Alicia Scarcez

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), mars-avril 2021

Toute l’aventure spirituelle d’Alicia Scarcez s’est manifestée un jour de 2003 lorsqu’elle s’est convertie. Elle fut interpellée de manière inattendue et extraordinaire par Dieu lors d’un stage de chant grégorien. « Le chant grégorien est fondé sur l’Écriture sainte. Il est très puissant pour nous parler de Dieu, puisque c’est la Parole de Dieu revêtue de musique. C’est pour cela qu’on appelle le chant grégorien : la Bible chantée, la Bible dans le son. »

PROPOS RECUEILLIS PAR VERONIQUE BENZ | PHOTO : DR

La conversion d’Alicia est liée à la découverte du chant grégorien. « Ce chant que le Concile Vatican II a déclaré le chant propre de l’Église catholique romaine 1, a, entre tous les chants sacrés, un caractère spécial. C’est un chant d’écoute. Cela peut paraître à première vue paradoxal, mais quand on le pratique, on se rend compte qu’il s’agit moins de chanter, que de se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, de notre âme et de l’âme du Christ. » Alicia est, depuis 2016, vierge consacrée du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. « C’est une très grande grâce, j’en suis très heureuse. Ce désir d’être consacrée me porte depuis ma conversion. »

À travers sa vocation et sa profession de musicologue à l’Institut des sciences liturgiques de l’Université de Fribourg, Alicia a pu creuser son amour pour le chant liturgique, en particulier par l’étude du chant cistercien, un chant constitué à l’époque de saint Bernard, appartenant à la grande famille du chant grégorien. Comme le dit l’abbé de Clairvaux, le chant liturgique ne se contente pas de résonner aux oreilles, il perce le cœur. « Il est le Verbe qui ne résonne pas, mais pénètre ; qui n’est pas loquace, mais efficace ; qui ne retentit pas aux oreilles, mais attire le cœur 2. » Un chant qui nous met à nu, nous touche au fond de l’âme et devient ainsi un moyen efficace de conversion et de sanctification.

Une musique hors du temps

Le chant grégorien à la différence des autres chants sacrés n’est pas marqué par une époque. Selon la musicologue, « il s’inscrit dans le temps, nous le chantons à chaque office, et pourtant il est hors du temps. Il vient du fond des âges et nous met en communication avec le mystère de Dieu lui-même ».

On fait généralement remonter le chant grégorien à la fin du VIIIe siècle, au moment où les empereurs carolingiens voulant réformer la liturgie des territoires gallicans ont fait appel à Rome. Les liturgistes pensent qu’il s’opère à cette époque, une hybridation entre les chants des territoires gallicans et les chants romains. C’est de cette rencontre culturelle que nait le chant grégorien. Mais il ne constitue pas pour autant une nouveauté propre au VIIIe siècle, car il est porteur de traditions liturgiques et musicales remontant aux origines du christianisme, traditions qui elles-mêmes plongent leurs racines bien plus loin encore, dans les chants de la synagogue.

Et, selon Alicia, ce chant ancestral n’a pas dit son dernier mot… base de tout le développement de la musique occidentale, il continue de traverser l’histoire, ne cessant d’évoluer et d’inspirer les musiciens. « Il y a des compositions récentes par exemple, celles des moines de Solesmes qui ont voulu compléter le répertoire à la fin du XIXe siècle. Le fameux « Salve Regina » avec la mélodie simple que nous chantons souvent à la fin des messes en est un exemple. Espérons, conclut Alicia, que « ce trésor d’une inestimable valeur » soit redécouvert et trouve une place de choix, selon le vœu du Concile Vatican II, dans nos liturgies contemporaines. »

 

1 « L’Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine ; c’est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place. » Sacrosanctum Consilium, Constitution sur la sainte Liturgie, 116.

2 Saint Bernard, Sermons sur le Cantique 31, 6 (Sources Chrétiennes 431, pp. 438-439) : Verbum nempe est, non sonans, sed penetrans : non loquax, sed efficax ; non obstrepens auribus,
sed affectibus blandiens.

 

Biographie

D’origine belge, Alicia Scarcez a fait des études de piano au conservatoire royal supérieur de Bruxelles puis la musicologie à l’Université libre de Bruxelles. Elle s’oriente rapidement vers le chant liturgique du Moyen Âge. Elle a fait son travail de master sur un antiphonaire (recueil de chants) cistercien, puis un doctorat sur la réforme liturgique et musicale de saint Bernard.
Depuis 2014, elle travaille comme chercheuse à l’Institut des sciences liturgiques de l’Université de Fribourg.

Justice climatique maintenant !

Le Carême… quand même !

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, décanat Sion (VS), mars 2021

Temps fort pastoral et spirituel de l’année liturgique, le
Carême est habituellement rythmé par de nombreuses et diverses initiatives, soupes communautaires, chemins de croix, journée des roses, pain du partage, semaine de jeûne, Ecole cathédrale, conférences, célébrations, partages, con­certs, prières, récolte de dons, pochettes… En ce temps si particulier de pandémie et de restrictions, l’enjeu est donc de faire Carême… quand même !

PAR JEAN-HUGUES SEPPEY ET ACTION DE CARÊME
PHOTOS : CAMPAGNE ŒCUMENIQUE 2021

Méditation de Veronika Jehle

Un pied, fracturé pour les autres
Au Chili, fracturé par le pouvoir,
le pied de cette personne descendue dans la rue contre l’injustice.

Ici, moi aussi, je peux comprendre.
Vois mon pied, ma confusion,
empêtré·e que je suis dans les vicissitudes.
Vois mon inconsistance, mon hypocrisie, comme je suis fragile, mortel·le et dépendant·e.

Vois Jésus qui lave les pieds,
ce Jésus que l’artiste a vu et qu’elle a peint, son Jésus, le mien, celui de tous les temps.

Vois la nature et les fleurs,
bien plus petites et plus belles,
qui fleurissent par-delà les points de suture et les fractures. L’espoir se dessine.
Sur le Chili, je ne connais pas grand-chose;
sur notre manière d’être au monde,
assez pour comprendre.

De son côté, la campagne œcuménique de Carême (voir la photo de couverture), met en évidence certaines problématiques du monde actuel et propose aussi diverses réflexions et actions à découvrir sur www.voir-et-agir.ch.

La tenture 2021 :

« Tu m’as remis sur pied, tu m’as donné du large » (Ps 31, 9)

L’œuvre artistique de Lilian Moreno Sánchez (Buin/Chili) est basée sur une radiographie d’un pied aux os partiellement cassés et tordus. C’est celui d’une personne blessée lors des manifestations de Santiago du Chili en octobre 2019. Les jeunes manifestantes et manifestants y dénonçaient en particulier la hausse du coût de la vie et l’augmentation des inégalités sociales qui en découle.

Aux quatre coins du monde, des personnes se lèvent et exigent « du large » et l’accomplissement de la promesse du Psaume. Que ce soit contre l’exclusion sociale ou pour une politique climatique qui laisse un large espace ouvert aux générations futures.

 

Quand la foi épaule la souffrance

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur pastoral des Coteaux du Soleil (VS), mars 2021

Faut-il souffrir pour être sauvé ? Nous avons choisi d’aborder cette question sous un autre angle, en donnant la parole à un aumônier des hôpitaux, à une personne dont la foi a modifié le rapport à la souffrance et à un prêtre du secteur. Nous leur avons demandé de parler du lien entre « foi » et « souffrance » dans leur vie privée ou professionnelle.

PHOTOS : MARIE-PAULE DÉNÉRÉAZ

Abbé Janvier Nginadio Muntima, curé d’Ardon et Vétroz

Paul Claudel disait : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu pour l’expliquer, mais la remplir de sa présence. » Il est important, cela étant, de regarder la souffrance à travers Jésus. Avec lui, en effet, le chrétien prendra au sérieux la souffrance, luttera contre elle et fera preuve de compassion envers ceux qui sont accablés par la souffrance. Aussi, que Jésus ait fait de la souffrance une béatitude jusqu’à faire de la Croix la voie de salut pour l’humanité, et que saint Paul notamment ait placé la Croix au centre de sa prédication (1 Co 1, 23), c’est une invitation au chrétien à endurer la souffrance avec courage, lucidité et confiance pour saisir, paradoxalement, sa valeur éducatrice et rédemptrice.

La Passion du Christ est bienheureuse certes, et nos souffrances communion à celle du Christ, mais face à la souffrance, la foi n’est ni insensibilité ni exaltation maladive 1.

Jeanine Gabbud, un témoignage de vie

« Il faut souffrir pour mériter le ciel. » Que de fois ai-je entendu ces mots durant mon adolescence. Nourrie par cet enseignement, à 21 ans, victime d’une très grave maladie, je me suis écriée : qu’ai-je fait au Bon Dieu pour mériter cela ? J’étais révoltée, anéantie.

Face à mon désarroi, une compagne de chambre m’a dit : il y a la messe cet après-midi, tu as la foi, viens avec moi, tu verras Dieu va te consoler. J’y suis allée, mais sans conviction. Ce temps de cœur à cœur avec Dieu m’a apaisée. J’ai continué à prier quotidiennement et petit à petit j’ai ressenti une force intérieure insoupçonnée. Je n’étais plus seule à lutter. J’ai réalisé que Dieu m’assistait.

Transformée par cette expérience, j’ai pris conscience que la foi est un cadeau de Dieu à entretenir et à fortifier. Toute ma vie, elle a été ma force et mon bouclier. A 48 ans, lors d’une maladie où mon pronostic vital était engagé, j’ai ressenti à nouveau ses bienfaits.

Je peux l’affirmer : « Dieu ne veut pas la souffrance, il n’est pas venu la supprimer, ni l’expliquer, mais la remplir de sa présence. »

Martial Ducrey, aumônier

Comme aumônier, je rencontre des personnes en souffrance. Certaines cherchent le pourquoi de leurs douleurs, certaines considèrent qu’elles méritent de souffrir, d’autres que c’est injuste. Je suis toujours à leur écoute, mais je me révolte quand j’entends dire qu’il faut souffrir pour « gagner le paradis ». Non, nous n’avons pas besoin de gagner le paradis, nous avons « seulement » à ouvrir notre cœur pour accueillir l’Amour inconditionnel et infini de notre Créateur.

Dieu n’a jamais voulu que nous souffrions, mais c’est un fait : nous souffrons, alors que fait Dieu ? Il a envoyé son propre Fils pour nous témoigner sa compassion, pour nous dire sa sympathie : Dieu souffre avec nous. Il est avec nous et nous dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez, je vous procurerai le repos. » Jésus a lutté contre toute souffrance, à notre tour de faire notre possible pour atténuer les souffrances rencontrées, parfois simplement en étant Présence et écoute, parfois en offrant une parole inspirée et inspirante.

L’impôt paroissial : un mal nécessaire

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), mars-avril 2021

«Chaque franc qui est donné à l’Église est multiplié plu- sieurs fois: d’une part par la synergie des actions communes et d’autre part, et surtout, par l’engagement bénévole qui soutient nos actions» explique Patrick Major, président du Conseil exécutif de la Corporation ecclésiastique catholique (CEC). C’est grâce à l’impôt paroissial que l’Église perçoit les montants nécessaires au fonctionnement de la pastorale. Mais au fait, nous payons combien? Comment se répartit l’impôt? Comment fonctionne ce système mis en place voici trente ans? Les sorties d’Église sont parfois motivées par la volonté de ne plus payer l’impôt. Mais si je le paye, qu’est-ce que j’en retire? Petit voyage dans les méandres d’un impôt mal-aimé, mais nécessaire.

PAR JEAN-MARIE MONNERAT
PHOTOS : PIXABAY, DR

Qui paye des impôts paroissiaux ?

Les personnes physiques, de religion catholique, et les personnes morales, c’est-à-dire les entreprises. Et la loi de 1990, qui régit les rapports entre les Églises et l’État, précise que « les personnes physiques et les morales ne peuvent pas être imposées les unes à l’exclusion des autres » (art15). Il n’est donc pas possible d’exclure les entreprises du paiement de l’impôt. Chaque paroisse fixe le taux d’impôt qu’elle juge nécessaire à son fonctionnement dans le périmètre de son champ d’activité. Le taux n’est donc pas identique dans tout le canton. En moyenne cantonale, ce taux est de 7,94%. Ce qui signifie que pour chaque tranche d’impôt de 100 francs versée au canton par le contribuable, le catholique va verser 7,95 francs à sa paroisse. Ce chiffre va varier d’une paroisse à l’autre, puisqu’il s’agit d’une moyenne cantonale.

En tenant compte des rentrées des personnes morales, chaque catholique verse 300 francs par année à sa paroisse, toujours en moyenne cantonale. Le total des revenus des paroisses du canton se monte à 59 millions de francs, par année. C’est ce montant qui fait vivre l’Église fribourgeoise. Même si comparaison n’est pas tout à fait raison, les revenus fiscaux de l’État se montent à 1,3 milliards de francs, au budget 2021, pour des revenus totaux de 3,7 milliards de francs.

Ce revenu de 59 millions de francs est perçu par l’État, qui en assume la tâche administrative, est reversé aux paroisses, sous forme d’acomptes.

À quoi sont affectés ces revenus ?

Tout d’abord, la paroisse va entretenir son fonctionnement: ses locaux et son personnel. Les locaux sont l’église, les chapelles, les croix et d’une manière générale les symboles de la vie religieuse, mais également la cure, les salles paroissiales ou encore ses bâtiments. Quant à son personnel, il peut s’agir des secrétaires paroissiales, des sacristains sans oublier tout le fonctionnement de la pastorale paroissiale, comme des catéchistes ou les premières communions ou les confirmations. Enfin, la paroisse va assumer les frais d’achats propres à son fonctionnement, comme les fleurs de l’église ou les hosties.

En contrepartie le paroissien va pouvoir disposer de « son » église pour des mariages ou des enterrements.

Ensuite, la paroisse va participer aux dépenses communes. La plus importante est la caisse des ministères qui paye les salaires des prêtres et des agents pastoraux. Dans le canton de Fribourg, cela représente quelque 400 personnes, pour un montant de 10 millions de francs, réparti entre les paroisses.

Enfin, le fonctionnement de la Corporation ecclésiastique catholique (CEC) est également une tâche à la charge des paroisses. Si ces dernières coordonnent la « pastorale territoriale », c’est-à-dire la pastorale sur leur territoire, la Corporation ecclésiastique coordonne la « pastorale catégorielle », c’est-à-dire la pastorale par champs d’activité. Par exemple : la pastorale de la santé dans les EMS et les hôpitaux, la pastorale dans les institutions pour les personnes en situation de handicap, le service de la formation pour les agents pastoraux, la pastorale pour les couples et les familles, la pastorale des jeunes, l’enseignement dans les Cycles d’orientation, ou encore le service de la catéchèse et du catéchuménat du canton.

La CEC contribue également au bon fonctionnement des services de conduite du vicariat épiscopal et de l’évêché, de La Doc (librairie et médiathèque) une mine de plus de 10’000 documents (livres, revues DVD etc, ouverte à tous), et au service de la communication. Enfin, il convient de mentionner les trois missions linguistiques : lusophones, hispanophones et italophones soutenues par l’ensemble des paroisses, par le biais de la CEC.

La part de la pastorale

Toujours sans vouloir être exhaustif, il est judicieux de relever que l’Église soutient, à travers les subventions versées par la CEC, bon nombre d’organismes, comme Caritas, le Centre catholique romand de formations en Église, le centre Sainte-Ursule ou plus modestement l’émission « Coin de Ciel » du dimanche matin sur Radio Fribourg.

En guise de conclusion, et toujours d’une manière générale, une paroisse dispose des deux tiers de son budget, le dernier tiers étant lié aux dépenses de la caisse des ministères et de la Corporation ecclésiastique. Enfin, il est très difficile d’estimer la part des dépenses d’une paroisse pour la pastorale ou pour son fonctionnement, tant la frontière entre ces deux types de dépenses est ténue. Mais selon un petit sondage auprès de conseils de paroisse, une bonne moitié des dépenses concernerait la pastorale.

 

Quelle place pour la souffrance ?

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP Sainte Marguerite Bays (FR), mars-avril 2021

PAR L’ABBÉ VINCENT LATHION
PHOTOS : ABBÉ MARTIAL PYTHON, DR (LA RÉSURRECTION D’ANDREA MANTEGNA)

L’Essentiel Unité pastorale Sainte Marguerite Bays

« A travers les écueils, plongés dans la détresse,
Les saints ont constamment marché vers la sagesse. »

Imitation de Jésus Christ, L1, chap. 13

La vie semble ainsi faite qu’on ne peut la traverser sans connaître, à côté des heures de bonheur, des heures plus sombres et douloureuses ; ces épreuves dans nos vies sont-elles des voies sans issue ou peuvent-elles trouver une place dans notre cheminement ? Essayons, dans une perspective de foi, de dégager quelques pistes de réflexion.

Tout d’abord, qu’est-ce que la souffrance ? Elle est une réaction naturelle d’aversion et de tristesse en présence d’un mal qui nous touche ou qui touche l’un de nos proches.

En tant qu’être humain, le mal auquel nous pouvons être confrontés est de deux types. Le premier est un mal que nous pourrions dire « naturel », qui se retrouve dans le règne animal et végétal : nous pensons ici aux maladies et aux accidents de toute sorte qui privent un être vivant, au moins en partie, des capacités qu’il devrait posséder. Le second type de mal est un mal qui concerne les créatures capables d’agir librement. Ici, il est question des peines et des blessures causées par tous les actes humains qui ont manqué le bien qu’ils devaient viser.

Si, dans le second cas, l’origine du mal est facilement identifiable, il n’en va pas de même dans le premier où l’individu subit un tort qui ne dépend pas nécessairement de lui. Ainsi cette souffrance n’est pas liée à une faute personnelle, comme l’explique le Christ lors du drame de Siloé – la chute d’une tour avait causé la mort de 18 personnes –, et il faut en écarter toute idée de châtiment (cf. Lc 13, 4). Ce mal naturel, aussi tragique ou pénible soit-il, n’affecte pas forcément la relation à Dieu, même si très souvent, il l’éprouve durement. Le livre de Job en est la meilleure illustration dans la Bible : après avoir tout perdu, Job élève sa plainte vers Dieu alors que ses amis cherchent, par des raisonnements, à justifier le mal qui le frappe. A la fin du texte, le Seigneur donne raison à Job tandis qu’il réprimande sévèrement ses compagnons, car ils ont voulu rendre Job responsable de ses souffrances.

Ces deux types de maux, le mal naturel et le mal qui dépend de l’homme, sont certes liés de manière mystérieuse dans l’histoire du monde, mais comme nous venons de le relever, ils ne le sont aucunement – sauf cas particuliers – dans l’histoire d’un individu. Ainsi, dans les situations les plus frappantes, nous voyons des saints souffrir de terribles maladies et affronter des événements tragiques, tandis que des hommes, qui ont commis de lourdes fautes, semblent traverser la vie sans la moindre maladie ni le moindre revers de fortune. Les uns pourtant cheminent péniblement vers leur salut, pendant que les autres courent allègrement loin de leur but. Nous ne pouvons résoudre cette équation existentielle si l’on s’en tient aux seuls faits extérieurs ; nous percevons en revanche, de manière obscure, que la joie d’une vie ne peut se mesurer à ces seuls critères.

Mais comment réagir face à ces maux qui nous atteignent ? Il y a tout d’abord une forme d’apprentissage de la douleur qui ressemble à l’entraînement des sportifs avant une compétition : telles sont les différentes formes d’ascèse, qui consistent en des privations de toutes sortes. Lorsqu’elle est vécue saintement, l’ascèse permet une maîtrise plus pleine de notre corps et de nos sens, tout en laissant notre sensibilité d’âme et de cœur intacte. Notons bien cependant que ce contact avec une certaine souffrance reste libre et volontaire : on en mesure la dose et les effets pour que les conséquences en soient positives.

Puis il y a cette vraie souffrance, qui n’est plus de l’ordre de l’exercice volontaire, mais de la réalité vécue et subie. Cette souffrance relève du mystère de la croix. L’ascèse peut y préparer lointainement, mais elle ne le fait pas complètement, car l’entraînement ne remplace jamais l’expérience. Dans ces cas-là, le contact avec
la douleur n’est plus choisi ni maîtrisé, mais subi contre sa volonté et éprouvé dans toute sa profondeur. Le Christ dans les évangiles nous invite à le suivre jusqu’à traverser de telles épreuves. Mais de même qu’il n’a pas cherché la douleur de la
Passion et qu’il a demandé au Père de l’en préserver si possible (cf. Mt 26, 39), de même il ne nous incite pas à chercher la souffrance ni la persécution ; elles apparaissent d’elles-mêmes lorsque nous marchons à sa suite.

Que dire pour conclure de cette dernière forme de douleur ? La croix est une expérience terrible, mais le chrétien sait que la présence du Christ l’habite, jusque dans son cri le plus bouleversant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46) Il connaît également la fécondité mystérieuse que seul Dieu
peut lui donner, car viendra le jour où elle s’effacera devant la lumière de Pâques.

 

La passion de saint Joseph

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), mars-avril 2021

PAR L’ABBE ALEXIS MORARD
PHOTO : DR

Au début de son Évangile, saint Matthieu nous raconte l’inextricable dilemme que saint Joseph a dû affronter. Alors qu’il était fraîchement marié, il s’aperçoit que Marie son épouse est enceinte, alors même qu’ils ne vivent pas encore sous le même toit (ce qui était chose fréquente dans le mariage juif). Joseph doit-il suivre la Loi et répudier Marie, ou suivre Marie et répudier la Loi ?

Joseph, en homme juste, ne veut pas manquer à la Loi, mais il ne veut pas non plus condamner celle qu’il aime et qu’il devait, à sa manière, savoir toute pure. Joseph trouve alors une solution pour le moins originale : répudier Marie, mais « en secret », c’est-à-dire sans fournir de raison valable, de sorte que l’opprobre retombe sur lui en raison de la légèreté de son attitude par rapport à sa fiancée. Ainsi, pas d’infidélité à la Loi, et la lapidation est
évitée. Cependant, voici que la Providence va pousser Joseph bien au-delà de la solution qu’il avait imaginée :

« Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ». » (Mt 1, 19-20)

Joseph prit chez lui Marie

La réponse de Joseph et immédiate : « Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit. » (Mt 1, 24) On pourrait véritablement parler ici de la « passion » de Joseph : son amour pour Marie n’est pas diminué par son doute, au contraire, il s’en trouve assumé un étage plus haut !

Et le pape François de commenter dans sa lettre apostolique Patris Corde (n. 4) :

« Bien des fois, des évènements dont nous ne comprenons pas la signification surviennent dans notre vie. Notre première réaction est très souvent celle de la déception et de la révolte. Joseph laisse de côté ses raisonnements pour faire place à ce qui arrive et, aussi mystérieux que cela puisse paraître à ses yeux, il l’accueille, en assume la responsabilité et se réconcilie avec sa propre histoire. »

Puisse ce temps de carême, au travers des situations inextricables qui se présentent à nous en ce temps de pandémie, nous révéler plus que jamais la folle passion de Jésus pour chacune et chacun de nous, et nous encourager à le suivre jusque dans sa Pâque où il fait « toutes choses nouvelles » (cf. Ap 21, 5).

 

Rencontre avec Marguerite Carrupt…

… infirmière indépendante

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur des Deux-Rives (VS), mars 2021

TEXTE ET PHOTOS PAR VÉRONIQUE DENIS

Marguerite Carrupt est infirmière depuis plus de 35 ans. Après plusieurs années
à l’hôpital du Valais, elle complète sa
formation en soins palliatifs et en accompagnement de la personne âgée pour devenir infirmière indépendante. Elle a souhaité en quelque sorte se concentrer sur l’accompagnement des personnes
en fin de vie, car elle considère cette étape ultime primordiale pour toute personne. Un événement l’a fortement marquée :
l’accompagnement de son papa en fin de vie, il y a plus de 20 ans, en collaboration avec l’antenne François-Xavier Bagnoud. Suite à cette expérience forte en émotions, elle a entendu et répondu à cet appel : devenir infirmière indépendante.

Son choix a été aussi motivé par une prise en charge globale, pluridisciplinaire des patients à domicile, se développant sur un temps plus ou moins long, en lien étroit avec la famille et les proches.

Un mot pourrait résumer son travail : RELATION : relation d’aide, d’écoute sans jugement et dans une confiance réciproque. Marguerite précise en disant que l’essentiel de son travail, en plus des gestes techniques et des soins accomplis, consiste à être avec, à rejoindre la personne en souffrance là où elle est et l’accompagner à son rythme, jusqu’où elle veut aller. C’est une adaptation de tous les jours à vivre dans la confiance et l’abandon.

Les personnes qui arrivent au bout de leur chemin de vie sont confrontées à
une souffrance globale : douleurs physiques, souffrance psychologique, sociale (isolement, pertes des contacts) et spirituelle (Qu’ai-je fait de ma vie ?). Seule la personne peut exprimer ce qu’elle ressent. Ce qu’elle vit est parfois d’une violence extrême. Confrontée à ces situations de souffrances intenses, Marguerite se fait proche, chemine avec la personne, lui apporte ses connaissances professionnelles pour soulager, aider, anticiper, planifier les ressources disponibles. La souffrance reste un mystère, individualisé et vécu par chaque personne, de manière différente et particulière.

Croyante et ayant accompli le parcours FAME VI, Marguerite confie son travail, ses patients à la prière. Elle prie avant chaque rencontre, et elle confie à l’amour du Père les personnes décédées. Elle dit trouver dans la prière les gestes appropriés, les attitudes compatissantes pour chaque personne. A sa manière, elle témoigne
de sa foi, non par des discours, mais
par des attitudes ajustées et des actions adaptées à chaque situation.

Merci Marguerite pour le feu sacré qui t’habite : puisse ta passion d’être et de cheminer avec les personnes vers qui
tu es envoyée, se développer et te combler de joie, longtemps encore.

 

Les Conférences Saint-Vincent-de-Paul

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), mars-avril 2021

Car j’avais faim et vous m’avez donné à manger;
j’avais soif et vous m’avez donné à boire. 

Matthieu 25, 35

Soutenez-nous

Vous êtes intéressé à rejoindre bénévolement ou à soutenir
financièrement une Conférence, n’hésitez pas à contacter votre secrétariat paroissial.

Si vous avez besoin d’aide,
n’hésitez pas à vous adresser à l’Accueil Sainte Elisabeth qui fera le lien avec la Conférence Saint-Vincent-de-Paul : 026 321 20 90,
www.accueilsainteelisabeth.ch

PAR MAX HAYOZ, DIACRE, PRESIDENT DU CONSEIL PARTICULIER DES CONFERENCES SAINT-VINCENT-DE-PAUL DU DECANAT
PHOTO : DR

Pour perpétuer l’œuvre de saint Vincent de Paul (1581-1660) en faveur des plus démunis, le bienheureux Frédéric Ozanam (1813-1853) crée en 1833 avec d’autres personnes à Paris, les Conférences de Saint-Vincent-de-Paul. La Société de Saint-Vincent-de-Paul a pour objectif d’aider les pauvres afin de soulager leurs souffrances et de promouvoir leur dignité et leur intégrité humaines.

Une œuvre discrète

Le canton de Fribourg compte actuellement 30 Conférences, dont 8 sur le décanat de Fribourg. Ensemble, elles travaillent en toute indépendance et dans la discrétion pour venir en aide aux personnes dans le besoin, sans distinction de religion, d’idéologie, de race ou de classe sociale.

Elles offrent :

– un accueil discret et une écoute respectueuse,

– de l’aide rapide et efficace,

– un accompagnement (le cas échéant orienté vers les services sociaux régionaux),

– un soutien dans les démarches officielles,

– l’entremise vers d’autres institutions d’entraide (Caritas, les Cartons du cœur, SOS futures mamans…).

Au service des plus pauvres

Les Conférences Saint-Vincent-de-Paul ne peuvent qu’apporter des aides ponctuelles et ne sauraient offrir un soutien à long terme. Leur but est de donner un coup de main rapidement là où c’est nécessaire. Leurs moyens étant limités, les Conférences offrent un service de dépannages, principalement dans le domaine alimentaire.

En plus de l’aide individuelle, elles interviennent à l’occasion d’actions spéciales deux à trois fois par an, à Noël, à Pâques ou en automne.

Durant cette période de pandémie, les Conférences sont particulièrement sollicitées pour la prise en charge partielle ou totale de primes d’assurance maladie, de loyers en retard, de diverses factures (par exemple le dentiste), de l’achat de vivres, des aides souvent sollicitées à cause d’une diminution, d’une perte de salaire ou dans l’attente de toucher les indemnités journalières du chômage. Les demandes d’aide dans nos Conférences sont en constante augmentation.

Ces dernières souhaitent rester attentives aux besoins des gens, particulièrement de nos aînés afin de pouvoir offrir à chacun accueil, écoute et partage.

Souffrir pour être sauvé ?

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur des Deux-Rives (VS), mars 2021

TEXTE ET PHOTOS PAR JUDITH BALET HECKENMEYER

Jésus a souffert sous Ponce Pilate, disons-nous en récitant le symbole des apôtres.

Nous souffrons tous. En s’arrêtant un instant dans notre quotidien, nous trouvons facilement une douleur, une souffrance physique ou morale. Certaines restent dans l’ombre, d’autres sont évidentes.

A quoi peut servir la souffrance ? Nous laissons-nous écraser par elle ? Nous inviterait-elle à un dépassement ? Nous pousserait-elle à chercher à être meilleurs ?

Je rechigne à imaginer un Dieu qui serait assis sur son nuage, se délectant de la souffrance de son peuple pour mieux l’accueillir une fois trépassé. Permettez-moi un trait d’humour :

Un homme se réfugie sur le toit de sa maison car il y a une sévère inondation. Des voisins possédant une barque viennent lui demander de se joindre à eux pour aller se mettre en sécurité. L’homme répond : « Je suis très croyant, Dieu me sauvera. » L’eau monte de plus en plus. La protection civile est mise en action et vient trouver notre homme. Il ne veut toujours pas quitter son toit et redit la même phrase. L’eau monte encore et les secours héliportés viennent lui demander de partir. Il refuse toujours, et… il meurt noyé. Arrivé devant Saint Pierre, il est furieux : « Moi, je croyais fermement en Dieu. Il n’a rien fait pour me sauver ! » Sur ce saint Pierre réplique : « Les trois moyens de secours qui sont venus à toi, tu les as refusés. C’est pourtant Dieu qui te les a envoyés ! »

Un des choix de l’homme résiderait-il dans la manière de réagir à la souffrance ? Ce bref instant où tout peut changer. On parle de résilience dans la faculté à rebondir lors de traumatismes. Et si c’était cela être sauvé ? De pouvoir continuer son existence fort des expériences vécues, les utilisant comme des tremplins pour être un peu meilleur, plus aimant, plus tolérant envers soi et envers les autres, en bref plus vivant.

 

Pas un jour sans une ligne

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), mars-avril 2021

L’Essentiel Unités pastorales du Grand-Fribourg

Trois curieux avant-bras seront bientôt déposés dans les niches de molasse de la solennelle chapelle du Saint- Sépulcre, à la cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg. Il s’agit des bras-reliquaires du patron de la cathédrale éponyme, saint Nicolas de Myre et de celui du saint patron de la Suisse, saint Nicolas de Flüe. Ces deux reliquaires actuelle- ment gardés dans le trésor de la cathédrale se verront ainsi exposés aux côtés d’un nouveau venu: le bras-reliquaire de saint Pierre Canisius, projet lauréat d’un concours inter- national organisé en 2019 par le Chapitre cathédral.

PAR DANIELE PERNET | PHOTOS : MAURICE PAGE/CATH.CH *

Saint Pierre Canisius, jésuite hollandais du XVIe siècle, grand acteur de la Contre-Réforme à Fribourg (un article lui est dédié en page 16 de ce même numéro), repose depuis près de 400 ans dans l’église du collège Saint-Michel, collège dont il fut le fondateur. En avril 2021, une partie de ses restes mortels sera déposée dans un nouvel écrin pensé et élaboré par l’architecte Marc-Laurent Naef et l’artiste Frédéric Aeby (fig. 1). Leur projet, intitulé Nulla die sine linea (signifiant « pas un jour sans une ligne ») rappelle l’importance de la prédication et de l’écriture pour cet infatigable saint, qui rédige de nombreux ouvrages dans lesquels il défend corps et âme l’attachement aux préceptes catholiques et qui participe également à la création d’une imprimerie en ville de Fribourg.

Les reliques et le reliquaire

Si les reliques sont les fragments d’ossements du corps de saints que les fidèles catholiques vénèrent, les reliquaires en sont les récipients. Souvent richement décorés, ils connaissent diverses formes et permettent la conservation des reliques. Généralement, leur forme renseigne sur les os qu’ils contiennent. Pour les cas fribourgeois de saint Nicolas de Myre et de saint Pierre Canisius, il n’en est pas exactement ainsi : le reliquaire de saint Nicolas renferme depuis le XVIe siècle l’humérus du saint évêque de Myre tandis que le bras reliquaire moderne de saint Pierre Canisius conservera des fémurs, des tibias et deux autres os (à noter que les os de sa tête resteront dans le gisant de l’église Saint-Michel).

Connaître des saints

Dès le 26 avril prochain, les trois saints se verront réunis dans un seul et même lieu et les pèlerins et fidèles pourront alors les vénérer et apprendre à les connaître davantage. Pour le chanoine Claude Ducarroz, en réunissant un éminent évêque d’Orient de l’Antiquité, un laïc suisse de la fin du Moyen Âge père de famille et un jésuite qui guida notre Église dans les voies de la Réforme après le Concile de Trente, on rassemble trois formes de la sainteté, trois grandes vocations. Il ne s’agit ainsi pas tant de vénérer l’objet religieux en tant que tel, mais de faire plus ample connaissance avec des saints de chez nous, souvent méconnus et qui peuvent devenir des exemples de foi pour chacun d’entre nous.

Une main bénissante, celle de l’évêque de Myre, une autre priante, celle du saint suisse originaire du canton d’Obwald et la main de saint Pierre Canisius tenant une plume et s’apprêtant à écrire seront déposées côte à côte (fig. 2) dans la chapelle du Saint-Sépulcre. Le projet lauréat proposé par Marc-Laurent Naef et Frédéric Aeby (fig. 3) consiste en un coffret en aluminium, moins lourd et délicat que la céramique – un tel objet étant amené à être déplacé, par exemple lors d’une procession – en verre antique et en bois (pour la plume). Les trois reliquaires seront placés dans des niches déjà existantes et protégées par des grilles de fer forgé rappelant le travail des artisans de la cathédrale et s’inscrivant ainsi dans une continuité harmonieuse.

Pour les deux artistes, le fait de placer ces reliquaires dans le mur au pied de la tour de la cathédrale est significatif ; ce mouvement vertical, de la terre jusqu’au ciel « transcende les reliques des trois saints avec le thème de la Résurrection ». Il est également très symbolique pour Frédéric Aeby, qui a réalisé dix panneaux explicatifs sur le panorama de la ville de Fribourg et qui a également dessinée l’étiquette du biscôme de la Saint-Nicolas il y a quelques années !

 

Plusieurs visites, publications, vidéos sont prévues à cette occasion, dont la fondation de la nouvelle Province d’Europe centrale des Jésuites sous l’égide de saint Pierre Canisius.

Plus d’informations sur le site jesuites.ch

 

* Les photos sont tirées de l’article de cath.ch à lire sur

https://www.cath.ch/newsf/nouveau-reliquaire-pour-pierre-canisius-a-la-cathedrale-st-nicolas/

 

Souffrir pour être sauvé…

… Vraiment ?

Tiré du magazine paroixssial L’Essentiel, UP Saint-Barnabé (VD), mars-avril 2021

PAR CORINNE GOSSAUER-PEROZ, AUMÔNIÈRE (ÉGLISE CATHOLIQUE VD) ET AUTEURE DE « GARDE-MOI VIVANT ! VIEILLIR ET LE DIRE »,
PARU EN 2020 AUX ÉDITIONS SAINT-AUGUSTIN
PHOTOS : GRÉGORY ROTH / CATH.CH, CORINNE GOSSAUER-PEROZ

Aumônière dans cinq EMS de la Broye, la souffrance est au cœur de mes visites et des échanges avec les résidents. Les souffrances physiques et leur palette de douleurs anciennes, nouvelles et quotidiennes. Souffrances psychiques quand un événement, un traumatisme, une situation passée ou présente ne cesse de tourmenter l’esprit. Souffrances relationnelles parce que les proches et les contemporains sont décédés, ceux avec lesquels il était possible de dire : « Tu te rappelles… » Souffrances relationnelles quand un enfant (de 60 ans et plus !) ne donne plus de nouvelles, peu importe la raison. Souffrance et solitude commencent par la même lettre…

Pourtant, au cœur de ces souffrances, je vois et j’entends aussi le courage, la dignité, l’endurance, l’espérance et la foi. Je n’entends personne parler de ses souffrances comme une opportunité de « gagner son paradis ». Du reste, je rappellerai que « le Christ a tout accompli » (Evangile de Jean 19, 30). Il a tout porté et donné sa vie pour notre salut.

Dans l’écoute et le partage des souffrances des résidents, il nous arrive souvent de faire ce constat : la foi n’explique pas la souffrance, elle n’apporte pas de réponse et si c’était le cas, les églises seraient pleines !… La phrase de Paul Claudel me semble dire l’essentiel et le mystérieux : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu l’expliquer, mais il est venu la remplir de sa présence ». Jésus, le fils de Dieu, venu aimer et sauver les hommes, a aussi souffert en donnant sa vie. En ayant traversé la souffrance et la mort, Il peut comprendre l’épreuve de tout individu. Sa présence est consolation dans le cœur de tant de personnes que je rencontre.

Avec ou sans souffrance, la foi se nourrit dans et par la prière, la Parole de Dieu et les sacrements. Les EMS ne font pas exception à ces ressources. Dans le cheminement spirituel des personnes, la prière tient une grande place. Elle est ce lieu secret où les cris, les soupirs, les questions (« Quand vas-tu me consoler ? » Psaume 118, 82) et la reconnaissance peuvent se dire. « Si je ne prie pas, je tangue », me disait une nonagénaire. Au cœur des pertes et de la vieillesse, la prière est et demeure un élément vital. « Aux jours de ma vieillesse et de mes cheveux blancs, ne m’abandonne pas, ô mon Dieu ! » (Psaume 70, 18).

 

Via Jacobi: Autigny-Romont

Les vitraux de la Fille-Dieu

Texte et photos par Pascal Ortelli

Le mythique chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle traverse la Suisse romande, de Fribourg à Genève. Au-delà des sentiers battus, la Via Jacobi regorge de curiosités. Chaque mois, L’Essentiel prend son bâton de pèlerin et en réalise un tronçon sous forme d’une balade familiale à faire sur la journée. Aujourd’hui, cap sur Romont pour une étape tout en goudron.

Départ depuis le parking à côté de l’église d’Autigny, 3h05 aller simple, 12,4 km

1. Prenez à droite jusqu’à la zone alluviale où la Neirigue se déverse dans la Glâne. Longez cette dernière puis bifurquez à gauche. 

2. A Chavannes-sous-Orsonnens, la chapelle Saint-Jean-Baptiste vaut le détour. Sur l’autel latéral gauche, un tableau représente saint Jacques botté et saint Christophe, invoqués pour traverser les rivières. Sur la fresque à droite, l’inscription « Jacobus minor » est fautive : il s’agit bien d’une représentation de Jacques le Majeur avec la coquille et le bâton de pèlerin.

3. Quittez ensuite un instant la Via Jacobi pour monter à Orsonnens afin d’y découvrir le monastère Notre-Dame de Fatima. Vous le contournerez par la droite avant de descendre sur la route principale, à longer sur une centaine de mètres. Après avoir traversé la Neirigue, prenez à gauche pour rejoindre le tracé officiel qui surplombe la rivière jusqu’au croisement de la route de Massonens.

4. Là, cap à droite pour rejoindre l’abbaye cistercienne de la Fille-Dieu, l’une des plus anciennes à être encore habitée depuis sa fondation en 1268.

5. Poursuivez jusqu’à la gare de Romont, d’où, pour le retour, il est facile de prendre le train jusqu’à Cottens.

6. De là, prenez le petit chemin sous l’église et attaquez la montée avant de descendre en lisière du bois de Pertet pour rejoindre Autigny, en 50 minutes. 

Curiosité

Les vitraux de la Fille-Dieu
Un ensemble remarquable pour ses jeux de lumière, créé en 1996 par l’artiste britannique Brian Clarke. 

Coup de cœur

Le tofu des moines cisterciens d’Orsonnens.

Misez sur les anges gardiens

L’ange gardien, vu par Pietro da Cortona.

La Bible nous parle régulièrement du monde invisible qui nous accompagne. Redonnons leur place aux anges chargés de nous protéger.

Par Bénédicte Drouin-Jollès 
Photo: DR

Entre les chrétiens qui doutent de leur existence et ceux qui les oublient, les anges sont souvent négligés, particulièrement les anges gardiens. Combien de fois vous faites-vous du souci pour vos enfants ou petits-enfants ? Et combien de fois vous tournez-vous vers leurs anges gardiens ? Si pour cette dernière question votre score est proche de zéro, changez ! Vous avez gros à gagner ! 

Dans notre schéma mental, nous avons du mal à intégrer l’existence du monde invisible ; et pourtant invisible ne veut pas dire irréel. C’est le livre de l’Exode dans la Bible qui nous révèle l’existence des anges gardiens. « Voici que je vais envoyer devant toi un ange pour te garder en chemin et te faire parvenir au lieu que je t’ai préparé. Respecte sa présence, écoute sa voix. » (Exode 23, 20-21) La mission de cette créature céleste est claire : nous protéger sur terre et nous conduire sur le chemin de la vie éternelle. Elle est à la fois un ami, un guide et un conseiller… et ce d’autant plus que nous nous mettons à son écoute, que nous essayons de discerner.

Les saints les mentionnent régulièrement. Catherine Labouré, dans son couvent de la rue du Bac, fut guidée par son ange gardien au pied de la Vierge qui lui confia la médaille miraculeuse, Padre Pio appelait le sien « le petit compagnon de son enfance ». Quant à sainte Françoise romaine, mystique italienne du XVe siècle, elle éprouvait pour lui une grande affection. 

Nous avons tout intérêt à prier le nôtre et celui de nos proches, en particulier quand ils traversent des difficultés. Et quand les relations se tendent avec l’un ou l’autre, pourquoi ne pas demander à notre ange gardien de faciliter les relations ? 

Une belle habitude consiste à confier les tout-petits avant leur naissance à leur ange gardien dans la prière familiale. L’invocation « nos saints anges gardiens, veillez sur nous » peut la conclure judicieusement. Le petit enfant au cœur plus simple que l’adulte accueille facilement les réalités célestes, il a une affinité quasi naturelle avec son ange gardien ; celui-ci deviendra vite son compagnon et protecteur, d’autant plus que nous lui rendons sa place.

L’icône «participative» des Sœurs de Schoenstatt

Accueillir une icône quelques jours chez soi.

Par Myriam Bettens
Photo : Jean-Claude Gadmer

L’icône participative, vous con­naissez ? Non, il n’est pas question d’acquérir une image sacrée en financement commun, mais plutôt d’en accueillir une chez soi quelques jours par mois gratuitement. En Suisse, sous l’impulsion des Sœurs de Schoenstatt, 700 images partent en pèlerinage dans vos maisons. Découverte.

Un cercle de prière
Chaque mois durant trois ou quatre jours, des personnes reçoivent Jésus et Marie à travers un « sanctuaire itinérant ». Les visites régulières de l’icône de la « Mère pèlerine » permettent un partage avec Dieu, fortifient la vie religieuse et prodiguent soutien mutuel. Les familles participantes forment un cercle que le « sanctuaire pèlerin » parcourt. La première famille l’apporte à la suivante et ainsi de suite. Le mois suivant il revient durant les mêmes jours. Cette visite mensuelle invite à une rencontre avec Dieu et les autres. Un petit livret d’accompagnement donne des inspirations pour quelques instants de silence et de prière.

Un rayonnement international
Le mouvement de Schoenstatt est né de la volonté de fonder une « alliance d’amour avec Marie ». Créé en 1914 par le Père Joseph Kentenich, il réunit religieux et laïcs. Le petit noyau de fidèles constitué en Allemagne essaime ensuite dans le monde entier. En Suisse romande, les sœurs de Marie de Schoenstatt sont moins connues. Aujourd’hui, seul le Valais accueille cette communauté dédiée à Marie, à laquelle les religieuses vouent une véritable dévotion. Son rayonnement repose en grande partie sur le projet de « sanctuaire itinérant de la Mère pèlerine », dont l’une des 200 chapelles se trouve à Brigue.

La Mère Trois fois Admirable
L’initiative de la Mère pèlerine remonte à João Luiz Pozzobon (1904-1985). Ce père de famille et diacre vivait au Brésil. En 1950, il reçoit une image itinérante de « la Mère Trois fois Admirable de Schoenstatt » afin de visiter avec elle des familles durant deux mois. Il observe les nombreuses grâces que ces visites de la Sainte Vierge répandent dans les lieux où il se rend. Cette constatation assoit sa décision de développer les visites à plus grande échelle.

En librairie – mars 2021

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

Tout savoir sur saint Joseph
Dominique Le Tourneau

L’homme silencieux, le père discret des Evangiles, l’humble travailleur de Nazareth est sans doute le saint le plus prié après la mère de Jésus. Que sait-on de lui pour autant ? Vous trouverez ici son histoire racontée à partir des Evangiles et des écrits non officiels souvent repris par les Pères de l’Eglise. Maître de vie intérieure, proche de tout travailleur et gardien des familles, Joseph accompagne chacun à sa façon. Vous découvrirez son culte à travers le monde, comment le prier et une multitude d’anecdotes étonnantes… Un ouvrage pour tous, du débutant à l’érudit, qui met au grand jour la vie cachée et la splendeur du père de Jésus.

Editions Artège

Acheter pour 25.20 CHF

Joseph – L’éloquence d’un taciturne
Philippe Lefebvre

Dominicain et bibliste de renom, Philippe Lefebvre qui vient d’être nommé par le pape François membre de la Commission biblique pontificale, nous propose un voyage dans les Ecritures pour découvrir la figure de Joseph. L’Ancien Testament jette ainsi une lumière inédite sur Joseph, tandis que l’étude approfondie des textes du Nouveau Testament nous révèle la profondeur de ce personnage. Un ouvrage de choix et de qualité, fouillé, passionnant, qui nous offre de découvrir, Bible en main, ce Joseph tant cité par l’Eglise et si silencieux en apparence.

Editions Salvator

Acheter pour 32.40 CHF

Vivre du Christ avec saint Joseph
Frère Noël-Marie Rath

Vivre du Christ est une manière de voir le monde. Un art de vivre. Une invitation à pratiquer la Bonne Nouvelle à l’instar de saint Joseph, époux de Marie, père nourricier de Jésus, gardien de sa famille dans les jours heureux et dans les épreuves. Si l’Evangile est peu disert sur ce monument de silence, l’auteur en fait cependant une relecture qui démontre la sainteté exemplaire du charpentier de Nazareth : ainsi sa docilité à l’Esprit Saint et son humilité, source de bonté. Patron de l’Eglise universelle mais aussi des travailleurs, saint Joseph est un veilleur, un gardien qui aide à vivre du Christ comme lui-même l’a vécu : en témoin et en acteur de la grâce agissante de Dieu parmi les hommes.

Editions Salvator

Acheter pour 27.60 CHF

Le Veilleur – Une vie de saint Joseph
Christophe Hadevis et Rodéric Valambois

Cette bande dessinée, aussi belle que spirituelle, nous raconte d’abord la vie de saint Joseph, en restant au plus près des Evangiles et de la réalité historique. Elle nous invite ensuite dans une famille d’aujourd’hui qui, dans ses joies et ses épreuves, se confie à Joseph. Vie, dévotion, fioretti nous dévoilent le visage de celui qui prend soin de nous comme il a pris soin de la Sainte Famille, en épousant le projet de Dieu.

Editions Emmanuel

Acheter pour 22.50 CHF

Pour commander

La louange plutôt que le fléau

Par Thierry Schelling
Photo : DR

« Ma pénitence, mon Père ? », me demande une fidèle à peine confessée. « Remercier Dieu pour vous avoir permis de comprendre ceci… »
« Mais… c’est nul, comme pénitence, ça fait pas mal du tout ! » Elle part, dépitée. Reviendra-t-elle ?

Je suis un piètre confesseur : proposer la louange de Dieu plutôt que le martinet… Accueillir la caresse de sa main maternelle, de son regard fraternel qui relève toujours, de son espérance en moi en mieux, plutôt que gainer sa courroucée désespérance de ma médiocrité en régulant sa délectation de mes « aïe ! » et de mes « ouille ! »… Pourtant, Dieu n’est scandaleusement qu’AMOUR. Et confesser cela peut être contraignant pour ma vie de chrétien.ne ! Car c’est le contraire d’un Dieu vengeur ou béatement enamouré qui laisserait tout passer… Non : n’être qu’amour inconditionnel demande qu’on s’y habitue dans la durée…

Ma pénitence ? Demeurer témoin d’un Dieu bon, juste et vrai en restant bon, juste et vrai… dans la mesure du faisable… Afin que cet incommensurable Amour transperce, tôt ou tard, la carapace (sécuritaire ?) de nos résistances nourries de culpabilisation pendant des siècles. Quelle bonne nouvelle de Car’aime !

Souffrir pour être sauvé?

Bien des gens pensent que c’est en punition à une faute qu’une maladie leur tombe dessus.

« Il faut souffrir pour être sauvé » : des soignants et des aumôniers rapportent entendre encore régulièrement cette phrase terrible dans la bouche des malades. Comme si plus l’on souffre, plus on serait proche de Dieu. Alors que le Christ est venu précisément pour nous guérir et nous libérer de tous maux. Comment faire la part des choses entre les fausses conceptions doloristes et la juste participation à la Passion du Christ ?

Par François-Xavier Amherdt
Photos : Ciric, Jean-Claude Gadmer, Pxhere, DR

Un texte fondateur

C’est au Mont des Oliviers que le Christ nous livre la clé d’interprétation : « Fléchissant les genoux, Jésus priait en disant : « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse ! » Alors lui apparut, venant du ciel, un ange qui le réconfortait. Entré en agonie, il priait de façon plus insistante, et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre. » (Luc 22, 41-44) Le Fils fait tout pour écarter la souffrance loin de lui. Ce n’est pas son vœu. Il ne reste pas seul en ce moment de combat, mais il demeure en lien étroit avec le Seigneur. Finalement, il comprend qu’il ne peut pas faire autrement. Il conserve sa totale confiance envers le Père et s’abandonne à la volonté de ce dernier. Dieu ne laisse pas Jésus seul, mais lui envoie la force d’un soutien pour lui permettre de traverser l’ultime épreuve de la sueur de sang et de la mort. Même sur la croix, le Christ crie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Marc 15, 34) Et finalement, « il remet entre ses mains son esprit ». (Luc 23, 46)

Des conceptions erronées : la rétribution
« Nous savons faire de belles phrases sur la souffrance. Mais dites aux prêtres de n’en rien dire, nous ignorons ce qu’elle est. » (Cardinal Veuillot, ancien archevêque de Paris, atteint d’un terrible cancer)

Dans un sens, il vaudrait mieux que je me taise. Ce à quoi cet éclairage peut s’avérer utile, c’est à déconstruire certaines fausses conceptions continuant de « polluer » l’esprit de bien des patients.

Nous l’expérimentons régulièrement : les vieux clichés ont la vie dure ! Il faut toute la traversée des Ecritures pour briser la fausse théorie de la rétribution, encore si présente dans le monde juif : Jésus s’oppose vigoureusement au point de vue de ses disciples qui lui demandent, en présence de l’homme aveugle de naissance : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Le Maître leur réplique : « Ni lui ni ses parents n’ont péché, mais c’est afin que soient manifestées en lui les œuvres de Dieu. » (Jean 9, 2-3)

Dans cette ligne, bien des gens continuent de penser – parce que l’enseignement de l’Eglise l’a longuement inculqué et qu’un certain fatalisme superstitieux l’a véhiculé – que c’est en punition à une faute, visible ou cachée, qu’une tuile, une catastrophe ou une maladie leur tombe dessus : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour qu’une chose pareille m’arrive ? » S’y mêlent indistinctement les influences potentielles d’un « karma » défavorable, associées aux errances d’une « vie antérieure », selon la croyance illusoire en la réincarnation, ou d’un destin aveugle inspiré de la « nécessité et de la fatalité des mythologies païennes anciennes » ou de vieux restes de notions d’équilibre cosmique : « Au fond, tout se paie un jour : il n’a que la monnaie de sa pièce, il reçoit la punition des dérèglements qu’il a provoqués par ses manigances. »

Un faux dolorisme
A cela s’est ajoutée une vision du sacrifice de la croix, selon laquelle le Christ aurait dû « satisfaire » à la colère du Père et compenser la faute des humains, depuis le péché des origines, comme si c’est dans les douleurs horribles de son Fils que Dieu aurait trouvé une « substitution » suffisante pour « apaiser son courroux » (voir le cantique de Noël « Minuit chrétien ») ou dans le sang versé par le Christ de quoi réaliser sa vengeance. Ces images parfois abominables et théologiquement contestables ont habité l’imaginaire de la chrétienté pendant des siècles et n’ont hélas pas complètement disparu. Elles ont nourri un faux dolorisme et une recherche de la souffrance, comme si celle-ci permettait de gagner le paradis à coup de douleurs.

Or, tout l’Evangile le dit, c’est par sa foi radicale envers son Père, par son espérance folle en la promesse de Dieu et par amour passionné envers l’homme opprimé que le Christ nous rachète. Ce n’est pas la souffrance en elle-même de Jésus qui sauve, mais c’est son attitude d’homme pleinement croyant, espérant et aimant au cœur de sa souffrance. Ce qui rachète ne peut être que ce qui construit la personne. Ma souffrance ne peut être rédemptrice et contribuer à sauver le monde que si je partage la même attitude que le Christ, dans l’amour et le don de moi, dans la compassion et la solidarité. Je ne puis « offrir mes souffrances » que si cela signifie : donner ma vie malgré le mal, quand bien même elle est défigurée par la douleur. Le plaisir de Dieu, c’est de voir que sa présence manifestée en son Fils par l’action de l’Esprit est capable de permettre à un homme accablé de retrouver le goût de la vie et de s’en remettre entre les mains du Père.

Car le Christ n’a jamais exalté la douleur, il ne cesse au long des quatre Evangiles de soigner les blessures : « Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies. » (Matthieu 8, 17, accomplissant la prophétie du serviteur souffrant d’Isaïe 53, 4) C’est en dépit des souffrances et malgré le mal que nous sommes sauvés, pas en les recherchant. Nous sommes autorisés, voire encouragés, à hurler contre le non-sens du malheur, ainsi que les cris des Psaumes nous y invitent. Il s’agit de passer du pourquoi au pour quoi, du passé des explications à l’avenir d’une possible fécondité : comme le grain de blé ne porte pas de fruit s’il ne tombe en terre et ne meurt (cf. Jean 12, 24) ; comme la femme dans les douleurs de l’enfantement pressent déjà quelque chose de son allégresse future (Jean 16, 21) ; ainsi, dit Paul, « J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui doit être révélée ». (Romains 8, 18) C’est aimer et donner sa vie qu’il faut pour être sauvé, en communion avec la Passion du Christ : « Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jean 15, 13) Les souffrances ? Il convient de tout faire pour les écarter et, si elles deviennent inévitables, de continuer à les traverser avec amour.

A lire : 

Témoignage du vénérable François-Xavier Nguyen Van Thuan, évêque vietnamien emprisonné (Sur le chemin de l’espérance, Paris, Éd. du Jubilé, 1991)

Témoignage de Casimir Formaz, chanoine du Grand-Saint-Bernard (A l’école du Christ souffrant, Paris, Cerf, 1975) 

« Je n’ai vraiment plus envie de disserter sur la souffrance. Il n’y a plus qu’à se taire quand le mal est là. Depuis quelque temps déjà, il me tient compagnie : assis, debout, couché, c’est toujours la même chose. La fatigue, la paresse, ne me laissent plus beaucoup de réactions. C’est le moment de me ressaisir et de trouver moyen de joindre cette douleur à la douleur du Christ !

D’écrire cela, ce n’est pas difficile, mais de le vivre, à certains moments, quand la douleur ne laisse aucun répit et qu’on n’a même plus la force et l’idée de regarder un Crucifix ! Tout à l’heure je regardais le Christ en croix, je pensais que sa position était encore plus inconfortable que la mienne, je pensais qu’il n’y a rien de mieux pour nous réduire au silence, à l’adoration. Et je pensais aussi à l’éblouissante lumière qu’a apportée et qu’apporte au monde la Croix du Christ. « Par sa mort, le Christ a vaincu la mort. Alléluia ! »

Pensant à cela, je demande humblement au Christ de m’associer à sa souffrance et de faire ce qu’il a toujours fait, prendre ma souffrance sur lui, me donner force et courage pour la supporter. »

«Je complète en ma chair»

Paul veut dire qu’il est appelé à mener à terme son propre itiné­raire apostolique pour annoncer l’Evangile.

Par François-Xavier Amherdt
Photo: DR

Que voilà une parole difficile et apparemment inacceptable : « Je complète ce qui manque aux tribulations du Christ en ma chair, pour son corps qui est l’Eglise ! » (Colossiens 1, 24) D’une part, Paul n’entend pas suggérer que le Christ n’aurait pas pleinement réalisé ce que selon le dessein du Père il devait accomplir pour le salut du monde. L’apôtre n’insinue pas non plus que Jésus n’aurait pas assez souffert et que sa médiation ne serait pas parfaite, si bien que le disciple devrait porter à leur achèvement les souffrances rédemptrices.

Ce que Paul veut dire, c’est qu’à l’exemple du Fils de Dieu, il est appelé lui-même à mener à terme son propre itinéraire apostolique pour l’annonce de l’Evangile, quitte à devoir, bien malgré lui, passer par les épreuves. De même que Jésus a tout fait pour éloigner de lui la coupe de sa Passion, priant Dieu de l’éloigner de lui et s’abandonnant finalement à la volonté du Père (Matthieu 26, 42), de même Paul désire assumer totalement la charge que le Seigneur lui a confiée : révéler le mystère resté caché depuis des siècles et désormais manifesté pour toute l’humanité (Colossiens 1, 26-27). 

Et donc, pour annoncer le Christ parmi les hommes, l’apôtre des nations se dit prêt à « instruire tout homme en toute sagesse et conduire à la perfection tout être humain dans le Fils ». (Colossiens 1, 27-28) C’est uniquement pour cette cause supérieure à n’importe quelle autre, qu’il se déclare disposé à « se fatiguer et à lutter avec l’énergie du Christ qui agit en lui avec puissance »
(v. 29). Il sait que pour ce faire, il est contraint de passer par des tribulations, et donc de reproduire dans son propre corps ce que Jésus a enduré durant son existence jusqu’au calvaire.

C’est pour l’Evangile et pour l’Eglise que l’apôtre se prépare à un tel combat et qu’il va même jusqu’à y trouver de la joie. C’est la béatitude des persécutés pour le Royaume : rien de « masochiste » dans cette visée, mais au contraire, une participation plénière à l’offrande par amour de Jésus-Christ.

Empathie

La statue inaugurée par François en 2019 représente 140 migrants.

Par Thierry Schelling | Photo : dr

« Ignorer la souffrance des hommes, c’est ignorer Dieu ! » Le suc de l’Evangile (parabole du Bon Samaritain…) en raccourci, selon le pape François. Le disciple de Jésus est intéressé, interpellé, touché par la souffrance humaine sous toutes ses formes (maladie d’un enfant, drame des migrants en Méditerranée…) ; il déclarait même à Bogotá en 2017 : « Laissez la souffrance de votre frère vous gifler et vous faire bouger ! » ; et il tente d’y répondre : en actes, mais aussi par la prière et la présence dans tous les foyers de la souffrance humaine (hôpitaux, EMS, prisons, etc.). Bergoglio a commencé son pontificat par une visite à Lampedusa…

Sympathie
« La manière dont nous affrontons la souffrance […] est un critère de notre liberté de donner sens aux expériences de la vie, même lorsqu’elles nous semblent absurdes et imméritées », déclare-t-il lors du Jubilé des malades et handicapés (2016). Là réside le « secret » du disciple de Jésus : donner sens à ce qui fait mal. Le Crucifié est l’emblème chrétien par excellence, non pas par dolorisme, mais par son message : « Regardons le crucifix et lisons l’Evangile », suggérait-il lors du Carême 2020 en plein confinement. Revenir à la base, dans le fond…

Accueil
En 2019, il inaugure, sur la Piazza San Pietro, une imposante statue représentant 140 migrants, paradigme de la cruelle injustice des temps dits modernes. L’hospitalité, mot clé : accueillir l’étranger, le malade, « Sœur la mort » dans l’esprit de saint François, patronyme de ce pape jésuite pour qui « tout est moyen vers une fin », y compris la souffrance… dans la mesure où on l’accueille… 

Question de foi online

Par Chantal Salamin | Photo: DR

Lancé en 2018 par le service Eglise en dialogue et le magazine des paroisses de Berne, la version alémanique Glaubenssache-online.ch a réussi à toucher les cœurs et les intelligences. Comme le témoigne ce qu’en disent ses lecteurs : « Je donnerais volontiers ce texte à ma mère ou à mon grand-père. Peut-être retrouveraient-ils la foi, ou l’idée qu’ils se font de l’Eglise évoluerait-elle. » A leur demande, ces textes ont été traduits en français sur Question-de-foi.ch et en italien sur Questioni-di-fede.ch

Une autre image de la foi
C’est en effet « une autre image de la foi, une fenêtre ouverte sur une approche de la foi en phase avec l’évolution sociale » que veulent présenter ses créateurs, comme nous le dit André Flury, théologien, chef du service Eglise en dialogue (Berne) et responsable du site.

Aux questions clés de la foi, réparties en quatre grands thèmes : Dieu, Jésus, l’être humain et la création, les auteurs donnent des réponses en se basant sur les résultats les plus récents de la recherche théologique.

Ils « s’interrogent sur la signification des découvertes scientifiques pour la foi, respectent les autres religions, s’engagent en faveur de la sauvegarde de la création, de la dignité humaine, d’une réflexion et de comportements éthiquement responsables dans tous les domaines de la vie ».

Pour un dialogue interculturel
Les thèmes clés de la foi sont abordés dans un langage accessible par tous. Toute foi ou spiritualité étant enracinée dans une culture, ils sont abordés de manière à susciter des échanges entre toutes les personnes désireuses d’échanger, quelles que soient leurs origines culturelles.

Vous souhaitez entrer dans ce dialogue ? Laissez un commentaire au fond des articles ou sur Facebook (@question-de-foi.ch / @kirche-im-dialog / @questioni-di-fede.ch).

Sur le thème du mois
En lien avec le thème délicat et si important de ce mois, vous trouverez notamment des réponses aux questions suivantes : « La souffrance, une déchirure dans la création », « Entrer dans la dynamique divine de guérison », « De la mort à la vie – La foi en la résurrection dans le Nouveau Testament. »

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