Mortellement vôtre

Parler de la mort est peu plaisant. Tellement peu qu’elle a été reléguée en marge et confiée à des personnes qui savent s’en occuper sans trop faire de bruit. Le Covid l’a ramenée sur le devant de la scène et avec fracas. Ne serait-il pas temps de lui redonner sa place au sein de notre société. Au sein de la vie ?

Par Myriam Bettens | Photos : Flickr, Pxabay, DR

La mort est abstraite. Elle incarne l’altérité radicale, l’expérience qu’il n’est jamais possible de vivre à la première personne. Pourtant, que la mort puisse difficilement se penser ne signifie pas que l’Homme en soit réduit à son ignorance. Elle est au contraire sa marque distinctive : l’humain est le seul animal qui sait qu’il va mourir. Il y a là une irréductible singularité et une unicité de l’expérience humaine. Or, dans une société obsédée par le besoin de maîtrise, « se retrouver face à la mort, c’est accepter l’échec », glisse Rachel Wicht. L’aumônière aux HUG, maintenant retraitée, poursuit : « Dans un hôpital, tout est fait pour que tu ne croises jamais la mort. » Un paradoxe d’autant plus flagrant au vu de la dernière pandémie. Philosophe et éthicien, Stève Bobillier nuance néanmoins cette trompeuse contradiction : « Elle est restée virtuelle, immatérielle. Nous nous trouvions dans une sorte d’administration de la mort pour protéger la société. » Une manière de l’intellectualiser pour mieux la gommer ? Rachel Wicht et Stève Bobillier s’accordent à dire que le tabou entourant la mort persiste encore fortement et que, même présenté comme un mécanisme de protection légitime, il est plus délétère qu’autre chose. 

C’est le passage à trépas que les gens redoutent le plus, comme le montre cette sculpture de Rodin intitulée « le Cri ».

De vie à trépas

« Nous avons une bonne représentation de ce procédé avec les enfants. Croyant les protéger, nous enrobons le tragique de la mort avec des métaphores qui produisent l’effet contraire de celui recherché », affirme Franziska Bobillier. La psychologue donne notamment l’exemple d’enfants terrorisés par le fait de devoir dormir, car on leur avait expliqué que « grand-maman s’était endormie pour toujours ». D’où la nécessité « d’impliquer l’enfant dans le processus de deuil tout en restant le plus clair et factuel possible ». Qu’est-ce qui finalement angoisse nos contemporains au travers de ce blasphème suprême qu’est la mort ? Rachel Wicht indique que c’est le passage de vie à trépas que les gens redoutent le plus et que de nombreuses « légendes » entourent ce moment, lui donnant un caractère encore plus effrayant. « Le mourant va-t-il hurler ou se redresser d’un coup au moment du trépas, sont certaines des questions qu’on m’a posées. » Pour sa part, Stève Bobillier pointe en premier lieu les acceptions du terme et le vocabulaire utilisé pour la qualifier. « Le français reste en définitive très vague sur ce qu’est la mort. On sait difficilement la définir. » Insaisissable par le vocabulaire et la pensée, la mort se soustrait, encore une fois, à notre maîtrise. 

Un deuil soumis à résultats

Son confrère Thierry Collaud, éthicien et médecin, se demande si le tabou de la mort n’est pas en fin de compte un refus du tragique. « La société a tendance à vouloir effacer les manifestations de chagrin et de douleur, car finalement notre souffrance dérange les autres. » De là à dire qu’il faudrait mourir sans faire de bruit, il n’y a qu’un pas. Rachel Wicht acquiesce : « Aujourd’hui, la perte d’un proche ne « nécessite » que trois jours de congé. Implicitement, cela signifie qu’on peut être triste, mais pas trop longtemps. » Experte des questions de deuil, Franziska Bobillier parle même d’une obligation de résultats. « On ressort systématiquement le schéma des étapes du deuil, comme des échelons à gravir pour nécessairement aller mieux. Or, l’ordre des étapes n’a pas pu être confirmé par les études scientifiques. Le processus est fait d’innombrables allers-retours qui prennent du temps. » Cela souligne aussi la propension de nos sociétés à faire disparaitre les difficultés et « il est urgent qu’elles réapprennent à vivre avec des échecs et des recommencements, car c’est bien cela que la mort nous enseigne : à vivre « malgré » », développe Thierry Collaud. En outre, ce qui freine l’acceptation pleine et entière de notre finitude réside peut-être « dans le désir originel d’immortalité de l’être humain », précise Fiorenza Gamba, chercheuse dans le domaine de la Digital Death (mort numérique, ndlr.) à l’Université de Genève. De ce point de vue, la toile répond à une part de cette attente. En effet, « notre double numérique » continue d’exister, même après le décès.

Le désir d’immortalité freine l’acceptation pleine et entière de notre finitude.

Un cimetière dans la poche

« Nous avons un cimetière dans la poche » lance Stève Bobillier avec un geste éloquent à son smartphone. En effet, « dans cinquante ans et avec la croissance actuelle, Facebook comptera plus de comptes utilisateurs de morts que de vivants ». Pour Stéphane Koch, spécialiste des questions numériques, « notre relation à la mort a énormément évolué. Les réseaux sociaux sont devenus les médiums privilégiés pour annoncer un décès, mais aussi pour perpétuer la mémoire des défunts par des pseudos anniversaires. C’est comme si le rituel ne prend jamais fin ». A cela, Fiorenza Gamba réplique que le Net a ouvert « un espace incroyable pour inventer des manières différentes et personnelles de ritualiser la mort ». Dans ces sphères numériques, les endeuillés peuvent partager leur chagrin et « vivre ce deuil à leur rythme ». Par ailleurs, même si le numérique nous laisse effleurer l’idée d’immortalité et rend la frontière entre monde des vivants et des morts de plus en plus poreuse, Thierry Collaud se demande si, en définitive, la mort ne se laissera jamais apprivoiser.

Eternité numérique

« Il y a une vraie réflexion à mener de son vivant concernant la trace que l’on désire laisser sur le Net », pointe Stéphane Koch. Malgré le décès, l’empreinte numérique continue d’exister. C’est pourquoi le consultant conseille de se pencher sur ces questions de son vivant, par des dispositions testamentaires. Il note aussi la possibilité de se tourner vers des services tiers, tels que tooyoo.ch, permettant de gérer les questions liées aux réseaux sociaux, comptes e-mail et nettoyage des référencements sur les moteurs de recherche après le décès. Au sujet de la « mort numérique » et ses implications, la fondation TA-SWISS publiera en septembre 2023 les résultats d’une vaste étude sur « l’influence des technologies numériques dans la prévoyance funéraire, la gestion des données numériques d’un-e défunt-e et le travail de deuil. Elle tirera des conclusions et, si possible, des recommandations à l’intention des parlementaires, des juristes, des professionnels du domaine funéraire et de la population sur la manière d’aborder cette question ». A suivre sur www.ta-swiss.ch/fr/mort-a-l-ere-numerique

Malgré le décès, l’empreinte numérique continue d’exister.

Une maison qui revit

C’est en septembre 2021 que le Conseil de Fondation de la Maison Cana-Myriam s’adresse à la Maison de la Diaconie et de la Solidarité pour faire revivre la magnifique bâtisse occupée jusqu’en 2017 par la communauté Cana-Myriam à Muraz (Collombey). En étroite collaboration avec les membres du Conseil de fondation, une équipe de projet se met alors en route. Sa mission ? Discerner ce qui pourrait être le dessein de Dieu pour ce lieu hors du commun et mûrir un projet stimulant et viable.

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Mortellement vôtre

Texte et photo par Laetitia Vergère

Ce n’est un secret pour personne : Jésus a accepté sa destinée et est mort sur la croix, bras ouverts, accueillant sans différence tous les pécheurs de l’humanité. Sa mort est un symbole d’amour, de rédemption et de sacrifice pour tous les chrétiens. En offrant sa vie, Jésus nous montre un exemple d’amour inconditionnel, révélant ainsi l’amour infini de Dieu pour l’humanité. 

Mais, 2000 ans plus tard, que pouvons-nous tirer d’un tel acte ? Il s’agit d’une invitation à la réflexion, à l’introspection et à l’action. Nous sommes toutes et tous appelés à l’amour et au sacrifice pour les autres, actes que nous faisons sans nous en rendre compte au quotidien : sacrifier nos besoins personnels pour subvenir à ceux des membres de notre famille ou de notre communauté, se « tuer à la tâche » pour pouvoir payer nos factures ou donner à ceux qui sont dans le besoin, prendre de son temps pour s’inquiéter de son voisin… Le message reste intact au fil des années : vivre en aimant les autres comme nous-mêmes, à lutter contre l’injustice et à travailler pour la paix et la réconciliation dans le monde. La mort de Jésus est un symbole puissant de l’amour et de la compassion que nous devrions toutes et tous cultiver les uns envers les autres.

En fin de compte, Jésus, « mortellement nôtre », nous rappelle que nous ne sommes pas seul·e·s et que nous avons un chemin à suivre dans la vie, en nous inspirant de son exemple d’amour et de sacrifice pour chercher à vivre de manière plus authentique et alignée avec nos valeurs… En méditant sur ce message, nous pouvons trouver un sens plus profond à notre existence et être inspiré·e·s à vivre de manière plus aimante et plus authentique.

« Vivre et mourir pour le Seigneur »

Le Christ a accompli sa trajectoire d’humanité jusqu’au bout.  Dans la mort et dans l’amour. 

Par François-Xavier Amherdt | Photo : DR

« Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Donc, dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur. » (Romains 14, 8) Que voilà une parole qui contraste avec nos farouches revendications d’autonomie et d’indépendance, comme si l’être humain pouvait se couper de son Créateur et s’autogérer sans en référer à la Transcendance ! Sans cette interpellation de Paul aux Romains, nous tombons dans le « transhumanisme ».

D’abord, sous le regard de Dieu, vie et mort sont inséparables. Nous savons que nous mourrons inéluctablement, mais c’est afin de rejoindre le Christ Vivant. Si Jésus est mort et ressuscité, c’est pour nous faire vivre en plénitude : « Je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l’ayez en abondance. » (Jean 10, 10) Tout dépend de Jésus-Christ. Lui seul a accompli sa trajectoire d’humanité jusqu’au bout, dans l’amour. Lui appartenir dans la mort, vivre les derniers temps de notre existence terrestre en nous « lâchant » sur son cœur et en le laissant disposer de notre souffle, c’est nous livrer à cette seigneurie d’amour qui nous veut vivants. Dans la toute-faiblesse de notre mortalité, nous expérimentons ainsi la toute-puissance de notre seul Maître.

Il nous a donné l’être, au premier moment de notre conception, il est là pour accueillir notre dernier souffle, à l’heure que nous ne choisissons pas. Toute notre vie dépend du Dieu Sauveur. Elle est un cadeau dont nous ne disposons pas. Et cela est très libérateur ! « Mourir dans la dignité », c’est nous abandonner dans les bras du Père, avec le moins de souffrance possible, en toute confiance.

En outre, « Nul d’entre nous ne vit pour soi-même, comme nul ne meurt pour soi-même. » (Romains 14, 7) Ni notre existence ni notre trépas ne peuvent être cachés. Ce que nous expérimentons de beau ou de rude a des incidences sur la communauté à laquelle nous appartenons. Sinon, nous dépéririons. Car dans le Seigneur, notre existence et notre décès concernent aussi nos proches et nos amis. Pâques, c’est partager notre vie et notre mort, sans
retenue.

« Je te garderai jusqu’à ton arrivée… »

Le sierrois Christophe Rosay ne pouvait pas manquer le spectacle sur la vie de Charles de Foucauld présenté à l’église du Bourg le 8 janvier dernier. En effet, l’Assekrem, où a vécu de Foucauld, a été le théâtre d’un bouleversement détonnant dans sa vie. C’est à cheval sur sa moto, en 1979, au cours d’une folle aventure qui le mènera dans le massif du Hoggar, dans cette Algérie si chère au Père de Foucauld, qu’il va découvrir le mystère de Dieu.

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N.-D. de Bonnefontaine: le sanctuaire à un tournant

De très nombreux paroissiens et nombreux visiteurs connaissent le sanctuaire de Notre-Dame de Bonnefontaine, niché dans son écrin de verdure. Ils y viennent pour prier
ou simplement la saluer et goûter un moment de paix. La gestion de ce sanctuaire est en train de changer de main. Eclairage.

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L’ultime passage

Texte et photo par l’abbé Frédéric Mayoraz

Souvent dans les homélies et les célébrations de funérailles, je parle de la mort comme d’un passage. Un passage qui implique qu’il y ait un avant, un pendant et un après. Ces mots n’ont pas pour but de dédramatiser la mort, même Jésus était triste à la mort de son ami Lazare. D’ailleurs, la mort est un mystère que de simples mots ne peuvent appréhender totalement. Mais pour nous en approcher, nous sommes invités chaque année à suivre le Christ à travers le mystère Pascal et c’est pour nous l’occasion d’essayer de donner un sens à la mort, ou tout du moins, d’avancer dans la compréhension de ce mystère. 

Antoine de Saint-Exupéry écrivait dans « Terre des hommes » que ce qui donne un sens à la vie, donne un sens à la mort. Et la littérature regorge de livres traitant la mort sous cet angle : « Quand nous prendrons conscience de notre rôle, même le plus effacé, alors seulement nous serons heureux. Alors seulement nous pourrons vivre en paix et mourir en paix. » 

Avant, pendant et après… et sur ce chemin, il ne faut pas se le cacher, il y a la peur, la peur de l’inconnu, la peur de devoir vivre ce passage seul. Mais si nous avons foi en Dieu et en ceux qui nous entourent, et avec qui nous partageons notre vie, nous ne sommes pas seuls pour franchir ce passage vers l’après et rappelons-nous que comme le dit si bien ce chant : « Il restera de nous ce que nous avons donné… » 

En effet, pour ceux qui sont appelés à laisser partir ceux qu’ils ont aimés, ce moment est certes vécu comme une absence, un vide, mais il serait beau de le voir plutôt comme une « différence de présence » qui se vit dans les souvenirs et les valeurs transmises. Alors appliquons-nous à bien vivre ici et maintenant pour qu’au moment de « passer les ravins de la mort », nous soyons heureux et en paix en voyant Celui qui nous guide et nous conduit dans l’avenir qui nous est promis. Bonne montée vers Pâques à tous.

« Méditer sur sa mort»

Par Thierry Schelling | Photo : DR

« Je suis devant la porte obscure de la mort », disait Benoît XVI au début de l’année 2022, qui s’acheva sur son trépas. Réalisme d’un nonagénaire, souligné par son successeur, François, qui présida, fait rarissime, ses obsèques 1

Et d’exposer, selon le rituel prévu, mais allégé (car Benoît n’était plus Pontifex regnans), le corps de Ratzinger au vu et au su des pèlerins venus se recueillir. Ou s’interloquer sur cette « exposition macabre », comme l’a titré un journal. C’est vrai, sous nos occidentales latitudes, on est peu habitué à voir des cadavres, même embellis : des os (ossuaires, etc.), oui ; des corps entiers qui ne sont pas des momies, moins…

De fait, « la culture contemporaine du bien-être semble vouloir évacuer la réalité de la mort et de notre finitude ; notre foi chrétienne ne nous dispense pas de la peur de la mort, mais elle nous aide à l’affronter. Et la vraie lumière qui éclaire le mystère de la mort, c’est la résurrection du Christ. » (février 2022) Tout est dit et François de rajouter : « On n’a jamais vu un camion de déménageurs derrière un corbillard ! […] Accumulons plutôt la charité et le sens du partage. »

« Méditer sur sa mort est un exercice des plus enrichissants », assure-t-il. Un exercice propre (mais pas exclusivement) à la Compagnie de Jésus. S’habituer à l’inéluctable permet de « mourir en paix » selon l’expression. « Quelle sagesse dans cette demande », souligne le Pape. Et de rappeler que le « Je vous salue, Marie » se conclut par « Priez pour nous… aujourd’hui et à l’heure de notre mort. » Ou de se tourner vers saint Joseph appelé jadis « patron d’une bonne mort ». 

En effet, Benoît XV s’y référa dans son motu proprio Bonum sane de juillet 1920. Cherchait-il à panser les incommensurables plaies laissées en Europe (notamment) par la Première Guerre mondiale et ses 40 millions de morts ? Tant faire se peut…

1 Pie VII avait présidé en 1802 les obsèques de son prédécesseur Pie VI, mort en exil, mais certes, pas « pape émérite »…

La mort

Texte et photo par Jean-Christophe Crettenand

Si en lisant pour la première fois le titre de ce numéro – « Mortellement vôtre » –, ce sont les visages de Roger Moore et de Tony Curtis qui me sont venus à l’esprit – associés aux personnages de Lord Brett Sinclair et de Daniel Wilde (dit « Danny ») dans la série des années 70 « Amicalement vôtre » –, j’ai très vite recentré mes réflexions sur la mort, car c’est bien de cette thématique dont il est question dans la présente édition de notre magazine paroissial.

Je me suis d’abord focalisé sur l’expression complète utilisée pour ce titre avec ce « vôtre » qui m’avait fait dévier du sujet (cf. 1er paragraphe). Je ne suis pas allé très loin sur cette voie en me disant « Oui, bien sûr, ce «  mortellement vôtre  », cela fait allusion à Jésus qui a donné sa vie pour nous ». Mais comment développer cela ?

J’ai finalement décidé de partager avec vous deux aspects de « la mort » qui ont animé mes réflexions lors de la rédaction de cet édito : la célébration de la fête de la Toussaint et une expérience personnelle.

La fête de la Toussaint

Je reste impressionné, année après année, par la célébration de la fête de la Toussaint en tant qu’évènement rassembleur pour de nombreuses familles. L’église est quasi remplie ce jour-là et au moment de se rendre au cimetière, l’assemblée prend encore de l’ampleur. Je suis fasciné par ces liens qui se manifestent à cette occasion. Si l’on est avant tout en famille, on prend cette occasion pour partager tout particulièrement avec les autres familles « voisines de cimetière ». Je ressens à chaque fois un sentiment général de bienveillance encore plus fort qu’habituellement. Les familles qui ont perdu un être cher durant l’année peuvent alors se sentir membres à part entière d’une communauté solidaire. 

Peur de la mort ?

Quelques mois avant la mort d’un de mes oncles qui se savait condamné du fait de sa maladie (Edgar Challandes, qui habitait Fontaines, dans le canton de Neuchâtel, décédé en 2000), je me suis retrouvé seul avec lui dans le salon familial. A bien y repenser, je crois que c’est la seule et unique fois où j’ai eu une conversation sérieuse, seul à seul avec lui. Je me souviens parfaitement lui avoir demandé : « Tonton Edgar, est-ce que ça te fait peur de savoir que tu vas bientôt mourir ? » Il a réfléchi quelques instants et m’a répondu, avec son humour habituel : « Non, ça ne me fait pas peur. Il paraît juste que ça fait un peu bizarre la première fois ! »…

Archéologie biblique

L’archéologie biblique consiste en l’étude du passé de la Terre Sainte (actuels Palestine, Israël, Liban, Syrie, Jordanie) et plus généralement de tous les territoires concernés par la Bible. Aujourd’hui, cette discipline se veut objective et les recherches sont effectuées sans préjugé.

Par Pierre Guillemin | Photos : Jean-Claude Gadmer, DR, Flickr

L’archéologie biblique pratiquée dès la seconde moitié du XIXe siècle partait des textes bibliques pour orienter les recherches. Mais en agissant ainsi les archéologues préorientaient leurs recherches introduisant un biais, c’est-à-dire un potentiel manque d’objectivité, dans leur démarche. 

De nos jours, les fouilles et recherches sont effectuées sans préjugé, sans lecture préalable des textes, afin de préserver le plus possible l’objectivité de la démarche scientifique. Ce n’est qu’une fois le travail des archéologues réalisé que l’on pourra comparer les conclusions scientifiques avec les textes religieux.

Dans le cas de la Chrétienté, où l’on parle alors d’archéologie chrétienne, le but est de vérifier les vérités essentielles de l’Ancien et du Nouveau Testament par la découverte de vestiges matériels des populations anciennes en cherchant, en fouillant les sols et en faisant les investigations et conclusions scientifiques qui s’imposent, sans interférer avec les textes bibliques ou des Evangiles. 

Si l’archéologie, et en particulier l’archéologie chrétienne, se veut scientifique, elle s’appuie sur une démarche précise basée sur les quatre règles fondamentales suivantes (communes à toutes les disciplines scientifiques) : la neutralité, la prise en compte des échecs, le doute et l’expérience pratique confirmant la théorie.

Mais cette démarche qui modèle nos esprits cartésiens n’est pas nouvelle. C’est celle de saint Thomas !

Visites papales

Rappelons-nous : lorsque Jésus ressuscite, Thomas l’Apôtre refuse de croire avant d’avoir vu les preuves de la Crucifixion : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous et si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. » Jésus répond : « Avance ici ton doigt et regarde mes mains ; avance aussi ta main et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais sois croyant », puis « parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ! » (Jean, 24-29).

Parmi les archéologues les plus connus ayant participé significativement à cette archéologie chrétienne, citons le père Michele Piccirillo (1944-2008), franciscain membre des frères Mineurs de la Custodie de Terre Sainte. Il est lié aux découvertes archéologiques du Mont Nébo, la montagne jordanienne d’où Moïse contempla la Terre Promise. Le 9 mars 2000, preuve de la reconnaissance du travail des archéologues et en particulier du père Michele Piccirillo, le pape Jean-Paul II visite le mont Nébo, au cours de son pèlerinage en Terre Sainte, suivi le 9 mai 2009 par le pape Benoît XVI au cours de son voyage apostolique dans la même région. Ces deux visites papales avalisent le travail des scientifiques et leur donnent leur valeur sacrée.

Jean-Paul II a visité le mont Nébo en mars 2000, en compagnie de Michele Piccirillo.

Citons deux exemples significatifs du travail des archéologues et de l’application d’une démarche scientifique à l’archéologie chrétienne.

La maison dite de Jésus à Nazareth

La demeure se situe sur le flanc d’une colline rocailleuse de Nazareth (Israël). Elle est érigée de murs de pierres et de mortier et, d’après les travaux de datation, remonterait au premier siècle de notre ère. Cette maison n’est pas une découverte récente. Elle est connue depuis 1880 par les sœurs du couvent de Nazareth, mais le lieu fait l’objet de nouvelles fouilles depuis 2006. Est-ce la maison où a grandi Jésus ? Les données archéologiques actuelles ne permettent pas de l’affirmer, mais on peut au moins dire que, si Jésus a bien vécu à Nazareth, il a habité dans une maison similaire.

De nombreux objets ont été trouvés sur le site : des morceaux de pots brisés, un volant de fuseau (pour filer la laine et autres fibres de tissu) et des récipients de calcaire. Ces différents indices laissent penser qu’une famille juive y vivait.

Une église a été érigée sur ce lieu, deux siècles après Jésus Christ. Elle porte le nom d’« église de la Nutrition ». L’étude des textes historiques montre que l’édifice fut abandonné vers le VIIIe siècle et tombait en ruine. Les Croisés, arrivés en Terre Sainte au XIIe siècle, ont alors entrepris de le restaurer. Ce qui laisse à penser que Byzantins et Croisés accordaient une importance très grande à ce site.

Mais venant s’ajouter aux conclusions, un document de 670 corrobore le fait qu’il s’agit de la maison de Jésus. Son auteur, l’abbé Adomnan, du monastère écossais de l’île d’Iona (nord-ouest de l’Ecosse), se fonde sur le pèlerinage de l’évêque gaulois Arculfe (pèlerinage de neuf mois réalisé plusieurs années auparavant) qui mentionne une église « là où il y avait la maison dans laquelle le Seigneur a été nourri dans son enfance ». 

Mais la recherche historique et scientifique ne peut prouver l’existence d’un évêque gaulois du nom d’Arculfe…

Le tombeau du Christ est situé au cœur
de l’église du Saint-Sépulcre. 

Le tombeau de Jésus – le Saint Sépulcre

Fin octobre 2016, pour la première fois depuis au moins deux siècles, le tombeau du Christ, situé au cœur de l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, a été ouvert. 

Un phénomène inexpliqué s’est alors produit : lorsque la plaque de marbre posée au-dessus du tombeau présumé de Jésus a été déplacée, tous les appareils servant à mesurer la résonance électromagnétique du sol sont tombés en panne (principe de la résonance électromagnétique : en plaçant un objet dans un champ magnétique et en l’excitant avec une onde de fréquence adéquate, on peut connaître, grâce au signal qu’émet cet objet en retour, des détails sur sa composition chimique).

Une fois les appareils scientifiques remis en marche, les investigations effectuées sur le site confirment que les restes des pierres calcaires vénérées par des millions de fidèles comme l’un des lieux les plus saints du christianisme est bien le même site que celui découvert par les délégations de l’empereur romain Constantin, il y a près de 1700 ans.

Le mortier prélevé entre les amas de calcaire à la surface du tombeau et la dalle en marbre qui le recouvre a été daté aux environs de 345 après Jésus-Christ. Selon les récits historiques, le tombeau a été mis au jour par les Romains et recouvert en 326 de notre ère.

Selon des récits de pèlerins, le revêtement de marbre aurait été installé en 1555 au plus tard, et plus probablement au milieu du XIVe siècle.

Quand le tombeau a été ouvert, dans la nuit du 26 octobre 2016, les scientifiques ont été surpris par ce qu’ils ont découvert sous le revêtement en marbre : un autre revêtement en marbre, beaucoup plus ancien et gravé d’une croix, visiblement endommagé et reposant directement sur le tombeau originel en calcaire.

Les nouveaux résultats révèlent que la dalle de marbre inférieure a probablement été cimentée au milieu du IVe siècle sous les ordres de l’empereur Constantin, provoquant la surprise des historiens spécialisés dans l’histoire de ce monument sacré.

Principe fondamental

Les découvertes archéologiques constituent la meilleure source d’informations physiques sur la vie et l’époque des anciennes civilisations. L’archéologie biblique moderne cherche sans préjugé, sans idée préconçue, en respectant ce principe scientifique fondamental : « L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence. »

L’église Saint-Joseph de Nazareth est construite sur les vestiges de l’église de la Nutrition érigée sur ceux d’une maison où aurait pu habiter Jésus. 

De la chrysalide au papillon

Demi-deuil et cirse des champs, Chemin-Dessus.

La raison et la pensée humaine ne sont pas parvenues à résoudre les questions relatives à la dignité de l’homme. Tous les efforts de l’humanisme triomphant se heurtent à l’impossibilité de répondre au problème du péché, du mal, de la mort. L’échec de l’homme autocentré s’expose dans un désastre exponentiel. Il défend sa liberté contre Dieu, dans la revendication sans limite de ses droits. Notre Créateur a pourtant ouvert le chemin vers la vie, la paix, la justice. Il a pris à son compte le péché, nous offrant en Jésus-Christ, la vie véritable qui n’habite pas l’homme naturel. 

Texte et gravure par Olivier Taramarcaz

L’homme absorbé – David donne écho à la pensée de ceux qui rejettent Dieu : « Il n’y a pas de place pour toi dans leurs pensées. » (Ps 86, 14) * « Jamais ils n’invoquent l’Eternel ! » (Ps 14, 3) L’athée (l’homme sans Dieu, moral ou a-moral), et le païen (l’homme-dieu, polythéiste ou ésotérique), enflés d’eux-mêmes, confinés dans leur pensée, s’affirment dans un temps borné dont ils attendent tout, ignorant pourtant tout de leur attente. Leur dépendance et leur attachement au flux tendu des événements du monde, ne leur laissent pas de répit, ni aucune place pour une espérance extérieure à leur perception sensible. Capté par son appétit, l’homme reste captif de ses désirs, dans une forme d’égarement actif. Il croit à sa raison comme si elle était raisonnable, et se complait dans l’animalité de son être sensible : je sens donc je suis. Martin Heidegger évoque « l’attente mondaine » de ceux qui n’ont d’autre but que de satisfaire leur vie naturelle : « Leur attente est absorbée par ce que la vie leur apporte. »1 

On peut rater le rendez-vous avec Dieu en l’ignorant, ou en se plaçant au-dessus de sa Parole, la Bible. Tout au long des Ecritures, les prophètes ont abondamment souligné l’attitude de l’homme sans limite, sans loi autre que celle de sa subjectivité : « Celui dont l’âme s’enfle au-dedans de lui […] ne demeure pas tranquille. […] Il est insatiable. » (Habakuk 2, 5) L’homme sans Dieu, comme l’homme-dieu, est saisi de cette soif jamais satisfaite, jamais rassasié de gaver son « moi », de déployer sa volonté de puissance, de se démultiplier devant l’écran de son ego, de gonfler la bulle de ses fantasmes. L’apôtre Jean observe que le Seigneur n’est pas le bienvenu dans la vie des hommes : « La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont aimé les ténèbres plus que la lumière. » (Jn 1, 9) 

L’homme désespéré – Depuis des millénaires, la pensée humaine s’active pour poser un socle de connaissance qui permettrait à l’humanité de progresser, selon le schéma mécaniste de l’évolutionnisme. Le constat est amer : malgré tous les savoirs et connaissances accumulés, toutes les découvertes successives, l’humanité ne connaît pas de « success story ». Elle ne peut ni se réjouir dans un « happy day », ni se projeter vers un « happy end ». Elle se trouve toujours plus prise en étau, entre ordre et chaos, dans l’incapacité de produire la justice, la paix, la sécurité, la joie, le repos. 

Henry David Thoreau a écrit : « La grande majorité des hommes mène une vie de tranquille désespoir. »2 Ils ont renoncé à considérer la possibilité d’une espérance. L’écrivain franco-américain Jonathan Littell décrit cet état d’enfermement : « Longtemps, on rampe sur cette terre comme une chenille, dans l’attente du papillon splendide et diaphane que l’on porte en soi. Et puis, le temps passe, la nymphose ne vient pas, on reste larve, constat affligeant, qu’en faire ? »3 S’appuyant sur la perspective biologique, le narrateur espère qu’il pourrait en être de même pour l’être humain que pour le papillon. Mais cela n’arrive pas. 

L’homme régénéré – Pourtant, chacun porte cette pensée d’un accomplissement, d’une libération intérieure. D’où cela provient-il ? La Bible nous éclaire : « Dieu a mis dans le cœur de l’homme la pensée de l’éternité. » (Ecclésiaste 3, 11) Cette pensée, il ne peut s’en départir. Elle résonne dans la conscience comme un appel à se tourner vers son Créateur. 

Car l’homme n’a ni la capacité ni le pouvoir de s’engendrer spirituellement lui-même, de naître ou de renaître de lui-même (illusion bouddhiste). Dieu seul peut opérer, changer son cœur, le faire naître à la vie spirituelle. La nouvelle vie se manifeste par la confiance placée dans l’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ, par la décision de lui abandonner mon être-mort, ma chrysalide, marqués par le péché qui me sépare de la présence de Dieu. En recevant la vie spirituelle de Dieu, je peux expérimenter la nymphose, être ressuscité dès aujourd’hui, par Christ, transformé en une nouvelle créature, comme le papillon. 

Bibliographie 
* Les citations sans numérotation sont tirées de la Bible, avec mention des passages. 
1 Martin Heidegger, Phénoménologie de la vie religieuse, Paris, Gallimard, 2012, 113. 
2 Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois, [1854], Paris, Gallimard, 1990. 
3 Jonathan Littell, Les Bienveillantes, Paris, Gallimard, 2006.

La piscine de Bethesda

Par François-Xavier Amherdt | Photo : DR

Ce n’est pas l’exactitude archéologique qui fait la vérité des événements rapportés par les deux Testaments. Même si les fouilles n’ont pas trouvé de vestiges des colonnes constituant un « portique » dans la piscine probatique, ce qui compte, c’est la réalité de la guérison de l’infirme par Jésus, qui soigne l’homme tout entier (Jean 5, 1-18).

Le nom du point d’eau varie entre Bethesda, ou Bethsaïde en hébreu, c’est-à-dire « maison de la miséricorde (beth-hesed) et Bethzata en araméen. Si l’archéologie est précieuse, c’est pour signifier que la Révélation ne se situe pas en des lieux illusoires ou dans un temps mythologique, mais qu’elle est ancrée dans l’histoire et dans le temps, au nom même de l’Incarnation de notre Dieu dans la réalité des hommes.

Le cinquième portique, dont parle l’évangile de Jean, coupait le quadrilatère en deux espaces où se rassemblaient les eaux, utilisées ensuite au temple. Mais à côté de ces deux réservoirs se situaient encore d’autres bassins plus petits, rattachés notamment à un sanctuaire païen de guérison.

Jésus relève le paralysé, réduit depuis si longtemps (38 ans) à son état parce qu’il n’arrivait pas à être plongé dans la piscine au moment où l’ange du Seigneur descendait pour y faire bouillonner l’eau. Le Christ se présente ainsi comme le véritable guérisseur, celui qui donne et restitue la vie du corps et de l’âme. Lorsqu’il rencontre à nouveau l’infirme guéri dans le temple, le Fils de l’homme invite le bénéficiaire de l’acte salvifique à se convertir. Car rien ne sert de recevoir une grâce de libération corporelle si elle ne s’accompagne pas d’un changement de vie spirituelle. Le miracle accompli est donc le signe d’une résurrection globale de l’âme et de l’esprit.

Plus les découvertes historiques permettent de situer concrètement les œuvres de Jésus-Christ, plus celles-ci apparaissent comme crédibles à nos intelligences contemporaines, plus notre connaissance s’étoffe. Reste que la vérité du texte scripturaire échappe aux recherches scientifiques et se place sur le registre théologique du salut que le Seigneur offre à l’humanité.

Premières impressions de mon séjour sabbatique au Togo

Cela fait maintenant un mois que je réside à Aneho, au Togo, au presbytère de la cathédrale Saint-Pierre et Paul où travaille l’abbé Antoine. J’avais déjà eu l’occasion de découvrir le Kenya, le Sénégal et le Togo par deux fois, mais c’est une expérience toute différente que je vis en ce moment. L’Eglise m’a permis de vivre un temps sabbatique de 3 mois : une chance, un cadeau ! Temps sabbatique pour me ressourcer, découvrir de nouveaux horizons, m’enrichir de nouvelles expériences !

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