« Tout est accompli »
Par Fabienne Gigon, représentante de l’évêque à Genève | Photo : cath.ch
Chère Lectrice, cher Lecteur,
« Tout est accompli ». Ces paroles sont les dernières de Jésus, en croix, dans l’évangile de Jean (Jn 19, 30). Les prochaines seront celles du Ressuscité, méconnaissable, et s’adresseront à Marie de Magdala : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » (Jn 20, 15).
Le désir de notre cœur serait de sauter hâtivement de l’une à l’autre, de l’effroi et du déchirement de la croix au réconfort de la présence du Christ.
Pourtant, c’est bien la croix, le symbole de notre foi. Celle qui, peut-être, orne une porte de notre foyer. Celle qui scintille à notre cou en un bijou précieux reçu pour une occasion spécifique. Celle que nous signons sur notre corps à l’entrée d’une église, notamment, et lors des célébrations en communauté, d’un seul cœur. Celle des sommets de nos clochers et de nos montagnes. Celle qui déplace notre regard et souvent nous fait lever les yeux.
C’est pour cette raison que, il y a de nombreuses années, lors d’une retraite dans l’abbaye cistercienne de Hauterive et devant de petites aquarelles d’un moine souhaitant rester anonyme, je choisis entre une superbe Annonciation et un Christ en croix cette dernière. J’acquière ainsi mon premier tableau : un carré de 18 cm au cadre doré et vieilli apportant une douce lumière à ce Jésus crucifié. Corps et croix bleus sur fond ocre, stigmates bordeaux, halo tenu entourant le frêle corps et un visage « ouvert » sur le support de papier granuleux que j’interprète, malgré une tête inclinée, comme une représentation d’un Christ glorieux, ressuscité, qui élève mon regard.
« Tout est accompli ». Vraiment ?
Cette parole, qui m’accompagne de longue date, vient me déranger bien souvent tant ma vie et le monde m’apportent maintes occasions de vérifier que tout n’est guère achevé et que le salut est ô combien nécessaire. Si parfois je l’oublie, prise dans un quotidien effréné, ce tableau réactive mon questionnement. Certes, « tout est accompli » du point de vue de l’Ecriture (Jn 19, 28), pourtant la portée des paroles du Christ, déjà opérantes est encore à venir. Et c’est là le terreau de notre confiance et espérance : par son incarnation, sa mort et sa résurrection, le Seigneur nous rend participatifs du salut de nos vies et du monde. Il nous offre l’Esprit Saint (Jn 20, 22), que nous célébrerons tout particulièrement le 28 mai prochain lors de la fête de la Pentecôte.
« Tout est accompli ». Du Vendredi saint à la Pentecôte, que ce temps pascal nous fortifie dans l’assurance d’un Seigneur présent dans notre quotidien, quelles que soient les situations que nous expérimentons, au cœur de nos vies, nous offrant son Esprit pour être au monde selon son exemple.
Montées vers Pâques, une parenthèse de communion
Pâques, fête de la Mort…
L’Essentiel propose aux Evêques des diocèses de Sion et de Lausanne-Genève-Fribourg, à l’Abbé territorial de Saint-Maurice et à leurs représentants de s’exprimer sur le sujet de leur choix.
Par Céline Ruffieux, représentante de l’évêque à Fribourg
Photos : cath.ch, DR
Pâques, fête de la Mort… sans tabou, avec la cruauté, avec la douleur, avec le sang et l’agonie. On ne tait rien de la souffrance de ce Jeune Homme condamné par la vanité de quelques-uns, à un supplice tellement violent que les Romains l’avaient interdit – c’est dire ! Chaque année, à deux reprises au moins, les chrétiens se plongent dans ce récit, mot après mot. Chaque année, on se demande comment on va aborder le sujet avec les enfants. Et alors, quelqu’un propose d’en faire l’impasse – « c’est compliqué quand même, d’en parler aux plus jeunes… Ce n’est pas adapté à leur âge et qu’est-ce que ça apporte vraiment ? Autant se concentrer sur la Résurrection, sur la Vie ! ». Et chaque année, pourtant, ce récit de la Passion prend vie, avec parfois toute une mise en scène, d’une procession avec les Rameaux au dernier souffle conté à plusieurs voix, avec musique de circonstance et vénération de la croix.
Le pape François répète à plusieurs reprises que « la compassion est le langage de Dieu1 ». Osons donc ce vocabulaire tellement riche d’incarnation, tellement plein de ce Dieu qui fit don de son Fils, vrai Homme et vrai Dieu. Compassion, Passion, deux mots qui trouvent leur origine dans le grec pathos : c’était la souffrance physique d’abord, puis le sens a glissé vers la souffrance psychique, celle qui dévore, qui aveugle. Et pourtant, ce « souffrir avec » de la compassion nous permet d’inverser la perspective de la souffrance. « O Crux ave, spes unica, Hoc Passiónis tempore, Auge piis justitiam… » (Salut ô Croix, (notre) unique espérance. En ces temps de Passion, fais grandir l’esprit de justice des gens de bien) nous dit bien que la croix n’est plus seulement un instrument de supplice, mais bien l’arbre de vie qui nous a donné le fruit le plus fécond, d’une fécondité qui fleurit encore aujourd’hui.
1 Par exemple : 17 sept. 2019 – Pape François. Méditation matinale en la chapelle de la maison Sainte-Marthe. La compassion est un acte de justice. Mardi 17 septembre 2019.
L’attente, une perle très belle
Espoir et pensée
De Bramois à Rome
Pèlerinage paroissial à Rome de la paroisse de Bramois – Carnet de voyage
Texte et photos par Jean-Paul Micheloud
• 18.02. Départ de Sion. Tout le monde se retrouve en gare de Sion pour embarquer dans le train en direction de Rome. En tout 33 personnes dont 8 enfants. L’ambiance est bonne et nous faisons connaissance en prenant place dans le train. Tout le monde est présent pour le voyage.
Cheminement sans souci jusqu’à Milan où le train arrive à l’heure. Un petit miracle… Nous faisons une pause en attendant notre correspondance. La deuxième partie de notre périple se passe bien et notre train fait des pointes de vitesse à presque 300 à l’heure.
Nous arrivons à Rome à 14h50 comme prévu. La température est agréable (environs 15 degrés). Un car nous conduit à notre pension, la casa di Accoglienza Tabor. Nous prenons possession de nos chambres et tout de suite nous partons pour la visite de la caserne des gardes du Pape. Florent et Martin nous accueillent et nous font visiter les lieux. Leurs explications sont précises et passionnées. Après des détails sur les couleurs des uniformes et leur évolution, nous pouvons visiter l’armurerie où d’anciens costumes entourent les armures et les fusils parfaitement entretenus. On a même l’occasion de voir les différentes manières de saluer les autorités religieuses et de tenir une hallebarde entre nos mains. Les gardes suisses bénéficient maintenant d’une cantine pour prendre tous leurs repas durant le service. Rejoints par Baptiste, ils vont enfiler leurs costumes et reviennent vers nous pour quelques photos. Après un apéro offert dans leur cantine nous partons souper à la Casa Bonus Pastor. Fatigués mais heureux, nous rentrons nous reposer. La pension est très sécurisée, signe qu’il peut y avoir des brigandages dans la région. Il est interdit de quitter sa chambre après minuit par exemple et tout le monde doit être rentré à cette heure sous peine de devoir passer la nuit dehors.
• 19.02. Le dimanche commence par un déjeuner et ensuite nous partons célébrer la messe dans la chapelle des gardes du Pape. Nous sommes droit dessous la fenêtre où le Pape célèbre l’Angélus. Certains partent sur la place Saint-Pierre pour voir le Pape en direct. Après un dîner à la même adresse qu’hier soir, la fin de journée est libre pour tout le monde.
• 20.02. Après une messe à la chapelle de la pension, nous partons pour Castel Gandolfo. Après environ 50 minutes de car, nous arrivons à la résidence secondaire des papes en exercice, le pape François y va rarement mais ses prédécesseurs venaient régulièrement s’y reposer. Nous avons la chance de pouvoir visiter le palais apostolique, les appartements du Pape et les jardins du domaine. Le bâtiment regorge de portraits de différents papes et un appareil auditif nous permet d’en savoir plus sur certains des 266 papes qui ont gouverné l’église. La surface du domaine est de 50 hectares et bien plus grande que la Cité du Vatican à Rome. Dans les jardins aussi nous bénéficions d’une aide auditive en français. Le mois de février n’est pas le meilleur mois pour profiter des beautés de ces jardins, en effet les rosiers sont taillés et il n’y a que certains arbres qui ont conservé leurs feuilles. On mange dans le village et on déguste diverses sortes de pizzas.
Après le dîner, nous visitons les catacombes (cimetières communaux) de Saint Calixte, Geoffrey notre guide nous raconte plein d’anecdotes concernant ce site… et qu’il connaissait bien le Cardinal Schwery ! C’était le cimetière officiel de l’église de Rome au IIIe siècle. Un demi-million de chrétiens sont enterrés ici dont des dizaines de martyrs et 16 papes. Les premières inscriptions se faisaient en grec qui était la langue officielle de l’Eglise en ce temps-là.
Le site est situé sur de la roche de type tuf ce qui permet de creuser plus profond lors d’un nouveau décès. Un trou de la taille du mort était creusé dans la paroi, on enduisait le cadavre de chaux, on l’insérait dans la cavité, on scellait une pierre en marbre avec des inscriptions pour étancher la tombe et on plaçait une lampe à huile pour que les proches puissent se recueillir devant.
• 21.02. On se lève de bonne heure, après un rapide déjeuner on rassemble nos valises et on part pour la messe à la basilique Saint-Pierre à 7h30. Nous avons la matinée pour visiter plus en détail cette superbe bâtisse et faire les achats qui nous intéressent. Après un pique-nique dans les jardins de la pension, nous prenons le car en direction de la gare Rome Termini. Le départ de Rome est prévu à 13h50, après une rapide escale à Milan (16h58-17h20) nous arrivons à Sion à 19h50.
Ici s’achève notre périple paroissial au Vatican…
Jeux, jeunes et humour – avril 2023
Par Marie-Claude Follonier
Question jeune
Qu’est-ce que l’octave de Pâques ?
Comme dans l’Eglise on aime bien faire la fête, un seul jour pour commémorer l’inouï de la Résurrection du Seigneur est bien trop peu. On prolonge ainsi la fête toute la semaine, appelée « octave », après le dimanche de Pâques et on continue de porter les habits liturgiques blancs durant les 50 jours du Temps pascal jusqu’à la Pentecôte.
par Pascal Ortelli
Humour
Deux grands-mères parlaient ensemble de leurs petits-enfants.
L’une dit :
– Chaque année, j’envoie à chacun de mes petits-enfants une carte avec un généreux chèque dedans. Pourtant, je n’entends plus parler d’eux, pas même un merci ou une visite.
L’autre dit :
– Je fais la même chose que toi, mais dès la semaine suivante, ils viennent tous me rendre visite et me remercier.
– Vraiment ? dit la première, comment c’est possible, comment fais-tu ?
– Quand je leur envoie le chèque, je ne le signe pas !
par Calixte Dubosson
Bakhita, l’esclave noire devenue sainte
Joséphine Bakhita est injustement méconnue. Saisie par son portrait et une note biographique dans une église de Touraine, Véronique Olmi se lance dans des recherches au résultat plutôt maigre. Injustice à réparer, se dit-elle, face à cette destinée hors normes. Son roman, moult fois primé, raconte l’incroyable odyssée d’une femme ayant survécu à tout.
Par Anne-Laure Martinetti | Photos : DR
Son temps d’écriture ne fut pas solitaire car la romancière, se disant pleine, envahie par ce sujet, en parlait beaucoup tant il est impossible de garder pour soi les émotions suscitées par cette trajectoire. Arrachée à sept ans à son village du Darfour par des marchands d’esclaves à la fin du XIXe siècle, la fillette endurera tant de souffrances qu’elle en oubliera jusqu’à son nom.
« Je ne lâche pas ta main. » – Tout n’est plus que désolation à Olgassa, village de la tribu nubienne des Dadjo : corps mutilés, animaux errants, oiseaux muets, cases défoncées. Dans une précédente « razzia », Kishmet, l’aînée de Bakhita, avait été enlevée. A nouveau, les villageois n’ont rien pu faire. « Contre les fusils et la poudre, leurs flèches et leurs arcs n’ont servi qu’à signaler leur présence impuissante. » Commence alors une vie d’esclave faite d’humiliations et de violences durant laquelle la fillette rencontre Binah, enfant martyre elle aussi, avec qui elle tente de fuir sans succès. Les fillettes ont une devise, « je ne lâche pas ta main », mais Binah ne sera pas sauvée. Vendue et revendue par des marchands d’esclaves qui la baptise « Bakhita », traduction – quelle ironie – de « la chanceuse », l’enfant d’Olgassa marchera des centaines de kilomètres sous un soleil de plomb, enchaînée, fouettée, affamée. Elle appartiendra notamment à un riche arabe et à un général turc sans jamais revoir ni sa sœur ni Binah.
Arrive une trêve – Le Consul d’Italie à Khartoum, Calisto Lignani, est son premier « sauveur ». Elle a 14 ans. Il fait son acquisition, lui donne le prénom de Joséphine et la traite plus humainement. Dans sa maison, elle ne vit plus nue, peut se laver, se nourrir. Suite à un conflit colonial, le Signore doit quitter le pays et, à Gênes, il la transfère à la famille Michieli, propriétaire d’un hôtel à Suakin au Soudan. Bientôt, la présence de Madame Michieli est requise dans l’établissement. Elle confie alors sa fille Alice et Bakhita aux sœurs canossiennes de Venise. Au retour de sa maîtresse, elle refuse de quitter l’Institut des catéchistes. L’affaire est tranchée par un tribunal et, en 1889, le procureur accorde la liberté de choix à Bakhita car l’esclavage est illégal en Italie. La jeune femme a alors 20 ans. Elle est baptisée en 1890 par l’Archevêque de Venise et prononce ses vœux en 1896 à Vérone.
Le « miracle » de Schio – Déplacée sur Schio, province de Vicence, elle s’occupe de l’intendance, des bonnes œuvres et prépare les sœurs en partance pour le continent noir. En Italie, où sa couleur, par ignorance, fait souvent peur, tout n’est pas si simple mais Bakhita est une âme forte malgré les tourments de la nuit qui la ramènent à ses souffrances d’enfant dont elle taira la plupart. Surnommée « la Madre Moretta » ou « la Petite Mère Noire » (les enfants lui jetaient de l’eau pour voir si la couleur partait…), elle écrit son histoire, encouragée par sa supérieure. Durant la deuxième Guerre Mondiale, alors que les bombes pleuvent sur Schio, l’histoire retiendra que la ville s’en est bien tirée grâce, pense-t-on, à la Madre Moretta, considérée désormais comme sa protectrice. Lorsque le ciel terrorisait les enfants, elle les rassurait avec une petite histoire « et les enfants regardaient sans répondre cette vieille dame ridée, tordue et noire, qui avait l’air si pauvre et si puissante ».
Ladite vieille dame décède suite à une longue maladie à l’âge supposé de 78 ans en 1947. Béatifiée en 1992, elle est canonisée par Jean-Paul II en 2000. Il semblerait que Benoît XVI avait une affection profonde pour cette fille d’Afrique à l’humanité préservée.
Une rencontre privilégiée – La biographie de Véronique Olmi est une longue lecture. Pourtant, il est difficile de la lâcher car on ne veut pas abandonner Bakhita. On aimerait aussi qu’elle ait retrouvé son prénom. Lisez l’histoire de Bakhita car, à coup sûr, il demeurera quelque chose d’elle en vous. La biographe, à qui on demandait une raison de lire son ouvrage, répondit : « Bakhita est une personne qui ne s’oublie pas. Lire son histoire, même romancée, c’est la rencontrer et la rencontrer est un privilège 1. »
1 Franceinfo culture, 13 septembre 2017.
Entrons dans la joie de Pâques!
Les Vendredis saints de nos vies
Lorsqu’il n’y a plus que le vide dans notre existence comme dans le tombeau du matin de Pâques, nous touchons peut-être là le vrai mystère de la Résurrection…celui d’une présence qui pourtant soutient encore et fait avancer. Avec l’humour qui le caractérise, Mgr Charles Morerod nous parle de l’espérance radicale que porte Pâques.
Par Myriam Bettens | Photos : Jean-Claude Gadmer
En tant que croyant, que représente Pâques pour vous ?
En tant qu’évêque, je suis aussi croyant (rires). C’est la Résurrection du Christ… qui implique également la nôtre. Il n’est pas venu ni n’est mort pour Lui-même, mais pour que nous puissions vivre et soyons avec Lui éternellement. Cela parce qu’Il nous aime.
Comment, entre un papa protestant et une maman catholique, se vivaient les fêtes de Pâques de votre enfance ?
Nous n’y mettions pas tellement l’accent. A vrai dire, je n’en ai pas de souvenir particulier. J’allais certainement à la messe le jour de Pâques, mais comme avant d’avoir vingt ans, j’ignorais que la Semaine sainte existait, cela me paraissait un dimanche comme les autres. Si ce n’est que je savais que c’était Pâques.
Nous savons ce que Pâques signifie. Or, la vie comporte aussi son lot de « petites Pâques », entendez par là de « petites morts et de résurrections ». Quelle serait une des Pâques de votre vie ?
Oh… j’espère qu’il y en a plus d’une ! Je reste marqué par ce que je pourrais qualifier de petit Vendredi saint. Je marchais sur un trottoir à Fribourg et j’ai vu que celui-ci se terminait. Je m’apprêtais à en descendre et assez curieusement je me suis dit : « Non pas maintenant. » Une fraction de seconde après, une grosse moto a passé à toute vitesse à côté de moi. Là, j’ai pensé : « Tiens, ma vie continue. »
Et de petites Pâques en tant que telles ?
Vu que c’était une non-mort, on peut la comprendre comme une forme de résurrection… L’expérience d’avoir accepté ma vocation, ça m’a obligé à vivre autrement. J’ai vraiment eu l’impression d’une irruption de Dieu dans ma vie… mais pas de manière telle que j’aurais dû commencer par être « à peu près mort » (rires). J’observe aussi des Pâques chez d’autres. Des personnes dont la vie reprend. Cela arrive par exemple lorsque les gens se confessent. Tout d’un coup, un poids se lève de leurs épaules et c’est très frappant.
En bonne protestante, je ne vais pas très régulièrement me confesser…
Vous le regretterez, certainement plus tard, (ndlr. Mgr Morerod est pris d’un fou rire communicatif). En attendant, profitez bien de la vie ! (rires)
Le tombeau vide du matin de Pâques peut aussi représenter, pour le croyant, cette tension entre présence et absence de Dieu…
Oui, absolument. Il y a des moments où on s’interroge et c’est normal dans le dialogue avec Dieu de lui dire : « Tu respectes notre liberté, c’est très bien, mais est-ce que Tu ne pourrais pas, parfois, la respecter un peu moins ? » (sourires)
Lorsqu’on Le laisse causer, est-Il plus bavard ?
Pas nécessairement. On voit dans la vie des saints qu’ils ont presque tous eu « des nuits de la foi ». Ces périodes parfois très longues marquées par l’impression que Dieu n’existe pas ou en tout cas n’est pas là. Ils interprètent ce silence en termes de : « Il veut voir si c’est Lui que nous aimons ou seulement ce qu’Il nous donne. »
Beaucoup de croyants préféreraient éliminer le Vendredi saint et ne voir que le côté festif et heureux de la Résurrection. D’ailleurs, dans plusieurs cantons, ce n’est pas un jour férié…
Oui, mais ce n’est pas l’Evangile. Il y a aussi des Vendredis saints dans l’existence humaine. Alors, une foi dont on aurait éliminé le Vendredi saint, qu’est-ce qu’elle a à dire à des gens qui se trouvent eux-mêmes dans ce Vendredi saint ? La foi donne une espérance radicale, même si on ne voit pas toujours très bien où on va. Si l’on croit que Dieu est présent, cela change la donne et ça, c’est aussi une expérience de Pâques. Cela ne veut pas dire qu’être croyant rend la vie facile.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Certainement Pâques ça… (rires)
Découvrons notre église paroissiale (suite)
Après la contemplation du Christ crucifié de Boular présenté récemment dans nos colonnes, approchons-nous du maître-autel, de style baroque de la fin du XVIIe siècle.
Marcel Comby avec Fabienne Seydoux | Photos : DR
Il présentait à l’origine un aspect principalement bicolore : noir et gris, pour imiter vraisemblablement la pierre de Saint-Triphon (matériau utilisé pour les portails) avec d’importantes parties dorées. Son aspect actuel date de 1931, lorsque le retable a été entièrement repeint.
En raison de sa dimension et de sa richesse décorative, il attire spontanément le regard du visiteur qui entre dans cette église. Il est constitué de trois éléments de mobilier. D’abord l’autel principal (on le dit « principal » par opposition aux deux autels latéraux qui se trouvent de part et d’autre du chœur). Deuxième élément juste au-dessus, le tabernacle se présente comme une petite armoire où sont conservées les hosties consacrées. Une petite lumière rouge brille en permanence, elle indique la présence du Christ dans le « Pain de Vie ». Le tabernacle est couronné par la représentation du Christ comme Agneau vainqueur, qui porte les emblèmes de sa victoire sur la mort. Troisième élément, le retable. Il s’agit d’une méditation sur le mystère du Christ. Nous voyons au centre le tableau de la Visitation du peintre biennois Théophile Robert (1879-1954) qui, en 1933, a remplacé celui peint vers 1680-1690. Il évoque la très belle scène de la « Visitation » que nous rapporte l’Evangile selon saint Luc : Marie, enceinte de Jésus, rend visite à sa vieille cousine Elisabeth, enceinte elle aussi, de Jean le Baptiste. Elisabeth salue en Marie, la « Mère de son Seigneur ».
Il est bon de se souvenir que cette église a de tout temps été dédiée à la Vierge Marie. D’abord, elle s’appelait Sainte Marie d’Octodure, puis en 1420, Notre-Dame-des-Champs, en référence à la modeste agglomération rurale qui l’entourait à l’époque, et ce, jusqu’en 1575, où elle prit définitivement le nom de « Notre-Dame de la Visitation ».
De part et d’autre du maître-autel, se trouvent deux statues. D’un côté, Charlemagne, qui en raison d’une légende aurait confié le comté du Valais au premier évêque du Valais, saint Théodule ; mais en réalité Charlemagne a vécu bien après Théodule et cette légende a perduré pendant des siècles pour renforcer la légitimité de la donation du comté du Valais à l’évêché.
De l’autre, saint Maurice, en référence à saint Théodule, premier évêque du lieu, dans les années 380 parce qu’il a beaucoup fait pour développer le culte de saint Maurice.
Dans sa partie supérieure, le maître-autel représente les trois personnes de la Trinité. Immédiatement, au-dessus du tableau central, le Fils enfant porte une sphère qui symbolise le monde qu’il bénit. Au-dessus de lui, la colombe symbolise l’Esprit Saint et tout en haut, Dieu le Père avec sa coiffe triangulaire.
Dernière pièce remarquable l’antependium. Pour vous la présenter, voici un article du bulletin paroissial d’août 1934 : « Le 8 juillet, jour de la fête paroissiale, les paroissiens ont eu la joie de constater que l’église s’est enrichie d’un magnifique antependium, c’est-à-dire, devant d’autel, œuvre d’art et de patience due au dessin d’un paroissien, M. André Closuit, artiste de talent, et aux mains expertes de sa sœur, Mlle Laurence Closuit. Cette broderie, remarquable par la richesse et l’harmonie des tons et la finesse de l’exécution, parachève heureusement la splendeur du maître-autel. »
Rejoins la Montée vers Pâques Kids !
Descente de croix, Collégiale Notre-Dame-de-l’Assomption, Romont
Par Amandine Beffa | Photo : Jean-Claude Gadmer
Parmi les œuvres extraordinaires de la Collégiale de Romont se trouve un décor peint du XVIIe siècle. Il représente une descente de croix qui nous invite à méditer cet « entre temps » entre la mort et la Résurrection.
La composition de l’œuvre épouse l’architecture. Le mouvement nous entraîne dans la partie haute, sous l’arc brisé, en passant de l’obscurité à la lumière.
Dans les parties basses, les anges portent les instruments du supplice, ou Arma Christi. A la droite du visiteur, les clous et la lance (Jean 19, 23. 34). A la gauche du visiteur, la colonne sur laquelle Jésus a été attaché et le fouet (Jean 19, 1). Ces objets mettent en évidence deux temps de la Passion : d’un côté la mort et de l’autre les outrages survenus pendant les étapes du procès.
Le second registre fait place à de nombreux personnages. Tout à droite, sainte Véronique présente le Voile de la Sainte-Face. Elle fait le lien entre la condamnation et la crucifixion. En effet, si l’épisode n’est pas attesté dans la Bible, la tradition tient que Véronique a essuyé le visage du Christ alors qu’Il portait la croix.
Aux pieds de Jésus se trouve Marie-Madeleine. Sa chevelure est particulièrement soignée. Avec elle, plusieurs des femmes représentées tiennent des mouchoirs. Elles rappellent la parole du Seigneur : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur Moi, mais pleurez sur vous et sur vos enfants. »(Luc 23, 28) Laissons-nous interroger par cette interpellation : quelles sont nos émotions devant la croix ? Sommes-nous à la place de Marie-Madeleine qui ne voit que le corps de celui qui n’est plus ? Sommes-nous comme le personnage tout à gauche (probablement le donateur) qui est certes à genoux, mais loin de la scène et loin de la lumière ? Ou sommes-nous comme Marie qui n’a pas peur de s’approcher de la réalité de la Passion. Elle porte le corps de son Fils, ne faisant pas l’économie de la mort. Mais, elle est dans la lumière.
Et là est peut-être l’apport le plus intéressant de l’œuvre. La partie la plus lumineuse est celle où se trouve la croix. L’obscurité qui a recouvert la terre (Matthieu 27, 45) se dissipe pour faire place à la Victoire. Une victoire déjà là et pas encore.
Soirée des bonnes nouvelles : renaissance
Après trois années perturbées, la soirée des bonnes nouvelles renaît. Le mercredi 8 février dernier, au rectorat de l’église du Bourg, une quarantaine de personnes se sont rencontrées et ont médité une parole de vie éditée par le Mouvement des Focolari: «Apprenez à faire le bien, recherchez la justice.»
Texte et photo par Florian Boisset
Dans notre marche quotidienne, nous avons toujours quelque chose à comprendre, à améliorer et nous pouvons recommencer en cas d’erreur. Pratiquer la justice nous aide à apprendre à faire le bien.
Dans un deuxième temps nous avons reçu le témoignage d’un responsable de l’institution « Terre des Hommes » qui, par son engagement, contribue à aider les enfants dans quarante pays dans le monde, à guérir de leur maladie. Terre des Hommes à Massongex accueille des enfants de ces pays pour un séjour de convalescence à la suite d’une opération chirurgicale dans notre pays.
Terre des Hommes est particulièrement active au Burkina Faso où la majorité des enfants souffrent de la faim ou de malnutrition. Un responsable local a écrit dans le Journal Courage ce témoignage : « Nous travaillons avec fierté à rendre leur dignité aux personnes déplacées. Lorsque nous prenons en charge un malade et que nous le retrouvons quelque temps après, il nous témoigne de la reconnaissance parce que nous l’avons aidé à aller mieux. Je tire une profonde satisfaction de notre engagement. »
La prochaine soirée des bonnes nouvelles aura lieu le 26 avril à 19h30 au rectorat de l’église du Bourg avec le thème « Contemplation et action ». Bienvenue à chacune et chacun !
A la rencontre d’une catéchumène
De Prague à Wislikofen
Des jeunes de divers cantons romands profitent de cet espace de liberté pour évoquer un sujet qui les intéresse. Rencontre avec la Vaudoise Malika Schaeffer.
Par Malika Schaeffer
Photos : cath.ch / Bernard Hallet, DR
Depuis près de deux ans, les catholiques du monde entier sont appelés par le pape François à vivre une démarche synodale, c’est-à-dire à cheminer ensemble (le mot « synode » vient du grec synodos signifiant « le chemin commun ») pour découvrir et discerner ce que Dieu attend de l’Eglise du IIIe millénaire. Un projet à la fois ambitieux, stimulant et porteur d’espérance dans une société dans laquelle les questions religieuses suscitent bien souvent des réactions contrastées.
Ce « chemin commun », j’ai eu la chance de l’expérimenter de manière concrète comme déléguée en ligne et en compagnie de dix autres délégués suisses dans un ancien couvent bénédictin à Wislikofen (AG) et dans le cadre de l’étape continentale du Synode. Cette étape a réuni à Prague, du 5 au 9 février dernier, 39 régions d’Europe, 150 participants (dont 3 Suisses !) et plus de 500 délégués en ligne pour échanger et débattre autour de l’avenir de l’Eglise.
Ce condensé d’expérience synodale s’est révélé être un apprentissage intense d’écoute et de décentrement. Derrière mon écran, je me suis en effet trouvée devant une Europe mosaïque, dans laquelle notre Eglise présente une grande diversité d’idées et de mentalités. Toutes vivent cependant une prise de conscience profonde et bouleversante de leurs fragilités, notamment celles liées aux abus.
En compagnie des autres participants, je vis chaque jour et en direct un déplacement salutaire, émouvant et parfois révoltant. L’Esprit Saint est invité et plane au centre des réflexions, car un consensus se dégage : il est nécessaire que l’Eglise reconnaisse rapidement la vocation et la dignité de tous les baptisés et de tous les charismes. Sans craindre de se briser, l’Eglise devra désormais avoir le courage de vivre avec une série de tensions nécessaires et inévitables dans notre monde sécularisé pour, telle une fine équilibriste, « être dans le monde sans être du monde ».
Dans le jardin avec Lui
La Veillée pascale : quatre symboles pour la Vie
Les végétaux connectés
Par Pierre Guillemin | Photo : DR
Cicéron montre que le terme religio (religion) vient de legere (« cueillir, ramasser ») ou encore religere (« recueillir, récolter »). Nature et religion sont donc liées et ne sont rien sans le vivant : les dernières recherches scientifiques sur les végétaux nous indiquent qu’ils possèdent un langage, une communication, qui en fait des êtres vivants à part entière faisant partie intégrante du monde religieux.
Quels sont les éléments principaux du langage des plantes ?
Les couleurs et les formes
Nous savons que les fleurs violettes ou bleues attirent plus facilement les abeilles, car celles-ci perçoivent très bien les couleurs dans cette partie du « spectre visible ». Les fleurs blanches en revanche sont plus visibles la nuit et attirent les papillons de nuit.
La chimie
Les plantes envoient et reçoivent des signaux souvent au moyen de composés organiques. Il s’agit d’informations destinées à les protéger, elles ou leurs congénères, ou à permettre leur reproduction. Dans le sol, les poils fins des racines des plantes peuvent par exemple reconnaître les signaux chimiques d’autres plantes. Les racines de certaines plantes cessent de croître dans la direction de leurs congénères. Des arbres et d’autres plantes vivent en symbiose avec les champignons : les champignons rendent les aliments difficilement disponibles dans le sol accessibles pour la plante, qui en retour produit dans ses feuilles des composés organiques qu’elle met à disposition des champignons comme nourriture via ses racines. Ce réseau relie même des plantes entre elles. Par exemple, les haricots peuvent avertir leurs congénères s’ils sont attaqués par des pucerons, via le réseau de racines et de filaments de champignons, afin que les haricots sains puissent produire aussi les substances de défense correspondantes.
Les sons
Les racines font des sons en émettant des bruits dans la fréquence des ultrasons. La question que se posent les scientifiques est de comprendre comment les autres végétaux peuvent capter ces signaux sonores. Une telle découverte nous permettra d’enrichir notre approche de la communication entre les êtres vivants en incluant les végétaux.
Retrouvons le dialogue avec les végétaux : les végétaux nous donnent une leçon d’humilité, nous rappelant que l’être humain n’est pas le sommet du monde vivant, mais une composante de la vie. Comme saint François d’Assise, nous disons : « Loué sois-Tu, mon Seigneur, pour sœur, notre mère la Terre, qui nous soutient et nous gouverne et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe. »