dans sa Synopsis Universae Philologiae publiée en 1741, de proposer quatre superbes cartes qui ont été reproduites par la suite de manière indépendante.

Anne-Catherine Baudoin a rappelé que le Carmel du Pater, à Jérusalem, construit au XIXe siècle sur les ruines de la basilique constantinienne dite de l’Eleona, en raison de sa situation sur le Mont des Oliviers, est orné de plaques de céramique polychrome sur lesquelles figurent différentes traductions du Notre Père, plaques qui se sont multipliées au fil du temps dans un grand esprit de Pentecôte. Ce lieu est associé dans la tradition, en particulier à partir des croisades, à l’enseignement de Jésus. Au début du XXe siècle, sur le Monument de la Réformation, à Genève, on a fait la même chose. Autour des grands réformateurs, le Notre Père a été gravé dans la pierre en français et en anglais, puis plus tardivement en allemand. Avec le Carmel du Pater et le Mur des Réformateurs, Anne-Catherine Baudoin a alors fait un bond dans
le temps et a rejoint l’époque contemporaine.

En conclusion elle a lu le Notre Père dans quelques langues qui nous sont familières :

« Notre Père qui êtes au cieux… Restez-y » (Jacques Prévert, 1900-1977),

« Hallowed be thy Name »,

« Dein Reich komme »,

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »,

« Dacci oggi il nostro pane quotidiano »,

« Forgive us our trespasses as we forgive our debtors »,

« Und führe uns nicht in Versuchung » (la fameuse tentation),

« But deliver us from evil »,

« Dein ist das Reich »,

« The power is Yours »,

« Et la gloire »,

« Forever and ever »,

« Amen ».

Ainsi peut-on réciter le Notre Père, à condition bien sûr d’être multilingue !

 

 

Année Saint Joseph !

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP La Seymaz et UP Champel / Eaux-Vives, Saint-Paul / Saint-Dominique (GE), mars 2021

PAR THIERRY SCHELLING
PHOTO : DR

C’était le 8 décembre dernier, le pape François signe et édite une Lettre apostolique pour marquer les 150 ans de la proclamation de saint Joseph comme patron de l’Eglise universelle.

Un peu d’histoire

C’est le pape Pie IX qui, le 8 décembre 1870, signe une Lettre proclamant Joseph patron de l’Eglise universelle, chahutée par mille vents contraires – on est à moins de deux mois après la suppression officielle des Etats Pontificaux et de la non-fin 1 du Concile Vatican I ! – et qui cherche un équilibre spirituel dans le refuge auprès de la paternelle figure de Joseph. Ce sont les prélats qui avaient participé au Concile et dû fuir à l’entrée des troupes italiennes, qui pétitionnent le pape pour une telle démarche.

C’est également par cette Lettre que le
19 mars fut déclaré solennité à saint Joseph, comme « double rang de première classe » dans la hiérarchie des jours liturgiques 2. L’Eglise luthérienne et la communion anglicane le commémorent également le 19 mars, alors que l’Orthodoxie byzantine le fête le jour de clôture du cycle de Noël ! Et c’est Pie XII qui inscrivit la fête de saint Joseph, patron des travailleurs, au 1er mai, pour coïncider avec la Journée internationale des travailleurs…

Joseph pour le XXIe siècle

Le pape François commence sa lettre par Patris corde, « avec un cœur de père », ou, en paraphrasant un peu, « par une tendresse paternelle »… Tout un programme à l’heure du questionnement de la place du père dans la société, de son congé après l’arrivée d’un enfant, de la mode du coaching en masculinité et en paternité… La tendresse n’est donc pas l’apanage du sexe féminin, mais bien également de tout être humain ! Déjà une bonne nouvelle : on imagine que cette tendresse paternelle a servi l’enfant Jésus tout autant que celle de sa mère, qui plus est, n’était certainement pas réduite aux tâches ménagères !

Sept chapitres, ou sections, qui décortiquent sept façons pour Joseph d’être « plein de tendresse »… Chaque section est ciselée de manière adéquate pour une lecture par étape, une méditation fructueuse, et une rencontre : avec celui que l’on a trop longtemps laissé dans l’ombre de Marie, sujette d’une piété populaire parfois exacerbée… et qui n’aurait eu aucune légitimité à être ce qu’elle fut si Joseph l’avait répudiée selon la Loi de Moïse ! Combinaison des charismes, en somme !

1 Les troupes italiennes pénètrent dans Rome le 20 septembre 1870, et 15 jours plus tard, par plébiscite, le reste des Etats Pontificaux est incorporé au nouveau Royaume d’Italie…
Le pape Pie IX suspend alors
sine die le Concile qui avait cours…

2 C’est depuis 1479 qu’à Rome est célébrée la Saint-Joseph, étendue à toute l’Eglise de rite romain en 1570 par le pape dominicain Pie V.

 

 

Carême, car… aime !

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteurs de Sierre (VS), mars 2021

Voilà plus d’une année que la terre entière vit une grande épreuve. Cette pandémie nous fait prendre conscience de l’incohérence de notre mode de vie qui rend les riches toujours plus puissants, et les pauvres toujours plus nombreux. C’est un appel à toute l’humanité à vivre d’une manière plus sérieuse.

PAR MARIE-FRANÇOISE SALAMIN
PHOTO : ACTION DE CARÊME, PAIN POUR LE PROCHAIN

Pour en savoir plus et soutenir :
actiondecareme.ch
Bulletin de versement dans le calendrier, CCP 10-26487-1
IBAN CH11 0900 0000 1002 6387 1
www.goodplanet.org

 

Qu’apprenons-nous ?

Chaque famille, de près ou de loin, est impactée par la situation sanitaire actuelle. Nous avons compris que la vie est précieuse, qu’elle est fragile, que la solidarité en famille, entre voisins, entre amis est un cadeau inestimable. Nous voyons aussi, plus que jamais, que notre système économique s’effrite et laisse là aussi, les plus modestes dans la précarité.

Justice climatique, maintenant !

Comme chaque année, Action de Carême et Pain pour le Prochain nous proposent, entre autres, un calendrier pour nous aider à progresser dans notre « savoir vivre » sur cette terre, avec les autres.

Certes, notre vie n’est pas simple et nous avons des soucis. Mais qu’en est-il du reste du monde ? Un monde où 1% de la population possède plus que les autres 99% ! Un monde qui va à sa perte si on ne fait pas dès maintenant des changements significatifs !

Alors qu’elles sont les moins responsables du dérèglement climatique, les populations des pays du Sud subissent des conditions météorologiques extrêmes de plus en plus fréquentes : cyclones, inondations, sécheresses, incendies ravagent certaines régions, menaçant l’environnement et les moyens de subsistance des plus démunis.

Comment faire ?

Procurons-nous le calendrier de Carême – au fond des églises. C’est un bon outil pour trouver des pistes pour opérer un changement, pour construire ensemble un monde nouveau dans la justice, la paix et la sauvegarde de la Création. Pour l’avenir de notre planète, il faut « décarboner * » nos vies en réduisant, chaque année de 5%, notre consommation d’énergie fossile (donc moins rouler en voiture, mieux isoler nos maisons, veiller à éteindre les lumières quand ce n’est pas nécessaire). Revoyons à la baisse notre manière d’acheter parfois compulsive, réparons, recyclons, prêtons…

Mangeons moins de viande produite industriellement, au détriment des cultures nourricières des populations pauvres. Cela aura un impact significatif sur notre santé et celle de la planète. Il y a d’autres manières de manger des protéines. Et si nous pouvons partager, soutenons les nombreux projets de l’Action de Carême et Pain pour le Prochain.

« La seule énergie durable, c’est l’amour. * »

* Citations de Yann Arthus-Bertrand,
auteur des films Home et récemment Legacy, notre héritage.

 

L’onction des malades

Qu’est-ce que c’est ? Pour qui ? Quand la recevoir ?

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur des Deux-Rives (VS), mars 2021

PAR VÉRONIQUE DENIS
PHOTOS: BERNARD HALLET, JEAN-CLAUDE GADMER

Le sacrement de l’Onction des malades fait partie du rituel « Les sacrements pour les malades » 1. En effet, l’Eglise offre à la personne atteinte par l’épreuve de la maladie, plusieurs manières pour faire face à cette difficulté et à la souffrance :

la visite des malades : moment privilégié pour la personne en souffrance de rester reliée au monde

la communion aux malades : instant de communion intime avec le Seigneur, proposée régulièrement par les équipes de visiteurs de nos paroisses

l’onction des malades dont nous allons parler ci-dessous

le viatique : pain de Vie pour l’éternité offert à la personne qui se prépare à vivre le passage de la mort vers la Vie.

Autrefois on parlait « d’extrême-onction », à la dernière seconde avant de mourir, c’était en quelque sorte la porte ouverte sur le ciel. Dès le Concile Vatican II, la perspective a changé, puisque l’Onction des malades peut être reçue plusieurs fois dans la vie : avant une opération, au moment de la découverte d’une maladie, pendant la durée de la maladie, au moment de la vieillesse, pour les personnes âgées dont les forces déclinent, même si aucune maladie grave n’est diagnostiquée, aux enfants s’ils ont un usage de la raison suffisant.

Le sacrement de l’Onction des malades montre toute la sollicitude de l’Eglise entière envers ceux qui sont dans une situation de maladie ou de vieillesse. Son origine est très ancienne, car il est l’un des 7 sacrements institués par le Christ lui-même, suggéré dans l’Evangile de Marc (Mc 6, 13), promulgué par Jacques, apôtre : Si l’un de vous est malade, qu’il appelle ceux qui exercent dans l’Eglise la fonction d’Anciens : ils prieront sur lui, après lui avoir fait une onction d’huile au nom du Seigneur. Cette prière inspirée par la foi sauvera le malade : le Seigneur le relèvera et s’il a commis des péchés, il recevra le pardon. (Cf. Jc 5, 14-15)

Le rite actuel reprend ce qui est évoqué par l’apôtre Jacques, en mettant en évidence les deux gestes :

l’imposition des mains par les prêtres avec une prière inspirée par la foi

le rite de l’onction sur les mains et le front avec l’huile sanctifiée par la bénédiction de Dieu, huile bénite au cours de la messe chrismale par l’évêque.

Par la prière prononcée par le prêtre, la personne malade reçoit le courage et la force pour tenir bon dans ces moments de souffrance, vaincre l’angoisse de la mort et vivre l’espérance de la résurrection. La grâce du Sacrement, c’est la force donnée par Dieu à la personne en souffrance pour être en paix, garder l’espérance, lutter contre le mal et la maladie, continuer à vivre et à témoigner de sa foi.

Par cette onction sainte, que le Seigneur, en sa grande bonté, vous réconforte par la grâce de l’Esprit Saint. AMEN !

Ainsi, vous ayant libéré de tous péchés, qu’il vous sauve et vous relève. AMEN !

Dans notre diocèse, le premier dimanche de mars est appelé « dimanche des malades ».

A cette occasion, même si les contacts humains seront toujours limités, nous pourrons accompagner les malades de notre entourage, les soutenir, veiller sur eux, prier avec et pour eux, et peut-être envisager une courte visite ou l’envoi d’une carte, d’un message d’espérance.

 

1 Sacrements pour les malades, pastorale et célébrations, Editions Chalet-Tardy, Paris, 1997.

 

Ma vie n’est pas une vie manquée

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, décanat Sion (VS), mars 2021

PAR LE PÈRE PIERRE LYONNET S.J. | PHOTO : PIXABAY

Seigneur, je Te supplie
de me délivrer de cette tentation harcelante,
de considérer le temps de ma maladie
comme une mesure pour rien dans ma vie,
une période creuse et sans valeur…

Que je revienne à la santé
ou que j’aille peu à peu à mon éternité,
je dois avant tout rester à la barre;
ma vie, je dois la vivre au jour le jour
et Te la donner tous les jours.

Il ne s’agit point de partir à la dérive…
Je n’ai pas à attendre un lendemain incertain
ni à me bercer de rêves ou de regrets:
je suis malade, je Te sers malade.

Vais-je attendre, pour T’aimer,
des circonstances qui, peut-être, ne se produiront jamais ?
Et s’agit-il pour moi de T’aimer
à mon goût ou de Te servir là où Tu m’attends ?…

Seigneur, ma vie n’est pas manquée
pour être une vie de malade.
Je veux la remplir à déborder,
avec Ta grâce qui se joue du temps
et n’a que faire des actions glorieuses pour le monde.

Ainsi soit-il.

Carême pour notre guérison et notre salut

Le Mercredi des cendres ce sera l’entrée en Carême, comme chaque année. Les cendres, c’est une mise en évidence de la fragilité humaine et surtout d’une réalité devenue taboue : la mort. On en parle le moins possible et, quand on est endeuillé, tout est fait pour déranger le moins possible les amis et connaissances.

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La Passion du Christ n’est pas un mythe …

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur Vallée d’Illiez (VS), mars 2021

Le Christ souffrit sa Passion jusqu’à mourir sur la Croix par Amour pour les hommes de tous les temps afin de leur ouvrir les portes du ciel.

PAR DENYSE GEX-COLLET – INSPIRÉ DE JOËL GUIBERT : LA SAGESSE DE LA CROIX
PHOTOS : INTERNET / « PASSION »

Il y a quelques années, avant la fête de Pâques, une catéchiste partageait la lecture de la Passion avec les enfants d’une classe primaire. A un moment, elle lève les yeux et constate que les enfants sont captivés par le récit. Elle remarque qu’un petit garçon essuie furtivement ses yeux mouillés de larmes. Elle continue la lecture, en relevant que Jésus a souffert pour nous parce qu’il nous aime et pour le pardon de tous les péchés. A la fin de la leçon, c’est la débandade vers la récréation. Le petit garçon se lève pour sortir et en passant près d’elle, il lui glisse tristement : « C’est trop injuste comme Il a souffert. Il n’avait rien fait de mal. C’est de notre faute. »

Il avait ressenti jusqu’au fond de son cœur la réalité de la souffrance de Jésus.

La Passion : souffrance hu­maine jusqu’à en mourir

Sainte Angèle de Foligno (1248-1309) relate dans ses visions, la révélation qu’elle reçut de Jésus :

« Une autre fois, c’était le quatrième jour de la semaine sainte, j’étais plongée dans une méditation sur la mort du Fils de Dieu, et je méditais avec douleur, et je m’efforçais de faire le vide dans mon âme, pour la saisir et la tenir tout entière recueillie dans la Passion et dans la mort du Fils de Dieu, et j’étais abîmée tout entière dans le désir de trouver la puissance de faire le vide, et de méditer plus efficacement.

Alors cette parole me fut dite dans l’âme : « Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimée. »

Cette parole me porta dans l’âme un coup mortel, et je ne sais comment je ne mourus pas ; car mes yeux s’ouvrirent, et je vis dans la lumière de quelle vérité cette parole était vraie. Je voyais les actes, les effets réels de cet amour, jusqu’où en vérité il avait conduit le Fils de Dieu. Je vis ce qu’il supporta dans sa vie et dans sa mort pour l’amour de moi, par la vertu réelle de cet amour indicible qui lui brûlait les entrailles, et je sentais dans son inouïe vérité la parole que j’avais entendue ; non, non, il ne m’avait pas aimée pour rire, mais d’un amour épouvantablement sérieux, vrai, profond, parfait, et qui était dans les entrailles. »

Le mystère de la Croix, mystère d’AMOUR

Tout ce qui précéda la mort de Jésus sur la Croix fut un long processus de tortures morales et physiques. La crucifixion était un supplice atrocement douloureux et la mort ne survenait que tardivement. Objectivement, il est indéniable que Jésus souffrit cruellement.

Jésus n’a pas endossé la croix contre son gré, Son Père ne la lui a pas imposée. Il en a accepté volontairement la souffrance et Il nous propose, à nous ses frères, de l’aider à la porter comme moyen de sanctification et de salut qui, grâce à la communion des Saints, nous permet, à notre petite place, de participer à la rédemption du monde.

Notre propre existence est placée sous le signe de la Croix

Il nous le dit clairement : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. » (Mt 16, 24)

Pour cela, il faut apprendre à voir la main de la Providence en tout ce qui nous arrive car Dieu a, sur notre vie, un plan d’amour caché à notre entendement « humain ».Et les calamités qu’Il permet que nous rencontrions et contre lesquelles nous luttons, permettent un Bien plus grand et certainement autre que ce que nous attendions.

Lors du Jugement dernier nous comprendrons les chemins admirables par lesquels sa Providence aura conduit toute chose vers sa fin ultime. Le Jugement dernier révélera que la justice de Dieu triomphe de toutes les injustices commises, que son amour est plus fort que la mort. (CEC, nº 1040).

 

Prière de guérison et de conversion

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur des Deux-Rives (VS), mars 2021

PRIÈRE PROPOSÉE PAR L’ÉQUIPE DE SAILLON
TIRÉE DU SITE DES DOMINCAINES D’ESTAVAYER-LE-LAC | PHOTO: LAURENCE BUCHARD

Seigneur Dieu,
je viens à toi comme un enfant qui s’égare
mille fois le jour,
comme un être tiraillé entre mille soucis
et préoccupations, entre rêves et imaginations.
Prends pitié de moi et aide-moi.

Guéris ma mémoire pour que je ne ressasse
plus ces souvenirs qui me font tant de mal,
mais que je te rende grâce pour chacun
des événements de ma vie
et à travers eux pour ton amour qui me construit.

Eclaire mon intelligence pour qu’en toute réalité
je découvre ton dessein d’amour sur moi
et sur le monde.

Bénis ma volonté pour qu’oubliant tous mes échecs,
je me lance joyeusement chaque jour sur la voie
de l’amour.

Je te consacre mon imagination.
Tu le sais, Seigneur, elle m’a souvent fait errer loin de toi.
Qu’elle soit maintenant à ton service et à ta gloire.

Montre-moi les actes que je peux poser
pour marcher jour après jour sur tes chemins.

 

Carême : un temps de manque

PAR LUCIENNE BROILLET-PAGE
PHOTOS : PIXABAY

« Elie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! »

Marc 2, 4-5

 

En ce temps de pandémie, nous sommes d’autant plus conscients de ce qui nous manque : les contacts humains, la convivialité, le partage de rires et d’émotions, les fêtes petites ou grandes, les rencontres autour d’un café, les soirées où l’on refait le monde, les répétitions, le cinéma, les visites, les concerts… sont autant de moments précieux dont nous avons été privés depuis longtemps. Pourtant, ils sont vitaux et leur absence a creusé en nous un mal-être et une souffrance, plus ou moins diffus.

Car « il est bon que nous soyons ici ! » dit Pierre. Sous-entendu : « Ici, ENSEMBLE ! »

En effet, l’être humain est un être de relation, il ne peut vivre seul. Bien des expériences et des observations, qui nous concernent directement ou ont été étudiées scientifiquement, nous prouvent que sans vis-à-vis l’humain vit mal, son élan vital est fondamentalement amoindri.

Le temps du Carême nous invite habituellement à réfléchir sur nos dépendances, sur les choses qui encombrent nos vies. Cette année, le temps particulier de la pandémie nous a fait prendre conscience que des éléments de notre vie qui paraissaient acquis, comme le droit de se rencontrer en groupes, par exemple, peuvent disparaître et nous manquer cruellement.

Cette absence de rencontre en direct, par le vide qu’elle nous a créé, peut cependant nous ouvrir à une nouvelle réflexion : si je suis croyant-e, dans quelle mesure la distance que je peux prendre avec Dieu engendre-t-elle un manque ? Si mon ami est absent, il me manque. Mais si je tiens Dieu éloigné de moi, me manque-t-il ?

Lorsque tout va bien, il est facile d’oublier la présence de Dieu. Lorsque les choses sont plus difficiles, nous nous tournons peut-être alors vers Lui, ne serait-ce que pour nous plaindre et récriminer… Pourtant, comme le dit Pierre : « il est bon que nous soyons ici ! » Dieu se rend présent à nous comme un Père, il veut nous accompagner, nous guider et nous illuminer, quel que soit notre chemin.

Profitons de ce Carême pour nous rapprocher de Dieu, qui attend toujours à la porte de notre cœur, et lui murmurer quotidiennement notre amour et notre foi. Avec lui, pas besoin de Skype ou de Zoom ou Teams ! Il n’attend que nous et nous offrira confiance et courage.

Bonne route vers Pâques !

 

Opération sauvetage

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteurs de Sierre (VS), mars 2021

Le but ultime de notre vie terrestre est d’être sauvé et d’obtenir la Vie éternelle. Comment y parvenir dans notre société actuelle ? Quelles sont les pistes de réflexion proposées par l’Eglise ?

PAR SERGE LILLO
IMAGE : BERNA LOPEZ

Au soir de cette vie, je paraîtrai devant Vous les mains vides, car je ne Vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux.
Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même…

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Acte d’offrande à l’Amour miséricordieux

Saint Jean-Paul II a repris tous les écrits de ses prédécesseurs en matière de vivre en société pour éditer le « Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise » (CDSE) ; ce recueil peut nous éclairer sur ce sujet. En effet, ces enseignements de l’Eglise s’adressent à tous les hommes et femmes de notre temps ; ils servent à prolonger le style de dialogue par lequel Dieu lui-même, en son Fils unique fait homme, s’adresse à des amis dans les Evangiles, « il s’entretient avec eux. » (Ba 3, 38) L’homme est au cœur de ces enseignements qui ne visent qu’un seul but : « continuer, sous l’impulsion de l’Esprit consolateur, l’œuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi. » (CDSE 13)

Par la constitution pastorale « Gaudium et spes », issue du concile Vatican II, l’Eglise apporte une éloquente démonstration de sa solidarité, de son respect et de son amour envers la famille humaine en instaurant avec elle un dialogue sur de nombreux problèmes, « en les éclairant à la lumière de l’Evangile, et en mettant à la disposition du genre humain la puissance salvatrice que l’Eglise, conduite par l’Esprit Saint, reçoit de son Fondateur. C’est en effet l’homme qu’il s’agit de sauver, la société humaine qu’il faut renouveler ». (CDSE 18)

Le salut qui, à l’initiative de Dieu le Père, est offert en Jésus-Christ, se réalisant et se diffusant par l’œuvre de l’Esprit Saint, est salut pour tous les hommes et de tout l’homme : c’est un salut universel et intégral. Il concerne la personne humaine dans chacune de ses dimensions : personnelle et sociale, spirituelle et corporelle, historique et transcendante. » (CDSE 38)

Etre sauvé en donnant notre vie

Le message est clair : chacun de nous est appelé à être sauvé par Dieu en Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui s’est fait l’un de nous. Il ne s’agit pas de se sauver soi-même, mais bien de se laisser transformer au contact de Jésus-Christ, en apprenant à le connaître, à l’aimer et à l’imiter. C’est tout un programme et ce n’est pas facile !

Il n’y a pas de formule magique, mais un long chemin ardu de transformation. Au cœur de celle-ci se trouve la charité, comme nous le dit Saint Jean-Paul II : « Seule la charité peut changer complètement l’homme. » Et il continue : « Un tel changement ne signifie pas l’annulation de la dimension terrestre dans une spiritualité désincarnée. » (CDSE 583) La charité est bien quelque chose de très concret : « La charité représente le plus grand commandement social. Elle respecte autrui et ses droits. Elle exige la pratique de la justice et elle seule nous en rend capables. Elle inspire une vie de don de soi :  » Qui cherchera à épargner sa vie la perdra, et qui la perdra la sauvegardera  » (Lc 17, 33). » (CEC, 1889)

Et comme la justice éclairée par l’Amour de Dieu nous renvoie à l’Evangile où l’Amour de Dieu s’est incarné en Jésus-Christ, la boucle est bouclée. Bon carême à tous.

Pour poursuivre…
Le CDSE (2006) est téléchargeable sous www.vatican.va. Plusieurs livres sont également disponibles aux librairies Saint-Augustin pour comprendre ses enseignements,
comme « Comprendre la Doctrine Sociale de l’Eglise » de Anne Despaigne et Jean de Saint Chamas (2007).
Une version plus jeune et revisitée a également été éditée en 2016 « Docat – Que faire ? ».
Enfin un guide pour approfondir le lien avec Jésus : « L’imitation de Jésus-Christ » par Marcel Michelet (2020)

Souffrir pour être sauvé ?

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP Sainte-Claire (FR), mars-avril 2021

PAR JEAN-FÉLIX DAFFLON, DIACRE
PHOTO : DR

Quand j’ai reçu le thème du prochain éditorial concernant L’Essentiel, nous étions dans le temps de Noël, et je me suis dit : merci pour le cadeau ! Nous venions de fêter l’annonce de la naissance du Fils de Dieu qui vient par Amour pour nous libérer de nos peurs, de nos doutes et nous donner un cœur de chair, pour que nous puissions retrouver notre âme d’enfant.

Jésus est venu dans le monde pour nous sauver de nous-mêmes d’abord ; pour nous apprendre à nous aimer tels que nous sommes. Il est venu pour nous libérer justement de tout ce qui nous fait souffrir par nos manques d’amour, et ainsi nous ouvrir à son Amour, à sa Tendresse et à
sa Miséricorde.

Oui, Dieu, notre Père, nous a donné son Fils pour que nous retrouvions le chemin qui mène à Lui. Pour cela, il suffit de suivre le Christ. Or, le Christ a passé toute sa vie à proclamer la Bonne Nouvelle du Salut, à guérir les malades, à remettre debout toute personne qui ployait sous le poids de ses culpabilités. Il a redonné espoir aux pauvres, aux petits, en les aimant simplement tels qu’ils étaient, et il nous demande aujourd’hui de continuer sa mission en allant auprès des plus pauvres, auprès de ceux et celles qui ont perdu toute espérance.

Le Christ est allé jusqu’à mourir pour nous. Il a donné sa vie par Amour pour que nous puissions être à notre tour des porteurs d’amour et de tendresse, dans un monde qui se cherche et qui se perd. En lui offrant chaque jour nos vies dans la confiance et l’abandon, nous serons dans la paix et la sérénité pour vivre ce que nous avons à vivre sachant que le Père s’occupe de nous. Le Christ n’a-t-il pas dit : « Venez à moi, vous tous qui ployez sous le poids des fardeaux, mon joug est léger, et Moi, je vous donnerai le repos. » Alors, non le Christ n’est pas venu pour que nous souffrions. Il est venu simplement nous apprendre à l’aimer, à nous aimer et ainsi à aimer la vie en lui faisant confiance.

 

Alicia Scarcez

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), mars-avril 2021

Toute l’aventure spirituelle d’Alicia Scarcez s’est manifestée un jour de 2003 lorsqu’elle s’est convertie. Elle fut interpellée de manière inattendue et extraordinaire par Dieu lors d’un stage de chant grégorien. « Le chant grégorien est fondé sur l’Écriture sainte. Il est très puissant pour nous parler de Dieu, puisque c’est la Parole de Dieu revêtue de musique. C’est pour cela qu’on appelle le chant grégorien : la Bible chantée, la Bible dans le son. »

PROPOS RECUEILLIS PAR VERONIQUE BENZ | PHOTO : DR

La conversion d’Alicia est liée à la découverte du chant grégorien. « Ce chant que le Concile Vatican II a déclaré le chant propre de l’Église catholique romaine 1, a, entre tous les chants sacrés, un caractère spécial. C’est un chant d’écoute. Cela peut paraître à première vue paradoxal, mais quand on le pratique, on se rend compte qu’il s’agit moins de chanter, que de se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, de notre âme et de l’âme du Christ. » Alicia est, depuis 2016, vierge consacrée du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. « C’est une très grande grâce, j’en suis très heureuse. Ce désir d’être consacrée me porte depuis ma conversion. »

À travers sa vocation et sa profession de musicologue à l’Institut des sciences liturgiques de l’Université de Fribourg, Alicia a pu creuser son amour pour le chant liturgique, en particulier par l’étude du chant cistercien, un chant constitué à l’époque de saint Bernard, appartenant à la grande famille du chant grégorien. Comme le dit l’abbé de Clairvaux, le chant liturgique ne se contente pas de résonner aux oreilles, il perce le cœur. « Il est le Verbe qui ne résonne pas, mais pénètre ; qui n’est pas loquace, mais efficace ; qui ne retentit pas aux oreilles, mais attire le cœur 2. » Un chant qui nous met à nu, nous touche au fond de l’âme et devient ainsi un moyen efficace de conversion et de sanctification.

Une musique hors du temps

Le chant grégorien à la différence des autres chants sacrés n’est pas marqué par une époque. Selon la musicologue, « il s’inscrit dans le temps, nous le chantons à chaque office, et pourtant il est hors du temps. Il vient du fond des âges et nous met en communication avec le mystère de Dieu lui-même ».

On fait généralement remonter le chant grégorien à la fin du VIIIe siècle, au moment où les empereurs carolingiens voulant réformer la liturgie des territoires gallicans ont fait appel à Rome. Les liturgistes pensent qu’il s’opère à cette époque, une hybridation entre les chants des territoires gallicans et les chants romains. C’est de cette rencontre culturelle que nait le chant grégorien. Mais il ne constitue pas pour autant une nouveauté propre au VIIIe siècle, car il est porteur de traditions liturgiques et musicales remontant aux origines du christianisme, traditions qui elles-mêmes plongent leurs racines bien plus loin encore, dans les chants de la synagogue.

Et, selon Alicia, ce chant ancestral n’a pas dit son dernier mot… base de tout le développement de la musique occidentale, il continue de traverser l’histoire, ne cessant d’évoluer et d’inspirer les musiciens. « Il y a des compositions récentes par exemple, celles des moines de Solesmes qui ont voulu compléter le répertoire à la fin du XIXe siècle. Le fameux « Salve Regina » avec la mélodie simple que nous chantons souvent à la fin des messes en est un exemple. Espérons, conclut Alicia, que « ce trésor d’une inestimable valeur » soit redécouvert et trouve une place de choix, selon le vœu du Concile Vatican II, dans nos liturgies contemporaines. »

 

1 « L’Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine ; c’est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place. » Sacrosanctum Consilium, Constitution sur la sainte Liturgie, 116.

2 Saint Bernard, Sermons sur le Cantique 31, 6 (Sources Chrétiennes 431, pp. 438-439) : Verbum nempe est, non sonans, sed penetrans : non loquax, sed efficax ; non obstrepens auribus,
sed affectibus blandiens.

 

Biographie

D’origine belge, Alicia Scarcez a fait des études de piano au conservatoire royal supérieur de Bruxelles puis la musicologie à l’Université libre de Bruxelles. Elle s’oriente rapidement vers le chant liturgique du Moyen Âge. Elle a fait son travail de master sur un antiphonaire (recueil de chants) cistercien, puis un doctorat sur la réforme liturgique et musicale de saint Bernard.
Depuis 2014, elle travaille comme chercheuse à l’Institut des sciences liturgiques de l’Université de Fribourg.

Justice climatique maintenant !

Le Carême… quand même !

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, décanat Sion (VS), mars 2021

Temps fort pastoral et spirituel de l’année liturgique, le
Carême est habituellement rythmé par de nombreuses et diverses initiatives, soupes communautaires, chemins de croix, journée des roses, pain du partage, semaine de jeûne, Ecole cathédrale, conférences, célébrations, partages, con­certs, prières, récolte de dons, pochettes… En ce temps si particulier de pandémie et de restrictions, l’enjeu est donc de faire Carême… quand même !

PAR JEAN-HUGUES SEPPEY ET ACTION DE CARÊME
PHOTOS : CAMPAGNE ŒCUMENIQUE 2021

Méditation de Veronika Jehle

Un pied, fracturé pour les autres
Au Chili, fracturé par le pouvoir,
le pied de cette personne descendue dans la rue contre l’injustice.

Ici, moi aussi, je peux comprendre.
Vois mon pied, ma confusion,
empêtré·e que je suis dans les vicissitudes.
Vois mon inconsistance, mon hypocrisie, comme je suis fragile, mortel·le et dépendant·e.

Vois Jésus qui lave les pieds,
ce Jésus que l’artiste a vu et qu’elle a peint, son Jésus, le mien, celui de tous les temps.

Vois la nature et les fleurs,
bien plus petites et plus belles,
qui fleurissent par-delà les points de suture et les fractures. L’espoir se dessine.
Sur le Chili, je ne connais pas grand-chose;
sur notre manière d’être au monde,
assez pour comprendre.

De son côté, la campagne œcuménique de Carême (voir la photo de couverture), met en évidence certaines problématiques du monde actuel et propose aussi diverses réflexions et actions à découvrir sur www.voir-et-agir.ch.

La tenture 2021 :

« Tu m’as remis sur pied, tu m’as donné du large » (Ps 31, 9)

L’œuvre artistique de Lilian Moreno Sánchez (Buin/Chili) est basée sur une radiographie d’un pied aux os partiellement cassés et tordus. C’est celui d’une personne blessée lors des manifestations de Santiago du Chili en octobre 2019. Les jeunes manifestantes et manifestants y dénonçaient en particulier la hausse du coût de la vie et l’augmentation des inégalités sociales qui en découle.

Aux quatre coins du monde, des personnes se lèvent et exigent « du large » et l’accomplissement de la promesse du Psaume. Que ce soit contre l’exclusion sociale ou pour une politique climatique qui laisse un large espace ouvert aux générations futures.

 

Quand la foi épaule la souffrance

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur pastoral des Coteaux du Soleil (VS), mars 2021

Faut-il souffrir pour être sauvé ? Nous avons choisi d’aborder cette question sous un autre angle, en donnant la parole à un aumônier des hôpitaux, à une personne dont la foi a modifié le rapport à la souffrance et à un prêtre du secteur. Nous leur avons demandé de parler du lien entre « foi » et « souffrance » dans leur vie privée ou professionnelle.

PHOTOS : MARIE-PAULE DÉNÉRÉAZ

Abbé Janvier Nginadio Muntima, curé d’Ardon et Vétroz

Paul Claudel disait : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu pour l’expliquer, mais la remplir de sa présence. » Il est important, cela étant, de regarder la souffrance à travers Jésus. Avec lui, en effet, le chrétien prendra au sérieux la souffrance, luttera contre elle et fera preuve de compassion envers ceux qui sont accablés par la souffrance. Aussi, que Jésus ait fait de la souffrance une béatitude jusqu’à faire de la Croix la voie de salut pour l’humanité, et que saint Paul notamment ait placé la Croix au centre de sa prédication (1 Co 1, 23), c’est une invitation au chrétien à endurer la souffrance avec courage, lucidité et confiance pour saisir, paradoxalement, sa valeur éducatrice et rédemptrice.

La Passion du Christ est bienheureuse certes, et nos souffrances communion à celle du Christ, mais face à la souffrance, la foi n’est ni insensibilité ni exaltation maladive 1.

Jeanine Gabbud, un témoignage de vie

« Il faut souffrir pour mériter le ciel. » Que de fois ai-je entendu ces mots durant mon adolescence. Nourrie par cet enseignement, à 21 ans, victime d’une très grave maladie, je me suis écriée : qu’ai-je fait au Bon Dieu pour mériter cela ? J’étais révoltée, anéantie.

Face à mon désarroi, une compagne de chambre m’a dit : il y a la messe cet après-midi, tu as la foi, viens avec moi, tu verras Dieu va te consoler. J’y suis allée, mais sans conviction. Ce temps de cœur à cœur avec Dieu m’a apaisée. J’ai continué à prier quotidiennement et petit à petit j’ai ressenti une force intérieure insoupçonnée. Je n’étais plus seule à lutter. J’ai réalisé que Dieu m’assistait.

Transformée par cette expérience, j’ai pris conscience que la foi est un cadeau de Dieu à entretenir et à fortifier. Toute ma vie, elle a été ma force et mon bouclier. A 48 ans, lors d’une maladie où mon pronostic vital était engagé, j’ai ressenti à nouveau ses bienfaits.

Je peux l’affirmer : « Dieu ne veut pas la souffrance, il n’est pas venu la supprimer, ni l’expliquer, mais la remplir de sa présence. »

Martial Ducrey, aumônier

Comme aumônier, je rencontre des personnes en souffrance. Certaines cherchent le pourquoi de leurs douleurs, certaines considèrent qu’elles méritent de souffrir, d’autres que c’est injuste. Je suis toujours à leur écoute, mais je me révolte quand j’entends dire qu’il faut souffrir pour « gagner le paradis ». Non, nous n’avons pas besoin de gagner le paradis, nous avons « seulement » à ouvrir notre cœur pour accueillir l’Amour inconditionnel et infini de notre Créateur.

Dieu n’a jamais voulu que nous souffrions, mais c’est un fait : nous souffrons, alors que fait Dieu ? Il a envoyé son propre Fils pour nous témoigner sa compassion, pour nous dire sa sympathie : Dieu souffre avec nous. Il est avec nous et nous dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez, je vous procurerai le repos. » Jésus a lutté contre toute souffrance, à notre tour de faire notre possible pour atténuer les souffrances rencontrées, parfois simplement en étant Présence et écoute, parfois en offrant une parole inspirée et inspirante.

L’impôt paroissial : un mal nécessaire

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), mars-avril 2021

«Chaque franc qui est donné à l’Église est multiplié plu- sieurs fois: d’une part par la synergie des actions communes et d’autre part, et surtout, par l’engagement bénévole qui soutient nos actions» explique Patrick Major, président du Conseil exécutif de la Corporation ecclésiastique catholique (CEC). C’est grâce à l’impôt paroissial que l’Église perçoit les montants nécessaires au fonctionnement de la pastorale. Mais au fait, nous payons combien? Comment se répartit l’impôt? Comment fonctionne ce système mis en place voici trente ans? Les sorties d’Église sont parfois motivées par la volonté de ne plus payer l’impôt. Mais si je le paye, qu’est-ce que j’en retire? Petit voyage dans les méandres d’un impôt mal-aimé, mais nécessaire.

PAR JEAN-MARIE MONNERAT
PHOTOS : PIXABAY, DR

Qui paye des impôts paroissiaux ?

Les personnes physiques, de religion catholique, et les personnes morales, c’est-à-dire les entreprises. Et la loi de 1990, qui régit les rapports entre les Églises et l’État, précise que « les personnes physiques et les morales ne peuvent pas être imposées les unes à l’exclusion des autres » (art15). Il n’est donc pas possible d’exclure les entreprises du paiement de l’impôt. Chaque paroisse fixe le taux d’impôt qu’elle juge nécessaire à son fonctionnement dans le périmètre de son champ d’activité. Le taux n’est donc pas identique dans tout le canton. En moyenne cantonale, ce taux est de 7,94%. Ce qui signifie que pour chaque tranche d’impôt de 100 francs versée au canton par le contribuable, le catholique va verser 7,95 francs à sa paroisse. Ce chiffre va varier d’une paroisse à l’autre, puisqu’il s’agit d’une moyenne cantonale.

En tenant compte des rentrées des personnes morales, chaque catholique verse 300 francs par année à sa paroisse, toujours en moyenne cantonale. Le total des revenus des paroisses du canton se monte à 59 millions de francs, par année. C’est ce montant qui fait vivre l’Église fribourgeoise. Même si comparaison n’est pas tout à fait raison, les revenus fiscaux de l’État se montent à 1,3 milliards de francs, au budget 2021, pour des revenus totaux de 3,7 milliards de francs.

Ce revenu de 59 millions de francs est perçu par l’État, qui en assume la tâche administrative, est reversé aux paroisses, sous forme d’acomptes.

À quoi sont affectés ces revenus ?

Tout d’abord, la paroisse va entretenir son fonctionnement: ses locaux et son personnel. Les locaux sont l’église, les chapelles, les croix et d’une manière générale les symboles de la vie religieuse, mais également la cure, les salles paroissiales ou encore ses bâtiments. Quant à son personnel, il peut s’agir des secrétaires paroissiales, des sacristains sans oublier tout le fonctionnement de la pastorale paroissiale, comme des catéchistes ou les premières communions ou les confirmations. Enfin, la paroisse va assumer les frais d’achats propres à son fonctionnement, comme les fleurs de l’église ou les hosties.

En contrepartie le paroissien va pouvoir disposer de « son » église pour des mariages ou des enterrements.

Ensuite, la paroisse va participer aux dépenses communes. La plus importante est la caisse des ministères qui paye les salaires des prêtres et des agents pastoraux. Dans le canton de Fribourg, cela représente quelque 400 personnes, pour un montant de 10 millions de francs, réparti entre les paroisses.

Enfin, le fonctionnement de la Corporation ecclésiastique catholique (CEC) est également une tâche à la charge des paroisses. Si ces dernières coordonnent la « pastorale territoriale », c’est-à-dire la pastorale sur leur territoire, la Corporation ecclésiastique coordonne la « pastorale catégorielle », c’est-à-dire la pastorale par champs d’activité. Par exemple : la pastorale de la santé dans les EMS et les hôpitaux, la pastorale dans les institutions pour les personnes en situation de handicap, le service de la formation pour les agents pastoraux, la pastorale pour les couples et les familles, la pastorale des jeunes, l’enseignement dans les Cycles d’orientation, ou encore le service de la catéchèse et du catéchuménat du canton.

La CEC contribue également au bon fonctionnement des services de conduite du vicariat épiscopal et de l’évêché, de La Doc (librairie et médiathèque) une mine de plus de 10’000 documents (livres, revues DVD etc, ouverte à tous), et au service de la communication. Enfin, il convient de mentionner les trois missions linguistiques : lusophones, hispanophones et italophones soutenues par l’ensemble des paroisses, par le biais de la CEC.

La part de la pastorale

Toujours sans vouloir être exhaustif, il est judicieux de relever que l’Église soutient, à travers les subventions versées par la CEC, bon nombre d’organismes, comme Caritas, le Centre catholique romand de formations en Église, le centre Sainte-Ursule ou plus modestement l’émission « Coin de Ciel » du dimanche matin sur Radio Fribourg.

En guise de conclusion, et toujours d’une manière générale, une paroisse dispose des deux tiers de son budget, le dernier tiers étant lié aux dépenses de la caisse des ministères et de la Corporation ecclésiastique. Enfin, il est très difficile d’estimer la part des dépenses d’une paroisse pour la pastorale ou pour son fonctionnement, tant la frontière entre ces deux types de dépenses est ténue. Mais selon un petit sondage auprès de conseils de paroisse, une bonne moitié des dépenses concernerait la pastorale.

 

Quelle place pour la souffrance ?

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP Sainte Marguerite Bays (FR), mars-avril 2021

PAR L’ABBÉ VINCENT LATHION
PHOTOS : ABBÉ MARTIAL PYTHON, DR (LA RÉSURRECTION D’ANDREA MANTEGNA)

L’Essentiel Unité pastorale Sainte Marguerite Bays

« A travers les écueils, plongés dans la détresse,
Les saints ont constamment marché vers la sagesse. »

Imitation de Jésus Christ, L1, chap. 13

La vie semble ainsi faite qu’on ne peut la traverser sans connaître, à côté des heures de bonheur, des heures plus sombres et douloureuses ; ces épreuves dans nos vies sont-elles des voies sans issue ou peuvent-elles trouver une place dans notre cheminement ? Essayons, dans une perspective de foi, de dégager quelques pistes de réflexion.

Tout d’abord, qu’est-ce que la souffrance ? Elle est une réaction naturelle d’aversion et de tristesse en présence d’un mal qui nous touche ou qui touche l’un de nos proches.

En tant qu’être humain, le mal auquel nous pouvons être confrontés est de deux types. Le premier est un mal que nous pourrions dire « naturel », qui se retrouve dans le règne animal et végétal : nous pensons ici aux maladies et aux accidents de toute sorte qui privent un être vivant, au moins en partie, des capacités qu’il devrait posséder. Le second type de mal est un mal qui concerne les créatures capables d’agir librement. Ici, il est question des peines et des blessures causées par tous les actes humains qui ont manqué le bien qu’ils devaient viser.

Si, dans le second cas, l’origine du mal est facilement identifiable, il n’en va pas de même dans le premier où l’individu subit un tort qui ne dépend pas nécessairement de lui. Ainsi cette souffrance n’est pas liée à une faute personnelle, comme l’explique le Christ lors du drame de Siloé – la chute d’une tour avait causé la mort de 18 personnes –, et il faut en écarter toute idée de châtiment (cf. Lc 13, 4). Ce mal naturel, aussi tragique ou pénible soit-il, n’affecte pas forcément la relation à Dieu, même si très souvent, il l’éprouve durement. Le livre de Job en est la meilleure illustration dans la Bible : après avoir tout perdu, Job élève sa plainte vers Dieu alors que ses amis cherchent, par des raisonnements, à justifier le mal qui le frappe. A la fin du texte, le Seigneur donne raison à Job tandis qu’il réprimande sévèrement ses compagnons, car ils ont voulu rendre Job responsable de ses souffrances.

Ces deux types de maux, le mal naturel et le mal qui dépend de l’homme, sont certes liés de manière mystérieuse dans l’histoire du monde, mais comme nous venons de le relever, ils ne le sont aucunement – sauf cas particuliers – dans l’histoire d’un individu. Ainsi, dans les situations les plus frappantes, nous voyons des saints souffrir de terribles maladies et affronter des événements tragiques, tandis que des hommes, qui ont commis de lourdes fautes, semblent traverser la vie sans la moindre maladie ni le moindre revers de fortune. Les uns pourtant cheminent péniblement vers leur salut, pendant que les autres courent allègrement loin de leur but. Nous ne pouvons résoudre cette équation existentielle si l’on s’en tient aux seuls faits extérieurs ; nous percevons en revanche, de manière obscure, que la joie d’une vie ne peut se mesurer à ces seuls critères.

Mais comment réagir face à ces maux qui nous atteignent ? Il y a tout d’abord une forme d’apprentissage de la douleur qui ressemble à l’entraînement des sportifs avant une compétition : telles sont les différentes formes d’ascèse, qui consistent en des privations de toutes sortes. Lorsqu’elle est vécue saintement, l’ascèse permet une maîtrise plus pleine de notre corps et de nos sens, tout en laissant notre sensibilité d’âme et de cœur intacte. Notons bien cependant que ce contact avec une certaine souffrance reste libre et volontaire : on en mesure la dose et les effets pour que les conséquences en soient positives.

Puis il y a cette vraie souffrance, qui n’est plus de l’ordre de l’exercice volontaire, mais de la réalité vécue et subie. Cette souffrance relève du mystère de la croix. L’ascèse peut y préparer lointainement, mais elle ne le fait pas complètement, car l’entraînement ne remplace jamais l’expérience. Dans ces cas-là, le contact avec
la douleur n’est plus choisi ni maîtrisé, mais subi contre sa volonté et éprouvé dans toute sa profondeur. Le Christ dans les évangiles nous invite à le suivre jusqu’à traverser de telles épreuves. Mais de même qu’il n’a pas cherché la douleur de la
Passion et qu’il a demandé au Père de l’en préserver si possible (cf. Mt 26, 39), de même il ne nous incite pas à chercher la souffrance ni la persécution ; elles apparaissent d’elles-mêmes lorsque nous marchons à sa suite.

Que dire pour conclure de cette dernière forme de douleur ? La croix est une expérience terrible, mais le chrétien sait que la présence du Christ l’habite, jusque dans son cri le plus bouleversant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46) Il connaît également la fécondité mystérieuse que seul Dieu
peut lui donner, car viendra le jour où elle s’effacera devant la lumière de Pâques.

 

La passion de saint Joseph

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), mars-avril 2021

PAR L’ABBE ALEXIS MORARD
PHOTO : DR

Au début de son Évangile, saint Matthieu nous raconte l’inextricable dilemme que saint Joseph a dû affronter. Alors qu’il était fraîchement marié, il s’aperçoit que Marie son épouse est enceinte, alors même qu’ils ne vivent pas encore sous le même toit (ce qui était chose fréquente dans le mariage juif). Joseph doit-il suivre la Loi et répudier Marie, ou suivre Marie et répudier la Loi ?

Joseph, en homme juste, ne veut pas manquer à la Loi, mais il ne veut pas non plus condamner celle qu’il aime et qu’il devait, à sa manière, savoir toute pure. Joseph trouve alors une solution pour le moins originale : répudier Marie, mais « en secret », c’est-à-dire sans fournir de raison valable, de sorte que l’opprobre retombe sur lui en raison de la légèreté de son attitude par rapport à sa fiancée. Ainsi, pas d’infidélité à la Loi, et la lapidation est
évitée. Cependant, voici que la Providence va pousser Joseph bien au-delà de la solution qu’il avait imaginée :

« Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ». » (Mt 1, 19-20)

Joseph prit chez lui Marie

La réponse de Joseph et immédiate : « Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit. » (Mt 1, 24) On pourrait véritablement parler ici de la « passion » de Joseph : son amour pour Marie n’est pas diminué par son doute, au contraire, il s’en trouve assumé un étage plus haut !

Et le pape François de commenter dans sa lettre apostolique Patris Corde (n. 4) :

« Bien des fois, des évènements dont nous ne comprenons pas la signification surviennent dans notre vie. Notre première réaction est très souvent celle de la déception et de la révolte. Joseph laisse de côté ses raisonnements pour faire place à ce qui arrive et, aussi mystérieux que cela puisse paraître à ses yeux, il l’accueille, en assume la responsabilité et se réconcilie avec sa propre histoire. »

Puisse ce temps de carême, au travers des situations inextricables qui se présentent à nous en ce temps de pandémie, nous révéler plus que jamais la folle passion de Jésus pour chacune et chacun de nous, et nous encourager à le suivre jusque dans sa Pâque où il fait « toutes choses nouvelles » (cf. Ap 21, 5).

 

Rencontre avec Marguerite Carrupt…

… infirmière indépendante

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur des Deux-Rives (VS), mars 2021

TEXTE ET PHOTOS PAR VÉRONIQUE DENIS

Marguerite Carrupt est infirmière depuis plus de 35 ans. Après plusieurs années
à l’hôpital du Valais, elle complète sa
formation en soins palliatifs et en accompagnement de la personne âgée pour devenir infirmière indépendante. Elle a souhaité en quelque sorte se concentrer sur l’accompagnement des personnes
en fin de vie, car elle considère cette étape ultime primordiale pour toute personne. Un événement l’a fortement marquée :
l’accompagnement de son papa en fin de vie, il y a plus de 20 ans, en collaboration avec l’antenne François-Xavier Bagnoud. Suite à cette expérience forte en émotions, elle a entendu et répondu à cet appel : devenir infirmière indépendante.

Son choix a été aussi motivé par une prise en charge globale, pluridisciplinaire des patients à domicile, se développant sur un temps plus ou moins long, en lien étroit avec la famille et les proches.

Un mot pourrait résumer son travail : RELATION : relation d’aide, d’écoute sans jugement et dans une confiance réciproque. Marguerite précise en disant que l’essentiel de son travail, en plus des gestes techniques et des soins accomplis, consiste à être avec, à rejoindre la personne en souffrance là où elle est et l’accompagner à son rythme, jusqu’où elle veut aller. C’est une adaptation de tous les jours à vivre dans la confiance et l’abandon.

Les personnes qui arrivent au bout de leur chemin de vie sont confrontées à
une souffrance globale : douleurs physiques, souffrance psychologique, sociale (isolement, pertes des contacts) et spirituelle (Qu’ai-je fait de ma vie ?). Seule la personne peut exprimer ce qu’elle ressent. Ce qu’elle vit est parfois d’une violence extrême. Confrontée à ces situations de souffrances intenses, Marguerite se fait proche, chemine avec la personne, lui apporte ses connaissances professionnelles pour soulager, aider, anticiper, planifier les ressources disponibles. La souffrance reste un mystère, individualisé et vécu par chaque personne, de manière différente et particulière.

Croyante et ayant accompli le parcours FAME VI, Marguerite confie son travail, ses patients à la prière. Elle prie avant chaque rencontre, et elle confie à l’amour du Père les personnes décédées. Elle dit trouver dans la prière les gestes appropriés, les attitudes compatissantes pour chaque personne. A sa manière, elle témoigne
de sa foi, non par des discours, mais
par des attitudes ajustées et des actions adaptées à chaque situation.

Merci Marguerite pour le feu sacré qui t’habite : puisse ta passion d’être et de cheminer avec les personnes vers qui
tu es envoyée, se développer et te combler de joie, longtemps encore.

 

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